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L'abà¢à¢, corps de garde et espace de communication chez les Fang d'Afrique centrale. Une préfiguration des réseaux sociaux modernes.

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par Gérard Paul ONJI'I ESONO
Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2015
  

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3. Centre communautaire d'initiation et de socialisation

Dans une chanson sur la thématique de l'Abââ, Pierre Claver ZENG, artiste musicien et poète gabonais disait dans une tirade :

« La sagesse, c'est à l'Abââ ;

Tout le bien, c'est à l'Abââ ;

Tout s'apprend à l'Abââ... ».

L'apprentissage et la socialisation sont des processus. Pour le premier, il s'agit de « l'acquisition de savoir-faire, c'est-à-dire le processus d'acquisition de pratiques, de connaissances, compétences, d'attitudes ou de valeurs culturelles, par l'observation, l'imitation, l'essai, la répétition, la présentation, etc. ».68(*)Dans un sens plus large, c'est l'ensemble d'activités qui permettent à une personne d'acquérir ou d'approfondir des connaissances théoriques et pratiques, ou de développer des aptitudes.

Quant à elle, « la socialisation est le processus au cours duquel un individu apprend et intériorise les normes et les valeurs tout au long de sa vie, dans la société à laquelle il appartient, et construit son identité sociale. Elle est le résultat à la fois d'une contrainte imposée par certains agents sociaux, mais aussi d'une interaction entre l'individu et son environnement. »69(*). Elle passe par différents canaux ou écoles. Et dans la société fang, l'Abââ est un centre d'instruction dynamique qui participe de ce processus. Des pratiques et des rites qui sont du domaine de l'initiation des garçons à la vie d'homme sont inculqués aux enfants depuis le bas âge à l'Abââ.

Premièrement, il est de coutume que, lorsque les femmes et les hommes se rendent à leurs travaux champêtres, les enfants en bas âge, filles et garçons sont confiés aux vieillards qui restent en journée dans l'Abââ, fatigués par l'âge. Ces derniers, de façon consciente ou non, à travers contes et fables, berceuses et chants, dictons et proverbes, etc. transmettent progressivement des valeurs et de la sagesse aux enfants. Survienne une dispute entre les enfants laissés sous sa garde que le vieux la réglait pacifiquement, non sans laisser une leçon de vie à ces derniers.

Un élément important à relever est que d'habitude, les enfants se livrent à des jeux et autres activités ludiques sous le regard des vieux. Dans ces rapports interpersonnels, il prévaut « l'anyôs », un esprit qui se manifeste tantôt par des moments de conflits et très souvent par des moments de convivialité resserrés par les liens fraternels qui unissent les enfants d'une même mère, d'une même famille ou d'un même village.

De même, pour la jeune fille, sa place est naturellement à la cuisine, aux côtés de sa mère ou nourrice. L'espace réservé à la cuisson des aliments pour les repas familiaux est tout aussi un centre de formation et d'apprentissage de l'économie familiale et l'art culinaire. C'est une préparation de la jeune fille à la future vie d'épouse et de maîtresse de maison. La jeune fille y apprend les recettes de la cuisine fang et la culture de l'organisation en vue de la bonne gestion du ménage. Par exemple, il est primordial pour elle de savoir qu'il ne doit pas manquer de vivres dans sa cuisine ; elle s'arrangera à toujours faire des réserves de bois, d'aliments frais, séchés ou fumés dans sa claie. Elle s'y imprégnait tout aussi bien des gestes, des attitudes et des postures de la femme, par exemple, comment s'asseoir en public, que des caractères positifs d'une bonne épouse et son rôle dans la famille.

En termes de valeurs inculquées aux enfants, elles se rapportent aux qualités physiques et morales que l'enfant devait adopter. En effet, l'effort, le travail, l'endurance sont des valeurs que l'on enseigne aux enfants mâles qui, très tôt, commencent à suivre leurs pères dans toutes leurs activités de la vie, notamment les travaux champêtres, la chasse, la pêche, la cueillette des fruits de la forêt, etc. Ceci permet aux enfants d'apprendre à connaître et à identifier nommément les arbres, les herbes, certaines étant de la pharmacopée et d'autres utiles comme matériau et bois de chauffage. De même, savoir désigner les animaux, les oiseaux de la forêt, et les poissons par leurs noms ne s'apprend mieux que dans cet environnement-là.

La rencontre des hommes du village à l'Abââ est toujours une occasion d'échanges à travers lesquels des expériences relevant du vécu quotidien sont partagées. Certaines débouchent sur des leçons qui se déclinent en proverbes et dictons traduisant toute une philosophie de la vie. Nous avons appris cette sagesse, à travers ce qu'un homme racontait à ses frères qu'il était allé visiter ses pièges en brousse, il y trouva une antilope prise au piège. Mais lorsqu'il se rapprocha d'elle, celle-ci se démena et s'en échappa, trainant avec elle la ficelle qui la retenait. L'homme qui n'en cru pas ses yeux se lança à la poursuite de l'animal à travers ronces, épines et lianes tranchantes. Finalement, l'animal se sauva et l'homme s'en tira avec plusieurs lésions sur lecorps. La moralité qu'un patriarche tira de ce récit et qui continue d'édifier la jeunesse est que si un chasseur décide de poursuivre un animal qui s'est détaché du piège, il s'expose à la « vindicte » des épines et autres obstacles de la forêt. Par contre, en ne suivant pas l'animal dans ces conditions, il s'évite également la peine et les blessures. L'on déduit, à travers ce récit, la sagesse qui conseille de ne pas toujours forcer des situations. Parfois, il faut accepter de laisser tomber, voire de perdre en s'évitant d'autres ennuis.

C'est donc progressivement que le jeune Fang s'imprègne des connaissances et acquiert des aptitudes qui lui permettront d'évoluer normalement dans son environnement. La structure familiale et l'Abââ sont ces moules qui contribuent encore au façonnage des hommes. Entretemps, l'école occidentale est également arrivée, mais l'Abââ garde sa vocation de perpétuer et transmettre la culture ancestrale.

* 68Source : fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage.

* 69Source :ROCHER, Guy, in http://fr.wikipedia.org/wiki/Socialisation, consulté le 24 aout 2011.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery