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Rwanda, un génocide colonial, politique et médiatique

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par Mathieu OLIVIER
Université Paris 1 - La Sorbonne - Master de Relations Internationales et Action à là¢â‚¬â„¢Etranger 2013
  

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Traitement éditorial, tour d'horizon. Le Monde et les journaux français

Il ne s'agit pas de développer dans cette partie la thèse d'une désinformation volontaire des journaux français. Il est cependant essentiel de décrypter les mécanismes ayant conduit à la propagation d'une information erronée. On a étudié le concept d'ethnisme lors d'une première partie historique, il s'agit maintenant de dévoiler les impacts de celle-ci sur les analyses des observateurs.

On distingue, si l'on restreint l'étude aux années courant de 1990 à 1994, deux grandes tendances dans le traitement journalistique de la question rwandaise. La première est la négation pure et simple des actes génocidaires (ceux-ci ont été dénoncés très tôt par Human Rights Watch). La seconde est à priori moins grave mais se révèle en fait plus dangereuse. C'est l'euphémisation du génocide. En qualifiant ces actes génocidaires de lutte ancestrale entre Hutu et Tutsi, les journaux concernés ont créé une explication, plausible au regard des poncifs admis sur l'Afrique, tendant à minimiser le caractère politique et moderne du génocide en question.

Il est important de préciser que l'ensemble des journaux français se trouvent concerné, bien qu'à des niveaux différents. Cependant, on peut d'ores et déjà citer comme principales sources les quotidiens Libération, Le Figaro, La Croix et surtout Le Monde, sur lequel une partie plus importante sera consacrée, tant son attitude lors du génocide rwandais est éloquente.

La relative compréhension (1990-1993)

Comme on vient de le dire, l'ensemble des journaux français se trouvent concerné. S'il faut distinguer les interprétations des journaux tels que Libération ou Le Monde sur l'intervention française notamment, il est important de noter que la lecture ethniste du Rwanda est présente dans quasiment tous les articles.

Seule une infime partie, dont un numéro du Monde Diplomatique de 1990, va à contre-courant. Dans ce magazine, le journaliste Daniel Helbig éclaire en effet les actes génocidaires d'un jour nouveau. Il prend le parti de les traiter comme des événements politiques et de les expliquer par la politique ethniste menée par les colonisateurs successifs. Il s'interroge enfin sur les intérêts de la France au Rwanda.8(*)

On pourra également distinguer un article de Libération, signé par Claire Augé et Régis Solé le 31 février 1991, dénonçant la dérive ethniste du régime de Kigali et l'utilisation par la propagande de clichés concernant la nécessaire défense face aux Tutsi du FPR voulant rétablir la monarchie. Les journalistes mettent également l'accent sur l'utilisation du mot « cancrelat » pour désigner le FPR et, par extension tous les Tutsi du pays.9(*) Enfin, on notera l'utilisation par Jean-François Dupaquier, dans l'Evénement du jeudi en juin 1992, pour qualifier le gouvernement rwandais, de l'expression « fascisme africain ».1(*)0

Ces articles sont évidemment importants. Ils prouvent que, en juin 1992, le milieu médiatique savait ce qui se tramer au Rwanda. « Il était sans doute difficile d'imaginer le carnage final, écrit l'universitaire Nicolas Bancel. Mais une observation un peu sérieuse de la politique raciste menée par les autorités de Kigali aurait dû faire un sort aux interprétations ethnistes, qui perdurèrent hélas durant le génocide. (annexe 4) »1(*)1

Et pour cause, en dehors de l'article du Monde Diplomatique, la lecture raciale de la question ne fut pas abandonnée. Elle resta la grille de lecture de l'immense majorité des observateurs qui prit la suite, pour ne prendre qu'un exemple, du journaliste Bernard Lugan. Celui-ci écrivait sur le Rwanda dans la publication Spectacles du Monde et reprenait, presque mot pour mot les explications anthropologiques erronées des colonisateurs.

« Tutsi et Hutu vivent sur le même sol du Rwanda et du Burundi. Ils parlent la même langue, mais tout les séparent. Leurs différences sont raciales. D'où un drame permanent qui ne s'est pas apaisé avec le temps [...]. Une fois encore, l'Afrique apporte la tragique confirmation de ses déterminismes ethniques [...]. Au simple coup d'oeil, il est aisé de distinguer les Tutsi par leur taille élevée, leur crâne allongé, leur port altier et parfois arrogant, leurs traits non-négroïdes. Ils savent se montrer distants, fiers, maîtres de leurs sentiments. Leur autorité naturelle et leur habileté leur ont permis de s'imposer à la masse Hutu, au terme d'un long processus que les ethnologues et les historiens du Rwanda et du Burundi ont longuement étudié»1(*)2

De façon moins caricaturale, le journal Libération publiait, quelques semaines avant l'article de Claire Augé et Régis Solé en février 1991, un papier intitulé « Le Rwanda déstabilisé par une guerre ethnique ». Le quotidien revenait ainsi sur les origines de cette prétendue lutte ancestrale. « Agité par des guerres tribales à la fin des années 50 et au début des années 60, le Rwanda est aujourd'hui victime de la politique de liquidation qui a permis à l'ethnie majoritaire hutu de prendre le pouvoir. »1(*)3

Cet extrait est intéressant dans sa construction. Il mêle une accusation portée au gouvernement de Kigali, l'utilisation de la question ethnique pour se porter au pouvoir, et une interprétation tout aussi ethnique de l'histoire rwandaise. C'est globalement la ligne défendue par la presse française de 1990 à 1994. Le Monde notamment va parler de « guerre inter-ethnique ». Ce qui occultera une chose : le FPR, contre lequel annonce se battre Kigali, est composé de Tutsi et de Hutu, jusque dans ses sphères de commandement.

« Pour ce qui concerne l'Afrique, il y a une tradition journalistique qui est de limiter l'information aux clichés ethniques, sans aucune analyse digne de ce nom (...). Les médias français ne s'intéressent jamais aux questions de fond sur l'Afrique. L'image cultivée est celle de l'ethnicité et du tribalisme, c'est à dire qu'ils ne parlent que de la forme et des moyens de ces manipulations politiques, jamais des manipulations politiques en elles-mêmes. »1(*)4

Cette intervention de Jean-Paul Gouteux est sans doute un peu réductrice mais a le mérite de donner une tendance. Si il semble s'installer, dans le début des années 90, une relative compréhension des mécanismes agissant au Rwanda, l'explication la plus couramment utilisée pour expliquer la dérive ethniste et génocidaire du gouvernement rwandais reste en effet la grille de lecture ethniste elle-même.

* 8 Danièle Helbig, "Le Rwanda entre guerre civile et réformes politiques", le Monde diplomatique, novembre 1990

* 9 Libération, Claire Augé et Régis Solé, 31 février 1991

* 10 Jean-François Dupaquier, l'Evénement du jeudi, juin 1992

* 11 Les médias français face au Rwanda. De l'intervention française de 1990 au génocide, colloque international Le Rwanda et les médias, Université de Montréal/Vues d'Afrique, mai 1996, Nicolas Bancel, historien, maître de conférences à l'Université Paris XI, vice-président de l'ACHAC (Association pour la connaissance de l'Histoire de l'Afrique contemporaine).

* 12 Bernard Lugan, Spectacle du Monde, Tutsi et Hutu : drame atavique, 1988. Bernard Lugan a été membre du Conseil scientifique du Front national et l'un des responsables des amitiés France-Afrique du Sud, soutenant l'apartheid. Il fut professeur à l'Université de Kigali et enseigne aujourd'hui à Lyon.

* 13 Libération, Le Rwanda déstabilisé par une guerre ethnique, 4 octobre 1990

* 14 Jean-Paul Gouteux, spécialiste de la question rwandaise, dans un entretien accordé au journal The Dominion

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