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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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CHAPITRE II :

LES CRITERES D'APPLICATION DE L'ARTICLE 3 COMMUN AUX CONVENTIONS DE GENEVE ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II

Toute infraction suppose l'existence d'un certain nombre de critères en l'absence desquels l'acte visé ne saurait être incriminé. Ces critères sont soit d'ordre général soit d'ordre spécifique. Le caractère international des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, entraîne cependant certaines différences quant au contenu de ces éléments constitutifs.

Deux sections feront l'objet de notre analyse sous ce chapitre a savoir : les critères d'ordre général (Section I), ensuite les critères d'ordre spécifique (Section II).

SECTION I : LES CRITERES D'ORDRE GENERAL

Comme les autres infractions, toute violation de l'article 3 commun ou du Protocole additionnel II, doit comprendre trois éléments pour être retenue, à savoir l'élément légal (§1), l'élément matériel (§2) et l'élément moral (§3).

§1. L'élément légal

L'élément légal d'une infraction est le texte légal qui réprime ce genre de comportement. C'est l'application du principe de la légalité des incriminations et des peines. Ce principe exprimé par le célèbre adage latin nullum crimen nulla, poena sine lege, consacre la règle de droit pénal qui interdit qu'une personne puisse être poursuivie pour les faits dont l'incrimination n'était pas établie au moment de leur Commission, ni condamnée à d'autres peines que celles prévues par la loi pour de tels faits.

Certes, chaque droit pénal national reconnaît l'importance de ce principe. Beaucoup de législations nationales91(*) consacrent ce principe en reprenant l'article 11 al. 2 de la Déclaration Universelle des Droit de l'Homme qui stipule que : «  Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international ».

Particulièrement en matière pénale, un Etat peut imposer certaines limites aux droits fondamentaux de ses citoyens notamment le droit à la liberté et le droit à la vie. Le principe de la légalité des incriminations et des peines constitue donc une précieuse garantie des citoyens contre l'arbitraire des pouvoir exécutif et judiciaire. Si les incriminations n'étaient pas déterminées d'avance, le citoyen s'exposerait à des poursuites injustes92(*).

L'application du principe de la légalité des incriminations et des peines est l'une des questions les plus controversées de la doctrine contemporaine du droit international. Cette règle qui, en droit interne, joue un rôle important dans la protection des intérêts tant publics que privés, se heurte à un obstacle de taille en droit international93(*). En effet, il n'y a pas formellement de législateur international et partant il ne pourrait y avoir de loi internationale.

Ceci étant, la première question qui se pose est celle de savoir les sources sur la base desquelles les individus peuvent pénalement être tenus responsables. Concrètement, quelles sont les sources de droit applicable pour déterminer que tel acte ou comportement constitue ou non un crime au regard du droit international.

Pour mieux cerner les contours du principe de légalité criminelle internationale, nous aborderons la légalité des incriminations et la légalité des peines.

I. La légalité des incriminations

Nous aborderons, dans ce point, la signification du principe de la légalité des incriminations (A) et ensuite son application devant le TPIR (B).

A. Signification

Elle signifie qu'aussi longtemps qu'un fait déterminé n'est pas présenté par la loi comme une transgression ou une violation d'une règle qu'elle énonce expressément, il ne peut exister aucune infraction et aucune poursuite judiciaire ne peut se justifier94(*).

En droit international en général, et en droit international des conflits armés en particulier, ce sont les Conventions et la coutume internationales qui, en l'absence d'organe législatif international, jouent un rôle important dans la détermination de l'infraction internationale. Les Conventions internationales viennent généralement exprimer officiellement des principes déjà consacrés par une coutume internationale et leurs dispositions sont en général fixées dans un cadre préétabli par la coutume95(*).

Dans ce sens, le jugement de Nuremberg a constaté qu' indépendamment des traités, les lois de la guerre se dégagent d'usages et coutumes progressivement et universellement reconnus, de la doctrine des juristes, de la jurisprudence des tribunaux, etc. Souvent les textes ne font qu'exprimer et préciser les principes d'un droit déjà en vigueur 96(*). Dès lors, l'exigence d'une disposition expresse pour pouvoir considérer un comportement comme infraction internationale est remplie à partir du moment où il existe un texte ou plus précisément une convention à ce sujet.

Les tenants de cette théorie, soutiennent que seuls les Conventions, les traités, le accord écrits entre les Etats, peuvent constituer les sources de droit applicable sur la base desquelles la responsabilité individuelle peut être engagée. Cette position consacre l'idée selon laquelle seul le droit positif international prime.

Cette manière de voir n'a pas été reconnue par tous. Une certaine doctrine97(*), accordant à ce principe une valeur absolue aussi bien en droit international qu'en droit interne, considère en effet, que l'équité et la raison autorisent que des raisons ou circonstances exceptionnelles puissent justifier ou excuser la violation d'un principe aussi essentiel pour la vie des individus en communauté.

Selon un autre point de vue, le principe de la légalité des incriminations n'est pas une règle de droit mais plutôt un principe d'éthique ou d'ordre moral qui n'a pas de force contraignante dans le contexte de crimes d'ordre international98(*).

Enfin, selon les autres, les règles de droit international coutumier ainsi que les traités, constituent la source de droit applicable dans la détermination de la responsabilité pénale individuelle ; partant, dans le cadre du droit international, le principe nullum crimen sine iure semble être une meilleure alternative du principe nullum crimen sine lege en droit pénal international. Ainsi, une notion dérivée du droit pénal national est interposée dans le système de droit international. En l'absence d'un droit pénal international codifié, le principe de la légalité des incriminations doit avoir un sens différent de celui de l'ordre juridique interne99(*).

Il est à noter qu'en l'absence d'organe législatif international qui puisse édicter des lois écrites, ce sont les Conventions et la coutume internationales qui sont les sources du droit international.

Etant donné que le TPIR est le centre de notre recherche, il sied de voir comment il a justifié la légalité des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, les incriminations qui sont prévues par l'article 4 de son Statut.

B. Mise en oeuvre

Le TPIR est un tribunal international crée par la résolution 955 du Conseil de Sécurité de l'ONU, adoptée en application du chapitre VII de la charte de l'ONU, pour juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou autres violations graves du droit international humanitaire commis au Rwanda, ainsi que les citoyens rwandais qui auraient perpétré ces crimes dans les pays frontaliers du Rwanda. Tous les crimes qui entrent dans la compétence du TPIR relèvent du droit international en vigueur lors de sa création. N'étant pas un organe législatif, le Conseil de sécurité ne pouvait pas créer de lois, mais inclure dans le Statut des instruments faisant partie du droit coutumier existant.

Le sort des violations du droit des conflits armés qui matériellement s'apparentent aux faits incriminés, mais qui ne sont pas produits dans un contexte interne, a longtemps fait l'objet de controverses. Jusqu'au début des années 90, la tendance générale était de considérer que les violations même massives et graves de l'article 3 commun aux Conventions de Genève ou des dispositions du Protocole additionnel II, ne pouvaient en aucun cas être qualifiées de crimes de guerre au sens du droit humanitaire en vigueur et n'engendraient donc pas les conséquences qui se rattachent à cette notion100(*). Parmi ces conséquences, on peut citer notamment la reconnaissance desdits textes comme étant des normes de jus cogens101(*).

Au vu des exigences du principe de la légalité des incriminations dans le cadre du droit pénal international, notamment le caractère coutumier de la norme, force est de constater qu'en adoptant le Statut du TPIR, le Conseil de sécurité est allé plus loin que celui du TPIY dans le choix du droit applicable et a inclus dans la compétence matérielle, surtout en matière de crimes de guerre, des instruments qui n'étaient pas nécessairement considérés comme faisant partie du droit international coutumier ou dont la violation n'était pas généralement considérée comme engageant la responsabilité pénale de son auteur. L'article 4 du Statut du TPIR inclut donc les violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, qui dans son ensemble, n'a pas encore été universellement reconnu comme faisant partie de droit international coutumier102(*).

Les juges du TPIR dans l'affaire Akayesu sont néanmoins revenus sur l'avis du Secrétaire Général de l'ONU lors de la création du TPIY et ont affirmé qu'en application du principe nullum crimen sine lege , le Tribunal international devrait appliquer les règles du droit humanitaire qui faisaient partie, sans aucun doute possible, du droit coutumier. Dans ce sens, la Chambre de première instance I a considéré qu'il est bon de répondre à la question de savoir si l'article 4 du Statut renferme des règles qui, à l'époque où les crimes allégués dans l'acte d'accusation ont été commis, ne faisaient pas partie du droit international coutumier existant103(*).

Dans la même affaire, le Tribunal a essayé de justifier le caractère coutumier de deux textes légaux en question. Selon la Chambre, il est clair aujourd'hui que l'article 3 commun a acquis le statut de règle du droit coutumier en ce sens que la plupart des Etats répriment dans leur code pénal des actes qui, s'ils étaient commis à l'occasion d'un conflit armé interne, constitueraient des violations de l'article 3 commun104(*).

A cette occasion, la Chambre de première instance s'est référée au jugement Tadic105(*) rendu par la Chambre de première instance du TPIY dans lequel il a été jugé que l'article 3 commun faisait sans aucun doute partie du droit international coutumier et qu'il existait un ensemble de principes et de normes généraux relatifs aux conflits armés internes qui couvrent l'article 3 commun mais qui ont également une portée plus large.

Cependant, le Protocole additionnel II dans son ensemble n'a pas été reconnu par le Secrétaire Général comme faisant partie du droit international coutumier. Dans ce sens, la Chambre de première instance I du TPIR, dans l'affaire Akayesu, a jugé qu'elle est en accord avec cette opinion dans la mesure où de nombreuses dispositions dudit Protocole peuvent maintenant être considérées comme déclaratives de règles existantes ou comme ayant cristallisé des règles naissantes du droit coutumier, mais non toutes106(*).

Toutefois, les juges du TPIR dans cette affaire, en cherchant les dispositions qui pourraient leur servir de règles de droit, ont fait un choix parmi les dispositions du Protocole additionnel II et ont conclu que l'article pertinent dans le contexte du TPIR est le paragraphe 2 de l'article 4 (garanties fondamentales) dudit Protocole car toutes les garanties énoncées à l'article 4 du statut reprennent et complètent celles prévues à l'article 3 commun107(*).

Par ailleurs dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, la Chambre de première instance a adopté une autre solution. Dans cette affaire, la Chambre a considéré qu'il n' y a pas lieu de se pencher sur la question de savoir si les instruments repris dans l'article 4 du Statut du TPIR font partie du droit coutumier. Pour la Chambre, une telle analyse lui semble superflue dans la mesure où la situation est assez claire. Etant donné que le Rwanda est devenu partie aux Conventions de 1949 le 5 mai 1964 et au Protocole II le 19 novembre 1984, la Chambre considère que ces instruments étaient bien en vigueur au Rwanda au moment où les tragiques événements de 1994 se déroulaient sur son sol108(*).

De plus, les infractions énumérées à l'Article 4 du Statut constituaient également toutes des crimes au regard des lois rwandaises en vigueur en 1994, par conséquent, il ne fait aucun doute que les personnes coupables de violations de ces instruments internationaux au cours des événements survenus au Rwanda en 1994 peuvent parfaitement être l'objet de poursuites. La question qui se pose à la Chambre ne porte donc pas sur l'applicabilité de ces instruments au sens général du terme mais plutôt sur leur seuil d'applicabilité au cas d'espèce. Une analyse juridique détaillée de ces instruments et du contexte historique dans lequel leur adoption est intervenue s'avère nécessaire pour y répondre109(*).

En somme, ni le statut du TPIR ni celui du TPIY ne prévoit une disposition consacrant le respect du principe « nullum crimen sine lege ». Bien que le Secrétaire Général de l'ONU ait expressément mentionné ce principe dans son rapport lors de la création du TPIY, il n'a pas donné d'explications sur l'applicabilité de ce principe. Les deux tribunaux se déclarent généralement être compétents de poursuivre les personnes présumées avoir violé des règles de droit international coutumier susceptibles d'engager la responsabilité pénale des individus. Le principe de la légalité des incriminations tel qu'appliqué par les deux tribunaux concerne plus la prévisibilité du caractère coutumier des normes et non la garantie contre les poursuites arbitraires qu'exerceraient ces tribunaux110(*).

* 91 Voy. Par exemple l'art. 20 de la Constitution de la République du Rwanda du 4/6/2003, telle que modifiée jusqu'à ce jour, in JORR n° spécial du 4/6/2003.

* 92 M. L. NDIKUMANA, op. cit., Mémoire, Butare, U.N.R., Faculté de droit, 1997, p. 22.

* 93 C. LOMBOIS, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 1979, p. 51, cité par P. KARURETWA, La responsabilité individuelle du criminel et la défense tirée de l'ordre du supérieur militaire en droit international, mémoire, Butare, U.N.R., Faculté de droit, 2001, p. 21.

* 94 P. KARURETWA, op. cit., p. 22.

* 95 S. PLAWSKI, Etude des principes fondamentaux du droit international pénal, Librairie Général de droit et de jurisprudence, P. Pichon et R. Durand-Auzias, Paris, 1972, p. 146-147 cité par P. KARURETWA, op. cit., p. 22.

* 96 Procès des grands criminels de guerre devant la TMI, op. cit., p. 233.

* 97 V. P. VESPASSIEN, La guerre-crime et les criminels de guerre, Neuchâtel, Bacconière, 1964, p. 81 

* 98 R. WORTZEL, The Nuremberg trials in international law, London, Praeger, 1960, p. 112.

* 99 M. C. BASSIOUNI, Crimes against humanity in international law, London, Nijhhoff, 1992, p. 112.

* 100 L. CONDORELLI, p. 11 cité par P. KARURETWA, op. cit., p. 14.

* 101 La norme de jus cogens est définie comme étant une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble, en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut plus être modifiée que par une nouvelle norme de droit internationale ayant le même caractère. Le caractère de jus cogens fait que des règles ne peuvent pas faire l'objet de réserve par conséquent ne sont pas soumises au principe de réciprocité, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessaire que le pays soit lié par le traité. Voy. art. 53 de la Convention de Vienne du 25 mai 1965 sur le droit des traités. Texte tiré : F. REYNTJENS et J. GORUS, in Codes et lois du Rwanda, vol. I, 1995, pp. 121-131.

* 102 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, § 604.

* 103 Id., §. 605.

* 104 Id., §. 608.

* 105Le Procureur c. Tadic, jugement, §. 609.

* 106 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 609.

* 107 Id., §. 610.

* 108 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 156.

* 109 Id., §§. 157-158.

* 110 M. BOOT, Genocide, crimes against humanity, war crimes: nullum crimen sine lege and the subject matter jurisdiction of the international criminal court, New York, Intersenia, Antwerpen, 2002, p. 19.

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