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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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1 - Des canaux d'alerte institutionnels sous le sceau des obligations

L'article 40 al 2 du Code de procédure pénale179(*) est le premier canal dont dispose un agent public. Il est une dérogation au secret professionnel et à la discrétion professionnelle (art. 26 de la loi de 1983). Celui-ci permet de délier le fonctionnaire de son obligation de secret et de discrétion professionnelle à la seule condition qu'il ait au préalable suivi la procédure tracée par l'article, c'est-à-dire révéler les faits pénalement répréhensibles au procureur de la République (la divulgation à la presse n'est pas autorisée)180(*).Par cet article, le signalement est une obligation et non un droit mais n'est pas assorti d'une sanction en cas de non-divulgation. Cet aspect non coercitif a été à de nombreuses reprises soulevé181(*). Le député Pierre Morel-A-L'Huissier a, en juillet 2013, déposé une proposition de loi tendant à sanctionner le non-respect de cette obligation de non-dénonciation à une peine maximum d'emprisonnement de trois ans assortie d'une amende de 100 000 euros. Ses arguments étaient les suivants : « [...]L'actualité récente avec l'affaire Cahuzac a montré les faiblesses de l'article 40 alinéa 2. Si cette obligation avait été assortie d'une sanction pénale les conséquences de cette affaire auraient été toutes autres »182(*).

L'un des canaux d'alerte les plus connus est le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC)183(*)créé par la loi Sapin de 1993. Depuis la loi du 6 décembre 2013, l'article 40-6 du Code de procédure pénale précise que « la personne qui a signalé un délit ou un crime commis [...] dans son administration est mise en relation, à sa demande, avec le SCPC lorsque l'infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service ».Dorénavant, le SCPC endosse l'habit d'assistance des lanceurs d'alerte dans la fonction publique. Pour autant, le SCPC ne pourra intervenir que sur demande de l'intéressé et ne pourra pas s'autosaisir. Ce service n'étant compétent qu'en matière de corruption, il ne pourra aider un agent révélant des comportements graves tels que les atteintes volontaires à l'intégrité physique et à la vie des personnes.L'article 40-6 du CPP n'étant pas plus explicite, la circulaire du 23 janvier 2014 relative à la présentation de la loi du 6 décembre 2013a précisé que les parquets pourront informer le SCPC de l'existence d'un signalement et lui transmettre tous éléments utiles concernant les faits révélés. Elle mentionne que les parquets saisis d'une demande veilleront à communiquer au lanceur d'alerte les coordonnées du SCPC.Malgré ces dispositions, des critiques ont été émises sur le manque de moyens dévolus à ce service et son absence de pouvoir d'investigation184(*).Le secrétaire général du SCPC a lui-même évoqué l'incertitude de l'efficacité du service : « Rôle [...] de soutien au lanceur d'alerte ? Le service aura alors besoin de moyens matériels [...]. Rôle d'investigation ? La loi l'ayant créé [...] ne lui en a pas donné les pouvoirs. La place du SCPC dans les dispositifs d'alerte reste par conséquent à expliciter »185(*).

Le projet de loi Sapin II a introduit l'éventualité que ce service disparaisse à la faveur d'une Agence anti-corruption.

Un autre canal d'alerte a été offert en matière de conflits d'intérêts avec la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP).La Haute autorité se voit conférer le statut d'autorité administrative indépendante et dispose d'un large panel de prérogatives. Ainsi, la Haute autorité peut mettre en oeuvre un pouvoir d'investigation, émettre des recommandations ou avis, ainsi qu'exercer un pouvoir de contrôle et de sanction.Avec la loi de 2013, les agents peuvent saisir la HATVP en cas de manquements à la législation sur les conflits d'intérêts. Elle les examine en vertu de la loi en vigueur, et procède, si nécessaire, à une information au procureur de la République186(*).Cependant, son rôle est restreint à cette saisine. Elle n'apporte aucune aide au lanceur d'alerte et ne peut sanctionner l'Administration qui a infligé des mesures de représailles.

L'une des dernières voies ouvertes pour les fonctionnaires est la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDA) créée par la loi du 16 avril 2013 (loi Blandin).La CNDA veille à l'enregistrement des alertes (article 2 de la loi) et est chargée de définir les critères qui fondent la recevabilité des alertes institutionnelles émanant des agences ou organismes ayant une activité d'expertise dans le domaine de la santé ou de l'environnement.L'article 3 de la loi prévoit que « les établissements et organismes publics ayant une activité d'expertise ou de recherche dans le domaine de la santé ou de l'environnement tiennent un registre des alertes qui leur sont transmises et des suites qui y ont été données ».Le premier décret faisant suite à la loi187(*) précise la composition de cette commission.Le texte précise également les modalités de tenue des registres. Les informations qu'ils contiennent doivent être stockées sur des supports numériques « garantissant leur pérennité et leur intégrité ».

Ouverte aux agents publics et aux salariés privés ayant une activité dans le domaine de la santé et de l'environnement, elle recueille les alertes et les transmet aux ministres compétents qui informent la Commission de la suite à donner aux alertes et aux éventuelles saisines des agents sanitaires et environnementales placées sous leur autorité.L'analyse des alertes est, ainsi, laissée à l'appréciation des ministres188(*). Même si la loi prévoit la saisine d'office de la CNDA par divers acteurs (membre du gouvernement, député, association, établissement public ayant une activité d'expertise, etc.), elle ne peut l'être directement par une personne physique. Une hiérarchie doit donc être respectée.

Depuis la loi Renseignement du 24 juillet 2015, une autre voie est offerte à l'agent public des services de renseignement : La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).Cette nouvelle Commission étant habilitée à contrôler les activités de renseignement, les agents ayant connaissance de violations manifestes au droit à la vie privée pourront la saisir. Cette Commission pourra recueillir les signalements mais devra en aviser systématiquement le Conseil d'État et le Premier ministre.En cas d'illégalité constatée et susceptible de constituer une infraction, elle devra saisir le procureur de la République et transmettre l'ensemble des éléments portés à sa connaissance à la Commission consultative du Secret de la Défense Nationale189(*) afin que celle-ci donne au Premier ministre son avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments en vue de leur transmission au procureur de la République.

Selon Jean-Philippe Foegle« le rôle du Procureur [...] apparaît largement neutralisé, car la possibilité pour ce dernier d'enclencher l'action publique est doublement subordonnée à la décision de la Commission nationale du Secret de la Défense Nationale, et du Premier ministre »190(*).Paradoxe de ce nouveau dispositif de signalement, les agents ne pourront pas faire état d'éléments couverts par le secret de la défense nationale191(*), alors que la CNCTR est habilitéeà les examiner.

Selon le journaliste Marc Rees « C'est très confortable pour le gouvernement qui sait que toute l'activité du renseignement est couverte par le sceau du secret-défense »192(*).

Ces canaux ouverts aux agents publics restent incomplets. Apparaît un manque de moyens matériels et humains, une absence de pouvoir d'investigation et un champ de compétence restreint.

Il reste cependant, au fonctionnaire, la possibilité de saisir son supérieur hiérarchique s'il constate des manquements ou comportements répréhensibles. Mais cette voie est rarement utilisée. La crainte de se voir infliger un blâme ou une mutation-sanction, les fortes obligations auxquelles sont soumis les agents publics sont autant de facteurs qui empêchent la libéralisation de la parole.L'appréhension de saisir son supérieur peut être contournée en utilisant la voie du Défenseur des droits (article 20 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011).

2 - Les dispositifs d'alerte professionnelle : une trompeuse alternative au silence

Les lois Auroux de 1982193(*) ont introduit dans le secteur privé des dispositifs organisant le droit d'alerte des salariés.

Le droit d'alertepermet au travailleur d'alerter immédiatement son employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Corollaire de ce droit d'alerte, la loi du 23 décembre 1982 a introduit le droit de retrait du salarié. Le travailleur pouvant se retirer de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Aucune sanction ou retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui use de ce droit.Si se réalise le risque signalé, l'employeur verra sa responsabilité engagée au motif d'avoir commis une faute inexcusable.

Parallèlement, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont été créés. Un travailleur a, ainsi, la possibilité de saisir le représentant du personnel du CHSCT, qui alertera immédiatement l'employeur en cas de danger grave et imminent. L'employeur sera tenu, conséquemment, de procéder à une enquête avec le représentant et de prendre les dispositions nécessaires.

Ces droits promulgués pour les salariés ont fait émerger un contentieux important sur la notion de « danger imminent ».Pour combler l'imprécision en matière de risque imminent, l'article L.4133-1 du Code du travail,créé par loi Blandin de 2013, a énoncé que : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur s'il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l'établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement. L'employeur informe le travailleur qui lui a transmis l'alerte de la suite qu'il réserve à celle-ci ». L'article L.4133-2 précise que l'information d'un risque grave pour la santé publique ou l'environnement peut se faire par la voiedu représentant du personnel du CHSCT qui va en informer l'employeur.

La loi américaine Sarbanes-Oxley Acte du 30 juillet 2002 (loi SOX) a introduit en France des canaux d'alerte pour les salariés du secteur privé.

Loi fédérale prise juste après le krach boursier de 2001-2002, elle avait pour but de protéger les investisseurs en améliorant l'authenticité et la fiabilité de l'information financière194(*). Pour atteindre cet objectif, elle a autorisé les salariés à dénoncer, de façon limitée, des faits susceptibles de constituer une atteinte aux mesures de régulation des marchés prévus par cette même loi. La SOX avait également introduit des protections contre les licenciements des lanceurs d'alerte et des mécanismes d'alerte obligatoires pour les entreprises, y compris pour leurs filiales étrangères et pour les entreprises connexes.

D'applicabilité extraterritoriale, cette législation entra en vigueur en France avec la loi n°2003-706 du 1er août 2003 relative à la sécurité financière en France dite « Loi Mer » (publiée au JO n°177 le 2 août 2003).

Pour exécuter cette loi, un dispositif d'alerte professionnelle a été mis en place en 2005. Mécanisme soumis à autorisation de la CNIL, il est complémentaire des autres canaux195(*), facultatif et son périmètre est limité.

À la suite de sa mise en oeuvre, la CNIL a défini le terme alerte professionnelle qui permet aux salariés d'une entreprise de signaler des problèmes relatifs aux domaines financiers, comptables, bancaires et de lutte contre la corruption, aux pratiques anticoncurrentielles.

Défenseuse de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés, elle condamna en 2005 deux dispositifs d'alerte qui instituaient « un système organisé de délation professionnelle »196(*). Selon la CNIL, les personnes soupçonnées devaient être informées de l'enregistrement de données les mettant en cause pour avoir la possibilité de s'y opposer comme l'exige la loi de 1978197(*).

Pour y remédier, la CNIL a adopté une autorisation unique (nommée AU-004) le 8 décembre 2005 (modifiée le 30 janvier 2014) afin d'encadrer les dispositifs d'alerte professionnelle et de simplifier les formalités administratives.

En 2009, par l'arrêt Dassault Système, la Haute juridiction a conditionné la validité des dispositifs d'alerte professionnelle dans le secteur privé à la réunion des critères suivants : obligation pour l'employeur d'obtenir de la CNIL une autorisation préalable ; restriction des alertes aux seules infractions comptables, financières, bancaires et aux faits de corruption ; la non-incitation à des dénonciations anonymes ;l'installation d'une organisation spécifique à même de traiter les alertes ; l'information de l'alerte pour les personnes concernées198(*).

Depuis, le 24 février 2014, l'AU-004 a été modifié et y est inclus désormais les domaines du droit de l'environnement, de la lutte contre les discriminations, de la santé, de l'hygiène et de la sécurité au travail199(*).

Lorsque le dispositif d'alerte professionnelle envisagé sort du cadre fixé par l'AU-004, l'entreprise doit adresser à la CNIL un dossier complet de demande d'autorisation individuelle.Enfin, les dispositifs doivent permettre l'identification de l'auteur de l'alerte mais son identité est traitée de façon confidentielle par le gestionnaire des alertes.

Par ces canaux d'alerte restreints et contraignants, le travailleur n'est pas incité à révéler des dysfonctionnements ou des manquements à la loi.

Autre voie de recours pour le salarié, comme l'agent public, la très récente Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDA) créée par la loi Blandin.La loi a posé une exigence de hiérarchie. L'alerte doit d'abord être révélée en interne à l'employeur (soit directement par le salarié, soit par l'intermédiaire du représentant du personnel au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail).En cas d'absence de réaction dans le mois suivant ou de divergence sur le bien-fondé de l'alerte, le salarié ou le représentant du personnel pourra ensuite extérioriser l'alerte par la saisine du représentant de l'État dans le département (article L.4133-3 du Code du travail).

Enfin, le salarié peut être aidé dans sa démarche par le Défenseur des droits.

En dehors de ces canaux d'alerte, le salarié, comme le fonctionnaire, a la possibilité de saisir son supérieur hiérarchique, l'Inspecteur du travail200(*), le directeur des ressources humaines, etc.

Actuellement, les mécanismes dont disposent les salariés restent lacunaires, disparates et enveloppés de nombreuses contraintes. Ils ne permettent pas une réelle sécurisation pour les travailleurs lanceurs d'alerte.

B - Des perceptives incertaines

Ce conditionnement des différents canaux d'alerte fait état de carences dans la réception ou le traitement de l'alerte. Afin de juguler cette instabilité, des solutions, propices à un meilleur protectionnisme, doivent être prises. D'une part avec l'élaboration d'une unique autorité de contrôle indépendante (1), d'autre part avec l'ouverture de supports informatiques (2).

1 - L'instauration d'une autorité de contrôle indépendante

Dans les pays anglo-saxons, des autorités ou fondations indépendantes ont été implantées pour analyser les alertes et prendre en charge les lanceurs201(*).Ces autorités ont limité la crainte, pour les individus, de révéler des informations puisque des outils utiles à un bon traitement de l'alerte ont été posés ; tels la confidentialité, des pouvoirs d'investigation importants, des instruments permettant la levée de certains secrets, l'analyse de la bonne ou mauvaise foi du lanceur, etc.Comme le relève Nicole Marie Meyer« En Angleterre l'autorité Public Concern at Work, a permis le traitement de plus de 20 000 alertes, dont 74 % avaient été lancées en vain en interne ». Elle ajoute que « 86 % des cadres britanniques déclarent, aujourd'hui, ne pas craindre de faire un signalement contre seulement 54 % de leurs homologues européens »202(*).

Face à des dispositifs incomplets et hétérogènes, certains préconisent l'instauration de telles autorités administratives indépendantes en France.En effet, les autorités de régulation ne sont compétentes que pour des domaines particuliers (à l'instar du SCPC en matière de corruption), ne disposent d'aucun pouvoir d'enquête, ni de moyen pour mettre fin aux atteintes dénoncées (à l'instar de la CNDA). Enfin, dans plusieurs cas, les lanceurs d'alertes ne peuvent les saisir directement.

Créé par la loi du 29 mars 2011, le Défenseur des droits est une autorité indépendante disposant de pouvoirs d'instruction, recevant des plaintes portant en particulier sur des questions de discriminations.Il aide les personnes à engager des procédures et le secret de l'instruction ne peut lui être opposé lors de ses investigations. Il ne peut intervenir que dans le cas de lanceurs d'alerte faisant l'objet de discriminations.Son champ d'action est, dès lors, limité.D'une part, il ne peut être compétent pour la protection de lanceurs d'alerte « catégoriels », tels que les agents de renseignement dénonçant des abus à la vie privée.D'autre part, il n'a aucun pouvoir en matière de protection contre d'éventuelles mesures de représailles (cette protection relève, a priori, du juge judiciaire ou administratif selon les cas).

C'est pour ces raisons que le Conseil d'État, dans son étude récente sur le droit d'alerte203(*), a recommandéd'étendre les compétences du Défenseur des droits à la protection, dès le lancement de l'alerte, des lanceurs d'alerte s'estimant victimes de mesures de représailles.

Toujours dans son étude sur le droit d'alerte, le Conseil d'État privilégie l'obligation de désigner des personnes chargées de recueillir l'alerte interne et externe dans l'ensemble des administrations de l'État, des établissements de santé et des grandes collectivités territoriales. Ces destinataires de l'alerte pourraient être une inspection générale, un comité d'éthique ou de déontologie ou un référent déontologue. Ils devront disposer d'une autonomie suffisante et être placés à un niveau élevé de la hiérarchie. Cette proposition entérine l'idée d'une autorité administrative indépendance chargée de recueillir et de traiter les différentes alertes.Il préconise également d'étendre la compétence de la Commission nationale de la déontologie et des alertes, créée par la loi Blandin de 2013, au-delà du seul champ sanitaire et environnemental, plutôt que de créer une autorité unique en charge du traitement de l'alerte.

Néanmoins, l'instauration d'une autorité administrative indépendante serait une amélioration dans la protection des lanceurs d'alerte.Elle aurait de vaste pouvoir d'investigation, ses compétences s'étendraient à plusieurs champs d'alerte (financier, économique, sanitaire, environnemental, atteintes graves aux personnes tels que les trafics d'êtres humains ou pédopornographiques, etc.), elle pourrait filtrer et analyser les alertes avant de les transmettre aux autorités compétentes (procureur de la République, Autorité des marchés financiers, Inspecteur du travail, etc.), elle serait une coordinatrice et un relais entre les différents acteurs et institutions.Elle prendrait, également, en charge le lanceur d'alerte. Développant un dialogue nécessaire avec lui, elle l'aiderait dans cette phase délicate tout en contrôlant la véracité des informations, le bien-fondé de l'alerte et lesmotivations de l'individu. William Bourdon préconise une composition pluraliste au sein de cette autorité204(*). Des supports électroniques gérés par l'autorité (et non par les entreprises) permettraient, de manière confidentielle, de recevoir et de traiter les alertes. L'autorité assurerait la confidentialité du lanceur.Celle-ci pouvant être levée avec le consentement de l'individu. Sa saisine ou auto saisine directe fournirait au lanceur d'alerte une protection durant le temps de l'instruction. Pouvant empêcher toute mesure vexatoire et assurer le maintien de salaire pour le lanceur d'alerte.Cette autorité, après investigations, pourrait émettre des avis consultatifs à joindre ultérieurement au dossier judiciaire. Ceux-ci permettant de débattre dans le prétoire de justice du bien-fondé de l'alerte et de la pertinence des poursuites engagées contre le lanceur. En effet, rappelons que l'autorité pourrait limiter les représailles envers le lanceur d'alerte mais l'intérêt à agir d'une action en justice d'une entreprise ou d'une institution ne peut être retiré. Si celle-ci persiste dans son action judiciaire contre le lanceur d'alerte, l'avis consultatif procurerai, lors des débats, une réflexion extérieure au dossier judiciaire.

Garante du bon fonctionnement de la loi, son indépendance absolue à tout autre organisme et instruction légitimerait les actions entreprises.

* 179Art. 40 al 2 du CPP :« Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

* 180Conseil d'Etat, Sous-sections réunies, 27 juillet 2005, req. n°260139 : « X a méconnu l'obligation de réserve et de discrétion qui s'impose à lui (...), en publiant un livre et en participant à des émissions de télévision, sans autorisation de sa hiérarchie, pour dénoncer des dysfonctionnements au service de santé armée qu'il estimait répréhensibles au regard des dispositions du Code pénal (...) ».

* 181 Voir : L. ROMANET, « Le dispositif d'alerte éthique de l'article 40, alinéa 2 du CPP : un instrument juridique pivot de lutte contre la corruption publique ? », Revue du GRASCO n°7, novembre 2013

* 182Proposition de loi n°1252tendant à sanctionner le non-respect de l'article 40 du Code de procédure pénale, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2013 (renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement). http://www.assembleenationale.fr/14/propositions/pion1252.asp

* 183 Le SCPC est un service ministériel placé sous l'autorité du Garde des Sceaux. Il est habilité à transmettre un dossier au procureur de la République mais ce service ne peut traiter que de dossier de corruption financière, de trafic d'influence, de prise illégale d'intérêt. Ce service a été créé par la loi no 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (Loi Sapin I), JO n°25 du 30 janvier 1993, p. 1588 et le décret d'application no 93-232 du 22 février 1993 relatif au Service central de prévention de la corruption institué par la du 29 janvier 1993,JO n°46 du 24 février 1993, p. 2937.

* 184TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Rapport, « Système nationale d'intégrité : le dispositif français de transparence et d'intégrité de la vie publique et économique », novembre 2011

* 185 L. BENAICHE, « La protection du lanceur d'alerte », RLCT, février 2014, p. 64

* 186 F. BADIE (chef du SCPC), « le rôle du SCPC et de la HATVP en matière de lanceur d'alerte », Colloque Fondation Sciences citoyennes, « Lanceur d'alerte : la sécurisation des canaux et des procédures », Assemblée nationale, 4 février 2015 http://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2015/07/2015-02-04-3-F-Badie.pdf

* 187Décret n°2014-1629 du 26 décembre 2014 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement. Elle comprend 22 membres : députés, sénateurs, membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation, du Conseil économique, social et environnemental et du Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, personnalités qualifiées dans les domaines de l'éthique, du droit du travail, du droit de l'environnement, du droit de la santé publique, de l'alimentation, de l'évaluation des risques.

* 188 Posant de fait une problématique puisqu'en la matière un scandale tel l'affaire du sang contaminé, dans lequel des ministres étaient mis en cause, n'aurait pas été apprécié de manière objective.

* 189Loi n°98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale, JO n°157 du 9 juillet 1998, p. 10488. Autorité administrative indépendante, elle donne un avis sur la déclassification et la communication d'informations relevant du secret-défense et ayant fait l'objet d'une classification en application des dispositions de l'article 413-9 du Code pénal, à l'exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises. Le secret de défense nationale est le seul secret absolument protégé ayant valeur constitutionnelle (à l'inverse du secret médical ou du secret des avocats) - Conseil constitutionnel, QPC, décision n°2011-192, 10 novembre 2011,Ekaterina B, épouse D, et autres.

* 190 JP FOEGLE, « De Washington à Paris, la « protection en carton » des agents secrets lanceurs d'alerte », La Revue des droits de l'homme, Actualités droits-libertés, 4 juin 2015, p. 6-23

* 191 Les articles 413-11 et 413-11-1 du Code pénal sanctionnent de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende la destruction, la reproduction ou la diffusion d'informations classées secret-défense.

* 192 M. RESS, « Loi Renseignement : comment le gouvernement a trucidé les lanceurs d'alerte », NextInpact, publié le 25 juin 2015 (consulté le 7 mai 2016).

* 193Loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel, loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits du travail, loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

* 194 Voir : N. MARIE MEYER, « Le droit d'alerte en perspective : 50 années de débats dans le monde », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2242-2248

* 195Délégué du personnel, CHSCT, Inspecteur du travail, etc.

* 196CNIL, Délib. N°2005-110 du 26 mai 2005 relative à la demande d'autorisation de Mc Donald's France pour la mise en oeuvre d'un dispositif d'intégrité professionnelle.

* 197N. MARIE MEYER, « L'alerte éthique ou whistleblowing en France », Rapport janvier 2013 à Transparency International, p. 6-13

* 198Cass, Soc, 8 décembre 2009, n°08-17-191, Dassault Système, Bull Civ V n°276

* 199 J. BOUTON, « Vers une généralisation du lanceur d'alerte en droit français », RdT, septembre 2014, p. 473-474

* 200 Pour rappel, un Inspecteur du travail peut également être poursuivi suite à une dénonciation. En la matière, l'affaire de Laura Pfeiffer est marquante. Inspectrice du travail, elle a été condamnée en première et deuxième instance pour avoir transmis à des syndicats des documents confidentiels appartenant à TEFAL faisant état de pratiques douteuses exercées contre elle par la multinationale. Elle a été condamnée pour violation du secret professionnel et recel de documents volés à 35000 euros d'amende avec sursis par la Cour d'appel de Chambéry le 16 novembre 2016.

* 201Dès les années soixante-dix, aux États-Unis, l'Office of SpecialCounsel voit le jour. Elle est créée par la loi Civil Service Reform Acte de 1978 qui protège les agents fédéraux lanceurs d'alerte. La même année est instituée une fondation juridique reconnue d'utilité publique, dont l'objectif est la défense des lanceurs d'alerte (GovernmentAccountability Project ou GAP). En Angleterre, une autorité régulatrice voit le jour en 1993 nomméePublic Concern at Work.

* 202N. MARIE MEYER, « Le droit d'alerte en perspective : 50 années de débats dans le monde », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2243-2248.

* 203Etude Conseil d'Etat « Etude sur le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger », La Documentation Française, adoptée par l'Assemblée plénière le 25 février 2016 (proposition 15).

* 204« L'assemblée nationale devra choisir les représentants qui la composeront. La majorité et l'opposition devront être à parité afin d'en assurer une composition pluraliste, qui sera aussi plurielle, des représentants de la société civile et du monde professionnel devant s'ajouter aux politiques. (...) Cette autorité devra comporter une commission d'arbitrage, notamment dans le cas épineux des obstacles que peuvent constituer les secrets, y compris pourquoi pas le secret défense » - W. BOURDON, Petit manuel de désobéissance citoyenne, Editions JC Lattès, février 2014, p. 147-217

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery