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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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§2. Champ d'application personnel

Dans ce paragraphe, il sera question d'identifier les personnes susceptibles d'être jugées pour des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole additionnel II (A) et les personnes protégées par ces mêmes instruments juridiques internationaux (B).

I. L'auteur de l'infraction

A travers la jurisprudence des tribunaux militaires nationaux et du Tribunal Militaire de Nuremberg, ainsi que de la jurisprudence du TPIY158(*), il est à remarquer que la responsabilité pénale individuelle en matière de violations du droit humanitaire n'était pas limitée aux seuls agents publics et membres des forces armées. Les civils peuvent voir leur responsabilité pénale engagée sur la base des règles du droit humanitaire.

Par contre, les Chambres de première instance du TPIR159(*) ont tenté d'imposer une définition restrictive de l'auteur des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. Selon la Chambre de première instance I, dans l'affaire Akayesu 160(*), ces dispositions ne s'appliquent qu'aux individus de tous rangs qui appartiennent aux forces armées sous le commandement militaire de l'une ou l'autre partie belligérante, ou aux individus qui ont été dûment mandatés et qui sont censés soutenir ou mettre en oeuvre les efforts de guerre du fait de leur qualité de responsables ou agents de l'Etat ou de personnes occupant un poste de responsabilité ou de représentants de facto du Gouvernement . Concrètement, il faut qu'il y ait un rapport particulier entre l'auteur et l'une des parties au conflit.

Pour le TPIR, les civils seraient ainsi exclus de la définition du criminel de guerre. C'est en ce sens que dans l'affaire Akayesu, la Chambre de première instance I a décidé de ne pas retenir la responsabilité pénale individuelle contre l'accusé pour violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II sous prétexte qu'il n'est pas allégué que l'accusé était officiellement membre des forces armées rwandaises et l'on pourrait dès lors opposer qu'en sa qualité de civil, il n'entre dans le champ d'application de l'article 4 du Statut du TPIR, qui est consacré à la loi des conflits armés.

Même si dans cette affaire, la Chambre de première instance admet que l'article 4 du Statut s'applique également aux civils161(*) et que l'accusé s'est comporté comme un militaire tout en portant une assistance aux militaires162(*), elle a déclaré l'accusé non coupable des violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. La raison qui motive une telle décision est la définition restrictive de l'auteur de ces violations qu'a adopté la Chambre de première instance dans cette affaire.

A notre avis, l'attitude de cette Chambre est à déplorer pour diverses raisons. D'une part, ni l'article 3 commun ni le Protocole additionnel II ni l'article 4 du Statut du TPIR ne précisent quelles sont les personnes visées par ses dispositions et, d'autre part, la Chambre n'a pas pris en compte la situation particulière du conflit rwandais où pendant le génocide l'Administration du pays était précaire et beaucoup de personnes, profitant du désordre, se sont données le pouvoir d'agir comme les dépositaires de l'autorité publique en appuyant de l'autre coté l'effort de la guerre qu'elles considéraient comme le leur pour empêcher le FPR de renverser le pouvoir et de restaurer le gouvernement des tutsi. C'est donc en tuant les Tutsi et les Hutus modérés qu'elles pouvaient empêcher le FPR de remporter une victoire militaire et politique.

De plus, les Conventions de Genève et les Protocoles additionnels ont pour objet principal d'assurer une protection humanitaire et par conséquent il ne faut pas trop limiter la catégorie de personnes qui entrent dans le champ d'application des dispositions du droit international humanitaire. Cependant, on pourrait se demander si cette position n'aurait pas pu être mieux motivée par le choix de la qualification la plus adéquate, les faits qualifiés de violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II étant, de toute façon, également poursuivis sous le chef de génocide.

La décision de la Chambre de première instance, dans l'affaire Akayesu, a été suivie par d'autres Chambres de première instance du TPIR et a servi de référence dans les autres jugements rendus ultérieurement en la matière163(*). Dans lesdits jugements, aucune responsabilité pénale n'a été retenue contre les accusés pour violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II.

Fort heureusement, la définition restrictive adoptée par les Chambres de première instance du TPIR a été rejetée par la Chambre d'appel du TPIR dans l'affaire Akayesu. Cette dernière a rappelé que le rapport particulier entre l'auteur de l'acte et l'une des parties au conflit n'est pas un préalable à l'application de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II et, par conséquent à celle de l'article 4 du Statut.DU TPIR De l'avis de la Chambre d'appel du TPIR, l'erreur commise par la Chambre de première instance est d'exiger que ce rapport particulier soit une condition autonome de mise en oeuvre de la responsabilité pénale pour une violation de l'article 4 du Statut164(*).

A cette occasion, la Chambre d'appel du TPIR a rappelé également que la protection minimum des victimes énoncées à l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole additionnel II implique nécessairement la sanction effective des auteurs de violations de celui-ci. Selon la Chambre d'Appel, cette sanction doit être applicable à toute personne sans distinction, comme le commandent les principes de la responsabilité pénale individuelle établis notamment par le Tribunal de Nuremberg165(*). La Chambre d'appel du TPIR est d'avis que le droit international humanitaire serait déprécié et remis en cause si l'on admettait que certaines personnes puissent être exonérées de la responsabilité pénale individuelle pour violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève t du Protocole additionnel II sous prétexte qu'elles n'appartiendraient pas à une catégorie particulière166(*).

Dans cette affaire, la Chambre d'appel du TPIR167(*), faisant référence à l'arrêt rendu par le TPIY dans l'affaire Kunarac, a conclu comme suit :

« Bien que la Chambre d'appel du TPIY ait eu plusieurs occasions de se pencher sur l'interprétation de l'article 3 commun, il est à noter qu'elle n'a jamais considéré nécessaire de limiter la catégorie de personnes susceptibles de tomber sous le coup de cet article. Aucune précision sur ce point n'a donc jusqu'à présent été formulé dans la jurisprudence des tribunaux, si ce n'est dans les récentes considérations d'une Chambre de première instance du TPIY. Cette dernière a en effet indiqué que  l'article 3 commun pourrait également exiger l'existence d'un lien entre l'auteur et une partie au conflit. La Chambre d'appel fait cependant observer que cette assertion n'est étayée ni sur le plan normatif ni sur le plan jurisprudentiel. En tout état de cause, la Chambre de première instance Kunarac n'a pas estimé nécessaire de développer ce point au regard des circonstances de la cause » 168(*).

* 158 Le Procureur c. Kunarac, Affaire n° IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Arrêt, 12 juin 2002, §§. 147-148.

* 159 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 631; le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 171; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 266, ect.

* 160 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 632.

* 161 Id., §. 640.

* 162 Akayesu portait un treillis militaire et un fusil, il a aidé les militaires à leur arrivée à Taba en accomplissant un certain nombre de tâches, y compris la reconnaissance et l'établissement de la carte de la commune, la mise en place de services de transmission radio et il a autorisé les militaires à utiliser les locaux de son bureau. Voy. Id., §. 641.

* 163 Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §§. 97-98; le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 175; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 266, etc.

* 164 Le Procureur c. Akayesu, arrêt, cité à la note 45, §§. 437 et 444.

* 165 Affaire Zyklon B., Affaire du Lynchage d'Essen, affaire Hadamar, LRTWC, vol. I, p. 103, 88, 46-55, cité dans le jugement Akayesu, cité à la note 21, §. 633.

* 166 Le Procureur c. Akayesu, arrêt, cité à la note 45, §. 443.

* 167Id., §. 439.

* 168 Le Procureur c. Kunarac, Arrêt, cité à la note 158, §. 407.

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