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Les droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA

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par Dieynaba Sakho
Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal - DEA 2008
  

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Section 2/ L'inexistence d'une hiérarchie entre les droits communautaires des procédures collectives

Les droits communautaires des procédures collectives émanent d'ordres juridiques qui sont l'expression de volontés étatiques et poursuivent des objectifs précis. Il s'agit de l'harmonisation du droit des affaires (OHADA), l'intégration économique (UEMOA) et l'unification du marché des assurances (CIMA). Ces droits des procédures collectives coexistent dans un même espace géographique et ne présentent aucun critère d'élection d'un droit au détriment d'un autre (paragraphe 1) lorsqu'il s'agit de solutionner un problème auquel ils ont tous apporté une réponse. Par ailleurs, les solutions traditionnelles de règlement des conflits restent souvent sans effet devant les situations contradictoires qu'ils peuvent provoquer (paragraphe 2).

Paragraphe 1/ L'absence d'un critère d'élection d'un droit communautaire des procédures collectives

L'autonomie des droits des procédures collectives dans l'espace OHADA se manifeste lors de la survenance d'un litige auquel tous ces droits ont vocation à s'appliquer. On note alors qu'il n'y a, a priori, aucun critère juridique (A) ou judiciaire (B) permettant au juge d'appliquer une norme au détriment d'un autre.

A- L'inexistence d'un critère juridique d'élection d'un droit communautaire des procédures collectives

Un ordre juridique apporte aux normes qui le composent la cohérence que leur confère le fait de relever de la même norme fondamentale, mais il les sépare en même temps des normes qui relèvent d'autres ordres, d'autres normes juridiques fondamentales, et cela d'autant plus qu'il est doté d'organes bien structurés qui seront tentés de faire prévaloir leurs propres normes. En d'autres termes, l'inexistence d'un critère juridique d'élection d'un droit communautaire des procédures collectives à l'occasion d'un litige tient son explication de l'indépendance des traités fondateurs des ordres juridiques auxquels ils appartiennent (1). Cette indépendance rejaillit de même sur les droits relevant de ces ordres juridiques (2).

1- L'indépendance des traités constitutifs des ordres juridiques de l'espace OHADA

L'indépendance des traités constitutifs des ordres juridiques qui se partagent l'espace OHADA se manifeste à travers l'inexistence d'une hiérarchie entre les différents traités les ayants institués (a). Cette situation trouve son explication dans plusieurs théories juridiques (b).

a- L'inexistence d'une hiérarchie entre les différents traités communautaires de l'espace OHADA

Pour préciser le problème, il convient de distinguer les normes juridiques communautaires et les sources formelles du droit communautaire. Par normes, on entend le contenu, la substance d'une règle élaborée selon les exigences procédurales de telle ou telle source formelle141(*). Une même norme peut donc être issue de plusieurs sources différentes.

S'il convient d'insister sur cette question de terminologie, c'est notamment que la solution du problème de la hiérarchie ne répond pas aux mêmes règles pour les normes communautaires que pour les sources du droit communautaire.

Le principe est que pour les sources, il n'existe pas de hiérarchie en droit communautaire. Que les sources formelles ne soient pas hiérarchisées n'oblige pas à considérer qu'il n'existe pas de hiérarchie entres les normes juridiques. Cette hiérarchie ne pourra évidemment pas être déduite de l'origine de ces normes puisqu'il s'agit de sources formelles. Mais elle peut résulter d'autres caractéristiques : le degré relatif de généralité des normes en cause, leur position chronologique142(*)...

Adapté au contexte du droit des procédures collectives, cela signifie que les différentes sources formelles de ce droit, c'est-à-dire les traités OHADA, UEMOA et CIMA ne peuvent pas êtres hiérarchisés. Par contre, les normes communautaires des procédures collectives dérivées de ces traités peuvent faire l'objet d'une hiérarchisation selon les critères de généralité ou de chronologie.

b- Le fondement de l'absence d'une hiérarchie entre les traités communautaires de l'espace OHADA

On appelle ordre juridique l'ensemble, structuré en système, de tous les éléments entrant dans la constitution d'un droit régissant l'existence et le fonctionnement d'une communauté humaine143(*). Les traités UEMOA, OHADA, CIMA ont donné naissance à des ordres juridiques.

Selon Hans Kelsen, le traité correspond au même phénomène en droit communautaire que le contrat en droit interne144(*). Partant de cette hypothèse, les traités de l'espace OHADA sont des manifestations de volontés étatiques séparées et indépendantes les unes des autres. A priori, aucun critère ne permet d'établir une hiérarchie entre eux puisqu'ils ont été conclus pour des objectifs précis et différents. « L'autonomie de la volonté » des Etats parties à tous ces traités rend chacun d'entre eux exécutoire et obligatoire à l'égard de ses destinataires. A ce propos, Kelsen affirme qu'en droit communautaire, le traité sert à constituer un ordre juridique autonome dont les règles sont posées par les parties et s'imposent à elles.

On peut ainsi affirmer que les traités OHADA, CIMA et UEMOA existent de manière autonome et obligatoire pour les Etats signataires. C'est ce qui justifie qu'on ne puisse établir de hiérarchie entre eux ni supposer l'abrogation d'une disposition de droit communautaire par une autre.

2- L'indépendance des droits dérivés des traités constitutifs des ordres juridiques de l'espace OHADA

L'indépendance des droits dérivés des traités constitutifs des ordres juridiques dans l'espace OHADA se traduit par l'absence de liens entre eux (a) et leur égalité partagée (b).

a- L'absence de liens entre les sources des droits des procédures collectives

Dans l'ordre juridique et dans les Etats démocratiques la position particulière de chaque norme dans la hiérarchie des normes est fonction du degré de souveraineté de l'organe qui l'élabore. On ne trouve rien de tel dans l'ordre communautaire. Cet ordre est constitué d'Etats souverains juxtaposés, non soumis à un pouvoir politique qui leur serait supérieur. Dès lors l'ordre juridique communautaire ne peut être qu'un ordre conventionnel formé à partir d'abandons partiels de souverainetés des Etats, consenti et accepté par eux. C'est ce qui explique qu'il n'existe pas de liens entre les sources des droits communautaires des procédures collectives au sein de l'espace OHADA. A priori, ils s'appliquent à des personnes bien déterminées même si des recoupements sont possibles. Par ailleurs les objectifs qu'ils poursuivent sont différents ; de plus les ordres juridiques dont ils font partis n'entretiennent dans la pratique aucun rapport.

b- L'égalité des sources du droit communautaire

La doctrine refuse en général toute idée d'égalité entre les diverses sources du droit communautaire145(*). Cependant, le droit communautaire est toujours élaboré directement ou indirectement par les Etats. Ce sont donc des souverainetés qui s'expriment à travers des organisations communautaires qui produisent des règles de droit dans le but de réaliser des objectifs précis.

Du point de vue de la formation des divers ordres juridiques de l'espace OHADA, on peut noter que les procédés sont les mêmes. Ensuite les droits secrétés par ces organisations communautaires poursuivent des objectifs différents même si ils ont parfois vocation à intervenir dans des domaines identiques. Mais cela n'empêche pas qu'ils sont tous revêtus de la même autorité. Leur coexistence dans un même espace géographique voire normatif ne peut manquer de créer certaines difficultés d'autant plus qu'il n'existe aucun critère judiciaire d'élection de l'un d'entre eux au détriment des autres.

B- L'absence d'un critère judiciaire d'élection d'un droit communautaire des procédures collectives

L'absence d'un critère d'élection d'un droit des procédures collectives au sein de l'espace OHADA s'illustre lors des litiges soulevés devant le juge. Etant donné qu'il n'existe aucun critère juridique permettant d'appliquer un droit unique des procédures collectives, il paraît difficile au juge d'opérer un choix d'autant plus qu'il existe plusieurs juridictions chargées de l'application des droits communautaires (1). Cette situation n'est pas sans produire certaines conséquences (2).

1- L'existence de juridictions autonomes chargées de veiller à l'application des droits communautaires

La part de plus en plus importante prise par le droit dans certaines organisations d'intégration se manifeste par la création d'institutions juridictionnelles chargées d'interpréter de manière uniforme le droit communautaire. Ainsi, à côté du juge national chargé d'appliquer le droit communautaire, se trouve le juge communautaire chargé d'interpréter le droit communautaire.

a- Les difficultés pour le juge national de concilier les droits communautaires des procédures collectives

Les droits des procédures collectives sont marqués par l'intervention du juge. Quelle que soit la part importante de l'autorité administrative, il n'en demeure pas moins que le juge reste un élément central de toute procédure collective. Les sources du droit des procédures collectives émanent d'organisations communautaires qui ont toutes institué des juridictions chargées de veiller à la bonne application de leurs droits. Dans tous les cas, il revient au juge national d'appliquer les droits des procédures collectives. L'hypothèse la plus simple serait celle d'un litige dont la solution se trouve au niveau d'un seul texte communautaire. Dans ce cas, l'application de la norme communautaire ne posera pas de problème. Cependant, il peut arriver que le juge soit confronté à des situations faisant appel à l'application de plusieurs droits communautaires. Un conflit de normes peut alors se poser à lui. L'expression « conflit de normes » ne présente pas d'analogie avec la technique dite de conflit des lois, habituellement utilisée en droit international privé. L'expression désigne ici l'éventuelle incompatibilité ou même la simple coexistence entre plusieurs dispositions des procédures collectives émanant de l'AUPC, de la loi bancaire, du code CIMA ayant vocation à régir différemment une même situation. La difficulté à ce moment paraît insurmontable ; et même si le juge national parvient à régler la question, l'éventualité d'un recours devant la juridiction communautaire est à envisager. Cependant, il faut noter que les compétences de celle-ci sont limitées à son propre ordre juridique.

b- Le cloisonnement des juridictions communautaires dans leurs ordres juridiques respectifs

L'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires s'est doté d'un Cour commune de justice et d'arbitrage. Celle-ci est chargée de l'application du traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes146(*). Par ailleurs, l'UEMOA a aussi institué une Cour de justice. Celle-ci est dotée de fonctions juridictionnelles147(*) et consultatives. La CIMA quant à elle, délègue la bonne application de son code aux juridictions nationales148(*).

Relativement au droit des procédures collectives, il faut noter que son application incombe au juge national. Cependant, dans le cadre d'un conflit, les juridictions communautaires peuvent être amenées à se prononcer sur l'application ou l'interprétation d'une norme communautaire. Là encore, le problème de l'élection d'un critère n'est pas réglé puisque chaque juridiction communautaire a vocation à n'interpréter que le droit relevant de son ordre juridique. Certes la coexistence de règles aptes à régir une même situation n'est pas inconnue en droit des procédures collectives. Dans cette situation aucune juridiction communautaire ne peut s'arroger le pouvoir d'opérer un choix entre les normes en concurrence. La raison est qu'il revient au droit communautaire de fixer sa sphère d'applicabilité matérielle. Aucune norme communautaire ne peut davantage régler la question de l'applicabilité du droit communautaire produit par les autres institutions que celle qui a produit la norme. Ainsi il ne revient pas à la CCJA ou à la Cour de justice de l'UEMOA de déterminer l'applicabilité ou non d'une norme de procédure collective qui ne relève pas de son dispositif.

2- Les conséquences de l'absence d'un critère judiciaire d'élection d'un droit des procédures collectives

Le problème du choix du droit applicable se posera au juge chargé de trancher le litige. En effet, des contrariétés peuvent naître de cette situation et créer dans le même temps une jurisprudence hétérogène relative à une question touchant le droit des procédures collectives (a). Par ailleurs, le droit des procédures collectives étant un droit étroitement lié à l'économie des entreprises, les contrariétés relatives à la multiplicité des droits applicables peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur le sort des créanciers, de l'entreprise et de manière générale sur les objectifs d'uniformisation de ce droit (b).

a- La possibilité d'existence d'une jurisprudence éparse et contradictoire

La possibilité d'existence d'un litige pouvant être réglé par plusieurs dispositions des droits communautaires des procédures collectives n'est pas une hypothèse d'école. A ce moment, le juge devra rendre une décision sur la base d'une règle de droit. Si un problème de choix de normes contraires se pose au juge, il n'en demeure pas moins qu'il devra forcément opérer ce choix au risque de commettre un déni de justice. Sur la base de quelles considérations fera-t-il ce choix ? La réponse ne se trouve certainement pas dans des principes juridiques puisqu'il n'y a aucun critère permettant de reléguer une norme communautaire parmi d'autres qui ont vocation à s'appliquer. Cette situation peut alors conduire à l'existence d'une jurisprudence hétérogène relative à une question de droit des procédures collectives. En effet, si pour un même problème il existe une diversité de solutions proposées par plusieurs droits sans qu'un choix puisse être fait, on retrouvera plusieurs solutions d'un juge à un autre.

Si cet inconvénient ne se limitait qu'à une disparité juridique, les conséquences seraient moins fâcheuses, mais il peut s'étendre à des domaines plus importants, notamment les objectifs du droit des procédures collectives.

b- Les atteintes aux objectifs du droit des procédures collectives

Les objectifs des droits des procédures collectives varient selon qu'on convoque le droit OHADA, le droit UEMOA, ou le droit CIMA. Pour l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, la finalité est expressément indiquée par l'intitulé du texte : il s'agit de l'apurement du passif. L'UEMOA n'étant pas une organisation d'intégration juridique, c'est par ricochet qu'elle a eu à légiférer dans le cadre de ses objectifs car une intégration économique nécessite souvent une intégration juridique. Notons simplement que son objectif d'intégration économique justifie une uniformisation de la législation bancaire, d'où l'élaboration d'un droit des procédures collectives adapté aux sociétés de banque. Pour la conférence interafricaine des marchés d'assurance, l'objectif réside dans l'unification des marchés d'assurance. C'est aussi ce qui justifie une incursion dans la production de normes adaptées à ce genre de société et identiques pour tous les Etats membres.

Dans tous les cas, quelle que soit la finalité poursuivie, il demeure toujours que le droit des procédures collectives est lié à l'économie. La pluralité de droits ayant vocation à s'appliquer et pouvant créer des contrariétés et des incertitudes sur l'application de ce droit dans l'espace OHADA peut conduire à des situations fâcheuses tant pour les créanciers que pour les débiteurs. Au final, c'est la confiance accordée au juge qui est sapée par ces incertitudes. Au demeurant, c'est l'objectif d'uniformisation du droit des procédures collectives dans l'espace OHADA qui est battue en brèche.

Cela ajoute, bien sûr, à la confusion et à la ruine des fondements de l'harmonisation recherchée d'autant plus que l'interprétation divergente même de lois uniformes peut conduire à une résurgence inéluctable des conflits de lois149(*).

* 141 V. P.Y. MONJAL, Recherche sur la hiérarchie des normes communautaires, XV, LGDJ 2000, p. 629

* 142 V. P. DAILLIER et A. DELLET, Nguyen Quoc Din, Droit international public, 7ème éd., LGDJ 2002, p. 114-116

* 143 V. C. LEBEN, « De quelques doctrines de l'ordre juridique » Revue française de théorie et de culture juridique, 33. Ordre juridique ? 2001, p. 19 et s.

* 144 V. H. KELSEN, « La théorie juridique de la convention » in Archives de philosophie du droit, 1940, p. 32

* 145 V. D. CARREAU, Droit international, coll. Etudes Internationales, 5ème éd. Pedone 1997, p. 66 et s.

* 146 V. article 14 du traité OHADA

* 147 Au plan juridictionnel, la Cour connaît du contentieux de la déclaration et de l'annulation

* 148 Article 47 du code CIMA

* 149 V. C. ROUSSEAU, « De la compatibilité des normes juridiques contradictoires dans l'ordre international », RGDIP 1932, p. 177 ;

V. P. LESCOT, « L'interprétation judiciaire des règles de droit uniforme » JCP 1963, doct. 1756

V. P. LAGARDE, « Les interprétations divergentes d'une loi uniforme donnent-elles lieu à un conflit de lois : à propos de l'arrêt HOCKE » note sous com. 4 mars 1963 in RCDIP 1964, p. 235

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand