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L'avis à  tiers détenteur: cadre juridique et contentieux au Maroc

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par Mohammed SADDOUGUI
Université Mohamd premier-Oujda-Maroc - Master en droit des contentieux à  vocation économique 2008
  

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B- Le sort des créances insaisissables portées au crédit d'un compte

Le solde des comptes appréhendés par le comptable public saisissant pourra être diminué en application des régimes de protection dont bénéficient les sommes insaisissables provenant de créances telles que les rémunérations de travail, les rentes, indemnités et prestations sociales.

La mise en oeuvre de ces dispositions incombe à l'établissement teneur de compte, sous le contrôle du comptable poursuivant.

Toutefois, l'établissement bancaire ne pouvant seul à se faire juge du caractère saisissable ou non des sommes inscrites au compte, il appartient au débiteur, titulaire du compte, de demander au teneur du compte que soit laissée à sa disposition une somme d'un montant équivalent à la créance insaisissable.

Cette demande doit impérativement être présentée avant que le créancier saisissant n'ait réclamé le paiement des sommes saisies et doit être appuyée de la justification de l'origine des sommes113(*).

Sous-section 2 : Effet à l'égard des personnes

Parallèlement aux effets de l'A.T.D. à l'égard de la créance, il en résulte d'autres effets qui affectent le redevable (Paragraphe1), le tiers détenteur (Paragraphe2) et les tiers (Paragraphe3).

Paragraphe 1 : Effets à l'égard du contribuable

Comme on vient de le voir, le premier effet qui résulte de l'émission d'un A.T.D., c'est qu'il rend immédiatement indisponible la créance du contribuable détenu entre les mains du tiers détenteur. En conséquence, le redevable ne peut se faire payer les sommes qui lui revenaient.

Si l'avis à tiers détenteur a été notifié à un établissement de crédit tenant le compte du contribuable, celui-ci ne peut plus opérer de retrait sur ce compte114(*).

L'A.T.D. porte sur tous les comptes ouverts dans l'établissement bancaire au nom du débiteur, même si certains d'entre eux ne sont pas mentionnés sur l'avis.

Mais, cette indisponibilité peut être levée dans la mesure où le débiteur peut autoriser le banquier à payer le Trésor dans les plus brefs délais ou constituer une garantie irrévocable à concurrence du montant des sommes réclamées115(*).

Paragraphe 2 : Effets de l'A.T.D. à l'égard du tiers détenteur

Les liquidateurs judiciaires, notaires et séquestres ainsi que les liquidateurs de sociétés dissoutes et autres dépositaires ne peuvent remettre les fonds qu'ils détiennent aux héritiers créanciers et autres personnes ayants droit de recevoir les sommes séquestrées ou déposées qu'après justification du paiement des impôts et taxes dus par les personnes auxquelles lesdits fonds appartiennent116(*).

Les comptables publics, économes, locataires et tous autres détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts et taxes et autres créances jouissant du privilège du Trésor sont tenus sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteurs par le comptable chargé du recouvrement, de verser en l'acquit des redevables, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des sommes dues par ces redevables.

Sont également soumis aux obligations visées à l'alinéa premier du présent article, lorsqu'ils sont tiers détenteurs, les gérants, administrateurs ou directeurs de sociétés pour les impôts et taxes dus par celles-ci117(*).

Cette disposition a été confirmées par un arrêt118(*) de la cour suprême en affirmant qu' "en vertu des dispositions de l'article 104 du C.R.C..P, les dépositaires et tiers détenteurs visés aux articles 100 et 101, sont contraints par les mêmes moyens que les contribuables eux-mêmes, à l'exception de la contrainte par corps, de verser au comptable chargé du recouvrement les sommes détenus par eux; c'est-à-dire par les mêmes moyens visés à l'article 39 du même code (...).

Ainsi, dès réception de l'A.T.D., le tiers détenteur est dans l'obligation de verser sans délai les fonds qu'il détient pour le compte du redevable, et cela, dans la limite des créances dues et par conséquent, il doit refuser tout paiement au contribuable. Aussi, une fois l'A.T.D. notifié, le tiers détenteur est interdit de se soustraire au paiement entre les mains du comptable en opposant compensation, cession de créance ou remise de dette ou même en demandant une consignation119(*).

De plus, en vertu des dispositions de l'article 103, le montant des quittances délivrées par le comptable chargé du recouvrement aux dépositaires et tiers détenteurs en paiement d'impôts et taxes, vient en déduction des fonds et créances revenant aux redevables dédits impôts et taxes.

Cette garantie offerte au Trésor se trouve renforcée par la jurisprudence. Ainsi, dans un jugement du Tribunal administratif de Casablanca120(*) , la partie requérante a intenté un recours pour excès de pouvoir contre l'agent comptable près le Tribunal de commerce de Casablanca, qualifiant son refus de lui remettre les fonds obtenus suite à une saisie vente d'acte administratif susceptible d'annulation.

Le Tribunal administratif a évidemment déclaré non fondé le moyen avancé par le requérant en affirmant qu' "se référant aux dispositions de l'article 105 du C.R.C.P., le Trésor jouit à compter de la date de mise en recouvrement du rôle ou de l'état de produits , d'un privilège sur les meubles et autres effets mobiliers appartenant aux redevables , en quelque lieu qu'ils se trouvent, ainsi que sur le matériel et les marchandises existant dans l'établissement imposés et affectés à son exploitation; et en vertu des dispositions de l'article 100 du même code , les dépositaires ne peuvent remettre les fonds qu'ils détiennent aux héritiers , créanciers et autres personnes ayants droit de recevoir les sommes séquestrées ou déposées qu'après justification du paiement des impôts et taxes dus par les personnes auxquelles lesdits fonds appartiennent.

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier, que le requérant ne remet pas en question les créances réclamées par le Trésor, que ces créances sont affectées au privilège du Trésor en vertu des dispositions de l'article 105 susmentionné et que l'article 100 du même code oblige l'agent comptable, en sa qualité de dépositaire, de procéder au recouvrement des créances publiques même si aucune demande ne lui est faite en la matière. Les déductions faites au bénéfice du Trésor sur les fonds de la société précitée suite à l'opposition du comptable public, sous forme d'A.T.D. est un acte légal et juridiquement fondé...".

Par ailleurs, il est fait obligation aux adouls, notaires ou tout autre personne exerçant des fonctions notariales, en cas de mutation ou de cession d'immeuble, à peine d'être tenus solidairement avec le contribuable au paiement des impôts et taxes grevant l'immeuble objet de la cession, de se faire présenter une attestation des services de recouvrement justifiant du paiement des cotes se rapportant à l'année de mutation ou de cession et aux années antérieures121(*).

Confirmant ces dispositions, dans un cas d'espèce, le président du Tribunal administratif de RABAT122(*) , en tant que juge des référés, a ordonné au tiers saisi de« se libérer valablement de la somme en le déposant au greffe pour la remettre au saisissant sous réserve que la procédure d'A.T.D. engagée par le comptable chargé du recouvrement soit observée».

Dans un autre cas d'espèce, le comptable public a demandé par voie d'A.T.D., au secrétaire-greffier de verser les sommes obtenues suite à la vente d'un immeuble frappé d'une saisie exécution.

Les héritiers du créancier ont intenté un recours devant le juge des référés du Tribunal administratif de FES 123(*) pour qu'il d'ordonne la mainlevée du comptable public. Mais, les requérants ont été débouté par le juge qui' a affirmé que "le comptable est en droit de demander, par voie d'A.T.D, prévu par les dispositions des articles 100 et 101 de la loi 15-97, au greffe, en sa qualité de dépositaire, de lui verser les sommes obtenues suite à la vente de l'immeuble qui a fait l'objet d'une saisie exécution pour procéder au recouvrement des créances dues par le redevable au Trésor".

Les effets de l'A.T.D. à l'égard du tiers détenteur se manifestent aussi du fait de l'attribution immédiate dont l'effet s'étend également aux créances à termes ou conditionnelles que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur actionné, et ce, quelle que soit la date à laquelle ces créances deviennent exigibles.

Ainsi, la notification d'un A.T.D. à un locataire, pour le recouvrement des impôts et taxes dus par le bailleur de l'immeuble, produira effet attributif non seulement sur le loyer du mois en cours, mais aussi sur les loyers des mois suivants, à leur échéance et jusqu'à paiement intégral des sommes dues par ledit bailleur124(*).

De même si le redevable est un salarié, l'A.T.D. notifié à l'employeur produira l'effet attributif, non seulement à l'égard des salaires échus, mais également à l'égard de ceux à venir jusqu'à paiement intégral des sommes dues par ledit salarié125(*).

Il en est de même par rapport à la sommation à tiers détenteur prévue par l'ancien régime, réglementé par le Dahir de 1935, l'avis à tiers détenteur a été assorti d'un effet d'attribution immédiat qui s'étendait aussi bien aux fonds disponibles qu'aux créances à terme (loyer) ou conditionnelles (salaire, marché)126(*).

Si le tiers détenteur n'obtempère pas à l'A.T.D., il peut être contraint de verser à la caisse du comptable les sommes détenues par lui et affectées au privilège du Trésor, par les mêmes moyens que le redevable lui-même, à l'exception de la contrainte par corps127(*).

Mais, la question qui s'impose est celle de savoir sur quelle base sera poursuivi le tiers dans le cas où il n'obtempère pas à l'A.T.D.? Il est impératif de rappeler qu'en vertu de l'article 29 du C.R.C.P, le recouvrement forcé ne peut être engagé qu'au vu de titres exécutoires dans les conditions prévues par la loi 15-97 à l'encontre :

- des redevables qui n'auraient pas acquitté dans les délais fixés, le montant des créances mises à leur charge ;

- des personnes visées aux articles 93 à 99 du C.R.C.P128(*).

De quel titre s'agit-il donc pour poursuivre le tiers détenteur ? Doit-il être contraint sur la base du titre exécutoire émis au nom du contribuable ou sur la base d'un autre titre?

La législation marocaine n'a pas tranché cette question129(*). La solution doit être inspirée de la jurisprudence française. Ainsi, "lorsque le tiers détenteur refuse de payer , alors qu'il en a été mis en demeure , le comptable public saisit le juge de l'exécution afin d'obtenir la délivrance d'un titre exécutoire contre le tiers saisi pour pratiquer à l'encontre de ce tiers une mesure d'exécution forcée"130(*)

Par suite, le tiers saisi par le comptable habilité à émettre l'A.T.D. n'a pas à s'exécuter dès lorsque l'A.T.D. est exécutoire pour le redevable sans l'être pour lui. Il appartient donc au comptable public de saisir le juge aux fins de délivrance d'un titre exécutoire contre le tiers saisi, avant d'engager des poursuites à son encontre.

Ainsi, les poursuites engagées contre le tiers détenteur défaillant, sont effectuées sur la base de l'ordonnance délivrée par le juge dans les conditions de droit commun. Dès lors, le privilège du Trésor et l'hypothèque légale du Trésor ne peuvent pas être mis en oeuvre à l'encontre du tiers détenteur défaillant. Naturellement, le contribuable n'est pas libéré du fait de la mise en cause du tiers détenteur défaillant; il reste tenu avec celui-ci et sa libération ne résultera que du paiement effectif fait par l'un ou l'autre entre les mains du comptable concerné131(*).

* 113 -DOUAY (M.), op. cit. p.97.

* 114 -Cass. civ. II, du 14 juin 1984, cité par : PASCAL ANCEL, Privilèges, privilège du Trésor, Exercice, Fasc.27, p.6.

* 115 -CASIMIR (J.P.), op. cit. p.544.

* 116 - Art. 100, alinéa 1, du C.R.C.P.

* 117 -Art. 101 du C.R.C.P.

* 118 -C.S.C.A, Arrêt n°1709, dossier n°31117/4/2/2003 du 25/12/2003 publié in: ÞÖÇÁ ÇáÛÑÉ ÇáÅÏÇÑíÉ ÈÇáãÌáÓ ÇáÚáì í ãÌÇá ÇáÖÑÇÆÈ æÇáÊÍÕíáÇáÊÑÉ ãÇ Èíä 1997 æ 2004 ÏÇÊÑ ÇáãÌáÓ ÇáÚáì ä ÚÏÏ 9 2005 Õ: 245.

- Voir aussi à cet effet: ãÍãÏ ÞÕÑí ÇáãäÇÒÚÇÊ ÇáÌÈÇÆíÉ ÇáãÊÚáÞÉ ÈÑÈØ æÊÍÕíá ÇáÖÑíÈÉ ãÇã ÇáÞÖÇÁ ÇáÅÏÇÑí ã.ã.ã.Å.ã ÓáÓáÉ «ãÄáÇÊ æÚãÇá ÌÇãÚíÉ» ÇáØÈÚÉ Çáæáì 2005 Õ420.

* 119 -Instruction relative au recouvrement de créances publiques, op.cit, p.128.

* 120 -T.A.Casablanca, jugement n°556, dossier n° 2002/11, du 13/11/2002, publié in: REMARC,n° 7-8, 2008 ,

p.231.

* 121 -Article 95 du C.R.C.P.

* 122 - T.A.RABAT, ordonnance des référés, n°194, dossier n°Ó 07/159 du 30/05/2007, affaire Dhimi Med c. /Commune urbaine de Larache.

* 123 -T.A.FES, ordonnance n°1090, dossier n°Ó 19/04, cité par : ãÍãÏ ÞÕÑí ã. Ó Õ : 171- 172

* 124 -Instruction relative au recouvrement des créances publiques, op. cit. p.127.

* 125 -Idem.

* 126 -BOURISS (A.), « le nouveau code de recouvrement : instauration d'un meilleur équilibre entre les droits du contribuable et les intérêts du trésor » REMALD, série "thèmes actuels", n° 31, 2001, p.91.

* 127 -Art. 104 du C.R.C.P.

* 128 -Voir le chapitre IV du CRCP intitulé : Des obligations des tiers responsables ou solidaires.

* 129 -ELYOUSFI (S.), op.cit, p.30.

* 130 -Cass.civ. 23 novembre 2000, n° 1224 FSPB ou cass.com, 3 décembre 2002 n°2053 FSP, cités par CASIMIR (J.P.), op. cit, p.544 et publié in : http://www.contribuableucf.net/juris/0208116.php.3 , visité le 18/09/2008 .

* 131 -ELYOUSFI (S.), op.cit, p.30.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld