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Le droit de ne pas s'autoaccuser dans la jurisprudence de la CEDH

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par Jean-Dominique VOISIN
Université Paris II-Assas - Master 2 droit pénal et sciences pénales 2007
  

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SECTION DEUXIéME: LES SOURCES NORMATIVES DU DROIT DE

NE PAS S'AUTOACCUSER

26. La version européenne du droit de ne pas s'autoaccuser s'inspire d'équivalents techniques puisés dans les ordres juridiques proches (I). L'assise conventionnelle est néanmoins incontournable, la Cour doit donc identifier, au sein des articles de la ConvEDH, le fondement juridique du droit de ne pas s'autoaccuser (II). Tout se passe comme si ce droit avait été mis au jour par la Cour, qui l'aurait découvert au sein de normes juridiques préexistantes.

I. L'INFLUENCE DES ORDRES JURIDIQUES PROCHES

27. La Cour se reconna»t la faculté, en tant qu'organe privilégié d'application de la ConvEDH, d'en interpréter les dispositions à la lumière d'autres instruments juridiques. En se livrant à une interprétation extensive des dispositions de la Convention, elle peut ainsi développer des garanties qui ne sont pas expressément prévues par les textes. Les sources d'inspiration citées par la Cour elle -méme comprennent les normes internationales (A) et la jurisprudence des Cours suprémes des Etats-Unis et du Canada (B).

A] L'INFLUENCE DU DROIT INTERNATIONAL

28. Selon les termes mêmes de la Cour, qui figurent dans la formule type mentionnée en introduction28, le droit de se taire et le droit de ne pas s'autoaccuser Çsont des normes internationales généralement reconnues È. La première source d'inspiration est donc le droit international.

29. La Cour n'identifie pas précisément les normes internationales qui consacrent le droit de ne pas s'autoaccuser. Au regard des fondements philosophiques de ce droit, on peut sans doute considérer qu'il s'agit d'un principe général du droit international. Si l'on s'en tient aux textes en vigueur, on remarque que le droit de ne pas s'autoaccuser figure de manière explicite, quoique dans des termes différents, à l'article 14, littera g du Pacte

29

international relatif aux droits civils et politiques : Ç Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes: (É) g) à ne pas être forcée de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable È.

Malgré une terminologie différente, on reconna»t là le double visage procédural du silence en matière pénale: le «droit à ne pas être forcé de témoigner contre soi -même» correspond à la notion européenne du «droit de se taire», et le «droit de ne pas s'avouer coupable« à celle de «droit de ne pas s'autoaccuser».

30. Les droits consacrés par la CourEDH présentent ainsi une certaine ressemblance avec les dispositions internationales visant à assurer le respect de la liberté de parole du justiciable qui fait l'objet de poursuites pénales. Cependant, la mise en Ïuvre du droit de ne pas s'autoaccuser entra»ne parfois des difficultés, que la CourEDH résout en s'inspirant des solutions posées par les Cours Suprêmes des Etats-Unis et du Canada.

28 Cf. supra n15.

29 Signé à New York, le 19 décembre 1966.

B] L'INFLUENCE DE LA JURISPRUDENCE CANADIENNE ET AMÉRICAINE

31. Le droit de ne pas s'autoaccuser est le résultat d'un compromis entre droits de la défense et nécessités de l'enquête. Afin de résoudre ce conflit, la CourEDH s'inspire parfois expressément de la jurisprudence des hautes juridictions de pays de Common Law. Ainsi, Allan 30

dans l'affaire , elle décide que <<pour rechercher si le droit de garder le silence

est compromis (É), il faut examiner l'ensemble des circonstances d'une affaire. Les décisions de la Cour suprême du Canada, (É) peuvent cependant fournir des indications à cet égard; la Cour suprême y a examiné, dans des circonstances présentant des similitudes avec celles de l'espèce, le droit de garder le silence dans le contexte de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés È. Autrement dit, lorsque l'espèce soumise au contrôle de la CourEDH soulève un problème de fond relatif au droit de ne pas s'autoaccuser, dans des termes semblables à ceux d'espèces sur lesquelles la Cour Suprême du Canada s'est déjà prononcée, il n'y a pas d'obstacle à ce que la solution adoptée par cette juridiction soit, mutatis mutandis, appliquée à l'affaire européenne. Les droits consacrés étant relativement proches dans les deux ordres juridiques, il semble naturel que la CourEDH puise dans la jurisprudence canadienne les réponses aux questions qui lui sont posées quant à la mise en Ïuvre du droit de ne pas s'autoaccuser.

La jurisprudence étrangère peut apporter une solution à un problème particulier, ou simplement motiver et confirmer une décision de la CourEDH. Ainsi, dans Jalloh 31

l'affaire ,

après avoir résolu le problème sur le fond, la CourEDH renforce son argumentation en citant la jurisprudence américaine : << comme l'a si bien dit la Cour suprême des Etats-Unis dans son arrêt en l'affaire Rochin È.

32. Cette source d'inspiration doit toutefois être maniée avec précaution. Certes, les ordres juridiques considérés reconnaissent de longue date le droit de ne pas s'autoaccuser; mais ce sont des systèmes de Common Law, dont la solution du conflit à l'origine de la création de ce droit ne peut être transposée purement et simplement à l'ordre européen. Le droit issu de la Convention réalise un compromis entre les différents droit nationaux des Etats membres, et l'équilibre choisi entre accusatoire et inquisitoire n'est pas le même qu'aux Etats- Unis ou au Canada. Les décisions des Cours Suprêmes de ces pays doivent donc être adaptées

30 CEDH 5 novembre 2002, Allan c/ Royaume-Uni, § 51.

31 CEDH 11 juillet 2006, Jalloh c/ Allemagne, § 105.

aux dispositions de la Convention, et ne peuvent exercer qu'une influence limitée sur le droit de ne pas s'autoaccuser.

En réalité, la difficulté vient de ce que, de l'aveu méme de la Cour, Ç la Convention ne mentionne pas expressémentÈ ce droit. Il s'agit donc d'une pure création de la juridiction européenne, certes fondée sur des considérations théoriques incontestables et reconnue sur le plan international ainsi qu'à l'étranger, mais qui ne saurait s'imposer aux Etats-membres sans reposer sur le fondement des dispositions de la ConvEDH elle-méme.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry