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Patrimoine hanséatique et emergence d'une région baltique : Brème, Gdańsk et Riga

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par Nicolas Escach
Ecole Normale Supérieure - Master STADE 2001
  

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2. Brème, Gdansk et Riga de l'histoire dans la Hanse à l'histoire de la Hanse

2.1 Quels furent le rôle et la place de Brème, Gdansk et Riga dans la ligue hanséatique ?

L'ouvrage de Raoul Zühlke, Bremen und Riga, zwei mittelalterliche Metropolen im Vergleich, avait déjà amorcé un travail de comparaison historique à propos des villes de Brème et de Riga montrant que, pour bien comprendre la place de la Hanse dans ces villes aujourd'hui, il fallait saisir la place qu'elle occupait au Moyen âge.

Le rattachement des villes de Brème, Gdansk et Riga à la Hanse a été facilité par des contextes économiques propices. Les relations entre les villes étudiées sont antérieures à la Hanse. L'évêque de Brème, Albert de Buxhövden, envoie, en 1201, dans la future Riga, une mission constituée de marchands et de missionnaires, y fonde un siège épiscopal, créé l'ordre des chevaliers Porte-Glaive et construit un port fixe sur le Rigebach (Bracker, Henn, Postel, 1999). Pour attirer des citoyens dans sa ville, il accorde dès 1211 des privilèges commerciaux. Les premiers colons affluent alors de la communauté de l'île de Gotland et, en 1229, un contrat signé entre les princes de Smolensk (Russie) et des marchands allemands engendre une vague d'immigration en provenance de nombreuses villes allemandes dont Brème. Les « étrangers» dépassent rapidement en nombre les « locaux »12, ont le monopole des activités commerciales et dirigent les institutions politiques et financières de la ville alors que ces derniers ne pratiquent que des activités peu lucratives et peu nobles (Misans, 1999).

L'histoire de Gdansk est, elle aussi, marquée par ce mouvement du Drang nach Osten. Au XIIe

12 Les étrangers ou Frequentates s'opposent aux originaires du lieu, les Manentes ou en allemand Ortansässig (Misans, 1999)

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siècle, des marchands allemands établissent un comptoir à proximité du débouché de la Vistule qui se développe si vite que le souverain Herzog Swantopolk donne en 1225 son accord pour fonder à cet endroit une ville de droit allemand. Cette fondation13 se fait non loin d'une base de colonie slave antérieure14. Un port est aussi construit sur la Motlawa. Politiquement, Gdansk se libère dès 1454 de l'autorité Teutonique, reconnaissant le roi polonais comme seul souverain. La couronne polonaise donne à Gdansk la plupart de ses privilèges commerciaux notamment le roi Casimir IV en 1454 et 1457 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Cette situation modifiera l'image de la Hanse dans la ville : à Gdansk prospère encore aujourd'hui, dans les milieux nationalistes, l'idée que le développement économique de la ville aurait pu exister sans la Hanse : elle n'est qu'un élément de plus dans un contexte d'expansion commerciale créé par les rois polonais. En revanche, l'apogée de Riga, sous domination Teutonique jusqu'en 1581, ne peut être attribué à une autre entité que la Hanse.

Les privilèges attribués à Brème, enfin, sont très anciens et datent d'Otto Ier qui accorde en 888 le droit de monnaie, de marché et de douane. Ils se poursuivent jusqu'au XIIIe siècle.

Si l'on considère à présent l'adhésion à la ligue hanséatique proprement dite, trois niveaux se détachent nettement : Brème et l'insoumission, Gdansk et une adhésion partielle, Riga et une adhésion totale15.

« L'entrée de Brème en 1358 dans la Hanse fut problématique »16. Certes, les bourgeois de Brème dès le milieu du 14e siècle rendent possible le commerce des biens du piratage sur leur marché... (Bracker, Henn, Postel, 1999). Mais l'orientation spatiale de la ville, dépendant d'un commerce Nord/Sud, est contraire aux objectifs commerciaux hanséatiques se concentrant sur les échanges Ouest/Est comme le confirme Philippe Dollinger : « Trois fois, elle est exclue de la communauté (hanséatique) en 1285, 1427 et 1563 (...) La raison de cette exclusion est à trouver dans le fait que la prospérité de Brème venait moins du commerce Ouest/Est que des relations qu'elle avait construites dès le 11e siècle avec la Norvège, l'Angleterre et le Nord des Pays Bas tout comme avec l'Hinterland de la Weser, la Saxe, une partie de la Westphalie. (...) Brème était avec les villes du Rhin prise dans des routes commerciales situées en « Avant de la Hanse » [Vorhansisch] du Sud vers le Nord et a toujours eu des difficultés à participer à l'extension allemande en mer Baltique17 ». En 1358, à Lübeck, la ville doit rejoindre, contrainte et forcée, pour la deuxième fois la ligue hanséatique après

13 Appelée Rechtstadt

14 Appelée Suburbium

15 Au moins au début de son histoire hanséatique

16 SCHWERDTFEGER, H. (2004), Die Hanse und Ihre Städte, Delmenhorst, Aschenbeck und Hostein Verlag, pp. 71 : «Bremens Beitritt zur Städte-Hanse 1358 war problematisch».

17 DOLLINGER, P. (1998), Op.cit. pp.159 : «Dreimal wurde sie aus der Gemeinschaft ausgeschlossen, 1285, 1427 und 1563, das erste Mal anscheinend länger als 70 Jahre; ein einzigartiger Fall. Der Grund war, dass der Wohlstand Bremens weniger auf dem Ost-Westhandel als auf den seit dem 11. Jahrhundert sehr lebhaften Verbindungen mit Norwegen, England und den nördlichen Niederlanden, sowie mit dem Hinterland der Weser, Sachsen und einem Teil Westfalens, beruhte. Kurzum : Bremen war zusammen mit den rheinischen Städten an dem vorhansichen Handelsverkehr von Süden nach Norden beteiligt und hatte immer einige Mühe, sich auf die neuen, durch die deutsche Ausdehnung in den Ostseeraum geschaffenen Bedingungen einzustellen».

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qu'un commerçant de Brème ait refusé de reconnaître l'embargo qu'avait lancé la Hanse contre la Flandre (Bracker, Henn, Postel, 1999). Brème quitte la communauté en 1563 mais n'en abandonne pas entièrement le titre : Lübeck, Brème et Hambourg fondent en 1630 une ligue qui, après la fin historique de la Hanse (Schwerdtweger, 2004) et jusqu'au siècle dernier, continuera d'exister et en 1646, la ville est élevée au rang de Ville libre d'Empire par Ferdinand II. Ces événements couronnent une liberté politique de Brème qui sera confirmée lorsqu'elle se déclarera « Ville libre Hanséatique » en 1806 et qu'elle sera intégrée dans l'Empire Allemand en tant que « Ville libre Hanséatique » en 1871. Les plaques d'immatriculation à Brème et Hambourg et le statut de Land se réfèrent plus aujourd'hui à cette liberté politique qu'à un passé hanséatique médiéval18.

L'appartenance de Gdansk (1350-1669) à la Hanse est moins problématique. La ville fait partie de la Ligue depuis 1350 et dès 1351 elle participe à l' « Assemblée de la Hanse »19 à Lübeck. En 1669, des représentants de Gdansk participent à la dernière « Assemblée de la Hanse ». Ses forces économiques et financières lui permettent de participer à des conflits comme la guerre hanséatico-anglaise en 1469/1470 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Cela n'empêche pas la ville de poursuivre ses propres intérêts refusant en 1417 l'interdiction de faire transporter des marchandises par des marchands non associés à la Ligue et accueillant les marchands et navires hollandais en très grand nombre20.

L'adhésion de Riga (1282-1570) n'est pas non plus conflictuelle du moins au début. Dès 1282, Riga conclut une alliance avec Lübeck et Visby et se positionne comme la ville hanséatique la plus influente de toute la Livonie. Ses tentatives, à la fin du XVe siècle, d'interdire ou de limiter l'influence des marchands étrangers dans son commerce engendrent quelques conflits qui restent sans conséquence. Ses relations avec la Hanse se dégradent dans la deuxième moitié du 16e siècle et elle quitte la Ligue en 1570. Elle sera pourtant invitée en 1669 à la dernière « Assemblée de la Hanse » mais déclinera l'invitation.

Pendant ces périodes, en tant que membres de la Ligue Hanséatique, quelle était la place de Riga, Gdansk et Brème dans les réseaux économiques hanséatiques ?

18Interview du 12 /02/08 avec Heinz Gerd Hofschen, directeur du Focke Museum de Breme

19 Appelée Hansetag ou Hanseatic Days

20 Informations tirées d'une visite attentive du musée maritime de Gdansk et de la lecture des panneaux d'interprétation.

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Carte n°2 : Les routes hanséatiques

Dans le cas de Brème, on distingue le commerce au long court Nord/Sud du commerce de proximité21. En effet, Brème, « centre majeur »22, disposait d'un Hinterland immense et élargi entre le XIVe et le XVIe siècle. Deux quais différents existent : les Schlachte pour les bateaux venus de la mer du Nord23, les Balge pour ceux venus de l'Hinterland. Avec la Frise de l'Est, la Westphalie, les villes du Rhin24, l'Elbe inférieur, les villes de Hanovre, Osnabrück, et d'autres de ses possessions territoriales, la ville échange de la bière, du poisson, de l'huile de poisson, du vin, des étoffes et des fourrures contre du grès, du bois, du calcaire et des céréales25. Ce commerce se fait principalement par la Weser, la Werra et la Fulda. A plus petite échelle, ses partenaires commerciaux sont le Danemark26, la Norvège27 avec laquelle le commerce du hareng et des poissons séchés est très important, l'Islande, l'Angleterre et l'Ecosse28, les Pays Bas, la Flandre29 et quelques villes de la mer Baltique. Les produits

21 En allemand et dans la littérature Fernhandel et Nahhandel

22 Oberzentrum d'après la typologie de Thomas Hill qui différencie trois types de centre en fonction de leur importance stratégique : Oberzentrum, Mittelzentrum et Unterzentrum

23 Les Kogge ou en français «Cogge»

24 Brème fait partie de la ligue Rhénane depuis 1225

25 Issus du commerce de long cours

26 Notamment les villes de Ripen, Kolding, Haderslev, Actuelles Ryppen, Kolding et Haderslev

27 Notamment les villes de Bohuslen, Bergen

28 Notamment les villes de Londres, Yarmouth

29 Notamment les villes de Harderwijk, Zwolle, Deventer, la région de l'Ijssel et de la Zuiderzee, les villes de Brugge et d'Anvers

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importés sont des harengs, du poisson séché, des peaux de bête, du sel et quelques vêtements, les produits exportés sont de la bière de Brème, des métaux, du lin, des céréales et de la farine (Hill, 2004)

Gdansk se situe en juste milieu associant les axes Nord/Sud et Ouest/Est. Dans le commerce de la Vistule et de la Lituanie, Gdansk prend en 1400 une place dominante. Les routes les plus importantes drainant l'Hinterland du port de Gdansk le relient à Kovno, mais aussi à Lernber, Breslau30 et Cracovie, via la ville de Thorn. La Prusse, la Pologne et la Lituanie représentent donc pour l'ancienne Danzig un Hinterland étendu31 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Mais les intérêts commerciaux de Gdansk se construisent, dès le 15e siècle, sur l'agrandissement et sur la protection du commerce Ouest/Est : la ville veut se positionner en intermédiaire cherchant à instaurer un accès direct à des pays de l' « Ouest ». Auparavant, l'exportation des produits de Lituanie, de Prusse et de Pologne transitant par Gdansk se faisait via le port de transbordement de Lübeck, véritable rupture de charge avant les Pays Bas ou la France... Mais peu à peu, Gdansk livre directement à Brugge, Bergen ou Oslo tout comme elle le faisait pour l'Est. C'est ainsi que la part des importations venues de Lübeck à Gdansk tombe de 20% en 1460 à 3.6% en 1475 (Dollinger, 1998). Le commerce du grain et des céréales (blé, seigle) est l'un des points essentiel pour la prospérité de la ville. La ville livre surtout vers l'Ouest des céréales et du bois, de la cire, de la cendre de Pologne et de Prusse, du lin, du chanvre, du cuir, des peaux de Lituanie. Gdansk exporte aussi plus loin du poisson local ou du cuivre et du plomb de Slovaquie. Venus de l'Ouest, elle reçoit du sel, de la bière, du vin, des harengs, des étoffes et pièces de tissus, des peaux et des fourrures et elle conduit ces produits jusqu'à son Hinterland (Bracker, Henn, Postel (1999).

Riga, entièrement tournée vers le commerce Ouest/Est, est, quant à elle, le principal port de transbordement pour le commerce avec la Russie32 (Bracker, Henn, Postel, dir., 1999) grâce aux fleuves qui la traversent. Les routes hanséatiques passant à Riga mènent vers le Sud-ouest par Memel vers Königsberg et Elbing, vers le Sud en direction de Kovno et Wilna, vers l'Est par Polock vers Vitebsk et Smolensk et vers le Nord par Dorpat vers Reval, Narwa, Novgorod33 (Dollinger, 1998). De Polock sont conduits surtout des fourrures, de la cire, des produits à base de bois comme du goudron ou de la cendre, du suif et du cuir pendant que de l'Europe de l'Ouest viennent du sel, des harengs, du vin, de la bière des épices et des métaux que l'on importe (Bracker, Henn, Postel, 1999). Des liens historiques avec l'île de Gotland expliquent que les marchandises venues de Riga, Reval, Novgorod y effectuent une halte avant de repartir vers l'Ouest (Dollinger, 1998). Visby et Gdansk jouaient donc toutes les deux un rôle de centre, entre l'Ouest et l'Est, Visby pour l'angle Nord-est de la Baltique et Gdansk pour l'angle Sud/Sud-est.

30 Kovno = Kaunas, Breslau = Wroclaw

31 Au sein duquel seules les villes de Elbing, de Thorn ou de Königsberg (actuelle Kaliningrad) sont actives

32 Titre de l'article sur Riga : «Riga, Hauptumschlagplatz für den Russlandhandel»

33 Wilna = Vilnius, Pernau = Pärnu, Reval = Tallinn, Dorpat = Tartu.

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Ce commerce a profondément irrigué ces villes et a changé leur topographie. A Brème, « la Hanse des villes » suit celle des marchands et les vagues de construction se font pendant les périodes de prospérité économique. Entre 1350 et les années 1390-1395, Brème connaît de fortes crises et des troubles intérieurs. Mais en 1400, une prospérité économique retrouvée voit naître les monuments que l'on retient aujourd'hui : la statue de Roland (1404), un symbole pour la liberté des citoyens et les droits de marché ou l'Hôtel de ville gothique (1405-1410). Le nouvel Hôtel de ville exhibe le dualisme entre le quartier spirituel et épiscopal des aristocrates et le quartier des marchands. Cette période correspond à l'apogée de la ville. Tout comme à Riga, le centre de Brème est remodifié in situ au fil des années. L'évêque Albert avait édifié la vieille ville en forme de demi-cercle sur le modèle allemand au bord du Rigebach et à cet endroit se trouvait la vieille cathédrale, la maison de l'évêque mais dès 1211, la ville se densifie vers la Düna. Les marchands étrangers jouent un rôle essentiel dans les constructions notamment des cours ou Stuben de Münster et de Soest. A Gdansk en revanche, les influences diverses ont créé une situation multipolaire. En 1400, la ville possède 7 unités de colonisation nommées Rechtstadt, Neustadt, Altstadt, Jungstadt, Vorstadt, Hakelwerk, Langgarten. Du noyau formé du château et de la banlieue slave (plus tard appelée Altstadt car la banlieue fut colonisée par les Allemands et le maître de l'ordre Winrich von Kniprode en 1377 donna à ce quartier un droit de ville), la Rechtstadt est édifiée par les Allemands. L'Altstadt ne deviendra jamais une ville hanséatique mais on trouve aujourd'hui au sein de la Rechtstadt et de l'Altstadt la plupart des monuments qualifiés d'«hanséatiques».

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius