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Syndrome de la guerre : lorsque le psychisme ne cesse de rappeler

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par Shqipe BUJUPI
Institut libre Marie Haps - Assistante en psychologie 2005
  

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11. Les facteurs

Quel événement peut être potentiellement traumatique dans le sens large du terme ? Nous remarquons que c'est une vaste question et très discutable entre les spécialistes. Nous avons parlé précédemment que pour certains, le premier chef qui peut mettre en jeu l'équilibre psychique de l'individu est la confrontation à la mort tel que un accident de la route où la personne a failli mourir, une bombe qui explose dans l'endroit où la vie de la personne a été mise en danger, le spectacle d'un cadavre, etc. Mais, le concept du traumatisme ne se limite pas seulement à cette confrontation à la mort physique. Pour Crocq52(*), d'autres facteurs tels que les violences délibérément exercées, les mauvais traitements infligés sans motif à des sujets sans défense, prisonniers ou déportés, et la torture appliquée avec sadisme, sont des situations traumatisantes qui suscitent le maximum d'horreur et d'incompréhension. Par rapport aux autres traumatismes et agressions, il y a alors violation explicite de la loi qui régit au sein de chaque conscience les droits les plus élémentaires de l'humanité.

Les spécialistes sont d'accord que toutes ces personnes impliquées d'une manière directe ou indirecte dans des événements potentiellement traumatiques ne développent pas nécessairement un syndrome psychotraumatique. Pour pouvoir comprendre au mieux les enjeux, c'est-à-dire quel événement peut provoquer un syndrome psychotraumatique et quel type de personnes sont susceptibles de développer ce trouble, nous devons prendre en compte deux facteurs essentiels : les facteurs externes et les facteurs internes : « L'état - constitutionnel et conjoncturel - du sujet qui subit la situation a un rôle primordial dans la genèse du phénomène »53(*).

a. Les facteurs externes

Dans les régions en guerre, les populations subissent des épreuves douloureuses. Les violences extrêmes, la terreur mettent en jeu leur l'intégrité physique et psychique que ce soit pour les combattants ou pour la population civile et qu'il s'agisse d'acteur, de victime ou de témoin.

Pour les combattants, le risque d'être blessé ou tué ou de devoir tuer, d'être confronté à des spectacles émotionnellement pénibles tels que cadavres, etc., sont des facteurs qui menacent leur équilibre psychique. Nous allons donner un exemple concret : pendant que nous avons effectué le stage à l'Exil, le monsieur X, ex soldat albanais, consultait régulièrement un psychiatre du centre. Il était fort affecté par un syndrome psychotraumatique. Chaque fois que l'occasion s'est présentée de parler avec lui, par une expression de visage qui marquait l'aversion, il nous répétait toujours les mêmes mots : « j'ai enterré des cadavres abandonnés recouverts de vers »...

D'après Crocq54(*), dans des situations de combats, les facteurs traumatogènes sont les agressions physiques provoquées par les bombardements intensifs, les pilonnages d'artillerie, les combats rapprochés ou en corps-à-corps, une captivité inhumaine, les mauvais traitements et la torture issue du combat.

Concernant la population civile ; ce seront les bombardements des villes, les arrestations arbitraires, la torture, les violences physiques et morales imposées par les adversaires, les mitraillages de colonnes de réfugiés en exode, etc.

Par exemple, au Kosovo, ces situations ont eu pour résultat des déplacements et des expulsions massives et forcées de centaines de milliers de civils, des destructions systématiques de biens et de moyens d'existence. Il faut souligner que souvent, ces situations privent les gens de nourriture, de boisson, de sommeil et de repos. Ainsi, à la souffrance morale s'ajoute la fatigue physique ce qui rend les sujets plus vulnérables face aux agressions.

Crocq55(*) nous présente une liste des facteurs traumatisants, subis par les victimes de guerre au Kosovo, pouvant intervenir, isolément ou de manière cumulative, dans l'étiologie des syndromes psychotraumatiques :

1. Avoir vu sa maison détruite ou incendiée.

2. Avoir dû quitter sa maison sans emporter presque rien.

3. Avoir assisté à l'enlèvement de son père, de son frère, d'un autre parent ou d'un ami.

4. Avoir assisté à des brutalités, des viols ou des tortures.

5. Avoir assisté à l'assassinat d'un parent ou d'un ami.

6. Avoir vu des cadavres de villageois assassinés.

7. Avoir été menacé de mort, ou traqué et poursuivi.

8. Avoir été emprisonné.

9. Avoir été maltraité ou brutalisé.

10. Avoir été torturé.

11. Avoir été violée.

12. Avoir été blessé.

13. Avoir été séparé du reste de sa famille.

14. S'être trouvé isolé, sans protection, ni amis.

15. Avoir souffert de la faim et de la soif. Avoir eu froid sur la route et lors des haltes.

16. Avoir souffert de privation de sommeil

17. Avoir souffert de fatigue, d'épuisement et de privation de repos

18. Avoir été accueilli avec hostilité dans un pays limitrophe.

19. Autres facteurs..........

Pour Crocq, tous ces facteurs mentionnés comme la menace de mort, la blessure, la souffrance, la torture, la violence, le spectacle de la mort ou de souffrance d'autrui, etc. sont des situations traumatisantes mais le facteur le plus traumatogène est la menace de mort. « Tous ceux qui « se sont vus morts » sont des traumatisés psychiques »56(*).

Cet exemple (donc la menace de mort) indique un facteur externe qui pousse à la limite extrême, qui exerce brutalement par choc et dans un temps bref va au-delà des capacités de défense du moi, ce qui la différencie des autres étiologies extérieures dont l'action serait insidieuse et prolongée. Néanmoins L. Crocq57(*) nous dit que cette assertion doit être nuancée car il y a des cas où un événement de guerre déclenchant n'est que l'ultime coup qui vient s'ajouter à une longue série d'agressions et autres circonstances pathogènes et fait passer le sujet au-delà de son seuil de tolérance.

a.1. Les polytraumatismes de guerre

Comme nous venons de le voir, la liste présentée par Crocq, les guerres dans les Balkans ont provoqué des traumatismes de natures différentes. Des auteurs58(*) disent que la quasi-totalité de la population est traumatisée et presque toutes les personnes ont souffert de plusieurs traumatismes. Ils ont perdu des proches et tous leurs biens. Ils ont assisté à des scènes épouvantables, à jamais gravées dans leur mémoire.

La complexité du trauma, M. Samy la décrit comme suit : « Le trauma est multiple et hétérogène selon la nature de l'évènement traumatique. Celui en rapport à la violence politique, à la guerre et aux conflits armés, se distingue par des caractéristiques bien particulières. Le trauma suite à la violence politique comme celui qui touche les réfugiés du Kosovo, n'est pas uniquement un trauma ponctuel (exemple: un accident d'auto), qu'on appelle aussi de type 1 ou « stress trauma ». Mais c'est également un trauma continu, un trauma du vécu quotidien et qui se prolonge dans le temps, aussi dénommé trauma de type 2 ou « strain trauma »59(*).

Le trauma ponctuel du père abattu ou humilié sous les yeux de l'enfant, se superpose au trauma chronique de son vécu, déjà présent depuis longtemps. Le trauma de la violence politique combine également le trauma de type individuel (exemple : le viol, la torture, l'incarcération, l'exil), et le trauma collectif (exemple : l'oppression et la discrimination souvent institutionnalisée ou étatisée). La guerre réunit en elle tous les traumatismes60(*).

Les auteurs nous disent que les polytraumatisés de guerre sont des groupes à haut risque. Pour ces personnes, un soutien psychologique s'avère prioritaire. page 70.

b. Les facteurs internes

« C'est en passant par l'épreuve de sa vulnérabilité que l'être humain accède à la conscience de sa fragilité, et c'est paradoxalement ce passage qui lui apprend à vivre ».

Gustave-Nicolas Fisher61(*)

Les auteurs qui s'occupent de névrose traumatique se sont beaucoup intéressés de savoir « pourquoi » toutes les victimes ne subissent pas le même destin, pourquoi certains développent une névrose traumatique tandis que d'autres s'en sortent psychiquement indemnes ? Selon des auteurs, il y a des sujets qui sont plus vulnérables au trauma que d'autres. La capacité à surmonter les traumatismes et à se construire malgré les blessures, ils l'appellent la résilience62(*) ou résistance psychique. Cette capacité se construit dans l'interaction entre l'individu et son environnement. On pourra dire alors que « la résilience désigne l'art de s'adapter aux situations adverses (conditions biologiques et socio-psychologiques) en développant des capacités en lien avec des ressources internes (intrapsychiques) et externes (environnement social et affectif), permettant d'allier une construction psychique adéquate et insertion sociale »63(*).

La résilience est donc un processus multidimensionnel, «  car il se situe à la croisée de plusieurs paramètres où convergent différentes variables »64(*). La résilience dépendra alors des facteurs individuels, des facteurs familiaux et des facteurs sociaux : « Chez l'enfant comme chez l'adulte, la résilience résulterait d'un équilibre mettant en jeu l'interaction dynamique entre les divers facteurs de protection présents chez le sujet lui-même, mais également dans son environnement familial et social (système éducatif et relation sociales et affectives extra-familiales) ».65(*)

La résilience ne concerne pas uniquement l'individu mais aussi la famille, le groupe. On dit des familles résilientes ou des groupes résilients.

B. Cyrulnik66(*) présente les caractéristiques d'un sujet résilient indépendamment de son âge comme suit :

- un Q.I. élevé,

- capable d'être autonome et efficace dans ses rapports à l'environnement,

- ayant le sentiment de sa propre valeur,

- de bonnes capacités d'adaptation relationnelle et d'empathie,

- capable d'anticiper et de planifier,

- et ayant le sens de l'humour.

b.1. La vulnérabilité

En ce qui concerne la vulnérabilité, sa définition est : « ...l'état de moindre résistance aux nuisances et agressions et rend compte de la variabilité interindividuelle. La vulnérabilité évoque les sensibilités et les faiblesses patentes ou latentes immédiates ou différées et peut être comprise comme une capacité (ou incapacité) de résistance aux contraintes de l'environnement » 67(*)

L. Crocq68(*) distingue trois sortes de vulnérabilités hypothétiques :

1. vulnérabilité d'amoindrissement énergétique quantitatif innée, héréditaire ou acquise (aussi bien chez des sujets prédisposés qui ne posséderont jamais d'énergie pour maîtriser l'événement car toute leur énergie disponible ils « utilisent pour maintenir leur équilibre névrotique », que chez sujets sains mais conjoncturellement épuisés dû à une fragilité psychique acquise dans l'enfance pour des causes divers telles que maladie encéphalique). On peut dire alors que sont des sujets `prédisposés' au vécu traumatique et des névrosés traumatiques.

2. Vulnérabilité d'altération qualitative du mode de réaction : il s'agit seulement des sujets prédisposés qui réagissent en toutes circonstances, de paix ou de guerre, par leur frayeur morbide, névrotique.

3. vulnérabilité de résonance : pour une même situation violente ou horrible, chez un sujet le système de défense va se trouver désorganisé à cause des résonances pénibles, tandis qu'un autre sujet restera indifférent (par exemple, pour un père de famille peut être plus pénible d'assister dans le spectacle d'un cadavre d'enfant que pour un célibataire). 

* 52 Croq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 350.

* 53 Crocq, L. (s.d.). Dépassement et assomption du trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/ dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

* 54 Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.

* 55 Ibidem.

* 56 Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 197

* 57 Ibidem.

* 58 Moro, M-R. (1995). Psychiatrie humanitaire en ex-Yougoslavie et en Arménie. Paris : Puf. Page 65.

* 59 Samy, M. (2003). Trauma et événement traumatique : les réfugiés du Kosovo et les autres de la planète. Association canadienne pour la santé mentale - Filiale de Montréal www.acsmmontreal.qc.ca/ publications/equilibre/refugies.html

* 60 Ibidem.

* 61 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob

* 62 « A la base, ce terme est utilisé en métallurgie : c'est la capacité interne d'un métal à retrouver sa forme initiale après avoir reçu un choc ».

Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan université. Page 34.

* 63Ibidem. Page 33

* 64 Ibidem. Page 42.

* 65 Ibidem. Page 45.

* 66 Ibidem. Page 51.

* 67 Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan université. Page 13.

* 68 Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 201.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway