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L'intéret national dans le processus d'intégration régionale en Afrique

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par Yanic KENHOUNG
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2014
  

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II- La formulation et de la prise en compte des préférences sociétales

Cet aspect de l'intergouvernementalisme libéral est difficile à établir en Afrique. S'il est vrai que plusieurs mesures prises au niveau continental correspondent à la satisfaction des besoins concrets des peuples, il est néanmoins difficile d'établir un lien entre les revendications faites au plan interne par les groupes organisés et l'inscription de ces revendications dans l'agenda de l'UA. Non seulement il est difficile de dire que le NEPAD est la résultante des préférences nationales portées au niveau continental, en plus des priorités retenues, dans le cadre de l'agenda de sa mise en oeuvre semblent être le fait de l'imagination des seuls gouvernants.

Qu'il s'agisse des questions de paix et de sécurité, du développement, des TIC, de l'éducation et de la santé, il est difficile de dire que ces priorités ont été établies à partir des revendications sociétales formées au plan interne et portées au niveau continental par les

162 Ces États sont : le Cameroun, la RCA, la RDC et le Tchad.

163 Guy MVELLE, cours sus cité.

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gouvernants. La question de l'influence de la société civile sur les pouvoirs africains reste encore un grand débat.

En revanche dans le domaine politique il est aisé de dire qu'un certain nombre de normes adoptées au plan continental répondent aux aspirations formulées par la classe politique de l'opposition ces dernières années. C'est le cas du Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes adopté à Maputo en juillet 2003. Ce protocole apporte des réponses à une longue tradition de revendications féministes. Nous pouvons également citer le cas de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2012 qui, est l'une des réponses aux différentes revendications à caractère politique formulées depuis le début des années 90 en Afrique. Cette prédominance du rôle des États dans la mise sur pieds des institutions d'intégration est en faveur de l'intérêt national égoïste; car les États jouant le rôle de pilier du processus ne peuvent promouvoir que ce type d'intérêt.

Quoiqu'il en soit, l'intérêt national contenu dans la vision intergouvernementaliste de l'intégration régionale est un intérêt national égoïste, car comparativement à l'Union Européenne, certains analystes observent que l'État-nation reste l'unité politique en termes d'allégeance, d'identité et de citoyenneté. C'est pourquoi, Stanley HOFFMANN pense que l'État-nation reste le référentiel majeur des citoyens en termes d'allégeance et de sécurité164. Cette vision laisse entrevoir l'importance de l'État dans la construction régionale africaine et cerne cette dernière comme un « régime international 165 » consenti par les États-membres, et non comme un processus d'intégration conduisant à la formation d'une entité supranationale. Les régimes ne peuvent se maintenir que si les États en tirent en termes de promotion de leurs intérêts égoïstes ; ils n'acceptent la contrainte, les concessions que dans l'espoir de profiter d'une réciprocité différée166. Dans une telle vision, la poursuite de l'intérêt national égoïste reste le principe d'action de la construction de l'intégration régionale en Afrique.

164 Stanley HOFFMANN, «Reflexions on the Nation-State in Western Europe Today», Journal of commun market studies, September 1982, vol21, p.21-38.

165 Ensemble de normes et de comportements, de règlements et de politiques.

166 Stanley HOFFMANN, art. Suscité, p. 34.

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L'opérationnalisation des théories générales de l'intégration à la réalité de l'intégration régionale en Afrique nous a permis de constater que l'intégration régionale africaine cernée sous le prisme de l'approche de l'internationalisme libéral exalte un intérêt national altruiste. Sous la vision intergouvernementaliste, l'intégration régionale en Afrique est au service des intérêts égoïstes des États.

Nous constatons qu'il existe en définitive un continuum entre l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique. En effet, l'intérêt national, quelque soit sa conception est la principale motivation de l'adhésion des États aux processus d'intégration. Aussi, la conception de l'intégration régionale en Afrique en fonction des approches de l'internationalisme libéral et de l'intergouvernementalisme permet de déterminer la nature des intérêts qu'exalte cette intégration. C'est ce que l'opérationnalisation des théories générales de l'intégration régionale sur la réalité de l'intégration régionale africaine nous a permis de constater. De cette analyse, il ressort que la notion d'intérêt national est ambivalente et ses conceptions influencent distinctement le processus d'intégration régionale en Afrique.

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DEUXIÈME PARTIE : L'AMBIVALENCE DE LA NOTION D'INTÉRÊT NATIONAL A L'ÉPREUVE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

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Si les auteurs sont unanimes sur la définition de l'intérêt national comme ce qui importe le plus à un État, ce qui constitue l'enjeu par excellence pour lui et guide son action politique167, ils ne s'accordent pas sur la signification substantielle de cette notion. C'est pour quoi l'intuition d'Arnold WOLFERS, estimant que la popularité dont jouit la notion d'intérêt national tend à démontrer qu'elle peut ne pas avoir la même signification pour tout le monde reste d'actualité. C'est une notion polysémique par excellence, car après sa conception réaliste longtemps prédominante, se sont succédées les conceptions libérale et constructiviste168. C'est une notion qui est populaire et est présente dans plusieurs domaines y compris celui de l'intégration régionale.

La notion d'intérêt national est aussi ambivalente : alors que les réalistes et les libéraux la définissent de façon égoïste, les constructivistes la cernent de façon altruiste. A l'épreuve de l'intégration régionale en Afrique, cette ambivalence exerce une influence considérable. Les États africains participent aux processus d'intégration régionale pour satisfaire leur intérêt national qui, par nature est la principale motivation de ceux-ci sur la scène internationale. De la nature de ces intérêts dépend la dynamique ou les freins au processus d'intégration régionale. Pour mieux cerner les contours de l'influence de l'ambivalence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale, nous démontrerons que l'intérêt national égoïste est un frein à l'intégration régionale africaine (CHAPITRE III), alors que l'intérêt national altruiste lui, constitue un facteur de dynamisation de cette intégration (CHAPITRE IV).

167 Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Op. Cit. p. 298.

168 Ibid.

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CHAPITRE 3 : L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE : UN FREIN A L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

La défense de l'intérêt national est traditionnellement classée parmi les fonctions régaliennes de l'État. Elle est la principale motivation de l'État sur la scène internationale. Selon l'approche réaliste des relations internationales, l'objectif de la politique extérieure d'un État est la défense des intérêts de l'État, compris en « termes de puissance 169». En effet, partant du principe selon lequel l'État est un acteur rationnel animé par un instinct de survie, la puissance militaire, démographique et économique qui lui permet de garantir sa sécurité, fait figure d'éléments déterminants de son comportement vis-à-vis des autres États. Il importe de retenir de cette approche que tous les États sont supposés être guidés par les mêmes motivations tant que l'organisation du système international repose sur l'anarchie, c'est-à-dire l'absence d'autorité supérieure à celle des États. Il en découle une unité de la défense de l'intérêt national quels que soient le moment historique et le lieu de son action, tous ses protagonistes s'inscrivant dans une quête de puissance. Ainsi les agissements, les comportements stratégiques des États africains depuis le début du processus d'intégration régionale en Afrique pourraient s'analyser comme la conséquence des tentatives répétées des États visant le renforcement de leurs intérêts nationaux égoïstes.

En fait, l'intérêt national égoïste qui a pour corollaires la consécration de l'autorité suprême d'un État sur un territoire et l'exclusion de toute ingérence d'un autre État sur ses décisions. Cette conception de l'intérêt national est profondément enracinée dans le processus d'intégration régionale en Afrique. Elle a longtemps été considérée comme le rempart juridique permettant aux États faibles de résister à la volonté des plus puissants170. Cependant, l'intérêt national, aussi étroitement associé à la préservation de la souveraineté au sens classique, peut difficilement être réconcilié avec la construction d'espaces d'intégration régionale où s'opèrent des transferts de souveraineté en faveur d'une instance supranationale171. Cet intérêt national qui

169 Hans MORGENTHAU, Op. Cit. p. 5.

170 Gianpiero LEONCINI, La formulation et la mise en oeuvre de la Politique Extérieure Commune de la

Communauté Andine, mémoire de master en administration publique, ENA, Paris, Mai 2007, p. 10.

171 Ibid.

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stipule un système de chacun pour soi signifie que sa satisfaction par un État ne saurait tenir compte des intérêts nationaux d'autres États172.

A travers les stratégies de certains États africains (SECTION I) et l'étude de quelques cas pratiques (SECTION II), nous démontrerons que l'intérêt national égoïste est un frein au processus d'intégration régionale en Afrique.

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE AFRICAINE

L'intérêt national égoïste est perceptible dans le processus d'intégration régionale en Afrique à travers l'égoïsme des États membres au processus (PARAGRAPHE I) et les comportements stratégiques de certains États africains face à l'action collective entreprise par l'UA (PARAGRAPHE II).

PARAGRAPHE I : L'égoïsme des États africains dans le processus d'intégration régionale

L'intégration régionale dans les pays en développement est perçue depuis fort longtemps comme un facteur accélérateur du développement économique. Elle permet en effet de créer un marché plus vaste et apparaît comme une solution à l'étroitesse de la taille des marchés intérieurs qui constituent aux yeux de nombreux spécialistes, l'un des principaux obstacles à l'industrialisation dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier. L'intégration régionale est aussi de nos jours considérée comme un des principaux moyens d'insertion des pays en développement dans une économie mondialisée. Cependant, dans la réalité nous observons qu'en Afrique les nombreuses tentatives de constitution formelle d'un processus d'intégration régionale font face aux querelles de leadership (I) et aux velléités souverainistes des États (II).

172 Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Op. Cit. p. 299.

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I -Les querelles de leadership

La problématique du leadership dans le processus d'intégration régionale découle de la contestation du rôle de moteur de l'intégration d'un État par les autres. Ce rôle favorise une croissance économique rapide173de la région ou de la sous région. Le leadership peut être fondé sur une dimension «historique ». Certains États n'hésitent pas à tirer de leur statut de membres fondateurs d'une organisation, la reconnaissance d'un rôle de «dépositaire de l'ambition originaire», qui leur confèrerait une autorité politique sur les autres. Mais le leadership historique peut aussi résulter d'un point de vue plus personnel de la participation du dirigeant politique d'un État à la création de l'organisation d'intégration. Le leadership peut également s'affirmer d'un point de vue «militaire». L'État concerné se prévaudra alors soit de sa capacité à régler des conflits dans la zone, soit de son aptitude (non affirmée mais éprouvée) à «déstabiliser» potentiellement la zone ou une partie de celle-ci. L'implication du Tchad dans les conflits de RCA et du Nord Mali, l'érige en interlocuteur politique de premier ordre de la RCA et du Mali, avec néanmoins des implications certaines sur sa position au sein de la CEMAC et de l'UA. Il en est de même de L'Afrique du Sud dans ledit conflit centrafricain. Le critère démographique a en outre son importance dans certaines organisations d'intégration. Il revêt une dimension économique notable, mais peut aussi, dans certains cas, être un facteur de leadership politique institutionnalisé. Nous pouvons aussi envisager une hypothèse de leadership « démocratique », car l'émergence dans l'un des États de la région d'un pouvoir démocratique peut être un facteur d'influence au sein des institutions régionales.

Au niveau des Communautés Économiques Régionales qui constituent des préalables à la réalisation du marché commun continental, cette quête du leadership est plus visible. C'est ainsi qu'au niveau de la CEMAC par exemple le rôle de moteur de l'intégration du Cameroun a été longtemps contesté par le Gabon, et l'est actuellement par la Guinée Équatoriale174. Les querelles de leadership apparaissent même comme une des caractéristiques principales de la plupart des accords d'intégration régionale en Afrique. Ainsi à l'image du Cameroun en zone CEMAC, le Kenya est le leader de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), la Côte d'Ivoire est celui de

173 Fweley DIANGITUKWA, Géopolitique, intégration régionale et mondialisation. Plaidoyer pour la création d'une communauté économique des pays côtiers de l'Afrique centrale, Paris, l'Harmattan, 2006, p. 61.

174 Anderson OUAMBA-DIASSIVY, Op. Cit. p.31.

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l'UEMOA et l'Afrique du sud se présente comme le bras séculier de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC). A ce sujet, il faut dire que nombre de projets intégrateurs en Afrique n'aboutissent pas à cause de ce phénomène. Au lieu de repenser la manière dont la communauté devra décoller, la réflexion est portée plutôt sur la manière dont tel ou tel autre État envisage d'être leader de la sous-région, sur les réclamations du leadership.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand