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Les droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA

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par Dieynaba Sakho
Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal - DEA 2008
  

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SECTION 2/ Les rapports entre les droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA

L'existence de plusieurs droits des procédures collectives dans l'espace OHADA peut impliquer une certaine concurrence entre elles et poser de nombreuses difficultés quant à l'application de ces droits. Cependant, l'aspect conflictuel (Paragraphe 1) n'est pas la seule donne des rapports qu'ils entretiennent. En effet, on peut déceler une certaine part de positivité (Paragraphe 2) dans les relations entre les différents droits communautaires des procédures collectives.

Paragraphe 1/ La dimension négative des rapports entre les droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA

Les rapports antre les différents droits des procédures collectives ne sont pas seulement d'ordre positif. Pour s'en convaincre, il y a lieu de noter les nombreux conflits qui peuvent survenir à l'ouverture de la procédure collective (A) ainsi que ceux qui peuvent survenir en cours de procédure (B).

A- L'existence de conflits à l'ouverture des procédures collectives

La cohabitation entre différents droits des procédures collectives susceptibles parfois de s'appliquer à des situations identiques n'est pas sans poser quelques difficultés. On retrouvera d'abord ces difficultés au niveau de la détermination du droit applicable (1), ensuite au niveau de la mise en oeuvre de la procédure (2).

1- La difficile détermination du droit des procédures collectives applicable

A l'ouverture de la procédure collective, la principale difficulté à laquelle on peut être confrontée est celle du droit applicable. S'il s'agit d'une société commerciale régie par le droit OHADA, le problème ne se posera pas. Cependant, dans les cas où il s'agirait d'une banque ou d'une société d'assurance, des difficultés sur le droit applicable peuvent survenir puisque a priori les banques et les sociétés d'assurance sont des sociétés commerciales par la forme, donc susceptibles de tomber sous le coup de la législation OHADA.

a- Les difficultés tenant aux personnes assujetties au droit des procédures collectives

L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif est applicable à toutes les personnes morales commerçantes. Parmi ces personnes morales commerçantes, figurent en bonne place les sociétés commerciales. Relativement à la notion de société commerciale, l'acte uniforme portant organisation des sociétés commerciales considèrent les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple comme entrant dans cette catégorie.

Les banques et les sociétés d'assurance sont toujours constituées sous forme de sociétés anonymes ou de sociétés coopératives ou mutualistes à capital variable. En tout état de cause elles sont assimilables aux sociétés commerciales tant par leur forme que par la nature de leurs activités. En toute logique, on devrait considérer qu'elles tombent dans le champ d'application du droit des procédures collectives de l'Acte uniforme. C'est ce qui semble émaner de la décision de la CCJA selon laquelle, les dispositions de l'acte uniforme étant d'ordre public, les banques ne peuvent y déroger. Reste alors à se demander alors quelles sont les dispositions d'ordre public de l'acte uniforme ?174(*)

Suivant cette logique, rien n'empêcherait un particulier de saisir le juge en vue d'appliquer les dispositions de l'AUPC à une société d'assurance ou une banque d'autant plus que les dispositions de l'acte uniforme ont un effet direct et abroge toute disposition contraire.

La première difficulté qui résulte de cette coexistence entre des droits concurrents est sans doute la détermination du droit applicable. Cette difficulté s'étendra jusqu'au domaine d'application.

b- Les difficultés tenant au domaine d'application des droits communautaires des procédures collectives

La concurrence entre les droits communautaires des procédures collectives est à l'origine de nombreux conflits. Dans le but d'éviter ces conflits, on considère que le droit OHADA est le droit commun des procédures collectives. Par ailleurs, pour éviter tout amalgame au sujet des personnes assujetties au droit OHADA des sociétés commerciales, l'article 916 de l'AUSCGIE dispose en son alinéa 1er : « le présent Acte uniforme n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier ». L'acte uniforme ne définit pas ce qu'est un régime particulier. Aucune indication dans le texte ne permet de donner une signification à cette notion. De toute évidence, ce régime juridique est un régime dérogatoire. La lecture de certaines dispositions de l'AUSCGIE permet d'en percevoir les linéaments. Ainsi, aux termes de l'article 21 de l'AUSCGIE, lorsque l'activité exercée par la société est réglementée, la société doit se conformer aux règles particulières auxquelles ladite activité est soumise. La loi renforce cette dérogation à travers l'article 916. Les sociétés soumises à un régime particulier correspondent à celles qui exercent une activité réglementée. Dans l'espace OHADA, il s'agit des banques et des sociétés d'assurance. Elles sont régies par des dispositions de droit communautaire. C'est là une première marque révélatrice d'une uniformisation prudente certes mais qui ne va pas jusqu'au bout de sa logique à savoir l'élimination de tout pluralisme. Ce pluralisme trouve un terrain favorable aux conflits dans le droit des procédures collectives puisqu'il s'agit alors de la juxtaposition de plusieurs droits communautaires qui ont vocation à s'appliquer en même temps aux sociétés commerciales.

2- Les lenteurs liés à l'intervention des autorités de régulation

A la lecture des différentes dispositions des droits communautaires des procédures collectives, on note que, relativement aux banques et aux sociétés d'assurance, le déclenchement de la procédure est subordonné à l'avis conforme de l'autorité de régulation. En fait, le problème qui se pose est lié aux délais impartis à l'autorité de régulation dans la mise en oeuvre de la procédure. Selon le comportement de l'autorité de régulation, on pourra craindre certaines atteintes à la célérité de la procédure (a) ainsi qu'a sa sécurité (b).

a- Les atteintes à la célérité de la procédure

La lecture des dispositions de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives laisse entrevoir de nombreux délais liés à la procédure. Dans le souci de prévenir les difficultés des sociétés anonymes, l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et GIE, en ses articles 153 à 156 prévoit une procédure d'alerte175(*) par le commissaire aux comptes. Cette procédure se caractérise par sa longueur au vu de l'urgence que nécessite la prévention des difficultés. En effet, le commissaire aux comptes demande par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception des explications au président du conseil d'administration, au président directeur général ou à l'administrateur général selon le cas, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. Celui-ci répond dans le mois qui suit la réception de la demande d'explication. A défaut de réponse ou en cas de réponse insatisfaisante, le commissaire aux comptes dispose d'un nouveau délai de 15 jours pour inviter les dirigeants de la société à se prononcer sur l'état de la question. Si le commissaire aux comptes estime toujours que la situation de la société devient compromise, il établit un rapport qu'il soumet à la prochaine assemblée générale ou en cas d'urgence à une assemblée générale des actionnaires qu'il convoque lui-même.

Cette procédure d'alerte peut s'étaler dans le temps. S'il s'agit d'une banque ou d'une société d'assurance, elle peut être respectée puisqu'il s'agit d'une société anonyme donc régie en principe par les dispositions de l'AUSCGIE. Au final, si l'ouverture d'une procédure collective s'impose, ce retard dans la prévention des difficultés sera encore aggravé par l'intervention obligatoire de l'autorité de régulation. En effet, cette dernière devra se prononcer sur l'ouverture d'une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. La commission bancaire dispose d'un délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande en règlement préventif du représentant légal de l'établissement de crédit pour se prononcer sur l'ouverture ou non de la procédure176(*). Par ailleurs, elle dispose également d'un délai de 21 jours pour se prononcer sur l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens177(*). Si des délais sont prévus pour encadrer le prononcé de la décision de la commission bancaire, il n'en est pas de même pour la commission de contrôle des assurances. En effet le code CIMA ne prévoit aucun délai quand à l'avis préalable à l'ouverture de la procédure collective.

Cette situation n'est pas sans présenter quelques inconvénients quant à l'ouverture et la mise en oeuvre des procédures collectives applicables aux banques et aux sociétés d'assurance. La nature des délais établis par la loi bancaire et l'AUSCGIE n'est pas définie. On ne sait pas si l'autorité de régulation est tenue de se conformer obligatoirement aux délais impartis. En outre, aucune sanction n'est attachée au non respect de ces délais. Un tel état de fait ne manquera pas de produire certaines conséquences liées à la sécurité de la procédure.

b- Les atteintes à la sécurité de la procédure collective

Quel que soit l'objectif affiché par les différents droits communautaires des procédures collectives, il reste toujours que l'objectif final sera le désintéressement de tous les créanciers. Des délais incertains et pouvant tirer en longueur, étroitement liés à la mise en oeuvre de la procédure, pourront constituer un terrain favorable à la fraude. En effet, le débiteur aux abois pourra profiter de cette situation afin d'aggraver son passif ou diminuer son passif pendant que l'autorité judiciaire attend l'aval d'une autorité de régulation. De même, les créanciers, sentant la situation du débiteur compromise peuvent aussi profiter de cette latitude pour exercer des actions en paiements étant donné que la suspension des poursuites n'est pas encore prononcée. Cette situation rompra l'égalité entre les créanciers, principe constant de toute procédure collective. Une fois la décision d'ouverture de la procédure rendue, il se trouvera que certains actes passés par le débiteur, même pendant la période suspecte ou en fraude des droits des créanciers seront peut-être inattaquables par le représentant des créanciers. En effet, certains actes passés par le débiteur auront un sort différent selon le droit des procédures collectives qu'on invoquera. Le problème sera d'autant plus accru que chacun des droits aura vocation à régir la situation litigieuse.

B- La survenance de conflits lors du déroulement de la procédure collective

La confrontation des droits communautaires des procédures collectives n'est pas sans entraîner des conflits dans le déroulement des opérations de procédures collectives surtout lorsque ces droits ont vocation à régir la même situation. Ces conflits ont trouvé un terrain d'expression au niveau de la règle de l'irrévocabilité des ordres de paiements interbancaires (1) et de la compensation effectuée en chambre de compensation (2).

1- La règle de l'UEMOA de l'irrévocabilité des ordres de paiements

Les principes fondamentaux posés par la réforme des systèmes de paiement de l'UEMOA sont confrontés au droit OHADA de l'apurement du passif et en particulier à la règle du « zéro heure » qui peut entraîner l'annulation d'un paiement déjà réglé dans un système de paiement STAR-UEMOA ou SICA-UEMOA. En principe, les ordres de paiement introduits dans un système de paiements interbancaires sont irrévocables. Le moment auquel un ordre de transfert devient irrévocable dans le système est défini par les règles de fonctionnement dudit système. Cette règle de l'irrévocabilité des ordres de paiement présente des incompatibilités avec certaines dispositions de l'AUPC relatives aux nullités de la période suspecte (a). En outre, devant le conflit de droits communautaires posé au juge, le choix du droit applicable se révèle impossible (b).

a- Le caractère inconciliable de la règle avec les dispositions de l'AUPC relatives aux inopposabilités de la période suspecte

La législation OHADA des procédures collectives a institué la règle du « zéro heure » qui signifie que le prononcé de la décision d'ouverture de la procédure collective prend effet à 00h du jour du jugement. La règle présente l'avantage de supprimer toutes les difficultés ayant trait à la détermination du moment précis du prononcé et du début des effets de la décision d'ouverture. Cela permet de rendre inopposables à la masse des créanciers, des actes faits dans la journée du prononcé de la décision d'ouverture de la procédure collective, lesquels ont de fortes chances d'être teintés de fraude émanant du débiteur aux abois ou de ses créanciers178(*).

Toutefois, la règle du « zéro heure » comporte des inconvénients manifestes dans le cadre des paiements interbancaires. Ainsi, pour les systèmes de paiements d'importance systémique, la règle pourrait avoir pour effet d'invalider toutes les transactions effectuées par le participant en faillite dès le début du jour de mise en oeuvre de la procédure collective. Dans un système de paiements interbancaires les conséquences pourraient être la révocation des paiements qui apparaissaient déjà réglées et qu'on pensait définitifs. Cela impliquerait aussi de recalculer toutes les positions nettes et pourrait provoquer de profondes modifications des soldes des participants. Le règlement 15-2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatifs aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l'UEMOA vient apporter une dérogation importante en matière bancaire. Cette dérogation est reprise par l'article 99 de la loi bancaire qui dispose : « Les ordres de transferts introduits dans un système de paiements interbancaires conformément aux règles de fonctionnement dudit système, sont opposables aux tiers et à la masse des créanciers. Ils ne peuvent être annulés jusqu'à l'expiration du jour où est rendu le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens à l'encontre d'un participant, même au motif qu'est intervenu ce jugement ». De même l'article 14 de la convention STAR UEMOA énonce en son alinéa 1er : « Les ordres acceptés par le système sont irrévocables et ne peuvent être ni corrigés ni rappelés ». Ainsi, est posé le principe de l'irrévocabilité des ordres de paiement malgré les dispositions de l'article 67 de l'AUPC qui dispose : « Sont inopposables de droit ou peuvent être déclarés inopposables à la masse des créanciers, telle que définie par l'article 72 ci-après, les actes passés par le débiteur pendant la période suspecte débutant à la date de cessation des paiements et finissant à la date de la décision d'ouverture ». La confrontation de ces deux règles laisse penser que si un paiement est effectué par le débiteur par le biais d'un ordre de transfert introduit dans un système de paiements interbancaires pendant la période suspecte, le syndic, représentant des créanciers et défenseurs de leurs intérêts, ne pourra pas attaquer cet acte sur le terrain des inopposabilités de la période suspecte puisque la législation UEMOA le lui interdit.

En d'autres termes, et en dépit des articles 52 et 53 de l'Acte uniforme, on interdit au représentant des créanciers de poursuivre la neutralisation de ces paiements quand ils ont été réalisés le jour de la procédure collective, donc en période de dessaisissement. Il ne serait pas alors concevable de l'autoriser à les attaquer quand ils sont effectués avant l'ouverture de la procédure collective 32. En fait, ce n'est pas seulement l'application de la règle du «zéro heure» qui est contrariée, c'est la restauration du gage des créanciers que poursuivent certaines règles de la période suspecte qui est devenue impossible à réaliser. Ces opérations sont inattaquables par le syndic ni sur le fondement des inopposabilités de la période suspecte ni sur celui de la violation de l'article 11 de l'Acte Uniforme.

b- Les difficultés du choix entre la législation UEMOA et la législation OHADA

La question qu'il convient de se poser ici est celle de savoir quelle sera l'attitude du juge saisi d'une action du syndic en vue de réclamer l'inopposabilité des transferts interbancaires intervenus en période suspecte ou le jour de la déclaration de cessation des paiements ? Donnera-t-il une suite favorable à la demande du mandataire judiciaire ou conférera-t-il la primauté aux dispositions du Règlement n° 15 au détriment de celles de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ? Pourra-t-il considérer, comme certains auteurs, que la règle du «zéro heure» demeure en vigueur dans le droit commun des procédures collectives, dans le but notamment d'assurer l'égalité de traitement entre les créanciers, mais avec une exception de taille relative aux paiements et aux compensations interbancaires» ? Il n'y a aucune certitude à ce sujet. Les critères qui permettent le choix d'une législation et le rejet d'une autre ne sont pas toujours probants ; les arguments d'opportunité en faveur d'un corps de règles peuvent être contrariés par des objectifs dont la réalisation doit primer sur toute autre considération.

Il reste à se demander si un règlement de l'UEMOA peut modifier un acte uniforme OHADA. La question est d'autant plus complexe que dans les deux cas, il s'agit d'actes qui sont directement applicables et obligatoires dans les Etats membres nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure et qu'aucun principe ne semble permettre de faire prévaloir l'un sur l'autre. Cette difficulté de choix de la législation applicable produit certaines conséquences. D'une part, il plane une certaine incertitude sur le sort des paiements réalisés dans le cadre d'un système de paiements interbancaires, d'autre part, c'est le gage général des créanciers qui est menacé à travers l'irrévocabilité des ordres de paiement. Au-delà c'est l'objectif d'apurement du passif du droit des procédures collectives qui se trouve entravé179(*).

2- La compensation effectuée en chambre de compensation

Les ordres de paiement introduits dans un système interbancaire de paiement ne sont pas les seuls domaines ou le conflit entre droits communautaires des procédures collectives se manifeste. Il en est de même de la compensation effectuée en chambre de compensation. En effet, cette compensation est irrévocable (a) au regard de la législation UEMOA. Cette règle peut s'avérer inconciliable avec les dispositions de l'OHADA (b).

a- Le caractère irrévocable de la compensation effectuée en chambre de compensation

Au sein de l'espace UEMOA, la compensation effectuée en chambre de compensation ou à un point d'accès à la compensation, est opposable aux tiers et à la masse des créanciers. Ainsi, l'article 7 du règlement 15/2002/CM/UEMOA dispose : « Nonobstant toute disposition contraire, la compensation effectuée en chambre de compensation ou à un point d'accès à la compensation dans le respect des règles de fonctionnement du système de paiement interbancaire concerné, est opposable aux tiers et à la masse et ne peut être annulée au seul motif que serait rendu un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation des biens à l'encontre d'un participant au dit système ». Le fondement de cette disposition se trouve dans la spécificité des opérations effectuées dans les systèmes de compensation ou de paiements interbancaires. En effet, les participants à ces systèmes sont souvent des banques et des établissements financiers180(*). La survenance d'un dysfonctionnement interne pourrait entraîner des conséquences en chaîne qui ne manqueraient pas de se répercuter sur le système financier. Le système présente donc un important risque systémique.

Dans la mesure où un important risque systémique plane sur ces systèmes et que plusieurs participants sont concernés, leur crédibilité impose une exécution rapide et sure des ordres de transferts. C'est ce qui justifie l'irrévocabilité des opérations effectuées dans ces systèmes.

En d'autres termes, il y a irrévocabilité de la compensation, même en cas d'ouverture d'une procédure collective contre un participant, alors même que celle-ci serait intervenue en période suspecte ou en cours de dessaisissement. Ce n'est pas seulement la règle du «zéro heure» qui est écartée ; ce sont les inopposabilités de la période suspecte et du dessaisissement qui ne pourront plus être prononcées contre les compensations «au seul motif» de la cessation des paiements d'un participant. L'immunité dont bénéficie ce mode de paiement découle du seul fait qu'il a été réalisé dans le cadre d'un système de paiement intégré. Pour la compensation, le mécanisme mis en place dans l'espace UEMOA est le Système Interbancaire de Compensation Automatisé (SICA-UEMOA).

b- Les incertitudes sur l'application du droit OHADA des procédures collectives à la compensation interbancaire

La législation UEMOA, dans le cadre de l'intégration économique, a prévu un système de compensation interbancaire régit par la Convention de compensation communément nommé Système Interbancaire de Compensation Automatisé.

Dans le cadre des procédures collectives, ce mode de paiement présente le mérite d'être en principe inattaquable sur le fondement de l'article 7 du règlement 15/2002/CM/UEMOA181(*). L'immunité dont bénéficie ce mode de paiement découle du seul fait qu'il a été réalisé dans le cadre d'un système de paiement intégré.

L'article 7 du Règlement s'applique à la compensation interbancaire «nonobstant toute disposition contraire». La règle est reprise d'un système juridique qui entendait écarter les règles relatives aux procédures collectives d'apurement du passif ayant pour effet de neutraliser les paiements effectués par le débiteur en violation des règles relatives au dessaisissement. Mais, il n'est pas douteux que l'expression «nonobstant toute disposition contraire» inclut, non seulement, les règles de la période suspecte, mais également celles du règlement préventif. Dans ce dernier cas, le participant n'est pas en cessation des paiements, il craint juste de se trouver dans cet état sous peu. En effet, à partir du jugement de cessation des paiements, il y a comme une sorte de prohibition générale de l'exécution des engagements souscrits par le débiteur. Il est vrai que l'interdiction n'est pas mentionnée expressément dans l'Acte uniforme mais elle s'induit du dessaisissement182(*). Les créanciers bénéficiaires de ces paiements interdits sont condamnés à rapporter ce qu'ils ont reçu de leur débiteur. Aucune distinction n'est faite en raison du mode de paiement. Il est juste exigé que la dette payée soit antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective. On comprend alors les convoitises que peuvent susciter les règlements interbancaires en cas de défaillance d'un participant frappé de dessaisissement. L'importance des sommes en jeu et, parfois, les conséquences sociales, économiques et financières du blocage d'un virement ou de l'annulation d'une compensation interbancaire peuvent avoir des répercussions qui dépassent les participants au système de paiement.

On note ainsi la présence de deux corps de règles de valeur normative équivalente (UEMOA et OHADA), porteurs de solutions antinomiques, ont vocation à être appliqués à une situation juridique impliquant des enjeux importants et des conséquences économiques, financières et sociales. A priori, on ne perçoit pas de solution car il s'agit de deux ordres juridiques différents, c'est-à-dire de corps de règles possédant leurs propres sources, «dotés d'organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations»183(*). En effet, quoique porteurs de solutions antinomiques, ils sont appelés à régir une situation juridique identique dont les éléments constitutifs ainsi que les effets sont totalement ou partiellement localisés dans l'espace UEMOA-OHADA.

Le conflit de norme n'est pas exceptionnel mais l'embarras qu'il cause peut être juste technique et théorique quand les solutions envisagées sont identiques. En outre, il peut entraîner un trouble économique, social et financier important quand les règles en conflit aboutissent à des résultats antinomiques.

* 174 L'article 2 de l'AUSCGIE dispose : « Les dispositions du présent acte uniforme sont d'ordre public... ». Cet article laisse entendre que toutes les dispositions de l'acte uniforme sont d'ordre public. Tel est-il réellement le cas ?

* 175 La procédure d'alerte n'est pas une procédure collective. Cependant elle peut aboutir à l'ouverture d'une procédure collective d'où l'intérêt qui lui est accordé dans le déclenchement de la procédure

* 176 V. article 87 de la loi 2008-26 portant réglementation bancaire op.cit.

* 177 Ibid. article 88

* 178 V. A.T. NDIAYE, « Conflit de normes en droits communautaires OHADA et UEMOA : Exemple des paiements réalisés dans les systèmes de paiement intégrés en cas de procédures collectives d'apurement du passif » in Revue de droit uniforme, 2007, p. 284-322

* 179 Ibid.

* 180 V. articles 3 et 4 du règlement 15/2002/CM/UEMOA

* 181 V. article 7 du règlement 15/2002 op.cit.

* 182 M.N. LEGRAND, «Les pouvoirs du débiteur dessaisi» in Revue des Procédures Collectives, 1991, p. 11

* 183 V. G. ISSAC, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1989, op.cit.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci