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La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin

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par M. Koovy YETE
Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007
  

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B. Une solution difficile en pratique.

L'idée de la dépénalisation totale de l'ensemble des manifestations de la liberté d'expression se heurte à deux grandes objections.

D'abord, c'est toute la fonction symbolique de la répression pénale qui serait remise en cause car, aux termes de cette démarche, il faudra abroger tous les articles du code pénal qui répriment l'expression d'une opinion (injure, calomnie, diffamation). Il faudra également abroger toutes les dispositions pénales des autres lois érigeant en infractions certaines manifestations d'opinion.

Il s'agit en l'espèce, notamment des délits contre la chose publique, contre les personnes, contre les chefs d'Etat et agents diplomatiques étrangers et encore des publications interdites prévues par les articles 23 et suivants de la loi 60-12 du 30 juin 1960 sur la liberté de la presse.

Même si la dépénalisation totale envisagée ne prend pas en compte la provocation aux crimes et les actes inspirés par le racisme et la xénophobie, il semble difficile, dès lors que l'on parle de dépénalisation totale, de garder dans la sphère pénale certains sujets d'expression alors que dans le même temps on en extrairait d'autres.

S'agissant toujours du symbolisme de la répression pénale et de la difficile conciliation de ses objectifs avec un mouvement de dépénalisation totale, M. VAN DE KERCHOVE fait remarquer : « le recours instinctif et quasi automatique du législateur à la sanction pénale pour appuyer chacune de ses interventions ne s'explique-t-il pas, en effet, par le fait que la plupart des groupes favorables à cette intervention - qu'ils soient progressistes ou conservateurs - attachent à la présence d'une telle sanction une symbolique sans égale, indépendamment de son efficacité sur le plan instrumental ? »102(*).

L'autre objection de droit est qu'il est difficile de contester aujourd'hui que la Déclaration française de 1789 qui inspire fortement la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990, ait été un des phares de la liberté dans le monde et en particulier pour la formulation de la liberté d'expression.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme que l'Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté le 10 décembre 1948 et que le constituant béninois a annexé à la Constitution du Bénin du 11 décembre 1990 précise en son article 29103(*) le sens et les implications de la liberté d'expression. Il s'agit d'une liberté relative.

C'est cette tradition de liberté contrôlée qui est fortement ressortie dans la loi 60-12 sur la liberté de presse au Bénin même si à l'heure actuelle, la majorité des journalistes ne disposent sans doute pas encore d'une formation juridique assez poussée pour son respect.

Avons-nous par conséquent, des raisons pertinentes de remettre en cause le principe de fond de la liberté sauf restrictions par la loi qui sous-tend toute la philosophie de ces différents instruments juridiques de référence ?

On ne saurait clôturer les objections que soulève la dépénalisation de l'ensemble des manifestations de la liberté d'expression sans souligner le conflit qui subsiste entre la liberté d'expression, les nécessités de l'information et la protection de la réputation des personnes.

En effet, ces objections prennent également leur source dans le symbolisme de la sanction pénale. En dépénalisant, les droits d'autrui s'en trouveront-ils mieux protégés ? La dépénalisation ne conduirait-t-elle pas à de nombreux abus ? Surtout qu'au Bénin, la mentalité est encline à craindre la peine d'emprisonnement beaucoup plus que la peine pécuniaire. La privation de la liberté frappe beaucoup plus que la peine d'amende, ou la sanction civile, fussent-elles porteuses d'importantes amputations dans le patrimoine.

En somme, si l'on admettait de soustraire les peines privatives de liberté des délits de presse, quel sera sur le plan de la technique juridique le sort à réserver aux lois actuelles sur la liberté de la presse devant le juge civil ?

Le juge civil sera t-il tenu d'appliquer ces lois dans leur intégralité ou au contraire, va-t-il recourir aux règles de la procédure civile et partant, asseoir la recherche de la responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ?

* 102 M. VAN DE KERCHOVE, Symbolisme et instrumentalité. Stratégies de pénalisation et de dépénalisation dans une société pluraliste, in Punir, mon beau souci. Pour une raison pénale, s. la dir. de RINGELHEIM F., Revue de l'ULB, 1984. pp. 164-165. Cité par JONGEN (F.), in Mélanges à Michel HANOTIAU, op. Cit., p. 66.

* 103 Art. 29 §2 : « dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld