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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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2 - L'apport des standards européens et internationaux

Le droit d'alerter, devenu enjeu démocratique, s'est vu pris en charge par différents organes européens et internationaux au milieu des années quatre-vingt.

Dès 1982, l'article 5c de la Convention n°158 de l'OIT82(*) (Organisation Internationale du Travail), prise sous l'égide de l'ONU, instaure des critères de licenciement d'un salarié suite à la divulgation d'information concernant son employeur83(*).La Charte sociale européenne révisée en 1996 (et ratifiée par la France le 7 mai 1999) a également participé à une meilleure protection du salarié suite à un licenciement sans motif valable (art. 24).La Charte des droits fondamentaux de l'Union européennede 2000, qui a valeur contraignante depuis le Traité de Lisbonne, s'associe à ce protectionnisme dans ses articles 11, 30, 41 et 4784(*).

Cependant, c'est par des textes spécifiques luttant contre la corruption que le lancement d'alerte va faire son entrée sur la scène internationale et européenne.

Dans un premier temps, il y eutla Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe du 4 novembre 199985(*)prévoyant, dans son article 9, la protection des employés signalant des faits de corruption.Puis, la Convention pénale sur la corruption de 1999 du Conseil de l'Europe86(*) prévoyant, dans son article 22, la protection des collaborateurs de justice et des témoins signalant des infractions pénales.La grande convention instaurant plusieurs critères de protection suite à la divulgation d'informations évoquant des faits de corruption est la Convention dite de« Mérida » de 2003, prise sous l'égide des NationsUnies87(*).Dans le corps du texte, plusieurs articles intéressent les lanceurs d'alerte en matière de corruption (art. 8 al 4 et 5, art. 13.2 et art. 33).

Ces conventions contraignantes, ratifiées par la France, ont permis d'intégrer dans l'ordonnancement juridique français des textes instaurant une protection des lanceurs d'alerte.

B - 2007/2013, une séquence pro-lanceurs d'alerte incomplète

À partir de 2007 des lois vont impulser une législation sectorielle en faveur des lanceurs d'alerte dans l'espace financier et économique (1) et dans le domaine sanitaire et environnemental (2).Cependant des lacunes et un manque de lisibilité vont apparaître.

1-L'exercice de l'alerte dans l'univers financier et économique

La loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption88(*) va être la première à instaurer une protection des salariés dans le secteur privé et dans les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), si le signalement de faits de corruptionconstatés dans l'exercice de leurs fonctions a été effectué de bonne foi. Elle va créer l'article L.1161-1 du Code du travail89(*).Le salarié ou candidat à un emploi va pouvoir saisir soit son employeur, soit les autorités judiciaires ou administratives pour signaler les faits.

Suite au scandale impliquant le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, deux lois ont été votées le 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, permettant la création de la « Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » (loi ordinaire et loi organique90(*)) et prévoyant la protection de toute personne effectuant un signalement relatif à une situation de conflit d'intérêts.Reprenant la proposition issue des travaux de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique (dite « Commission Jospin ») de juillet 2012, le législateur a pour la première fois apporter une définition objective du conflit d'intérêts91(*) ; notion qui était appréhendée essentiellement sous sa dimension répressive (article 432-12 du Code pénal).La protection des lanceurs d'alerte est limitée aux signalements concernant les personnes visées par l'article 4 (membres du gouvernement, principaux exécutifs locaux) et l'article 11 (liste d'élus et hauts fonctionnaires). Ce texte autorise les salariés à saisir la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), l'employeur, l'autorité chargée de la déontologie au sein de l'organisme, une association de lutte contre la corruption agréée (type Transparency International France), les autorités judiciaires et administratives.

Puis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière92(*)a instauré un statut protecteur pour les salariés et les agents de la fonction publique qui relatent ou témoignent, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont ils auraient eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions (les contraventions ne sont, en revanche, pas visées)93(*).L'article 36 de la loi prévoit la mise en relation directe du lanceur d'alerte économique avec le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC), ainsi désigné comme autorité régulatrice, dans le seul cas où l'infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service (article 40-6 du Code de procédure pénale).

La très récente loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative àla déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires94(*)a étendu ces possibilités de signalement à la prévention des conflits d'intérêts. Dorénavant, il n'est pas possible de sanctionner un agent public qui aura « relaté aux autorités judiciaires ou administratives des faits susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêts dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, ou témoigné de tels faits auprès de ces autorités, dès lors qu'il l'a fait de bonne foi et après avoir alerté en vain son supérieur hiérarchique » (article 25ter I de la loi Le Pors de 1983). Le fonctionnaire ne pourra ainsi s'adresser aux autorités judiciaires ou administratives qu'« après avoir alerté en vain son supérieur hiérarchique ».Incessamment sous peu, il faudra songer aux conditions permettant de considérer qu'un agent s'est adressé en vain à son supérieur hiérarchique pour que soit estimée comme légitime sa dénonciation à l'autorité judiciaire.Selon Jean-Philippe Foegle et Serge Slama« le schéma adopté n'est pas totalement satisfaisant car en cas de risque de conflit d'intérêts, l'agent public doit d'abord s'en remettre à son supérieur hiérarchique, puis il bénéficie d'une immunité disciplinaire s'il se confie aux autorités judiciaires et administratives »95(*).

Dans les domaines de l'environnement et de la sécurité sanitaire a été, également, inaugurée une protection spéciale pour les lanceurs d'alerte.

* 82 Convention OIT n°158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, qui fut adoptée le 22 juin 1982 et rentrée en vigueur le 23 novembre 1985.

* 83 Selon l'article 5-c, ne constitue pas un motif valable de licenciement le fait d'avoir déposé une plainte, d'avoir participé à des procédures engagées contre un employeur en raison de violations alléguées de la législation ou d'avoir présenté un recours devant les autorités compétentes.

* 84 Ces articles posent une garantie au droit à la liberté d'expression, une protection en cas de licenciement injustifié, une bonne administration, un recours effectif et un tribunal impartial.

* 85 Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe du 4 novembre 1999 (STCE n°174) qui est rentrée en vigueur en France le 1er août 2008. Le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) veillera au respect des engagements pris aux termes de la Convention par les Etats Parties.

* 86 Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe du 27 janvier 1999 (STCE n°173) qui est rentrée en vigueur en France le 1er août 2008. La Convention pénale sur la corruption est un instrument ambitieux visant à incriminer de manière coordonnée un large éventail de conduites de corruption et d'améliorer la coopération internationale pour accélérer ou permettre la poursuite des corrupteurs et des corrompus.

* 87 Convention des Nations-Unies contre la corruption du 31 octobre 2003, rentrée en vigueur en France le 14 décembre 2005.

* 88 Loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption, JO n°264 du 14 novembre 2007 p. 18648. La loi est entrée en vigueur le 1er mars 2008. C'est la seule loi en matière de protection des lanceurs d'alerte qui a donné lieu à une application jurisprudentielle : Voir Cass, Soc, 30 juin 2016, n°15-10.557 (arrêt n° 1309)?

* 89Article L.1161-1 du Code du travail : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

En cas de litige relatif à l'application des deux premiers alinéas, dès lors que le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise établit des faits qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de faits de corruption, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers aux déclarations ou au témoignage du salarié. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

* 90Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013relative à la transparence de la vie publique, JO n° 238 du 12 octobre 2013 (rectificatif paru au JO n° 280 du 3 décembre 2013) et la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, JO n°238 du 12 octobre 2013 p.16824

* 91Au sens de l'article 1er de la loi ordinaire constitue un conflit d'intérêts« toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ».

* 92Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, JO n°0284 du 7 décembre 2013, p. 19941

* 93 L'article 35 de la loi a inséré pour les salariés du secteur privé un nouvel article L.1132-3-2 au sein du Code du travail et pour les fonctionnaires et agents de la fonction publique un nouvel article 6 ter A dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pour les agents de la fonction publique (loi dite « Le Pors »).

* 94Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, JO n°0094 du 21 avril 2016

* 95 JP FOEGLE ET S. SLAMA, « Refus de transmission d'une QPC sur la protection des fonctionnaires lanceur d'alerte », Revue des droits de l'Homme, mis en ligne le 14 mars 2014, p. 7/8-16 (consulté le 20 avril 2016) https://revdh.revues.org/628

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