Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Sciences économiques, sciences humaines, sciences
juridiques et politiques
La responsabilité de l'État en cas de
violation
du droit communautaire
Mémoire pour le Diplôme universitaire «Le
Droit en Europe», rédigé sous la direction de Mme
Chahira BOUTAYEB, maître de conférences, et
présenté le 25 août 2008
par
Mademoiselle GU Xian
L'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n'entend
ni approuver ni désapprouver les assertions contenues dans ce
mémoire. Elles sont propres à leur auteur, qui seul en
répond.
Sommaire
Pages
Abréviations, signes conventionnels, et
ouvrages qui ne sont cités que de façon incomplète IV
Introduction 1
Première partie : L'affirmation de la
responsabilité des États membres 3
Chapitre Ier.- Le fondement de la responsabilité
des États membres en droit communautaire 3
Section Ière.- La primauté du droit communautaire
4
A. Le principe de la primauté du droit communautaire 4
B. La mise en oeuvre du principe de la primauté du droit
communautaire 5
Section II.- La coopération loyale 7
A. Un principe inhérent au droit communautaire 7
B. Un principe complémentaire 8
Chapitre II.- L'application jurisprudentielle du principe
de la responsabilité de l'État par la Cour
de justice des Communautés européennes
10
Section Ière.- L'établissement progressif de la
responsabilité des États membres
par voie des jurisprudences communautaires 10
A. Avant l'arrêt Francovich, la
responsabilité de l'État reste dans le régime national
11
B. révolution de l'arrêt Francovich et le
développement postérieur 12
Section II.- Les conditions communautaires de mise en oeuvre de
la responsabilité
de l'État 14
A. La règle du droit communautaire violée droit
avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers 15
B. La violation de la règle est suffisamment
caractérisée 16
C. Un lien de causalité direct existe entre la violation
de la norme communautaire et le dommage causé 18
Deuxième partie : L'évolution de la
responsabilité des États membres 20
Chapitre Ier.- Des innovations achevées mais
restreintes 20
Section Ière.- Des innovations achevées par la
jurisprudence 21
A. La confirmation du principe établi et le
développement de la protection
effective des particuliers 21
B. La précision des critères à
l'appréciation de la méconnaissance manifeste 22
Section II.- Des innovations restreintes par la jurisprudence
23
Chapitre II.- Une mise en oeuvre difficile et la
réparation du préjudice causé 25
Section Ière.- La sécurité juridique et
l'autorité de la chose jugée par les
juridictions nationales 25
A. Le principe relatif de l'autorité de la chose
jugée 26
B. La primauté du droit communautaire et
l'autorité de la chose jugée 27
Section II.- La réparation du préjudice
causé 28
A. L'encadrement de l'autonomie procédurale 28
B. L'étendue du préjudice 30
Conclusion générale 32
Table des décisions citées 33
Bibliographie 34
Table de matières 36
Abréviations,
signes conventionnels, et ouvrages qui ne sont
cités que de façon incomplète
AJDA L'Actualité Juridique. Droit Administratif.
Revue fondée en 1945
sous le titre de L'Actualité Juridique. Travaux
publics, bâtiment, propriété immobilière,
concessions, dommages de guerre, reconstruction.
aff affaire
CJCE la Cour de justice des Communautés
européennes
CECA Communauté européenne du charbon et de
l'acier
coll collection
Gaz. Pal Gazette du Palais. Recueil de la jurisprudence
et la législation.
Ibid Latin « ibidem ». Le terme
utilisé dans les références d'un document,
pour éviter la répétition lorsque la
même source a été citée dans la
référence précédente. La source correspondante est
alors celle qui apparaît dans la référence
précédente.
JDI Journal de droit international
LGDJ La Librairie générale de droit et de
jurisprudence. Un éditeur français.
op. cit Latin « opus citatum » ou
« opere citato ». Le terme utilisé pour
indiquer une référence bibliographique lorsque
l'oeuvre a déjà été cité.
PUF Presses Universitaires de France. Fondée en 1921. La
plus grande
maison d'édition universitaire en France.
Rec Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés
européenne
RDUE Revue du droit de l'Union européenne
RFDA Revue française de Droit Administratif
RMUE Revue du Marché unique européen
RTDE Revue trimestrielle de droit européen
La responsabilité de l'État en cas
de
violation du droit communautaire
Introduction
1.- Dans nos démocraties modernes, nous sommes
convaincus que l'État de droit ne peut être réalisé
qu'en travers du contrôle judiciaire des activités de
l'État. L'aphorisme de Saint- Just indiquait la légitimité
de ce contrôle: « tous les arts ont produit leurs merveilles; l'art
de gouverner n'a presque produit que des monstres »1.
2.- De même, le contrôle judiciaire des
agissements des États membres est une garantie essentielle du
système juridique de la Communauté européenne. En effet,
selon Mme Chahira Boutayeb, le droit qui émane de l'Union
européenne ne peut connaître une pleine efficacité que par
une mise en oeuvre par les États membres, seuls à pouvoir
appliquer matériellement le droit communautaire2.
3.- Le système juridique de l'Union européenne
a un caractère unique par rapport à toutes les autres
organisations internationales du monde. Mme Chahira Boutayeb estime que «
la distinction fondamentale entre le droit communautaire et le droit
international constituait le point de départ d'une nouvelle conception
des rapports qui pouvaient régir les États membres et les
personnes à partir d'une entité supra étatique
»3.
4.- La prééminence du droit communautaire est
une des conceptions fondatrices au coeur de ce nouvel ordre juridique.
Autrement dit, la Communauté européenne, « en imposant un
droit commun du marché, [...] ouvre aussi un marché commun de
droit. Le monopole étatique de création de normes est rompu. La
règle nationale se trouve confrontée à d'autres,
supérieures ou rivales »4.
5.- La croissance du rôle du droit communautaire et
l'accélération de la construction européenne
entraîne la relativisation de la conception traditionnelle de la
souveraineté de l'État5.
1 A. DE SAINT-JUST, Discours sur la Constitution de la
France, 24 avril 1793.
2 C. BOUTAYB, Droit européen : Institutions, ordre
juridique, contentieux, Paris : Ellipses, 2007, p. 277.
3 Ibid, p. 251.
4 R. JACOB, La décision judiciaire en Europe dans la
perspective de l'histoire comparée. Eléments de synthèse,
in : R. JACOB, (dir.), Le juge et le jugement dans les traditions
juridiques européennes, Paris : LGDJ, 1996, p. 416.
5 P. ROSANVALLON, La démocratie inachevée,
Paris : Gallimard, 2000, pp. 20-26.
L'engagement de la responsabilité des États
membres est directement lié à la souveraineté de ceux-ci
dans le mouvement de l'intégration européenne. Cette question se
révèle donc particulièrement sensible.
6.- Pour cette raison, la Cour de justice des
Communautés européennes a longtemps resté silencieuse sur
le sujet de la responsabilité des États membres du fait des
violations du droit communautaire. Cela explique sans doute le pragmatisme et
la prudence de la Cour de justice lorsqu'elle s'abstient d'énoncer un
principe et d'en tirer d'emblée les leçons de la
pratique6. M. Mehdi estime que la solution posée par la Cour
de justice est une satisfaction purement théorique7. On se
souvient combien de l'arrêt Francovich8, pilier en
matière de responsabilité des États membres, fut mal
accueilli par certains à l'époque, alors qu'il est
communément accepté aujourd'hui9.
7.- La Cour avait elle-même tranché la question
de la responsabilité des violations du droit communautaire imputable au
législateur national10 et à l'autorité
judiciaire11. Il serait donc intéressant d'étudier
l'affirmation de l'affirmation de la responsabilité des États
(Première partie) puis de retracer l'évolution de ce principe
(Deuxième partie).
6 T. UYEN DO, « Responsabilité des États
membres, arrêt Traghetti del Mediterraneo », RDUE,
2006, pp. 695-698, sp. p. 698.
7 V. R. MEHDI, note sous l'arrêt Köbler de la
CJCE, JDI 2/2004, pp. 552-559.
8 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, aff.
C-6/90 et C-9/90, Rec., p. I-5357.
9 T. UYEN DO, « Responsabilité des États
membres, arrêt Traghetti del Mediterraneo », op.
cit., p. 698.
10 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, aff. C-46 et C-48/93, Rec., p. I-1131.
11 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
aff. C-224/01, Rec., p. I- 10239; CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del
Mediterraneo, aff. C-173/03, Rec., p. I-63 87.
Première partie.
L'affirmation de la responsabilité des
États membres.
8.- La protection des droits fondamentaux des particuliers
s'impose dans les Traités de l'Union européenne aussi bien que la
Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH). Cette protection ne
peut être assurée que par une garantie judiciaire efficace et une
réparation adéquate des dommages causés en la violation du
droit communautaire par les États membres.
9.- Le fondement du principe de la responsabilité des
États membres en droit communautaire (Chapitre Ier ) a
justifié les applications jurisprudentielles faites par la Cour de
justice des Communautés européennes (Chapitre II).
Chapitre Ier.
Le fondement de la responsabilité des
États membres en droit communautaire.
10.- Pour justifier l'engagement de la responsabilité
des États membres en cas de violation du droit communautaire, la Cour de
justice des Communautés européennes se fonde sur la
primauté du droit communautaire (Section Ière) et l'obligation de
la coopération loyale issue de l'article 10 du Traité CE (Section
II).
Section Ière.
La primauté du droit communautaire.
11.- Le principe de la primauté du droit communautaire
(A) assure l'application uniforme du droit communautaire par les États
membres et la protection des droits conférés aux particuliers par
le droit communautaire. La responsabilité des États membres
constitue un moyen de la mise en oeuvre de la primauté du droit
communautaire (B).
A. Le principe de la primauté du droit
communautaire.
12.- Dans le système juridique communautaire, le
principe de la primauté du droit communautaire est une garantie de
l'application uniforme du droit communautaire par les États membres. Mme
Chahira Boutayeb le définit qu « 'en cas de conflit avec une norme
interne, le droit communautaire prévaut, bénéficiant d'une
place supérieure sans aucune réserve »12.
13.- La Cour de justice des Communautés
européennes a souligné, dans la célèbre l'affaire
Costa c/ E.N.E.L., « qu'issu d'une source autonome, le droit
communautaire ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique
originale, se voir judiciairement opposer un texte quel qu'il soit, sans perdre
son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base
juridique de la Communauté elle-même »13. A cette
époque là, la primauté du droit communautaire ne se
trouvait pas encore expressément consacré dans les
traités.
14.- Sans être mentionné par les traités
fondateurs, ce principe a aujourd'hui un fondement juridique avec le paragraphe
2 du protocole n° 7 annexé au Traité d'Amsterdam du 2
octobre 1997. Ce paragraphe consacre l'acquis communautaire et les «
principes mis au point par la Cour de Justice en ce qui concerne la relation
entre le droit national et le droit communautaire »14.
15.- Selon Mme Chahira Boutayeb, à la
différence du droit international classique, le droit
12 C. BOUTAYEB , Droit européen : Institutions, ordre
juridique, contentieux, op. cit., p. 252.
13 CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ E.N.E.L., aff. 6/64,
Rec. p. 1149, n° 3.
14 V. paragraphe 2 du Protocole sur l'application des principes
de subsidiarité et de proportionnalité du Traité
d'Amsterdam, version publiée Journal officiel n° C 340 du 10
novembre 1997.
communautaire dispose d'un ordre juridique propre qui se
trouve être intégré au système juridique des
États membres, et qui s'impose aux juridictions nationales 15
. La Cour de justice des Communautés européennes a
considéré dans l'arrêt Van Gend en Loos que «
la Communauté constitue un nouvel ordre juridique [...] dont les sujets
sont non seulement les États membres mais également leurs
ressortissants. [...] Le droit communautaire, indépendant de la
législation des États membres, de même qu'il crée
des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à
engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique
»16.
16.- Dans le but de garantir un fonctionnement dynamique des
règles de la Communauté, le droit communautaire impose aux
États membres d'assurer une application uniforme et correcte au sein du
système interne. Pour la Cour de justice des Communautés
européennes, le droit communautaire peut s'imposer à la
règle du droit interne des États membres, y compris les
dispositions constitutionnelles17.
B. La mise en oeuvre du principe de la primauté du
droit communautaire.
17.- Dans la même logique, le respect du principe de la
primauté exige l'existence d'un recours effectif au profit des
particuliers et d'un contrôle juridictionnel en cas de violation du droit
communautaire par les États membres. Les États ont pour
obligation « d'assurer un contrôle juridictionnel effectif
»18 du respect des dispositions communautaires applicables.
18.- La Cour de justice des Communautés
européennes affirme dans l'arrêt Francovich et Bonifaci
que « la pleine efficacité des normes communautaires serait mise en
cause et la protection des droits qu'elles reconnaissent serait affaiblie si
les particuliers n'avaient pas la possibilité d'obtenir
réparation lorsque leurs droits sont lésés par une
violation du droit communautaire imputable à un État membre
»19. Donc les États membres doivent réparer les
dommages causés par ses actes contraires au droit communautaire. Le
mécanisme de la responsabilité de l'État est un moyen de
la mise en oeuvre de la primauté du droit communautaire et se sert aussi
une « protection
15 C. BOUTAYEB, Droit européen : Institutions, ordre
juridique, contentieux, op. cit., p. 253.
16 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff.
26/62, Rec., p. 3, n°. 3.
17 V. D. RITLENG, « Le principe de primauté du droit
de l'Union », RTDE vol. 41, n° 2, avril-juin 2005, pp.
285-303.
18 CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec., p.
1651, n° 13.
19 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
op. cit., n°3 3.
qui n'est jamais illusoire, mais complète et
effective20 ».
19.- Par conséquent, le juge interne doit assurer la
primauté du droit communautaire dans son activité
juridictionnelle. Il est un rouage essentiel de l'ordre juridique communautaire
et droit garantir la protection des droits des justiciables21.
Après l'arrêt Köbler22, ce principe a
rencontré l'obstacle de l'autorité de la chose jugée que
nous verrons dans la deuxième partie.
20.- Il est important de rappeler également que
l'effet direct d'une disposition communautaire n'est pas une condition
impérative pour qu'une norme puisse être invoquée en cas de
la réparation des préjudices causés par des violations du
droit communautaire imputables aux États membres. Autrement dit,
l'absence de transposition d'une directive n'est pas un obstacle pour un
requérant invoquer celle-ci dans le litige. Dans l'arrêt
Francovich, la Cour de justice des Communautés
européennes a indiqué qu'en l'absence d'effet direct, le
requérant peut engager la responsabilité de l'État «
à défaut de mesures d'application prises dans les délais
»23.
21.- D'ores et déjà, une nouvelle
catégorie de droits conférés aux particuliers est
créée par la Cour de justice des Communautés
européennes. M. Simon estime que cet ensemble d'exigences de la
responsabilité des États membres visant à garantir
l'effectivité de la protection juridictionnelle des droits issus du
droit communautaire24.
20 G. TESAURO, « Responsabilité des États
membres pour violation du droit communautaire », RMUE, n°3,
1996, pp. 15-34, sp. p. 16.
21 A.-S. BOTELLA, « La responsabilité du juge
national », RTDE, n° 40 (2), avr.-juin 2004, pp. 283-3 15,
sp. p. 292.
22 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit.
23 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
op. cit., n°11.
24 D. SIMON, « Droit communautaire et responsabilité
de la puissance publique - Glissements progressifs ou révolution
tranquille? », AJDA, n° 20, avril 1993, pp. 235-243, sp. p.
238.
Section II. La coopération loyale.
22.- On adhère à l'Union européenne, les
États membres de l'Union européenne ont promis de respecter et
d'appliquer le droit communautaire d'une façon de la coopération
loyale qui est un principe inhérent au droit communautaire (A),
même si ce principe a caractère complémentaire (B) au
régime de la responsabilité des États membres.
A. Un principe inhérent au droit communautaire.
23.- Dans son arrêt Francovich, la Cour de
justice des Communautés européennes a affirmé l'obligation
de coopération loyale en précisant que le principe de la
responsabilité trouve « également son fondement dans
l'article 5 (actuellement article 10) du traité, en vertu duquel les
États membres sont tenus de prendre toutes les mesures
générales ou particuliers propres à assurer
l'exécution des obligations qui leur incombent en vertu du droit
communautaire »25.
24.- Cette obligation est énoncée à
l'article 10 comme « les États membres prennent toutes mesures
générales ou particuliers propres à assurer
l'exécution des obligations découlant du présent
traité ou résultant des actes des institutions de la
Communauté ; ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa
mission ». L'article 10 suppose que les États et les institutions
communautaires collaborent de bonne foi dans le respect des dispositions du
traité. Mme Chahira Boutayeb estime que « celui-ci impose aux
États non seulement de faciliter la mise en oeuvre du droit
communautaire en manière positive mais aussi de s'abstenir de toute
mesure susceptible de mettre en péril la réalisation de ses
objectifs en manière négative »26.
25.- Tous les organes de l'État ont l'obligation donc
de jouer le jeu de la façon de la coopération loyale et respecter
les dispositions du traité des Communautés européennes.
Cette conception unitaire de l'État offre la possibilité de la
responsabilité de l'État dans le cas l'auteur
25 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
op. cit., n°3 6.
26 C. BOUTAYEB, Droit européen : Institutions, ordre
juridique, contentieux, op. cit., p. 278.
de manquement du droit communautaire est un du pouvoir
législatif, judiciaire ou exécutif ou de l'administration. La
responsabilité de l'État s'étend, bien entendu,
également aux entités publiques décentralisées ou
fédérées que sont par exemple, les Communautés et
les Régions27.
26.- La Cour de justice développe ce principe de la
responsabilité de l'État concernant l'auteur du dommage. Pour
justifier une telle conception, la Cour de justice se fonde sur un raisonnement
en vertu du droit international qui considère que les organes de
l'État sont réputés de l'État28.
L'idée de l'unité de l'État en droit international, qui a
justifié en son temps la responsabilité de l'État, vaut
naturellement à l'identique pour l'ordre juridique de la
Communauté européenne29.
B. Un principe complémentaire.
27.- Il convient de porter notre attention sur le fait,
qu'après l'arrêt Francovich, la référence
à l'obligation de loyauté communautaire a été
abandonnée dans la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes. Par exemple, la Cour de justice ne fait
aucune référence explicite à cet argument dans
l'arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame
III30, aussi bien que dans son arrêt
Köbler31, la Cour de justice se fonde sur une formule
elliptique. L'arrêt Brasserie du pêcheur n'ajoute rien
à la détermination du fondement de la responsabilité de
l'arrêt Francovich.
28.- Cependant, M. Schockweiler a considéré que
« cette référence à l'article 5 (actuellement article
10) du traité CEE n'est pas un point central ni un élément
indispensable du raisonnement de la Cour [...] La référence
à l'article 5 (actuellement article 10) du traité CEE constitue
tout au plus une confirmation ou une illustration du principe que le fondement
de la responsabilité de l'État doit être trouvé dans
le système du traité »32 . Pour M. Simon,
l'article 10
27 G. VANDERSANDEN et M. DONY, La responsabilité des
États membres en cas de violation du droit communautaire, Bruxelle
: Bruylant, 1997, p.21.
28 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n° 34. La Cour estime que «
dans l'ordre juridique international, l'État, dont la
responsabilité serait engagée du fait de la violation d'un
engagement international, est également considéré dans son
unité, que la violation à l'origine du préjudice soit
imputable au pouvoir législatif, judiciaire ou exécutif. Il doit
en être d'autant plus ainsi dans l'ordre juridique communautaire que
toutes les instances de l'État ».
29 D. SIMON, « La responsabilité des États
membres en cas de violation du droit communautaire par une juridiction
suprême, à propos de l'arrêt Köbler »,
Europe, novembre 2003, pp. 3-6, sp. p.4.
30 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit.
31 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit.
32 F. SCHOCKWEILER, « La responsabilité de
l'autorité nationale en cas de violation du droit communautaire »,
RTDE, 1992, pp. 27- 50, sp. p. 42.
ne représente qu'une justification
complémentaire33.
29.- En essayant d'éviter des critiques concernant la
référence à l'article 10, la Cour de justice des
Communautés européennes a abandonné cette
référence contestable. On peut déduire de ce changement
que la responsabilité des États membres en cas de violation du
droit communautaire n'a pas besoin d'être justifiée par
l'obligation de loyauté communautaire. L'article 10 a un
caractère accessoire et sert uniquement à renforcer le fondement
de la responsabilité des États membres.
33 D. SIMON, « Droit communautaire et responsabilité
de la puissance publique - Glissements progressifs ou révolution
tranquille? », op. cit., sp. p. 237.
Chapitre II.
L'établissement du principe de la
responsabilité de
l'État par la Cour de justice des
Communautés
européennes.
30.- Le mécanisme de sanction des faits de violation
du droit communautaire par des États membres a été
développé en pratique, à travers de l'engagement de la
responsabilité de l'État par voie de jurisprudences
communautaires (Section Ière). La Cour de justice, en même temps,
a précisé les conditions de mise en oeuvre de cette
responsabilité dans divers arrêts (Section II).
Section Ière.
L'établissement progressif de la
responsabilité des États
membres par voie des jurisprudences communautaires.
31.- La Cour de justice des Communautés
européennes a reconnu implicitement très tôt le principe
général de la responsabilité des États membres par
voie jurisprudentielle. Cependant, la référence à
l'engagement de la responsabilité de l'État restait toujours dans
le régime national avant l'arrêt révolutionnaire de
Francovich (A). A partir de cet arrêt, le développement
postérieur (B) continue de consolider et de préciser la
portée et les conditions de ce principe.
A. Avant l'arrêt Francovich, la responsabilité
de l'État reste dans le régime national.
32.- Le principe de la responsabilité de l'État
en cas de violation du droit communautaire n'est pas une idée nouvelle.
En effet, dès les années 60, la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes a exprimé des
affirmations concernant l'obligation de réparation. Dans son arrêt
Humblet c/ État Belge, la Cour a considéré que,
si elle « constate dans un arrêt qu'un acte législatif ou
administratif émanant des autorités d'un État membre est
contraire au droit communautaire, cet État est obligé, en vertu
de l'article 86 du traité CECA, aussi bien de rapporter l'acte dont il
s'agit que de réparer les effets illicites qu'il a pu produire
»34.
33.- Pendant trente ans après l'affaire Hum
blet, la jurisprudence concernant ce problème est très
nombreuse. La Cour de justice des Communautés européennes a
néanmoins toujours restreint l'obligation de l'État membre de
réparer les préjudices causés aux particuliers sur les
dispositions et les conditions prévues par le droit national. Par
exemple, dans son arrêt Russo quant à la
méconnaissance de la portée d'un règlement communautaire,
la Cour de justice des Communautés européennes a
déclaré que « dans le cas où un tel préjudice
aurait été causé par le fait d'une violation du droit
communautaire, il incomberait à l'État d'en assumer, à
l'égard de la personne lésée, les conséquences dans
le cadre des dispositions du droit national relatives à la
responsabilité de l'État »35.
34.- La responsabilité pour les violations du droit
communautaire ne trouvait son fondement que dans le droit national,
jusqu'à la révolution de l'arrêt Francovich du 19
novembre 1991.
34 CJCE, 16 décembre 1960, Humblet c/ État
belge, aff. 6/60, Rec., p. 1125, n° 7.
35 CJCE, 22 janvier 1976, Russo c/ AIMA, aff. 60175,
Rec., p. 45, n° 9.
B. La révolution de l'arrêt Francovich et le
développement postérieur.
35.- Selon M. Simon, l'arrêt Francovich
représente un véritable arrêt de principe36.
L'arrêt Francovich représente la première
décision de la Cour de justice des Communautés européennes
imposant le principe communautaire de la responsabilité des États
membres pour les violations du droit communautaire37. De même,
la Cour a énoncé clairement que le principe de la
responsabilité de l'État trouve « directement son fondement
dans le droit communautaire »38.
36.- Dès lors, le principe de la responsabilité
a un caractère communautaire, non plus seulement un concept national. La
Cour de justice a jugé dans cet arrêt que « le principe de la
responsabilité de l'État pour les dommages causés aux
particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables
est inhérent au système du traité »39.
37.- Le juge national doit trancher la responsabilité
de 1 'État en cas de violation du droit communautaire en vertu des
dispositions communautaires. Pour Mme Chahira Boutayeb, une telle
reconnaissance dans l'arrêt Francovich était loin
d'être acquise au regard du principe d'autonomie institutionnelle et
procédurale dont pouvaient se prévaloir aisément les
États membres40.
38.- En outre, la Cour de justice a énoncé
trois conditions au droit à réparation : la violation du droit
communautaire doit être imputable à l'État, l'existence
d'un dommage résultant de l'atteinte portée à un droit du
particulier et un lien de causalité entre la violation et le
dommage41.
39.- Par la suite, la Cour a précisé le
régime et les conditions d'engagement de la responsabilité des
États membres du fait de la violation communautaire dans l'affaire
Brasserie du pêcheur ( à propos de la
responsabilité du législateur ). En effet, la Cour a jugé
que « l'obligation de réparer les dommages causés aux
particuliers par les violations du droit communautaire ne saurait
dépendre des règles internes de répartition des
compétences entre les pouvoirs constitutionnels » 42 . C'est dans
cette décision que la Cour de justice précise les conditions
d'engagement de la responsabilité des États membres. Elle a
énoncé que la violation doit être
36 D. SIMON, « Droit communautaire et responsabilité
de la puissance publique - Glissements progressifs ou révolution
tranquille? », op. cit., sp. p. 236.
37 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
op. cit., n° 37: « Le droit communautaire impose le principe
selon lequel les États membres sont obligés de réparer les
dommages causés aux particuliers par les violations du droit
communautaire ».
38 Ibid, n° 41.
39 Ibid, n° 35.
40 C. BOUTAYEB, Droit européen : Institutions, ordre
juridique, contentieux, op. cit., p. 285.
41 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, op.
cit., n° 40.
42 CJCE, 5mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame
III, op. cit., n° 33.
suffisamment caractérisée. Cette condition a
été précisée comme « la méconnaissance
manifeste et grave par un État membre comme par une institution
communautaire, des limites qui s'imposent à son pouvoir
d'appréciation »43.
40.- Lors de l'affaire Köbler la Cour de
justice s'est prononcée directement sur la responsabilité de
l'État du fait de la violation du droit communautaire par une
juridiction statuant en dernier ressort44. De même, la
responsabilité de l'État membre dépend de
l'appréciation par la Cour de justice de la notion de « violation
suffisamment caractérisée » du fait d'une fonction
juridictionnelle. Dans cet arrêt, la Cour de justice offre un faisceau
d'indices en précisant la deuxième condition pour
déterminer l'existence d'une violation
caractérisée.45 La violation du droit communautaire
peut résulter de la constations de la violation de l'obligation du
recours à la procédure du renvoi préjudiciel ou d'une
méconnaissance manifeste d'une de ses décisions
préjudicielles d'interprétation.46
41.- Dans son arrêt plus récent Traghetti
del Mediterraneo ( ci-après TDM)47 du 13 juin 2006, la
Cour de justice a confirmé et précisé la solution
posée par l'arrêt Köbler. Dans le litige d'origine,
TDM demandait la réparation du dommage causé par la violation des
règles de concurrence du droit communautaire devant la juridiction de
Naples. Le juge italien rejetait la demande de TDM en interprétant du
droit italien. En droit italien, du fait des interprétations du droit
par les juridictions ne peut pas causer la responsabilité de l'Etat. Le
tribunal de Gênes a posé une question préjudicielle
à la Cour de justice afin de savoir si le droit italien était ou
non conforme au droit communautaire.
42.- L'arrêt Traghetti del Mediterraneo va
plus loin dans le raisonnement. Dans cet arrêt, la Cour de justice admet
que la violation du droit communautaire imputable à une juridiction
suprême qui peut « résulter une responsabilité de
l'État membre découle d'une interprétation des
règles de droit ou d'une appréciation des faits effectués
par le juge national, limite par ailleurs cette responsabilité aux seuls
cas du dol et de la faute grave du juge »48. La Cour de justice
énonce que « le droit communautaire s'oppose à une
législation nationale qui exclut, de manière
générale, la responsabilité de l'État membre pour
les dommages causés aux particuliers du fait d'une violation du droit
communautaire imputable à une juridiction statuant en dernier ressort au
motif
43 Ibid, n° 55.
44 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 33.
45 Ibid, n° 55.
46 V . A.-S. BOTELLA, « La responsabilité du juge
national », op. cit.
47 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
op. cit.
48 Ibid, n° 24.
que la violation en cause résulte d'une
interprétation des règles de droit ou d'une appréciation
des faits et des preuves effectuées par cette juridiction. Le droit
communautaire s'oppose également à ce qu'une législation
nationale qui limite l'engagement de cette responsabilité aux seuls cas
du dol ou de la faute grave du juge, si une telle limitation conduisait
à exclure l'engagement de la responsabilité de l'État
membre concerné dans d'autres cas où une méconnaissance
manifeste du droit applicable, telle que précisée aux points 53
à 56 de l'arrêt Köbler, précité, a
été commis »49.
Section II. Les conditions communautaires de mise en
oeuvre de la responsabilité de l'État.
43.- Après avoir examiné le fondement et
l'histoire de l'établissement du principe communautaire de la
responsabilité de l'État pour les violations du droit
communautaire, nous étudierons les conditions de la mise en oeuvre de ce
principe.
44.- Comme nous avons déjà mentionné
antérieurement, la Cour de justice des Communautés
européennes a déterminé pour la première fois
certaines conditions minimales pour engager la responsabilité de
l'État dans son arrêt Francovich. La première
condition est que la règle du droit communautaire violée doit
avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers (A). La
deuxième condition est que la violation de la règle soit
suffisamment caractérisée (B). La troisième est qu'un lien
de causalité direct existe entre la violation de la norme communautaire
et le dommage causé (C).
A. La règle du droit communautaire violée
doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers.
45.- Dans l'arrêt Francovich, la Cour de
justice des Communautés européennes a estimé que le
résultat prescrit par la directive comportait l'attribution de droits au
profit des particuliers50. Autrement dit, il faut démontrer
l'existence d'une violation d'une règle supérieure de droit
protégeant les particuliers.
46.- Il faut donc distinguer les règles de droit
communautaire conférant des droits aux particuliers de celles
découlant des rapports entre la Communauté et les États
membres. En vertu de cette condition, seules ces premières pouvant
donner lieu à réparation. La question est délicate et
complexe de savoir si la règle violée devait produire l'effet
direct.
47.- M. Simon a estimé que la règle selon
laquelle la norme du droit communautaire violée doit avoir pour objet de
conférer des droits aux particuliers n'est pas une exigence d'effet
direct, puisque précisément la directive en cause dans l'affaire
Francovich était dépourvue d'effet
direct51.
48.- Dans l'affaire Brasserie du pêcheur et
Factortame III, la Cour de justice des Communautés
européennes a considéré que la première condition
« est manifestement remplie en ce qui concerne l'article 30
»52. M. Vandersanden a estimé qu'il ne faudrait pas pour
reconnaître la responsabilité de l'État, se contenter de
l'examen purement objectif de la norme de droit communautaire méconnue,
tenant en ce qu'elle a pour objet de conférer des droits à des
particuliers et - en cas de non-transposition d'une directive - que ces droits
soient suffisamment identifiables53.
49.- Or il est possible d'obtenir réparation de
l'État pour les préjudices causés par sa
méconnaissance d'une disposition dépourvue d'effet direct qui
engendre des droits au profit des particuliers.
50 CJCE, 19novembre 1991, Francovich et Bonifaci, op.
cit., n° 40.
51 D. SIMON, « Droit communautaire et responsabilité
de la puissance publique - Glissements progressifs ou révolution
tranquille? », op. cit., sp. p. 238 et « La
responsabilité de l'État saisie par le droit communautaire
», AJDA, n° 7, 1996, pp. 489-499, sp. p. 492.
52 CJCE, 5mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame
III, op. cit., n° 54.
53 G. Vandersanden et M. Dony, La responsabilité des
États membres en cas de violation du droit communautaire, op.
cit., p. 35.
B. La violation de la règle est suffisamment
caractérisée.
50.- Cette condition de la méconnaissance manifeste du
droit communautaire est le plus difficile et délicate des trois
conditions cumulatives 54. Pour apprécier si la violation est
suffisamment caractérisée, la Cour de justice des
Communautés européennes laisse aux juridictions nationales qui
sont « seules compétentes pour établir les faits des
affaires au principal et pour caractériser les violations du droit
communautaire en cause »55. Dans l'arrêt
Haïm, elle a déclaré qu'il appartenait au juge
national de vérifier si une violation suffisamment
caractérisée a été commise en
l'espèce56. De même, l'appréciation de la preuve
que l'État en question est coupable d'une méconnaissance
manifeste et grave du droit communautaire est « fonction de chaque type de
situation »57.
51.- Selon M. Barav, l'exigence d'une violation suffisamment
caractérisée est susceptible de conférer au
législateur une immunité virtuelle et a été
étroitement rattachée à la nature normative de la mesure
génératrice du préjudice lorsque les auteurs des actes
disposaient d'une marge d'appréciation
discrétionnaire58.
52.- Dans ce souci, la Cour de justice des Communautés
européennes, après avoir établi des conditions minimales
dans l'arrêt Francovich, précise la conception de
méconnaissance manifeste progressivement à l'occasion des
arrêts suivants pour le but de limiter le pouvoir d'appréciation
du juge national.
53.- Dans l'arrêt Brasserie du pêcheur et
Factortame III, la Cour de justice énonce que la violation doit
être caractérisée. La juridiction compétente doit
prendre en considération « le degré de clarté et de
précision de la règle violée, l'étendue de la marge
d'appréciation que la règle enfreinte laisse aux autorités
nationales ou communautaires, le caractère intentionnel ou involontaire
du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère
excusable ou inexcusable d'une éventuelle erreur de droit, la
circonstance que les attitudes prises par une institution communautaire ont pu
contribuer à l'omission, l'adoption ou au maintien de mesures ou de
54 C. BOUTAYEB, Droit européen : Institutions, ordre
juridique, contentieux, op. cit., p. 286.
55 G. VANDERSANDEN et M. DONY, La responsabilité des
États membres en cas de violation du droit communautaire, op.
cit., p. 36.
56 CJCE, 4 juillet 2000, Haïm, aff. C-424/97, Rec.
p. I-5123, n° 111.
57 CJCE, 8 octobre 1996, Dillenkofer, aff. C-178/94,
Rec., p. I-4845, n° 24.
58 A. BARAV, « Responsabilité et
irresponsabilité de l'État en cas de méconnaissance du
droit communautaire », Gouverner, administrer, juger, Paris :
Dalloz, 2002, pp. 431-470, sp. p. 446.
pratiques nationales contraires au droit communautaire
»59.
54.- Pour la suite, la Cour de justice annonce directement
dans son arrêt Köbler que la responsabilité de
l'État pour des dommages causée par la décision d'une
juridiction nationale statuant en dernier ressort est régie par les
mêmes règles60. La seule spécificité
reconnue au régime de cette responsabilité procède de la
prise en compte de la spécificité de la fonction
juridictionnelle61.
55.- La Cour de justice utilise un faisceau d'indices pour
apprécier l'existence d'une violation manifeste du droit communautaire
dans cet arrêt. Le juge national doit tenir compte de tous les
éléments de l'espèce « parmi lesquels figurent
notamment, le degré de clarté et de précision de la
règle violée, le caractère délibéré
de la violation, le caractère excusable ou inexcusable de l'erreur de
droit, la position prise par une institution communautaire ainsi que
l'inexécution, par la juridiction en cause, de son obligation de renvoi
préjudiciel en vertu de l'article 234, 3e alinéa, du
Traité CE »62 . La violation du droit communautaire peut
résulter de la constatation de la violation de l'obligation du recours
à la procédure du renvoi préjudiciel ou d'une
méconnaissance manifeste d'une de ses décisions
préjudicielles d'interprétation63.
56.- Or, dans l'arrêt Traghetti del
Mediterraneo, la Cour de justice a développé la mesure de la
responsabilité et ainsi a élargi l'appréciation de
l'existence d'une violation manifeste à l'exercice d'activités
d'interprétation et d'appréciation. Elle a affirmé les
critères de la méconnaissance manifeste établis dans
l'arrêt Köbler64.
57.- En outre, en cas de transposition incorrecte d'une
directive, la violation ne sera pas suffisamment
caractérisée65. Une telle transposition ne sera pas
considérée comme une violation qualifiée à engager
la responsabilité de l'État, en raison des ambiguïtés
et des incertitudes, et de même, l'État membre a une marge
d'appréciation quant à la mesure de transposition des directives
communautaires.
59 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n° 56.
60 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 52.
61 A.-S. BOTELLA, « La responsabilité du juge
national », op. cit., p. 302.
62 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 55.
63 A.-S. BOTELLA, « La responsabilité du juge
national », op. cit., sp. pp. 304-306.
64 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
op. cit., n° 43.
65 CJCE, 26 mars 1996, British Telecommunications, aff.
C-392/93, Rec., p. I-1631; CJCE, 24 septembre 1998, Brinkmann
Tabakfavriken, aff. C-319/96, Rec., p. I-5255.
C. Un lien de causalité direct existe entre la
violation de la norme communautaire et le dommage causé.
58.- La troisième condition imposée par la Cour
de justice des Communautés européennes est l'existence d'un lien
de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe
à l'État et le préjudice subi par la personne
lésée. Pour la Cour de justice des Communautés
européennes, le juge national peut « vérifier si la personne
lésée a fait preuve d'une diligence raisonnable pour
éviter le préjudice ou en limiter la portée
»66.
59.- Il convient d'observer que dans l'arrêt
Francovich, la Cour de justice n'a utilisé que la formule
d'« un lien de causalité »67 mais dans
l'arrêt Brasserie, elle a fait référence plus
stricte d'« un lien de causalité direct »68. En
effet, dans l'arrêt Dillenkofer rendu après l'arrêt
Brasserie, la Cour de justice était revenue à la formule
« un lien de causalité »69.
60.- Par conséquent, il a causé une certaine
confusion et il était difficile de savoir si ce nouveau libellé
constitue un abandon implicite de l'exigence d'un lien de causalité
direct ou une simple omission de la Cour de justice des Communautés
européennes dans la rédaction de l'arrêt
Dillenkofer.
61.- Cette question est légitime et depuis
l'arrêt Köbler, le doute n'est plus permis. Dans cet
arrêt, la Cour de justice a confirmé « qu'il existe un lien
de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe
à l'État et le dommage subi par les personnes
lésées »70. De même, dans son arrêt
Traghetti del Mediterrane, la Cour de justice continue à faire
référence à « un lien de causalité direct
»71.
62.- Une question plus délicate et complexe est celle
du cas de recours en annulation si le requérant peut demander la
réparation d'un dommage après la suppression de la cause du
dommage. Pour M. Vandersanden, il ne fait pas une exception pour engager la
responsabilité de l'État membre. Il pose ensuite la double
condition de l'exercice préalable d'un recours en annulation : (a) une
subordination du recours en indemnité par rapport au recours en
annulation
66 CJCE, 28 novembre 1995, Brasserie du pêcheu et
-Factortame III, op. cit., n° 84 ; CJCE, 8 octobre 1996,
Dillenkofer, op. cit., n° 72.
67 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, op.
cit., n° 40.
68 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheu et
-Factortame III, op. cit., n°65.
69 CJCE, 8 octobre 1996, Dillenkofer, op. cit.,
n° 27.
70 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 51.
71 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
op. cit., n° 45.
doit exister et s'appliquer en droit interne et qu'elle puisse
être pratiquement ou sans difficulté excessive être
exercée; (b) les droits ainsi reconnus et effectivement octroyés
au particulier composent intégralement le préjudice dont il se
prévaut72.
Deuxième partie.
L'évolution de la responsabilité
des États membres.
63.- Dans ce mouvement jurisprudentiel initié par la
Cour de justice des Communautés européennes au début des
années 90, la Cour de justice avance plus rapidement et audacieusement
dans l'évolution de la responsabilité des États membres.
En énonçant l'engagement de la responsabilité des
États membres du fait d'une décision juridictionnelle nationale
statuant en dernier ressort, la Cour de justice montre certaines innovations
achevées mais restreintes (Chapitre Ier). La problématique de la
mise en oeuvre difficile et la réparation du préjudice (Chapitre
II) nous inspire les innovations possibles dans l'avenir.
Chapitre Ier.
Des innovations achevées mais restreintes.
64.- Il s'agit ici de deux arrêts importants quant au
développement nouveau rendus ces dernières années dans le
régime de la responsabilité des États membre, à
l'occasion de l'extension de la solution énoncée par des
jurisprudences antérieures, les arrêts Köbler et
Traghetti présentent certaines innovations achevées (Section
Ière). Cependant, on observe en même temps des innovations
restreintes (Section II), qui marquent une étape supplémentaire
à l'égard de la consolidation du principe de la
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire.
Section Ière.
Des innovations achevées par la jurisprudence.
65.- Même si l'arrêt Köbler et
Traghetti ne peuvent pas véritablement être
considérés comme une révolution majeure au principe
établi par jurisprudence antérieure, les deux arrêts
illustrent l'évolution notable de l'engagement de la
responsabilité de l'État du fait d'une violation découlant
d'une décision juridictionnelle statuant en dernier ressort. Dans ces
arrêts, la Cour de justice continue à confirmer encore le principe
établi et porte la protection effective des particuliers à un
niveau plus élevé (A). De même, la Cour de justice ne
s'arrête jamais à la précision des critères de
l'appréciation de la méconnaissance manifeste (B).
A. La confirmation du principe établi et le
développement de la protection effective des particuliers.
66.- Même si dans son arrêt Brasserie,
la Cour de justice des Communautés européennes a
déjà énoncé implicitement la responsabilité
de l'État membre en cas de violation du droit communautaire imputable
à l'organe judiciaire interne73, l'arrêt
Köbler fut la première décision de la Cour de
justice qui a engagé la responsabilité de l'État du fait
de l'activité d'une juridiction suprême dans le cas où un
refus de poser une question préjudicielle constituerait une
méconnaissance manifeste. L'arrêt Traghetti del Mediterraneo
a précisé les aspects et les modalités trois ans plus
tard.
67.- Il ne fait aucun doute que les deux arrêts ne
contreviennent à la solution posée par les jurisprudences
antérieures. Ils ont consolidé le principe de la
responsabilité établi par la Cour de justice. La Cour de justice
a indiqué le fait que « dans l'ordre juridique international,
l'État dont la responsabilité est engagée du fait de la
violation d'un engagement international est considéré dans son
unité, il doit en être d'autant plus ainsi dans l'ordre juridique
communautaire74. Mme Pingel
73 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n° 34.
74 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 32.
estime que « le point mérite d'être
relevé, pour la mention faite par la Cour du droit international auquel
il serait faux, en conséquence, de soutenir qu'elle répugne
à s'inspirer »75.
68.- Dès lors, dans l'arrêt
Köbler, la protection effective des particuliers dans le domaine
de l'activité judiciaire a développé
considérablement. Cependant, selon M. Simon, la Cour a rejeté en
pratique les prétentions d'un requérant alors même qu'elle
lui donne totalement raison sur le plan théorique76.
69.- Ainsi, l'arrêt Traghetti a
confirmé la solution posée par l'arrêt
Köbler. La Cour de justice a ajouté que ce principe peut
s'agir ainsi du cas « où le juge national interprète d'une
manière telle qu'elle aboutit, en pratique, à une violation du
droit communautaire applicable »77. De plus, pour justifier un
droit à réparation, la Cour se fonde sur l'effet utile de
l'arrêt Köbler qu'« exclure, dans pareilles
circonstances, toute responsabilité de l'État en raison du fait
que la violation du droit communautaire découlant d'une opération
d'interprétation des règles de droit effectuée par une
juridiction, reviendrait à vider de sa substance même le principe
posé par la Cour dans l'arrêt Köbler
»78 . A présent, on peut dire que le principe
dégagé par la jurisprudence Köbler s'applique
à tous les éléments de l'acte de juger, et ainsi en est-il
de même de l'activité juridictionnelle qui peut être soumise
à une action en responsabilité.
B. La précision des critères de
l'appréciation de la méconnaissance manifeste.
70.- Les critères de l'appréciation de la faute
pour engager la responsabilité de l'État membre diffèrent
selon ce qui est prévu dans les ordres juridiques
nationaux79. Par exemple, les conditions d'engagement de la
responsabilité de l'État membre retenu par le Conseil
d'État lors de la décision Darmont80 pose
l'exigence d'une faute lourde. Dans l'arrêt United D
istillers81 , la Cour
75 I. PINGLE, « La responsabilité de l'État
pour violation du droit communautaire par une juridiction suprême,
à propos de l'arrêt Köbler de la CJCE du 30
septembre 2003 », Gaz. Pal., Rec. mars-avril 2004, pp. 723-728,
sp. p. 724.
76 D. SIMON, « La responsabilité des États
membres en cas de violation du droit communautaire par une juridiction
suprême, à propos de l'arrêt Köbler »,
op. cit., sp. p.6.
77 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
op. cit., n° 35.
78 Ibid, n° 36.
79 M-C. BERGERES, « La responsabilité d'un
État membre pour la violation du droit communautaire imputable à
une juridiction suprême », Revue de Droit Fiscal, n°
36, septembre 2006, pp. 1492-1497, sp. p. 1494.
80 C. É., Sect., 29 décembre 1978, Sieur Darm
ont.
81
Cass. Com. 21 février 1995,
Société United Distillers et autres c. Agent judiciaire du
Trésor.
de cassation a jugé la nécessité d'une
faute lourde82. Pour cette raison, il faut la Cour de justice unifie
les conditions d'engagement de la responsabilité de l'État membre
du fait de la violation du droit communautaire. Ceci a pour objectif principal
de garantir une égale et effective protection des particuliers sans
déterminer leur nationalité mais aussi d'assurer la
primauté de l'ordre communautaire par rapport aux ordres nationaux.
71.- Dans l'affaire Köbler, la Cour de justice
a abandonné l'exigence du caractère « grave
»83 de la violation du droit communautaire, seul le
caractère « manifeste » de celle-ci étant
requis84.
72.- Dans l'arrêt Traghetti, la Cour de
justice précise les critères posés par la jurisprudence
Köbler quant à la législation italienne. Selon le
droit italien, la responsabilité du fait des fonctions juridictionnelles
ne peut être engagée que pour « dol », « faute
grave » ou « déni de justice ». A cet égard, la
Cour de justice reconnaît la légitimité pour le droit
national de préciser les dispositions d'engager la responsabilité
de l'État, mais ces dispositions « ne sauraient, en aucun cas,
imposer des exigences plus strictes que celles découlant de la condition
d'une méconnaissance manifeste du droit applicable, telle qu'elle a
été précisée aux points 53 à 56 de
l'arrêt Köbler »85.
Section II. Des innovations restreintes de la
jurisprudence.
73.- Il s'agit ainsi de l'application des conditions
d'engagement de la responsabilité dans l'arrêt
Köbler. Pour la violation du droit communautaire commis par le
Verwaltungsgerichtshof, la Cour de justice des Communautés
européennes énonce que l'appréciation erronée d'un
arrêt antérieur de la Cour de justice ne peut pas être
considérée comme une violation manifeste86.
74.- Pour Mme Pingel, le tribunal Verwaltungsgerichtshof
devait interroger la Cour de
82 A.-S. BOTELLA, « La responsabilité du juge
national », op. cit., sp. p. 307.
83 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n° 45.
84 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 53.
85 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
op. cit., n° 44.
86 Ibid, n° 123.
justice par voie préjudicielle, à défaut
de quoi, la responsabilité de l'État devait pouvoir être
engagée 87 . M. Simon estime ainsi que la combinaison
cumulative de ces deux acrobaties juridiques de la juridiction de renvoi
atteint manifestement le degré de la violation suffisamment
caractérisée exigé pour l'engagement de la
responsabilité de l'État88. Cela nous montre la
prudence de la Cour de justice dans le développement de la solution
jurisprudentielle établie.
75.- Dans le même sens, en commentant l'affaire
Traghetti, M. Simon estime qu'il est regrettable que la Cour n'ait pas
profité de l'occasion pour mettre davantage l'accent sur la mise en jeu
de la responsabilité de l'État du fait de l'absence de renvoi
préjudiciel par une juridiction suprême89.
76.- Concernant le champ d'application de ce principe,
l'arrêt Köbler ne dit pas explicitement si
l'épuisement préalable des voies de droit interne est une
condition pour engager la responsabilité des États membres au
niveau du système communautaire. Selon M. Huglo, cette condition devrait
être admise dans l'avenir, notamment dans le cas exceptionnel où
le juge a méconnu de manière manifeste le droit
applicable90.
77.- En outre, dans l'arrêt Köbler, le
gouvernement de la République d'Autriche demandait la Cour de justice
à se prononcer sur l'exigence de symétrie entre les deux
régimes de la responsabilité de l'État membre et la
responsabilité extra contractuelle de la Communauté. Or la Cour
de justice n'admet pas pour la Communauté les même conditions de
ses autorités juridictionnelles et tourne la question concernant
l'exigence de symétrie entre eux91.
78.- A l'occasion de l'affaire Traghetti, la Cour de
justice ne précise plus les deux questions évoquées de
l'arrêt Köbler.
87 I. PINGLE, « La responsabilité de l'État
pour violation du droit communautaire par une juridiction suprême,
à propos de l'arrêt Köbler de la CJCE du 30
septembre 2003 », op. cit., sp. pp. 727-728.
88 D. SIMON, « La responsabilité des États
membres en cas de violation du droit communautaire par une juridiction
suprême, à propos de l'arrêt Köbler »,
op. cit., sp. p. 6.
89 D. SIMON, « Consolidation de la responsabilité des
États membres du fait des violations imputables aux juridictions
nationales », Europe, août-sepetembre 2006, Comm n°
232, pp. 9-11, sp. p. 10.
90 J.-G. HUGLO, « La responsabilité des États
membres du fait des violations du droit communautaire commises par les
juridictions nationales : un autre regard », Gaz. Pal., Rec.
2004, Jur. pp. 34-40, sp. p. 38.
91 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 21.
Chapitre II.
Une mise en oeuvre difficile et la
réparation
du préjudice causé.
79.- L'application uniforme du droit communautaire et la
protection effective des particuliers par voie de la responsabilité des
États membres ne peut aboutir à l'absence de mise en oeuvre dans
le système du droit national. Il reste que l'application de la solution
retenue dans ses arrêts pose des problèmes auxquels la Cour n'a
pas apporté de réponse explicite. Le juge national est
obligé de choisir entre le principe de l'autorité de la chose
jugée et le principe de la primauté du droit communautaire
(Section Ière). La Cour de justice entraîne également des
difficultés pratiques non négligeables, qui obligeront les
États membres à réparer du préjudice causé
(Section II) de façon effective et adéquate.
Section Ière. La sécurité
juridique et l'autorité de la chose jugée par les juridictions
nationales.
80.- Il s'agit un dilemme pour le juge national ainsi bien
que le juge communautaire. Pour résoudre le problème de la
contradiction entre la primauté du droit communautaire et
l'autorité de la chose jugée (A), la Cour de justice a
énoncé le caractère relatif de ce dernier (B).
A. Le principe relatif de l'autorité de la chose
jugée.
81.- Après l'arrêt Köbler, une
nouvelle problématique a été posée sur la
contradiction entre la responsabilité des États membres du fait
de violation du droit communautaire par les juridictions suprêmes et
l'autorité de la chose définitivement jugée. Certains
États sont intervenus devant la Cour de justice, craignant que cette
responsabilité dénature l'essence de la fonction
juridictionnelle.
82.- On retrouve à cet égard le premier
arrêt rendu par la Cour de justice concernant l'autorité de la
chose jugée dans son arrêt Eco Swiss92. Dans
cet arrêt, la Cour de justice a reconnu l'existence de ce principe de
l'autorité de la chose jugée. La Cour a énoncé que
« une sentence arbitrale intermédiaire revêtant le
caractère d'une sentence arbitrale finale qui n'a pas fait l'objet d'un
recours en annulation dans le délai imposé acquiert
l'autorité de la chose jugée et ne peut plus être remise en
cause par une sentence arbitrale ultérieure »93.
83.- Cependant, dans l'affaire Kühne et
Heitz94, la Cour de justice n'a pas remis en cause le principe
fondamental de l'autorité de la chose jugée. A la lecture,
l'arrêt Kühne et Heitz a été jugé
contraire au droit communautaire, par la motivation exagérée de
la Cour de justice95. La Cour de justice a jugé dans le
dispositif que « le principe de coopération découlant de
l'article 10 CE impose à un organe administratif, saisi d'une demande en
ce sens, de réexaminer une décision administrative
définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la
disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour »96.
84.- Dans l'affaire Rosmarie Kapferer97,
la Cour de justice a énoncé que « le droit communautaire
n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter l'application
des règles de procédure internes conférant
l'autorité de la chose jugée à une décision,
même si cela permettait de remédier à une violation du
droit communautaire par la décision en cause »98.
85.- A cet égard, on peut déduire qu'une
sanction du manquement du juge à ses obligations
92 CJCE, 1er juin 1999, Eco Swiss, aff.
C-126/97, Rec., p. I-3055.
93 Ibid, n° 48.
94 CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, aff.
C-453/00, Rec., p. I-837.
95 J.-G. HUGLO, « Primauté du droit communautaire
et autorité de la chose jugée par les juridictions nationales
», Gaz. Pal., Rec. janvier-février 2007, pp. 269-274, sp.
p. 269. V. également Z. PEERBUX-BEAUGENDRE, « Autorité de la
chose jugée et primuaté du droit communautaire »,
RFDA, mai-juin 2005, pp. 473-482.
96 CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, op. cit.,
n° 27.
97 CJCE, 16 mars 2006, Rosmarie Kapferer, aff. C-234/04,
Rec., p. I-25 85.
98 Ibid, n° 21.
communautaires vise simplement la réparation du dommage
mais non la révision de l'acte étatique.
B. La primauté du droit communautaire et
l'autorité de la chose jugée.
86.- Lors de l'engagement de responsabilité des
États membres du fait de la violation du droit communautaire commise par
les juridictions nationales, le rapport entre la primauté du droit
communautaire et l'autorité de la chose jugée devient une
problématique complexe et délicate.
87.- En effet, l'extension de la responsabilité de
l'État membre aux actes imputables à ses juridictions risquerait
de remettre en cause l'autorité de la chose définitivement
jugée99. En admettant qu'il s'agit d'un principe
général du droit reconnu dans l'ordre juridique communautaire, la
Cour de justice estime que « la reconnaissance du principe de la
responsabilité de l'État du fait de la décision d'une
juridiction statuant en dernier ressort n'a pas en soi pour conséquence
de remettre en cause l'autorité de la chose définitivement
jugée d'une telle décision [...] en tout état de cause, le
principe de la responsabilité de l'État inhérent à
l'ordre juridique communautaire exige une telle réparation, mais non la
révision de la décision juridictionnelle ayant causé le
dommage »100.
88.- De même, dans l'affaire Traghetti, le
gouvernement italien a interrogé la Cour de justice concernant
l'autorité de la chose jugée qui s'attachait à la
décision de la Cour suprême. La Cour de justice ne la pas
répondus différemment à la citation de son arrêt
Köbler.
89.- Pour résoudre l'apport entre la primauté
du droit communautaire et l'autorité de la chose jugée, la Cour
de justice applique le principe d'équivalence dans ses arrêts. La
Cour de justice rappelle plusieurs fois dans ses arrêts que « en vue
de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques
qu'une bonne administration de la justice, il importe que des décisions
juridictionnelles devenues définitives après épuisement
des voies de recours disponibles ou après expiration des délais
prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause
»101. Pour M. Huglo, l'admission en droit communautaire de la
responsabilité des États membres du fait des violations commises
par les juridictions nationales témoigne de l'impossibilité de
remettre en
99 D. SIMON, « La responsabilité des États
membres en cas de violation du droit communautaire par une juridiction
suprême, à propos de l'arrêt Köbler »,
op. cit., sp. p. 4.
100 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 39.
101 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 38 ; CJCE, arrêt 16 mars 2006, Rosmarie
Kapferer, op. cit., n° 20.
cause ces décisions autrement que par l'engagement
à l'encontre de l'autorité publique d'une action en
responsabilité ayant un autre objet et des finalités
différentes, laquelle constitue indirectement une reconnaissance de
l'autorité de la chose jugée102.
Section II. La réparation du préjudice
causé.
90.- Dans l'affaire Francovich, la Cour de justice a
énoncé le principe selon lequel, « c'est dans le cadre du
droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État
de réparer les conséquences du préjudice causé. En
effet, en l'absence d'une réglementation communautaire, c'est à
l'ordre juridique interne de chaque État membre qu'il appartient de
désigner les juridictions compétentes et de régler les
modalités procédurales des recours en justice destinés
à assurer la pleine sauvegarde des droits que les justiciables tirent du
droit communautaire »103. La Cour de justice a établi
l'appréciation du préjudice causé et l'étendue de
la réparation des dommages(B) sur le principe de l'autonomie
procédurale (A).
A. L'encadrement de l'autonomie procédurale.
91.- Le droit communautaire garde le silence sur les
conditions et les voies permettant d'obtenir réparation. Il est donc
nécessaire que le juge communautaire laisse jouer les règles de
l'autonomie institutionnelle et procédurale des droits
nationaux104.
92.- Cependant ce principe de l'autonomie institutionnelle et
procédurale n'est pas absolu. Il connaît certaines
limites105. A cet égard, le juge national a pour obligation
d'écarter les
102 J.-G. HUGLO, « Primauté du droit communautaire
et autorité de la chose jugée par les juridictions nationales
», op. cit., sp. p. 274.
103 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
op. cit., n°42.
104 D. SIMON, Le système juridique communautaire,
Paris : PUF, coll. « Droit fondamental », 3e éd.,
2001, p. 155.
105 G. VANDERSANDEN et M. DONY, « La
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire », op. cit., p.47.
restrictions du droit national à l'égard de la
responsabilité de l'Etat qui sont susceptible de « rendre en
pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice par les particuliers
du droit à réparation » 106 . Pour cadrer cette autonomie
nationale, un double critère doit être pris en
considération : d'une part, celui de la non-discrimination ou plus
exactement du traitement égal des conditions requises en matière
de réclamation fondée sur le droit interne et de
réclamation fondée sur le droit communautaire et, d'autre part,
celui de la praticabilité du régime de réparation tel
qu'organisé en droit national107.
93.- Le principe d'identification de traitement dans le
régime de réparation des dommages a été
invoqué par la Cour de justice afin d'assurer une protection effective
des droits des particuliers.
94.- En outre, l'existence d'une faute est une condition de
la réparation du préjudice prévue dans plusieurs
systèmes nationaux. Dans l'affaire Brasserie du pêcheur,
le Bundesgerichtshof a interrogé la Cour de justice sur la
question de savoir si le juge national « dans le cadre de la
législation nationale qu'il applique, peut subordonner la
réparation du préjudice à l'existence d'une faute
intentionnelle ou de négligence dans le chef de l'organe étatique
auquel le manquement est imputable »108. La Cour de justice n'a
répondu pas la négative en relevant que « la notion de faute
n'a pas le même contenu dans les différents systèmes
juridiques »109. La Cour de justice a ensuite confirmé
la seule condition suffisante de « violation caractérisée
». D'autres conditions supplémentaires comme « une faute
» sont donc exclues parce que « l'obligation de réparer les
dommages causés aux particuliers ne saurait être
subordonnée à une condition tirée de la notion de faute
allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée
du droit communautaire »110.
95.- La Cour précise dans l'affaire
Köbler, qu «'il faut de la méconnaissance manifeste
d'une décision de la Cour ou de la méconnaissance de l'obligation
de renvoi visée à l'article 234 CE, et que c'est la simple
constatation de cette méconnaissance qui conditionne l'existence du
droit à réparation du justiciable »111.
96.- Dans l'arrêt Traghetti, la Cour de
justice a continué à confirmer que la condition de violation
caractérisée est suffisante et a précisé qu'il ne
saurait en aucun cas imposer des exigences
106 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n°68.
107 G. VANDERSANDEN et M. DONY, « La
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire », op. cit., p.49.
108 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n°75.
109 Ibid, n° 76.
110 Ibid, n° 79.
111 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 57.
plus strictes que celles énoncées par l'arrêt
de Köbler112.
B. L'étendue du préjudice.
97.- Quant à la réparation matérielle du
préjudice, la Cour a affirmé dans l'arrêt
Brasserie que « la réparation des dommages causés
aux particuliers par des violations du droit communautaire doit être
adéquate au préjudice subi, de nature à assurer une
protection effective de leurs droits »1 13 . Donc deux
critères ont été posés par la Cour de justice - la
réparation adéquate et effective.
98.- En effet, le juge national dispose que la marge
d'appréciation consiste à fixer en fixant l'étendue de la
réparation. Mais en aucun cas, les critères ne sauraient
être aménagés de manière à rendre en pratique
impossible ou excessivement difficile la réparation114.
99.- La Cour de justice a ensuite donné des
instructions sur ce point. En premier lieu, le juge national doit «
vérifier si la personne lésée a fait preuve d'une
diligence raisonnable pour éviter le préjudice ou en limiter la
portée et si, notamment, elle a utilisé en temps utile toutes les
voies de droit qui étaient à sa disposition »115.
Par la suite, la Cour a indiqué qu «'en aucun cas, le juge national
ne peut exclure totalement, au titre du dommage, le manque à gagner subi
par les requérant, en cas de violation du droit communautaire
»116.
100.- Pour rendre effective la réparation du dommage
causé par l'État membre à des particuliers en cas de
violation du droit communautaire, il faut y voir la volonté de la Cour
de justice d'indiquer au juge national la voie la plus conforme et
adéquate pour assurer la réparation du préjudice subi et
de l'inviter à la suivre117.
101.- Malgré toutes les hypothèses
théoriques, il est regrettable, pour M. Simon, que Gerhardt Köbler,
Andrea Francovich et Danila Bonifaci ou comme la Brasserie du
pêcheur soient condamnés à n'obtenir aucune
réparation, en dehors de la satisfaction morale d'avoir donné
leur
112 CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
op. cit., n° 44.
113 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n°82.
114 Ibid, n° 83.
115 Ibid, n° 84.
116 Ibid, n° 87.
117 G. VANDERSANDEN et M. DONY, « La
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire », op. cit., sp. p.58.
nom à de grands arrêts qui passeront à la
postérité118.
Conclusion générale
102.- Le principe de la responsabilité des
États membres en cas de violation du droit communautaire s'inscrit donc
dans l'oeuvre jurisprudentielle de la Cour de justice des Communautés
européennes. En illustrant la capacité de la Communauté
à prendre en compte les attentes individuelles, la jurisprudence de la
Cour de justice atteste de la maturité du système juridique
commun119.
103.- La question du manquement de l'État membre dans
l'ordre juridique communautaire est complexe et délicate. Dans sa
jurisprudence, la Cour de justice a réussi à proclamer que ce
régime était « inhérent à l'ordre juridique
» et ainsi, ériger les fondements d'un régime communautaire
de la responsabilité des États membres. Cependant, la
jurisprudence a soulevé de nombreuses questions qui sont en effet, loin
d'être réglées.
104.- Un nouveau droit processuel est en construction et il
semble que le principe de l'autonomie soit sur le point d'être
dépassé120. En limitant davantage sa marge de
manoeuvre quant à l'application du droit communautaire, la Cour de
justice oblige le juge national à assurer une protection efficace aux
particuliers et d'une réparation adéquate aux préjudices
subis de la violation du droit communautaire par des États membres.
105.- A cet égard, M. Vandersanden estime que «
la réussite de l'entreprise résidera dans le respect de
l'équilibre et de la juste mesure que chacun des deux ordres juridiques
en présence devra concéder à l'autre, en sachant toutefois
que la primauté du droit communautaire et la protection effective des
droits des particuliers font partie intégrante de cette relation
harmonieuse et que c'est la Cour qui en est le maître d'oeuvre
»121. Ayant cette conviction, on ne peut que s'en
réjouir au procès continué de parfaire le statut du
citoyen européen.
119 I. PINGLE, « La responsabilité de l'État
pour violation du droit communautaire par une juridiction suprême,
à propos de l'arrêt Köbler de la CJCE du 30
septembre 2003 », op. cit., sp. p. 728.
120 A.-S. BOTELLA, « La responsabilité du juge
national », op. cit,, sp. p. 315.
121 G. VANDERSANDEN et M. DONY, La responsabilité des
États membres en cas de violation du droit communautaire, op.
cit., p.61.
Table des décisions citées
I.- la Cour de justice des Communautés
européennes.
1.-
37,
|
38,
|
39,
|
41,
|
30,
|
42,
|
52,
|
59,
|
CJCE, 16 décembre 1960, Humblet c/ Etat belge,
aff. 6/60, Rec., p. 1125 : note 34.
2.- CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff.
26/62, Rec., p. 3 : note 16.
3.- CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ E.N. E.L., aff.
6/64, Rec. p. 1149 : note 13.
4.- CJCE, 22 janvier 1976, Russo c/ AIMA, aff. 60175,
Rec., p. 45 : note 35.
5.- CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec., p.
1651 : note 18.
6.- CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
aff. C-6/90 et C-9/90, Rec., p. I-5357 : notes 8, 19, 23, 25, 50, 67, 103.
7.- CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, aff. C-46 et C-48/93, Rec., p. I-113 1 : notes 10, 28, 66,
68, 73, 83, 106, 108, 113.
8.- CJCE, 26 mars 1996, British Telecommunications,
aff. C-392/93, Rec., p. I-1631: note 65.
9.- CJCE, 8 octobre 1996, Dillenkofer, aff. C-178/94,
Rec., p. I-4845 : notes 57, 66, 69.
10.- CJCE, 24 septembre 1998, Brinkmann Tabakfavriken,
aff. C-319/96, Rec., p. I-5255: note 65.
11.- CJCE, 1er juin 1999, Eco Swiss, aff.
C-126/97, Rec., p. I-3055 : note 92.
12.- CJCE, 4 juillet 2000, Haïm, aff. C-424/97,
Rec. p. I-5 123 : 56.
13.- CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
aff. C-224/01, Rec., p. I- 10239 : notes 11, 22, 31, 44, 60, 62, 70, 74, 84,
91, 100, 101, 111.
14.- CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, aff.
C-453/00, Rec., p. I-837 : notes 94, 96.
15.- CJCE, 16 mars 2006, Rosmarie Kapferer, aff.
C-234/04, Rec., p. I-25 85 : notes 97, 101.
16.- CJCE, 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo,
aff. C-173/03, Rec., p. I-6387: notes 11, 47, 64, 71, 77, 85, 112.
II.- France.
1.- C. É., Sect., 29 décembre 1978, Sieur
Darmont : note 80.
2.-
Cass. Com. 21 février 1995,
Société United Distillers et autres c. Agent judiciaire du
Trésor : note 81.
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1992, pp. 187-192.
Théodore GEORGOPOULOS, « Le retrait des actes
administratifs contraire au droit communautaire : quelles obligations pour les
Etats membres ? », note sous l'arrêt de la CJCE du 13 janvier
2004, Kühne et Heitz, C- 453/00, LPA, 26 janvier 2005,
n° 18, pp. 5-10.
Jean-Guy HUGLO, note sous l'arrêt Köbler,
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des Etats membres du fait des violations imputables aux juridictions nationales
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Mediterraneo, aff. C-173/03, Rec., p. I-6387, Europe, août-
septembre 2006, Comm n° 232, pp. 9-11.
Table des matières
Pages
Abréviations, signes conventionnels, et
ouvrages qui ne sont cités que de façon incomplète IV
Introduction 1
1.- Le contrôle judiciaire est indispensable dans
l'ordre étatique. 2.- Celui-ci est également indispensable dans
l'ordre communautaire. 3.- Le caractère unique du système
juridique communautaire. 4.- La prééminence du droit
communautaire. 5.- La question de la responsabilité des États
membres est sensible. 6.- La prudence de la Cour de justice. 7.- Plan du
mémoire.
Première partie : L'affirmation de la
responsabilité des États membres 3
8.- Les traités imposent la protection des droits. 9.-
Plan de la première partie.
Chapitre Ier.- Le fondement de la responsabilité
des États membres en droit communautaire 3
10.- Plan du chapitre
Section Ière.- La primauté du droit communautaire
4
11.- Plan de la première section.
A. Le principe de la primauté du droit communautaire 4
12.- Le principe de la primauté du droit
communautaire.
13.- L'arrêt Costa c/ E.N.E.L. 14.- Le
principe dans Traité d'Amsterdam. 15.- L'arrêt Van Gend en
Loose. 16.- Ce principe exige une application uniforme par des
États membres.
B. La mise en oeuvre du principe de la primauté du droit
communautaire 5
17.- La primauté du droit communautaire exige la
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire. 18.- Tous les actes contraires au droit communautaire seront
annulés. 19.- L'obstacle de la primauté. 20-21.- L'effet direct
n'est pas une condition impérative.
Section II.- La coopération loyale 7
22.- Plan de la section.
A. Un principe inhérent au droit communautaire 7
23-24.- L'obligation de la coopération loyale se
trouve dans le traité. 25.- Tous les organes de l'État membre ont
cette obligation. 26.-La Cour a justifié la responsabilité par
l'obligation loyale.
B. Un principe complémentaire 8
27.- Cette obligation est abandonnée après
l'arrêt Francovich. 28-29.- Elle n'est qu'une justification
complémentaire.
Chapitre II.- L'application jurisprudentielle du principe
de la responsabilité de l'État par la Cour
de justice des Communautés européennes
10
30.- Plan du chapitre.
Section Ière.- L'établissement progressif de la
responsabilité des États membres
par voie des jurisprudences communautaires 10
31.- Plan de la section.
32.- La Cour a admis implicitement ce principe très
tôt. 33- L'arrêt Russo. 34.- Il n'est qu'une question
nationale jusqu'à l'arrêt Francovich.
B. La révolution de l'arrêt Francovich et
le développement postérieur 12
35.- L'arrêt Francovich. 36-37.- Un concept
communautaire. 38.- Trois conditions minimales. 39.- L'arrêt
Brasserie du Pêcheur. 40.- L'arrêt Köbler.
41- 42.- L'arrêt Traghetti del Mediterraneo.
Section II.- Les conditions communautaires de mise en oeuvre de
la responsabilité
de l'État 14
43-44.- Plan de la section.
A. La règle du droit communautaire violée droit
avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers 15
45.- Une violation d'une règle supérieure de
droit protégeant les particuliers. 46.- Le but de cette condition.
47-49.- Il n'est pas une exigence d'effet direct.
B. La violation de la règle est suffisamment
caractérisée 16 50.- La condition la plus difficile et
délicate. 51.- Une immunité virtuelle conférée au
législateur. 52.- La Cour précise les conditions. 53.- La
précision dans l'arrêt Brasserie. 54-55.- La
précision dans l'arrêt Köbler. 56.- La
précision dans l'arrêt Traghetti. 57.- La transposition
incorrecte ne sera pas une violation suffisamment
caractérisée.
C. Un lien de causalité direct existe entre la violation
de la norme communautaire et le dommage causé 18
58.- Un élément canonique présent dans
les ordres juridiques nationaux. 59-60.- Un lien de causalité ou un lien
de causalité direct? 61.- La Cour affirme un lien de causalité
direct. 62.- Le fait de recours en annulation n'est pas une exception.
Deuxième partie : L'évolution de la
responsabilité des États membres 20
63.- Plan de la deuxième partie.
Chapitre Ier.- Des innovations achevées mais
restreintes 20
64.- Plan du chapitre.
Section Ière.- Des innovations achevées par la
jurisprudence 21
65.-Plan de la section.
A. La confirmation du principe établi et le
développement de la protection
effective des particuliers 21
66.- La responsabilité des États membres du
fait de l'activité juridictionnelle. 67.- Les deux arrêts
confirment le principe établi. 68.- Le développement de la
protection effective des particuliers. 69.- Le développement par
l'arrêt Traghetti.
B. La précision des critères à
l'appréciation de la méconnaissance manifeste 22
70.- La nécessité de la précision des
critères. 71-72.- La précision par les deux arrêts.
Section II.- Des innovations restreintes par la jurisprudence
23
73-74.- L'engagement de la responsabilité du fait de
l'absence de renvoi préjudiciel. 75.- L'arrêt Traghetti reste
silencieux sur cette question. 76.- La question de l'épuisement
préalable des voies de droit interne. 77.- La symétrie entre les
deux régimes de la responsabilité des États membres et la
responsabilité extra contractuelle de la Communauté. 78.-
L'arrêt Traghetti ne précise plus les questions.
79.- Plan du chapitre.
Section Ière.- La sécurité juridique et
l'autorité de la chose jugée par les
juridictions nationales 25
80.- Plan de la section.
A. Le principe relatif de l'autorité de la chose
jugée 26
81.- Une contradiction devant la Cour. 82.- L'arrêt
Eco Swiss admet le principe l'autorité de la chose
jugée. 83.- L'arrêt Kühne et Heitz l'a
changé. 84-85.- La sanction du manquement ne vise que la
réparation du dommage.
B. La primauté du droit communautaire et l'autorité
de la chose jugée 27
86.- Le rapport entre la primauté du droit
communautaire et l'autorité de la chose jugée est complexe et
délicate. 87.- La responsabilité n'exige pas la révision
de la décision juridictionnelle. 88.- La même réponse dans
l'arrêt Traghetti. 89.- Le principe d'équivalence.
Section II.- La réparation du préjudice
causé 28
90. Plan de la section.
A. L'encadrement de l'autonomie procédurale 28
91.- La Cour reste silencieuse sur cette question. 92.-
L'autonomie procédurale et institutionnelle connaît certaines
limites. 93.- Le principe d'identification de traitement. 94.- La Cour a
rejeté la condition d'une faute. 95-96.- La Cour l'a
précisé dans l'arrêt Köbler et ainsi
l'arrêt Traghetti.
B. L'étendue du préjudice 30
97.- Deux critères posés par la Cour. 98.- La
limitation de la marge d'appréciation du juge national. 99. Des
instructions sur ce point. 100.- Il faut indiquer la voie conforme et
adéquate. 101.- Le fait de la réparation des arrêts
antérieurs est regrettable.
Conclusion générale 32
102.- Le principe de la responsabilité atteste de la
maturité du système juridique commun. 103.- Cette question est
complexe et délicate. 104.- Un nouveau droit processuel. 105.- On peut
s'en réjouir à parfaire le statut du citoyen européen.
Table des décisions citées 33
Bibliographie 34
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