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Appartenance socioculturelle et scolarisation des enfants au Burkina Faso

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par Lonkila Moussa ZAN
Université de Yaoundé II - DESSD 2007
  

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2.1.5 L'approche par les facteurs socioculturels

Les facteurs socioculturels interviennent aussi dans l'explication de la demande d'éducation. Ils pourraient notamment expliquer certaines méfiances voire réticences observées vis-à-vis de l'éducation formelle.

a- Un aperçu sur l'importance du concept de « socioculturel » en démographie

La prise en compte des caractéristiques socioculturelles est nécessaire pour une compréhension globale des phénomènes démographiques, notamment en Afrique où les traditions, les coutumes et les perceptions anciennes seraient encore vivantes bien que l'urbanisation tend à favoriser un brassage culturel18. Mais, d'après certains auteurs comme Sala-Diakanda (1980), le mélange de population dans un espace géographique ne traduit pas toujours une acculturation19 des comportements des uns et des autres : « Tout se passe comme si les représentants d'une tribu emportent avec eux les tares inhérentes à leur milieu d'origine et les perpétuent à l'intérieur de leur groupe dans le nouveau milieu de résidence ». Autrement dit, la cohabitation ou la co-existence de plusieurs groupes culturels n'impliquent pas une homogénéisation des comportements comme le renchérit Evina (1989) en ces termes : « [...] Les considérations qui précèdent montrent que les relations entre certains facteurs démographiques, médicaux ou socioculturels ne sont pas mécaniques ; elles restent tributaires pour une large part de la façon de vivre de chaque population. On a ainsi remarqué que le particularisme tribal permet à des groupes [...] de coexister sans se mélanger ».

Ainsi une non prise en compte du contexte socioculturel pourrait provoquer une saisie partielle de la réalité sociodémographique car « Presque certainement, certaines

18 Voir SALA-Diankanda, M. «»Le concept Ethnie, une réponse à E. NGWE», Département de Démographie, UCL., Document de recherche N°16, janvier 1979, 7 p., Papier présenté au colloque de démographie africaine, Abidjan, 22-26, janvier 1979.

19 Acculturation : « ensemble des phénomènes qui résultent d'un contact direct et continu entre les groupes d'individus de cultures différentes et qui entraînent des changement dans les modèles culturels initiaux de l'un ou des deux groupes » (Lexique de sociologie, 2005, p. 1)

variations démographiques importantes qui ont été attribuées aux facteurs socioéconomiques ou géographiques sont en réalité, au moins en partie d'origine ethnique (culturelle) » (F. O. Okediji et al.)20.

Cependant, les caractéristiques socioculturelles posent plus de difficultés de définition, donc de compréhension que les variables sociodémographiques et socioéconomiques. Il est notamment difficile, sinon délicat de distinguer parmi elles, celles qui relèvent du culturel de celles qui renvoient au social. Plusieurs auteurs considèrent l'ethnie comme la principale fonction du culturel (Evina, 1989 et Akoto, 1993). En revanche, « la religion sera par conséquent une variable d'identification sociale importante à prendre en compte » (Evina, 1989). Tandis que « Les modèles culturels étant des entités non observables, ni mesurables, nous allons les approcher par l'Ethnie » (Evina, 1989).

En somme, nous comprenons que la réalité ethnique n'est pas inexistante en démographie, bien que sa perception soit parfois différente d'un individu à un autre (SalaDiakanda, 1980). Nous admettons de ce fait que la définition du socioculturel reste encore difficile. Toutefois cette entreprise parait indispensable pour une explication globale des phénomènes démographiques dont les indicateurs occultent très souvent des inégalités socioculturelles. Pour une compréhension des comportements éducatifs, Marc Pilon (1995 : p71 5) propose que : « En tant que référent historique et socioculturel, l'ethnie peut constituer un angle spécifique d'analyse des stratégies éducatives »

b- L'impact des facteurs socioculturels sur l'éducation

Les facteurs socioculturels regroupent l'ensemble des éléments qui agissent sur les valeurs, les normes et les perceptions sociales des parents et des communautés vis-à-vis de l'école et de la scolarisation des enfants. Que ce soit pour l'ethnie ou la religion, les différences en matière de scolarisation peuvent s'expliquer surtout par des raisons historiques ou culturelles de refus ou d'exclusion de certains groupes de l'école comme le souligne Mulusa (1992, p. 187) en ces termes : « L'éducation est devenue une arme importante dans la propagation du christianisme. Les communautés qui se ralliaient à l'église dominante étaient admises dans les écoles parrainées par celle-ci tandis que les individus et les groupes qui restaient attachés à leurs croyances traditionnelles ou qui nouaient des relations avec des églises moins influentes en étaient exclus ».

20 Cité par Akoto (1993).


· Les facteurs religieux

Selon la littérature, « la contrainte sociocentrique de participer à l'élan collectif d'islamisation peut influencer la scolarisation de l'enfant » (Gérard, 1993, p.144). La religion constitue donc souvent une menace à l'épanouissement de l'éducation formelle. En effet, il est fréquent que des pratiques de l'école moderne soient contraires à celles traditionnelles. L'enseignement coranique est « parfaitement modelé sur les besoins éducatifs tels que ressentis par la société traditionnelle et il est organisé en harmonie avec les normes de cette dernière. A contrario, le système d'enseignement `'moderne» est très récent et peu implanté dans la société traditionnelle dans laquelle il a pris le caractère d'une institution extérieure, d'un appendice de l'Etat `'moderne» » (Rwehera, 1999, p. 206)

Ainsi le choix entre la modernité et la tradition renvoie à faire un choix entre l'éducation familiale, l'école coranique et l'éducation formelle. Mais la scolarisation est souvent mal perçue surtout en milieu rural. En région rurale au Niger, la préférence pour l'école coranique constitue près de 20% des raisons de la non inscription des enfants de 7 à 9 ans à l'école classique (Rwehera, 1999). Il arrive que dans certains pays, les autorités arrivent à combiner les deux types d'enseignements dans une seule forme d'école. Ce sont les écoles franco-arabes dans lesquelles les écoliers apprennent les deux langues avec la possibilité de les approfondir plus tard.

Des études menées au Cameroun ont montré que le risque de déperdition est plus rapide chez les filles musulmanes que chez leurs consoeurs chrétiennes. En effet, elles ont révélé que 50% des filles musulmanes arrêtent leur scolarité à 14 ans contre 16 ans pour la même proportion chez les filles chrétiennes du même âge (Guison, 2004). D'après une étude au Nord du Nigeria (Hydre, 1993 cité par Kobiané, 2002), « l'école classique et les valeurs occidentales qu'elle véhicule sont considérées comme une menace aussi bien pour les valeurs de l'islam que pour celles de l'ethnie Haussa (ethnie majoritaire) et leur influences affectera davantage les femmes». La littérature réserve souvent des surprises de la sorte que le fait d'être un chef de ménage musulman a une influence plus faible que le fait d'être chrétien, alors qu'on aurait pu croire que ces premiers auraient une attitude plus conservatrice envers leurs filles (Guison, 2004). Cependant, Diallo (1997) trouve que l'appartenance à la religion musulmane et dans une moindre mesure à la religion protestante, est moins favorable à la scolarisation des enfants à Abidjan que l'appartenance à la religion catholique.

De la littérature, il ne ressort pas de lien très clair entre la religion et la scolarisation, toutefois nous pouvons noter que très souvent, l'appartenance à la religion musulmane influence négativement la scolarisation.


· Les facteurs ethniques

L'influence des caractéristiques ethniques n'est pas facile à établir et à généraliser car chaque pays a des groupes ethniques qui lui sont propres. Cependant, nous constatons que l'attachement aux valeurs traditionnelles et la réticence à la modernité constituent des handicaps sérieux à la scolarisation. Ces attitudes remontent à des faits historiques, sont généralement liées aux types de relations entretenues avec les colonisateurs et dépendent de la vision que portent les ethnies sur l' `'école des blancs». L'exemple illustratif est le cas des Lobi du Sud-ouest du Burkina Faso qui correspond à un cas de refus dans la mesure où, les Lobi sont connus pour s'être farouchement opposés à la colonisation et jusqu'à nos jours, ils manifestent une certaine méfiance face à tout ce qui provient de l'administration. M. Père (1995, p. 160-161)21 rappelle que cette résistance des Lobi à la colonisation a été telle que les responsables de l'époque avaient fait le serment sacré « qu'aucun de leurs enfants ne suivra, de quelque manière que ce soit et sous peine de malédiction et de mort, la `'voie des blancs», la `'mauvaise voie des étrangers» », dont l'école était par excellence l'empreinte. (Kobiané, 2002)

Cela montre qu'au delà des us, coutumes et des moeurs, l'histoire d'une ethnie peut aussi influencer son attitude vis-à-vis de la scolarisation. Certaines ethnies seront donc moins perméables que d'autres à la scolarisation. En étudiant la déscolarisation des filles au Burkina Faso, Guison (2004) a trouvé que le fait d'être né dans une famille Senoufo, Gourounsi, Bobo, et dans une moindre mesure Samo, réduit les chances d'abandonner lorsque l'on est une fille par rapport à une fille Mossi. Elle trouve aussi que les filles peuhls et Dioula sont les plus sujettes à l'abandon, de même que les fillettes Gourmantché.

L'approche socioculturelle pourrait donner une explication de la sous scolarisation des filles. Dans la société, du fait de la division sexuelle du travail, la femme est perçue comme n'ayant pas les mêmes droits que l'homme (statut de la femme dans la société). Dans cette optique elle est appelée à apprendre les tâches domestiques alors que le garçon doit aller à l'école pour augmenter ses chances de réussite sociale et professionnelle. Percevant l'école de cette manière, les parents sont plus enclins à envoyer les garçons à

21 Cité par Kobiané, (2002).

l'école plus que les filles, surtout dans un état de méconnaissance de l'éducation formelle et des ses atouts.

· L'influence du niveau d'instruction des parents

D'une manière générale, plus le niveau d'instruction d'un individu est élevé, plus il est ouvert à la modernité et plus il est favorable à l'éducation formelle. Cela se constate aussi par l'acceptation de la scolarisation et souvent par un relâchement des valeurs traditionnelles. Selon plusieurs auteurs, le niveau d'instruction des parents a une influence notable sur le type d'éducation à donner à leur enfant (Kouadio, 2001). Ainsi, un niveau d'instruction élevé des parents les prédispose à une meilleure scolarisation (Lloyd et Blanc, 1996). Les auteurs prouvent aussi que l'abandon scolaire est plus important avec les parents analphabètes. La littérature montre également qu'avec des parents de niveau d'éducation primaire, la scolarisation est assurée de façon plus égalitaire entre les filles et les garçons. Cela prouve que les discriminations en matière de scolarisation et plus simplement la sous scolarisation des filles sont dues, en plus des considérations économiques, au faible niveau d'instruction des parents et à leurs attachements aux valeurs traditionnelles qui encourage la réussite sociale du garçon.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus