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De la TICAD III à  la TICAD IV: enjeux et mutations de la politique africaine de coopération du Japon

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par Patrick Roger Mbida
Université de yaoundé II  - Master professionnel 2011
  

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PARAGRAPHE 2 : UNE HISTOIRE DOULEUREUSE AVEC LES ETATS VOISINS96(*)

Le détachement du Japon par rapport à l'Asie, et tout d'abord la Chine, fut un processus long, compliqué, et qui peine à trouver une véritable issue. La première et réelle coupure historique entre l'Archipel et ses voisins fut sans aucun doute la guerre sino-japonaise de 1894-1895. La raison de ce conflit fut la « protection » de la Corée. Les japonais, mais également la plupart des puissances occidentales, Grande-Bretagne et France en tête, reprochaient à l'empire du Milieu de ne plus assurer son rôle de suzerain et d'être incapable de contrôler le chaos politique qui, effectivement, régnait sur la péninsule coréenne. La défaite militaire de la Chine fut lourde de conséquences, matérielles et symboliques. Le Japon obtint la colonisation de Taïwan, l'accès à plusieurs ports chinois, ainsi que de nouveaux droits maritimes et commerciaux. La perte de prestige, voire de simple crédibilité, du système chinois fut immense pour toute une partie de l'élite asiatique dont les Chinois eux-mêmes et particulièrement pour les Japonais. Le fait qu'une guerre déclenchée contre l'empire du Milieu par l'un de ses anciens sujets soit devenue possible constituait déjà le signe d'une détérioration certaine. La victoire de l'ancien sujet poussait la relation nippo-chinoise vers un point de non-retour, une rupture qui, aujourd'hui encore, est ressentie comme telle à Pékin et à Tokyo.

Quelques années plus tard, en 1902, le Japon signa une alliance militaire avec la Grande- Bretagne, le premier accord de ce genre sur un pied d'égalité entre un pays asiatique et une puissance impériale européenne. Le Japon bascula alors complètement dans le camp occidental et se coupa de l'ensemble de l'Asie. Rappelons en effet que c'est en s'appuyant sur cette alliance nippo-britannique que le Japon entra en conflit avec la Russie (1904-1905) au sujet de la Corée et battit l'armée du tsar. Grâce à cette victoire Tokyo obtint le protectorat du royaume coréen. Puis, s'appuyant également sur un accord avec une autre puissance occidentale les États-Unis il procéda, en 1910, à la colonisation du pays. C'est donc avec une rapidité incroyable, les quelques années du tournant du siècle, que le Japon prit la posture d'une puissance impériale dans sa propre région. Dans ce genre d'évolution, la dynamique politico-militaire prend généralement de vitesse le mouvement des sociétés. La coupure avec l'Asie engendra, pour les Japonais, une interrogation identitaire. Si ces derniers n'étaient plus asiatiques, ils n'étaient pas pour autant devenus européens. Le Japon fit l'amère expérience de son statut de marginal dans le camp occidental lors des négociations qui suivirent la Première Guerre mondiale. Rangé du côté des Alliés contre l'Allemagne, il fit partie des vainqueurs à Versailles. Mais lorsque la délégation japonaise demanda à la future Société des Nations la reconnaissance de l'égalité des races, elle se heurta à une opposition majoritaire des pays européens.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le Japon militariste multiplia les confusions d'identité. Il entra dans l'Axe aux côtés des Allemands et des Italiens mais ne put guère s'identifier aux défenseurs de la « race aryenne ». Il fit la guerre en Asie aux colonisateurs et non aux colonisés, promettant l'indépendance à ces derniers, tout en produisant des affiches de propagande où les « libérateurs » japonais apparaissaient sous les traits physiques d'Occidentaux face à des personnages aux yeux exagérément bridés et à la peau jaune vif, des caricatures qui n'étaient pas sans rappeler les représentations que les Européens faisaient alors des Asiatiques, qu'ils soient Japonais, Chinois ou Indochinois.

L'acharnement de l'armée impériale nippone contre les populations civiles toucha en large majorité les Chinois. La culture japonaise resta, pendant et après la guerre, structurellement marquée par l'héritage reçu de l'empire du Milieu. Tout, au Japon, dans la vie quotidienne, dans l'art comme dans la culture populaire, portait et porte encore les innombrables traces d'une influence chinoise séculaire. Ni l'occidentalisation ni l'ultranationalisme des années 1930 n'enlevèrent à la société japonaise sa dimension sinisée des idéogrammes au confucianisme qui, de fait, était et reste une partie intégrante de son identité.

À partir de 1945 et après sept années d'occupation américaine, le Japon reprit profondément ancrage dans le camp occidental. Le développement, dans son voisinage immédiat, de régimes communistes (Chine, Corée du Nord) ou autoritaires (Taïwan, Corée du Sud), renforça son isolement dans la région. Le Japon fit figure d'Occidental perdu en Asie, même si la culture japonaise resta aussi chinoise que la culture française est demeurée latine. Pendant des décennies, les Japonais ne voyagèrent pas dans leur région. Ce n'est que dans les années 1990, lorsque les frontières avec la Chine et la Corée s'ouvrirent à nouveau, que des centaines de milliers, puis des millions de touristes de l'Archipel partirent à la découverte de ces pays si proches et si lointains, si familièrement étrangers.

On le voit, la relation du Japon avec ses voisins est chargée d'une histoire difficile. Il faut préciser que les voisins en question sont ceux de l'Asie du Nord-Est. La situation du Japon par rapport à l'Asie du Sud-Est est très différente, et ce pour deux raisons principales. Premièrement, la trajectoire historique du Japon a été, depuis au moins le VIII e siècle, intrinsèquement liée à celle de la Chine et de la Corée, et non à celle des nations d'Asie du Sud-Est, géographiquement plus éloignées. Deuxièmement, parce que ces dernières ont toutes été, à l'exception de la Thaïlande, colonisées par des puissances occidentales. Aussi, à partir de l'hiver 1941, le Japon entra-t-il en guerre contre les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas - la France de Vichy, quant à elle, collabora avec Tokyo en Indochine mais non avec les populations locales.

Il est toutefois significatif de remarquer que les conflits de mémoire qui resurgissent régulièrement entre le Japon et ses voisins immédiats aient pratiquement disparu des relations entre ce premier et l'Asie du Sud-Est, y compris Singapour où la population chinoise est majoritaire et où l'ancien Premier ministre Lee Kuan-Yew s'est longtemps fait le porte-parole des victimes de la guerre dans cette partie de la région. Il a fallu attendre les années 1990 pour voir s'amorcer, laborieusement, un dégel entre le Japon, d'une part, et la Chine et la Corée du Sud d'autre part. En revanche, entre l'Asie du Sud-est et Tokyo, les ponts se sont reconstruits dès les années 1970.

* 96 L'intégralité de cette partie est tirée de l'article de K. Postel-Vinay (2008), op.cit, pp : 64-66

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille