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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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§2. La responsabilité pénale au regard de l'article 6 (3) du Statut du TPIR

L'alinéa 3 de l'article 6 du Statut du TPIR est libellé comme suit : Le fait que l'un quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent Statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s'il savait que ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait commis et que le supérieur n'a pas pris des mesures nécessaires pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.

A la lecture du présent texte, il ressort qu'il s'agit d'une responsabilité pénale du supérieur hiérarchique par suite d'une infraction par omission. La formulation de l'article 6 alinéa 3 du Statut du TPIR ne crée pas expressément une infraction d'omission proprement dite du supérieur hiérarchique car la formule négative utilisée semble en effet exclure un fait justificatif et créer une responsabilité propre du supérieur hiérarchique56(*).

La responsabilité du supérieur hiérarchique pour les actes du subordonné a été reconnue par la Convention de La Haye de 1907. La possibilité d'imposer la responsabilité sur les personnes en position d'autorité qui ont failli à leur devoir de prévenir les violations des lois et coutumes de la guerre commises au cours de la première guerre mondiale était reconnue par la Commission des auteurs de la guerre et sur le renforcement des pénalités57(*).

Ceci étant, dans le présent paragraphe, nous analyserons tout d'abord les conditions d'existence de la responsabilité du supérieur hiérarchique (I), ensuite la portée de cette responsabilité (II).

I. Les conditions d'existence de la responsabilité du supérieur hiérarchique

La responsabilité pénale individuelle du supérieur hiérarchique au regard de l'article 6 (3) du Statut du TPIR est engagée pour cause d'une omission ou d'une infraction commise par une personne placée sous son contrôle. Pour qu'il en soit juridiquement ainsi, il faut qu'il y ait un lien de subordination entre la personne et les auteurs de l'infraction (A) ; le supérieur hiérarchique savait ou avait des raisons de savoir qu'un crime était sur le point d'être commis ou avait été commis (B) ; et enfin le supérieur hiérarchique n'a pas pris des mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir le crime ou en punir les auteurs (C)58(*).

A. Le lien de subordination entre le supérieur hiérarchique et les auteurs de  l'infraction

La qualité du supérieur hiérarchique joue un rôle très important dans l'établissement de la responsabilité pénale individuelle au regard de l'article 6 (3) du Statut du TPIR. Dans l'affaire Semanza, la Chambre de première instance a jugé que le lien de subordination suppose que de par sa position dans la hiérarchie officielle ou non, l'intéressé ait un rang supérieur à son subordonné59(*). Il ne s'agit pas de n'importe quel supérieur placé dans la chaîne de commandement, mais seulement d'un supérieur qui a une responsabilité personnelle à l'égard de l'auteur des agissements en question, parce que ce dernier, étant son subordonné, se trouvait placé sous son contrôle60(*).

Le critère d'un lien direct qui doit exister entre le supérieur hiérarchique et le subordonné découle visiblement du devoir d'agir exprimé au paragraphe 1 de l'article 86 du Protocole additionnel I, qui est ainsi libellé : Les hautes parties contractantes et les parties au conflit doivent réprimer les infractions graves et prendre les mesures nécessaires pour cesser toutes les autres infractions aux Conventions et au présent Protocole qui résultent d'une omission contraire au devoir d'agir61(*).

En outre, seul ce supérieur est normalement en mesure de posséder des informations lui permettant de conclure que ce subordonné a commis ou va commettre une infraction. Certes, il faut que les activités criminelles des subordonnés relèvent du domaine effectif de la responsabilité du supérieur hiérarchique. A cet effet, selon la Chambre de première instance du TPIR, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana :

 « Le principe de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique ne doit s'appliquer qu'aux supérieurs qui exercent un contrôle effectif sur leurs subordonnés [...] La Chambre souscrit, à cette occasion, au jugement du TPIY dans l'affaire Mucic et al.62(*), où il est indiqué [...] qu'il faut que le supérieur contrôle effectivement les personnes qui violent le droit international humanitaire, autrement dit qu'il ait la capacité matérielle de prévenir et de sanctionner ces violations. Etant entendu qu'il peut s'agir aussi bien d'un pouvoir de facto que d'un pouvoir de jure [...] » 63(*).

La capacité de contrôle effectif du supérieur hiérarchique est certes un critère pertinent, mais il n'est pas nécessaire qu'il ait été juridiquement habilité à empêcher ou punir les actes commis par ses subordonnés. L'élément qu'il convient de retenir est sa capacité matérielle qui, au lieu de donner des ordres ou de prendre des mesures disciplinaires, peut par exemple se traduire par le fait d'adresser des rapports aux autorités compétentes afin de prendre des mesures appropriées.

La notion de supérieur hiérarchique est plus large et doit être prise dans un sens hiérarchique englobant la notion de contrôle64(*). En réalité, la notion du supérieur s'applique à toute personne investie d'un pouvoir hiérarchique. C'est dans ce sens que la qualité officielle n'est pas déterminante. Le principe de la responsabilité du supérieur ne se limite pas aux personnes ayant été officiellement désignées comme commandants, il couvre aussi bien l'autorité de facto que de jure65(*). Il s'ensuit que la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique est engagée non pas pour ses propres actes mais pour ceux commis par personnes placées sous sa garde. Contrairement au spectateur en cas d'encouragement, il n'est pas nécessaire que le supérieur hiérarchique sache les conséquences de sa défaillance d'empêcher ou de punir le crime.

* 56 M. HENZELIN, op. cit., p. 90.

* 57 N. ZAKR, «  L'imputabilité des faits et actes criminels des subalternes au supérieur hiérarchique devant le TPIR », in R.D.I., vol. 78, n° 1, p. 51.

* 58 Le Procureur c. Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §. 38 ; Voy. aussi Le Procureur c. Kordic et Cerkez, Affaire n° IT-95-14/2-T, jugement, 26 février 2001, §. 401 ; le Procureur c. Blaskic, Affaire n° IT-95-14-T, jugement, 3 mars 2003, §. 294.

* 59 Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note, §. 401.

* 60 N. ZAKR, op. cit., p. 54.

* 61 J. PICTET, Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949, C.I.C.R., Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1986, p. 1029.

* 62 Le Procureur c. Mucic et al. (Affaire Celebici ), affaire n° IT-96-21-A, arrêt, 23 février 2001, §. 256.

* 63 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement , cité à la note 16, §§. 229-231.

* 64 N. ZAKR, op.cit., p. 56.

* 65 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §§. 217-231 ; Le Procureur c. Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §. 39 ; Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 141.

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