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L'intéret national dans le processus d'intégration régionale en Afrique

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par Yanic KENHOUNG
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2014
  

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II-Les velléités souverainistes des États

Les frontières contribuent à ce que chaque État se perçoive comme un tout, distinct des autres États et souverain175. L'Afrique n'est pas en marge de cette réalité. En général, les chefs d'État africain se considèrent comme des « princes » à l'intérieur de leurs territoires. Ils sont jaloux de leur souveraineté, même au prix du sacrifice de l'intégration régionale. L'État reste en Afrique l'intelligence personnifiée de la collectivité, il reste omniprésent et n'est point contourné, encore moins remplacé par des entités fonctionnelles176. La présidence reste le seul

lieu de vrai pouvoir177. L'intégration en Afrique est bâtie sous le primat de
l'intergouvernementalisme car une part importante des traités et des projets est soit le fait de « grand marchandages» entre États au sens de l'État- nation Westphalien, soit des administrations nationales qui les contrôlent178. En effet, l'Afrique est l'une des régions du monde dans laquelle l'histoire du pouvoir politique est celle de la confiscation, de la privatisation et de la sacralisation par un individu ou un groupe d'individus. Cet état de chose est de nature à renforcer un micro nationalisme latent, avec pour conséquence une prédominance des intérêts nationaux égoïstes sur l'esprit communautaire179. Cette prédominance des intérêts nationaux égoïstes est perceptible au niveau de l'intégration des marchés. Ici la crainte des États de perdre des recettes budgétaires du fait de la libéralisation des échanges et des inquiétudes sur la libre circulation des personnes sont accentuées. L'exemple du slogan « le Gabon ne sera pas la vache

175 Philippe MOREAU DEFARGES, Introduction à la géopolitique, Paris, édition du Seuil, 2005, p. 33.

176 Parlant du cas spécifique de la CEMAC, lire Guy MVELLE, « La CEMAC à la recherche d'une nature théorique », Revue africaine d'études politiques et stratégiques, UY II, FSJP, n°6, 2009, p.73. Cette situation est vraie pour toute l'Afrique.

177 Jean-Yves CALVES, Tiers monde... un monde dans le monde, Paris, les éditions ouvrières, 1989, p.92.

178 Guy MVELLE, Op. Cit. p. 69.

179 Yanick Jacquinos JANAL LIBOM, Harmonisation et rationalisation des Communautés Économiques Régionales (CER) en Afrique : le cas de l'Afrique Centrale (1991-2010), mémoire de master en histoire des Relations Internationales, UY I, FALSH, 2011, p. 128.

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à lait » prononcé par Léon MBA lorsqu'il était question de décider de la formule par laquelle les colonies devaient accéder à l'indépendance180.

En Afrique Centrale par exemple, les expulsions massives des ressortissants des autres pays sont récurrentes en Guinée Équatoriale et au Gabon ces dernières années. Les craintes de la perte de souveraineté l'emportent sur l'intégration régionale en Afrique181. C'est ainsi que la Guinée Équatoriale a évoqué l'envahissement de son territoire par ses voisins pour boycotter l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, biens et services en zone CEMAC prévue pour le 1er janvier 2014. L'Afrique dans cette posture renvoie à un collectif de princes aux stratégies et aux attentes spécifiques182. Ils ne souhaitent pas déléguer la moindre parcelle de leur souveraineté aux entités régionales183. Dans ce contexte, il est très difficile de créer « un nouveau centre de pouvoir supplantant les États membres et reléguant leur nationalisme au rang des pièces de musée 184». Le postulat selon lequel « il n'y pas d'État sans souveraineté185 » est dominant chez les dirigeants africains, certains ont à coeur l'intangibilité et la sacralité de la figure de l'État. L'intégration pour eux ne signifie pas l'union ou la fusion dans un creuset fédéral186. Cela se vérifie à travers l'option prise dès 1963 à Addis Abéba avec le compromis donnant naissance à l'OUA. Dans le processus d'intégration régionale en Afrique, les velléités souverainistes se manifestent par la sacralisation de la souveraineté de l'État et le primat de l'intérêt national sur l'intérêt régional. Cette manifestation de l'intérêt national égoïste constitue autant une entrave au processus d'intégration régionale que les comportements stratégiques des États africains dans le cadre de l'action collective entreprise par l'UA.

180 Régis Vanacio LOUMINGOU-SAMIBOU, « Le principe du respect de l'identité nationale des États membres de la CEMAC », in Ethnicité, identités et citoyenneté en Afrique centrale, études et documents de l'APDHAC, cahier africain des droits de l'Homme, n°6-7, mars 2002, p. 148.

181 CEA /ONU, État de l'intégration en Afrique II. Rationalisation des communautés économiques régionales, 2006, p.74.

182 Yves Alexandre CHOUALA, Désordre et ordre dans l'Afrique Centrale actuelle : démocratisation, conflictualisassions et transitions géopolitiques régionales, thèse de Doctorat de 3è cycle en relations internationales, UY II, IRIC, 1999, p. 22.

183 Philippe DECRAENE, Vieille Afrique, jeunes nations, Paris, PUF, 1982, p.262.

184 Alain DIECKHOFF, Christophe JAFFRELOT, « De l'État- nation au post nationalisme », in Marie Claude SMOUTS (éd), Les nouvelles relations internationales, pratiques et théories, Paris, Presses de la Fondation Nationale de Science Politique, 1998, p. 70.

185 Olivier BEAUD, La puissance de l'État, Paris, PUF, 1994, p. 15.

186 Narcisse MOUELLE KOMBI, « L'intégration régionale en Afrique Centrale : entre interétatisme et supranationalité », in Hakim BEN HAMMOUDA et al. (dir.), L'intégration régionale en Afrique centrale, bilan et perspectives, Paris, Karthala, 2003, p. 211.

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PARAGRAPHE II : Les stratégies de certains États africains face à l'action collective entreprise par l'UA

L'intérêt national égoïste est perceptible dans le processus d'intégration régionale en Afrique à travers les stratégies de certains États africains face à l'action collective. En effet, l'un des facteurs qui explique le faible poids de l'UA devant les grands enjeux africains et internationaux est la dispersion des positions de ses membres187. Pourtant, pour les pères fondateurs, les africains doivent êtres guidés par « la vision partagée d'une Afrique unie et forte, ainsi que par la nécessité d'instaurer un partenariat entre les gouvernements et toutes les composantes de la société civile, en particulier les femmes, les jeunes et le secteur privé, afin de renforcer la solidarité et la cohésion entre nos peuples188 ». Mais les divisions sont souvent plus visibles que l'unité depuis la création de l'OUA et les stratégies des États priment sur les positions de l'organisation continentale engagée officiellement dans des actions collectives. Les stratégies sont ici considérés comme les « écarts, c'est-à-dire des comportements qui ne correspondent pas à l'idée initiale que l'on peut avoir des motifs des acteurs189 ». Les conduites des États ne doivent pas être vues comme la simple résultante, prévisible, stéréotypée et donc reproductible des déterminants structurels, financiers ou psychologiques. Elles sont inventées par les États, dans un contexte, construites en vue de certains buts. D'après l'analyse de Michel CROSIER et Erhard FRIEDBERG190, les acteurs sont inscrits dans un système d'action concret où il existe un ensemble de jeux structurés, où ils sont interdépendants, mais également où il existe des intérêts qui peuvent être divergents, voire contradictoires. Les stratégies des acteurs sont non seulement fonction de leurs intérêts mais aussi de leurs ressources. Dans ce système, l'intérêt égoïste est l'unique justification de l'action des acteurs. Ce type de comportement a été plusieurs fois observé au sein de l'UA. Mais pour démontrer l'impact négatif de ces comportements stratégiques des États africains face à l'action collective de l'UA, nous mettrons en exergue les comportements observés de la part de certains États aussi bien lors de la crise postélectorale survenue en Côte d'Ivoire en novembre 2010 (I) que lors de la Résolution 1973

187 Guy MVELLE, L'union Africaine face aux contraintes de l'action collective, Paris, L'harmattan, 2013, p. 7

188 Préambule de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine.

189 Erhard FRIEDBERG, Le pouvoir et la règle. Dynamique de l'action collective, Paris, Le Seuil, 1993, p. 218.

190 Michel CROSIER et Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1981.

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autorisant le recours à la force contre le régime de Mouammar KADHAFI (II); car ces évènements marquent les deux dernières grandes crises de l'action collective au sein de l'UA.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore