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La politique étrangère du Congo-Brazzaville(1997-2007) : jeux et enjeux d'une realpolitik

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par Sylvie Lembe
Institut des Relations internationales du Cameroun - Master II 0000
  

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Chapitre II : les enjeux sous jacents dans les choix de la politique extérieure du Congo

L'un des postulats de la théorie de l'insécabilité entre la politique interne et la politique externe développée par Marcel Merle est que « la politique extérieure n'est pas autre chose que la projection sur l'échiquier international des pulsions de la scène politique interne »107(*).

Cette théorie nous permettra d'expliquer le tournant décisif qu'a connu le Congo dans l'amélioration de la structuration de ses rapports avec les autres acteurs de la scène internationale après l'aménagement de sa politique interne.

Après avoir aménagé sa situation interne, le président Sassou Nguesso comprend là aussi qu'une normalisation de ses rapports avec ses partenaires internationaux implique aussi un aggiornamento de sa politique étrangère. Celle-ci passera alors à une vitesse supérieure. L'objectif de ce dernier est avant tout de repositionner avantageusement le Congo sur la scène internationale, mais aussi, de se tailler lui-même une  « place au soleil » en redorant son blason personnel en se faisant reconnaître par ses pairs africains ainsi que par ses homologues internationaux.

Pour mener à bien un tel revirement, le principal décideur de l'Etat du Congo adopte plusieurs stratégies en fonction de ses partenaires occidentaux à la coopération (Section I). Mais, l'Occident n'est pas le seul partenaire qui bénéficie des nouvelles orientations de la diplomatie congolaise. La campagne de séduction s'étend également en Afrique. Et bien que la nouvelle action congolaise connaisse parfois des infortunes, le but est de marquer des points. L'ambition d'une politique africaine de recentrage vise avant tout à placer le Congo comme l'un des acteurs de premier plan dans la dynamique de l'intégration du continent (Section II). Telle est la charpente stratégique et idéologique qui soutient l'action politique extérieure du Congo de 1997 à 2007.

L'articulation de ce second chapitre se décline en ces termes : que veut le Président Sassou Nguesso ? Quelles sont ses intentions ? Quelles sont les motivations profondes de son action ? Que gagne-t-il à se plier aux exigences de la communauté internationale et de ses partenaires au développement ? Comment veut-il que le Congo soit perçu ? Comment procède-t-il ?

Section I : La structuration des rapports entre le Congo et l'Occident 

De la méfiance à la confiance, tel pourrait être résumée la structuration des rapports entre le Congo et les autres acteurs étatiques de la scène internationale hormis la France. D'ailleurs comme l'affirme Marie-Christine Kessler, « les rapports qu'un Etat règle avec les gouvernements étrangers peuvent être d'hostilité, de rivalité ou d'amitié »108(*).

L'attitude d'hostilité affichée par les Etats-Unis, l'U.E., les bailleurs de fonds et autres partenaires au développement à l'égard des dirigeants congolais trouve son explication dans le comportement politique de ces derniers jugé non conforme aux règles du jeu démocratique exigées par les pays occidentaux par rapport à l'idéal des libertés individuelles et collectives d'une part, et de la dignité humaine d'autre part.

Pendant près de quatre ans, le nouveau gouvernement congolais fait face à un isolement sans précédent. Puis, ayant fait sa toilette interne, l'environnement occidental, sensible à des signes de bonne volonté lui accorde du crédit.

Ainsi, toute la stratégie idéologique de l'action politique étrangère du Congo obéira à la logique de normalisation de ses rapports tant sur le plan bilatéral que multilatéral. Avec la France, partenaire « paternaliste » et indéfectible du Congo sous Sassou II, le choix d'une politique étrangère de recentrage est privilégié. Quelles sont les motivations d'un tel choix? (Paragraphe1). Face aux Etats-Unis et l'Allemagne, la réconciliation et la politique de la main tendue sont de mise car des enjeux sont énormes pour le Congo (Paragraphe 2) face à ses autres partenaires non étatiques, le Congo à tout intérêt à normaliser ses rapports (Paragraphe 3).

Paragraphe I : Le recentrage de la « politique française » du Congo

De façon immédiate, au lendemain des guerres civiles la politique étrangère du Congo face à la France est une politique de recentrage et en discontinuité avec les orientations prévalues par l'ancien Président (Pascal Lissouba). Que pouvons-nous percevoir à travers ce comportement ou ce choix politique ? Comment se configurent les relations entre ces deux Etats ? Quelles sont les manifestations de la restructuration des rapports franco-congolais sous Sassou Nguesso II ?

Plusieurs arguments géopolitiques interviendront ici pour expliquer ce recentrage de la « politique française » du Congo.

La réelle motivation de cette stratégie diplomatique est qu'elle revêt effectivement un enjeu géopolitique indéniable. Le recentrage est nécessaire pour le nouveau gouvernement congolais parce que seule la France (en tant qu'acteur étatique ) lui a conféré une première assise et une légitimité internationales sans lesquelles le Général Sassou Nguesso n'aurait sans doute pas survécu politiquement .Cependant, plusieurs autres lectures pour expliquer ce recentrage sont possibles.

La première est celle qui consisterait pour le Congo, de maintenir des liens historiques, économiques, culturels et amicaux « privilégiés » entretenus jusqu'alors avec l'ancienne puissance coloniale. De fait, lorsqu'il revient sur la scène politique congolaise comme acteur principal en 1997, le souci de Sassou Nguesso II est de restructurer les rapports entre les deux Etats. Il dénonce l'hostilité qui aura prévalue dans ces rapports.

Il impute la responsabilité de la détérioration de ces rapports à son prédécesseur le Président Pascal Lissouba qu'il a destitué. Visiblement le nouveau Président Sassou Nguesso accorde plus de crédit à la France.

Le poids du passé colonial du Congo est ici réconforté. Ce qui légitime davantage les thèses de certains analystes tel que John Okumu qui affirme que le facteur le plus important comme déterminant de la politique étrangère des Etats africains, est celui de leur héritage colonial109(*).

La politique étrangère du Congo sous Sassou Nguesso II n'échappe pas à cette règle. Pour lui, une restructuration de ces liens est indispensable. Car, la visée véritable  est sa survie politique. Et les signes tangibles de cette restructuration et de cette normalisation des relations entre ces deux pays concrètement passent par un recentrage des intérêts français au Congo. Cela représente aussi d'énormes enjeux pour le Président Sassou Nguesso.

En effet, ce dernier serait revenu comme acteur principal de la scène congolaise grâce à l'intervention directe et aujourd'hui sans conteste du consortium français d'exploitation pétrolière ELF, Air France et le soutien « indéfectible » d'autres « Messieurs Afrique »110(*). Faut-il voir dans cette stratégie une redevance pour ce soutien que la France officielle apporte au Général Président ?

Quoi qu'il en soit, et comme le note un observateur111(*), le Président sassou Nguesso serait présenté comme le garant sûr des intérêts français au Congo, ceux d'ELF notamment, premier consortium dont l'un des anciens patrons, Loick Le Flock-Prigent a rappelé les objectifs qui ont présidé à sa création dans les années 1960. ELf, confie ce dernier, est « la propriété de l'Etat français, dont il constitue l'un des bras séculiers. Sa mission est de participer en tout à l'autonomie énergétique de la France112(*). »

En tout état de cause, en Afrique noire, cette politique est très bien servie par les « rois nègres »113(*). Il apparaît moins étonnant que Sassou Nguesso, une fois, le pouvoir consolidé doit mener une «  politique de remerciement ». D'ailleurs, durant la guerre civile congolaise, la France n'aurait pas caché son souhait de voir revenir à la tête du Congo, celui que François-Xavier Verschave présente comme le « maillon essentiel du réseau françafricain »114(*). Il soutient qu'à Paris (pendant la guerre de 1997) «  c'est plus limpide, rarement un leader africain aura su s'attarder autant de soutien parmi les décideurs français (...) on reste en tout cas stupéfait par l'appui inconditionnel et généralisé qu'a obtenu Sassou Nguesso  »115(*). Aujourd'hui, pratiquement dix années après son retour sur la scène politique congolaise, le Président congolais ne demeure-t-il pas l'un des enfants africains les plus affectionnés de la France ? Ses multiples déplacements dans la capitale française le montrent à suffisance.

Un an après son installation au pouvoir, il pouvait se rendre dans la capitale française et à l'Elysée alors qu'il était persona non grata dans les autres chancelleries occidentales. C'est ainsi, qu'il reçoit lors du dernier Sommet France-Afrique (Cannes 2007)  «  tour à tour, le directeur général de Total, celui d'Air France et bien d'autres personnalités cherchant des niches pétrolières »116(*). Un autre argument moins stratégique est que les deux Chefs d'Etat français et congolais seraient très liés. Pour certains, Le président français Jacques Chirac a toujours été du côté des dictateurs africains117(*). Sassou Nguesso n'a jamais caché son admiration pour l'ancien président français.

Aussi soutient-il : « personne ne peut dire que Jacques Chirac n'est pas un ami sincère de l'Afrique (...) c'est un ami personnel, nous nous tutoyons et les relations franco- congolaises seront toujours amies (...). Les intérêts des Etats sont une chose, les relations personnelles en sont une autre »118(*). Un autre argument du recentrage des intérêts français au Congo est que seule la France est à même de faire pression auprès des bailleurs de fonds internationaux en faveur du Congo. Elle aurait par exemple, durant les quatre années qui ont suivi les guerres civiles congolaises négocié régulièrement au près du Fonds européen de développement, pour une reprise de l'aide et des prêts financiers en faveur du Congo.

Il convient de remarquer tout de même que le Congo appartient institutionnellement à ce que la France désigne, depuis les reformes de sa politique de coopération de 1998, comme étant la zone de solidarité prioritaire (Z.S.P.), laquelle a remplacé l'expression des « pays du champ »119(*). Son intervention auprès des partenaires congolais au développement n'est pas fortuite.

Sur le plan politique, le renforcement des liens diplomatiques avec la France a été la preuve la plus visible. Le ballet diplomatique marqué par les multiples visites à Brazzaville tour à tour , de Monsieur De villepin ( Ministre des affaires étrangères ) le 29 juillet 2002, de Madame Alliot-Marie ( Ministre français de la défense ) en avril 2002 et auxquelles ,il convient d'ajouter celle de Monsieur Wiltzer ( Ministre délégué à la coopération ) en août 2002 n'est pas fortuit. Les visites du Président Sassou Nguesso à Paris, les deux premières années à la tête de l'Etat, alors qu'il n'est pas reconnu par les autres Etats de l'Occident, sont autant d'arguments qui justifient le recentrage de la politique française du Congo.

Il importe de noter que la France est pratiquement le seul partenaire étranger dont la mission diplomatique est restée ouverte pendant les troubles politiques congolaises.

Sur le plan économique, la France est redevenue le premier partenaire commercial, le premier investisseur du Congo. L'attribution et la reconsidération du pacte colonial sur l'exploitation pétrolière par la française ELF aquitaine devenue TotalFinaElf constituent, indéniablement, l'une des manifestations du recentrage des intérêts français au Congo.

Toutefois, cette orientation ne constitue pas véritablement une profonde mutation dans la structuration des rapports économiques entre le Congo et ses partenaires étatiques au développement. Dans le réseau de ces derniers, la France a toujours conservé une place de choix. Le refroidissement, très court s'est opéré et même jusque-là, en surface lors de la présidence congolaise par le Professeur Lissouba.

Un dernier élément important et pas des moindres qui marque aussi ce recentrage est la « forte présence de conseillers français de souche au près du général Sassou »120(*).

La politique étrangère du Congo semble unilinéaire face à ses autres partenaires bilatéraux. Tel est le cas avec l'Allemagne.

* 107 Marcel Merle, La politique étrangère, op.cit., p. 98.

* 108 Marie-Christine kessler, « La politique étrangère comme politique publique » in Frédéric Charillon (dir.), Politique étrangère. Nouveaux regards op.cit., p. 70.

* 109 John Okumu par exemple soutient que les relations extérieures de tout Etat africain sont fonction de son histoire coloniale « The place of Africa in international system », cité par Ganga Stila, op.cit.,p.33.

* 110 Gaston Honoré, « l'Afrique a besoin de la France », in Jeune afrique, n° 2407, daté du 25 février au 3 mars 2007, p. 110.

* 111 Il s'agit d'Yitzhak Koula, La démocratie congolaise « brulée au pétrole », op, cit, p.48.

* 112 Loick Le Flock-Prigent, « La Confession de Loick Le Flock-Prigent » ; http://www.lexpress.fr.

* 113 Loick Le Flock-Prigent ibid.

* 114 François-Xavier Verschave, Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique , « Tous pour Sassou » op.cit., pp. 39-41.

* 115Ibid.

* 116 Stephen Smith, et Antoine Claser, Ces Monsieurs Afrique, Paris, Village du Continent noir, Paris Calman-lévy, 1992.

Voir également l'article de la rubrique «  Confidentiel », in Jeune afrique, n°2407, février -mars, 2007, « Le Congo Brazzaville : Sassou reçoit à Paris », p. 9.

* 117 Gaston Honoré, « l'Afrique a besoin de la France », idem, p .10.

* 118 Cf, interview du Général Sassou Nguesso, in Jeune afrique, n°2402, daté du 21-24 janvier, 2007, p.17.

* 119 Guy Mvelle, Aide au développement et coopération décentralisée. Esquisse d'une désétatisation de l'aide française, thèse de doctorat de Science Politique, Lyon, Université Jean Moulin, juillet, 2006 p.28.

* 120 Parmi ceux-ci figurent Charles Zorgbibe, André Soussan avant sa mort, Jean Paul Picasse entre autres.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams