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Le role de la compliance anti corruption

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par Julien Quijoux
Université Versailles Saint Quentin - Master 2 Droit pénal des Affaires 2012
  

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§2. L'Intelligence Compliance

L'Intelligence Compliance est le fait d'utiliser la Compliance dans des buts détournés de son objectif principal. A cet égard, l'utilisation de la Compliance dans une optique concurrentielle déjà décrite appartient à ce domaine.

Outre les effets induits sur la compétitivité qu'a la Compliance et qui ont fait l'objet d'un développement précédent dans ce mémoire, la Compliance peut jouer un rôle encore plus développé en matière de concurrence.

138 Article 313-7 et suivants du règlement général de l'AMF.

139 Articles L. 561-5-I et L. 561-15-I CMF du Code monétaire et financier.

140 P. MONTIGNY, « la lutte contre la corruption », Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet 2010.

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L'intelligence Compliance pourrait, par exemple, être utilisée par les sociétés détenues par l'Etat, dans les pays où le gouvernement est facilement influençable, pour verrouiller le marché et donc porter atteinte à la concurrence. Cela pourrait s'illustrer tout simplement par la mise en place préalable de règles de Compliance strictes à l'intérieur d'une entreprise d'Etat, suivies par la création d'une norme calquée sur ces exigences en matière de Compliance.

La Compliance pourrait également être utilisée par des gouvernements détenant des entreprises fortes, ayant déjà un quasi-monopole de droit dans les secteurs concernés par la Corruption, comme en Angola, au Ghana, en Guinée Equatoriale, ou encore en Chine. Le mécanisme envisagé pourrait être la création d'une obligation de transmission de renseignements aux entreprises voulant opérer sur leur territoire, sous couvert de Compliance, afin de récupérer des informations clés.

Toujours dans le cadre de l'espionnage industriel, l'intelligence économique est une préoccupation majeure des entreprises commerciales. Par ailleurs, le recueil d'informations sous couvert de due diligence est un point à ne pas négliger.

En effet, ce processus a déjà une importance en ce qu'il peut déterminer, à terme, la réalisation d'un contrat ou son abandon. La crainte peut alors naître, chez un partenaire, de se voir refuser un contrat, en raison de son refus de transmettre des informations dans le cadre de la due diligence. Le danger peut également venir de la légitimité que la due diligence reçoit de la part des autorités en charge de sa lutte. En effet, là encore, la crainte d'apparaître comme réfractaire à la lutte contre la Corruption, en refusant de fournir des informations demandées dans le cadre de la due diligence, peut exister. Dans ces deux situations, l'entreprise peut alors commettre l'erreur de transmettre des informations confidentielles avec une portée concurrentielle.

La Compliance de l'entreprise est alors d'autant plus importante qu'elle connaît le droit anticorruption. Elle pourra alors savoir ce qui relève de la due diligence normale, et ce qui a vocation à dépasser cet objectif. La Compliance permettra, en plus, de communiquer en toute intelligence entre services respectifs de chaque entreprise ; en étant capable de motiver ses négociations avec des arguments solides.

Enfin, l'environnement mondial de la lutte contre la Corruption fournit un outil potentiellement dévastateur en matière de concurrence. En effet, de par la mise en place des dénonciations rémunérées, une entreprise concurrente pourrait profiter de ces mécanismes, afin de dénoncer un concurrent.

L'intérêt est triple : d'abord évincer un concurrent d'un marché (que ce soit avant la conclusion d'un contrat ou pendant, puisque les décisions des autorités dans le domaine de la Compliance peuvent décider de la résolution du contrat) ; ensuite lui infliger une perte économique très importante (à la fois à cause de la réalisation des risques directs et indirects développés précédemment) ; et enfin, récupérer une part de l'amende, puisque les mécanismes de dénonciation le prévoient.

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Cela suppose de remplir les conditions de la dénonciation imposées par l'UKBA ou le FCPA. Mais cela n'apparaît pas du tout insurmontable141, quand de telles sommes sont en jeu.

Là encore, le seul moyen de se prémunir contre ce genre de comportements est la mise en place d'un service de Compliance efficace, puisque c'est la seule limite existante à la fois légalement et factuellement pour lutter contre ce risque.

Enfin, la clause d'audit en matière de Compliance apparaît comme une arme d'intelligence économique sans réelle limite. Ce type de clause est en plus appuyé par des décisions importantes prononcées dans le cadre du FCPA142. Ces clauses prévoient la possibilité, pour une partie au contrat, de se faire communiquer toutes les pièces qu'elle juge nécessaires, en cas de soupçons d'infractions à la législation contre la Corruption.

Il n'existe aujourd'hui aucun contrôle réel de ce type de clauses, et le seul moyen de s'en prémunir est d'avoir une Compliance suffisamment forte pour qu'aucun fait de Corruption ne se produise dans le cadre de ces contrats.

§3. La Compliance d'entreprise ayant vocation à s'élargir d'autres thématiques

L'avenir de la Compliance réside non seulement dans l'évolution de la lutte contre la Corruption ou dans les applications détournées que l'on pourrait en faire, mais également dans l'élargissement de son champ de compétences.

Ainsi, le droit pénal de la concurrence s'est-il déjà fortement rapproché de la problématique du droit de la Corruption. Ce rapprochement est également renforcé par le fait que le droit de la Corruption est de plus en plus présent en matière de fusions et acquisitions143. Ces deux problématiques pourraient donc, dans les prochaines années, faire partie des missions de la Compliance.

La Compliance anti-Corruption est également proche de la lutte contre le blanchiment d'argent. Elle en est proche car la lutte contre la Corruption semble épouser les formes de la LAB. Elle en est également proche du fait que l'infraction de blanchiment d'argent permet de sanctionner l'utilisation de l'argent issue de la Corruption, a posteriori. Par ailleurs, il est fort probable que les organismes financiers soient frappés de plein fouet par une série de sanctions contre leur secteur d'activité, dans le cadre de la lutte contre la Corruption144. Plus encore, ceux-ci pourraient être poursuivis pour recel de Corruption. D'un autre côté, les

141 Voir Z.FARDON & E.SWIBEL, « The Dodd-Frank Act's Whistleblower Bounty Provision - A Primer »,

2011.

142 Voir E.U. contre PANALPINA, 4 novembre 2010 ; et E.U. contre RAE SYSTEMS INC., 10 novembre 2010.

143 Voir E.U. contre BIZJET INTERNATIONAL SALES AND SUPPORT, INC., 2012 et E.U. contre LUFTHANSA TECHNIK AG, 2012. Dans ces affaires, le DOJ impose aux entreprises de dénoncer tous les faits de corruption commis par la société absorbée, dont ils auraient connaissance après l'opération de fusion ou acquisition.

144 De grands groupes financiers sont actuellement sous investigations de la part des autorités du FCPA, tels que THE GOLDMAN SACHS GROUP INC ou ALLIANZ SE.

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entreprises non financières sont également exposées aux risques de blanchiment d'argent145.

Un rapprochement de ces deux matières, Compliance anti-Corruption et Compliance anti-Blanchiment d'argent, est donc tout à fait envisageable. Le mécanisme de due diligence est, par exemple, quasiment le même pour les deux types d'entreprises ayant à connaître ces problématiques.

De façon plus générale, la Compliance pourrait avoir vocation à élargir son champ de compétence à tout le droit pénal des affaires.

Le droit de la concurrence est déjà considéré par les services de Compliance comme une problématique de demain. Des matières telles que l'abus de biens sociaux, l'abus de confiance, l'escroquerie ou encore le vol sont très proches de la Corruption (que ce soit dans les éléments constitutifs et dans les moyens à mettre en place pour les anticiper).

Plus encore, la vocation pédagogique de la Compliance à sensibiliser les acteurs de tous niveaux hiérarchiques dans la société aurait tout à fait sa place dans des matières telles que le droit boursier (délits et manquements d'initié, de diffusion d'informations fausses ou trompeuses, voire de manipulation de cours) ; le droit pénal des sociétés (majoration des apports en nature, les infractions lors de la liquidation des filiales comme la banqueroute et les infractions satellites) ou encore le droit de la consommation (publicités trompeuses). Ces sujets de droit pénal ont des spécificités qui se retrouvent dans l'infraction de Corruption (notamment en ce qui concerne les délais de prescription particuliers, la responsabilité prépondérante de la personne morale, mais aussi et surtout le fait qu'ils soient de la compétence de tribunaux spécifiques, comme le pôle financier du parquet de Paris).

Il est même envisageable que la Compliance devienne, dans les années à venir, le service juridique responsable de la gestion de tous les risques pénaux auxquels est exposée une entreprise (au sens large, en incluant donc les sanctions civiles sur des fondements pénaux). En effet, le triptyque prévenir/agir/réagir, propre à la Compliance trouve une application de choix pour la gestion des potentielles infractions dont l'entreprise pourrait être l'auteur ou la victime.

De plus, le positionnement de la Compliance, en tant que service interne à l'entreprise, mais dont le rôle est aussi de contrôler les comportements des acteurs de l'entreprise, est tout à fait particulier. Ce rôle est nécessairement tenu par les services en charge du respect, par les membres de l'entreprise, de contraintes externes dont la nature diffère de celle de l'activité de l'entreprise. Et ces contraintes sont essentiellement des normes pénales, puisque la nature même du droit pénal est d'assurer le respect, par des sanctions, d'intérêts supérieurs à l'entreprise.

De cette façon, une entreprise a tout intérêt à confier à son service de Compliance toutes les problématiques de ce type146, et donc du droit pénal de l'entreprise. Le savoir-faire développé à la fois dans l'élaboration de procédures adaptées à l'entreprise ; mais

145 Elles ne peuvent cependant pas faire de déclarations de soupçons à Tracfin, ni lui demander des renseignements.

146 En plus du droit pénal des affaires classiques, le droit pénal de la presse, le droit pénal de l'environnement ou encore le droit pénal du travail sont autant de matières tout à fait indiquées pour les missions d'un service de Compliance.

également la transmission des valeurs aux autres acteurs de l'entreprise ; et enfin le statut sanctionnateur de la Compliance sont autant de raisons de confier à ce service un nombre de missions liées au droit pénal les plus importantes possibles.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984