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Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master II Histoire de l'art 2017
  

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A. L'organisation statutaire, hiérarchique et budgétaire des sociétés artistiques de Touraine

Comme leurs consoeurs, les sociétés du département d'Indre-et-Loire s'inspirent manifestement de l'organisation des associations les précédent, mais aussi les voisinant en raison des transferts culturels qui comprennent à la fois des vecteurs humains dont les déplacements de population, et vecteurs matériels à l'exemple de la diffusion des supports textuels. De cette manière, il est possible de retrouver un certain nombre de similarités entre les sociétés autant dans la rédaction des statuts que dans l'organisation hiérarchique. Par ailleurs, si les contextes sociodémographiques sont différents d'une région à une autre, il semble que les différents climats économiques du pays entre 1789 et 1914, conduisent les sociétés à se confronter aux mêmes difficultés financières les poussant à trouver des solutions budgétaires adaptées. Il est intéressant de se confronter au cas particulier des modalités d'organisation statutaire, hiérarchique et économique des sociétés tourangelles pour définir leur quotidien.

a) Les statuts ou la définition des règles, de la hiérarchie et de l'élitisme

Si toutes les associations ne semblent pas répondre à des règles particulières, à l'exemple de la première société des Amis des Arts tourangelles de 1841 dont la création résulte d'une commission municipale, la constitution d'une société par un groupe d'individus conduit couramment à la rédaction de statuts. Comme l'indique le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, les statuts sont des règles qui établissent « la conduite d'une compagnie, d'une communauté, d'un ordre, d'une association »200. De fait, les statuts permettent de définir les modalités propres à l'exercice des sociétés. Ainsi, avant toute ouverture officielle une société ou association est soumise à l'approbation de différents représentants de l'autorité dont le commissaire de police et le maire de la ville hébergeant la société, le préfet du département et le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes. Cela induit l'envoi d'une quantité considérable de documents entre ces différentes instances, comme en témoigne la

200 LAROUSSE, Pierre (éd.), op. cit., t. XIV, Paris, Larousse, 1875, p. 1069.

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correspondance émise à l'occasion de la création de la Société Archéologique201 ou de la Société des Amis des Arts de la Touraine202 (ann. 2.1.1 et 2.1.4).

Toutes les sociétés auxquelles cette étude fait référence ne s'attachent pas aux mêmes champs d'intérêt et de recherche, bien que partageant pour dénominateur commun le développement de la culture. Il est intéressant pour l'historien d'examiner les statuts de plusieurs sociétés savantes et artistiques, dans le but de mettre en exergue les ressemblances et les spécificités propres à chacune des sociétés tourangelles tout en déterminant l'élitisme qui en résulte. De fait, quatre sociétés répondant à différentes typologies ont été choisies pour répondre à cette problématique : la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, la Société Archéologique de Touraine, le Cercle musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours et la Société des Amis des Arts de la Touraine (Ill. 4 et 5).

Toutes ces associations s'établissent sur un même modèle hiérarchique. Outre les membres titulaires, qui vivent dans la même localité que le siège de la société, les membres correspondants dont le domicile en est éloigné et les membres honoraires, qui reçoivent ce titre en raison de leur statut social prépondérant tel que le maire, le préfet ou l'archevêque, les sociétés d'amateurs sont établies sous l'organigramme hiérarchique suivant : président, vice-président, secrétaire général ou perpétuel, secrétaire adjoint, conservateur, trésorier et membres de la commission administrative. Si dans la définition des postes l'expression peut différer, dans les faits, il semble que les rôles d'une société à l'autre soient relativement analogues (Ill. 4). En effet, c'est sur le président que repose la direction des travaux et organisation des différentes manifestations ainsi que la surveillance du respect des statuts et des règlements. Le président régit les assemblées générales et réunions de la commission administrative en veillant notamment au bon déroulement des discussions, tandis que le vice-président le remplace en cas d'indisponibilité. Si le trésorier semble a priori avoir une fonction relativement limitée en veillant exclusivement aux bons comptes des sociétés, elle se révèle être toutefois ardue, en raison des difficultés économiques auxquelles les sociétés sont régulièrement confrontées. Le secrétaire général ou perpétuel est confronté quant à lui à un ensemble d'activités variées. En effet, celui-ci se charge à la fois de recueillir les délibérations lors des assemblées, d'en rédiger les comptes-rendus et de répondre à la correspondance203. C'est dans l'objectif de suppléer le secrétaire général que se sont ouverts des postes de secrétaires adjoints. Enfin le bureau est

201 Sociétés savantes, Tours, A.D., T1395.

202 Sociétés savantes d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., boîte 2R 401/1.

203 S.A.T., « Statuts de la Société Archéologique de Touraine », Mémoires, t. I, Tours, Imp. Mame, 1842, p. 17.

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complété d'un conservateur ou d'un archiviste bibliothécaire, dans le cas où les sociétés possèdent une bibliothèque, une collection ou procèdent à l'achat d'oeuvres d'art en vue de l'organisation d'une loterie. Les bureaux des sociétés sont pour l'essentiel élus pour trois ans avec la possibilité d'être renouvelés.

Si ces sociétés entendent généralement démocratiser le goût des arts chez leurs concitoyens, il semble que la participation à leur quotidien soit relativement élitiste. À l'évidence tout le monde ne peut pas devenir membre, bien que les conditions d'admission s'assouplissent au fur et à mesure des décennies. En 1806, la Société d'Agriculture requiert effectivement un âge minimum de 27 ans. En 1838, il est abaissé à 25 ans, pour enfin être institué à 21 ans en 1873204. Cette année là est abrogé également l'obligation « d'être connu, soit par des travaux d'agriculture pratique ou théorique, soit par un ouvrage imprimé, soit par la communication d'ouvrages manuscrits, soit enfin par quelques travaux d'art, de science ou de littérature »205 pour faire partie de la société (Ill. 5). Pour autant, que ce soit la Société d'Agriculture ou la Société des Amis des Arts de la Touraine, l'introduction d'un nouveau membre est soumise à la présentation par au moins deux sociétaires et au vote de la commission administrative ou de l'assemblée générale. L'admission résulte ainsi des jeux de relation.

Si en 1793, la Société Académique d'Écriture, de Vérification et d'Institution Nationale de Tours récompense la citoyenne Brard de ses talents dans l'art de l'écriture et du calcul en lui décernant un brevet et le titre de membre de la société (fig. 10)206, il est important néanmoins de souligner la présence insignifiante des femmes dans les sociétés tourangelles au XIXe siècle, à l'instar des autres sociétés du pays. Tandis que, la Société des Amis des Arts autorise explicitement dans ses statuts leur participation aux activités207, la Société Archéologique, la Société d'Agriculture et le Cercle des Beaux-Arts ne mentionnent pas l'autorisation pour les femmes de devenir membre. En 1845, aucune femme n'est membre de la Société Archéologique ni même de la Société d'Agriculture, malgré la publication dans les Annales de cette dernière, d'importants travaux sur la soie par la comtesse Apolline de Villeneuve (17761852), propriétaire du château de Chenonceau208. Rien ne change en 1880 dans ces mêmes

204 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p. 31.

205 S.A.S.A.B.L., Statuts et règlement de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Tours, Imp. Lecesne, 1849, p. 1-2, Tours, A.M., 48Z 21.

206 Société Académique d'Écriture, de Vérification et d'Institution Nationale de Tours, Brevet d'artiste en écriture pour la citoyenne Brard, 2 mars 1793, Vendôme, Fonds Philippe Rouillac.

207 S.A.A., « Statuts », op. cit., f1.

208 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p. 27.

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sociétés, tandis qu'en 1882 la Société des Amis des Arts accueille environ 80 sociétaires femmes sur ses presque 450 membres. Les femmes représentent un pourcentage de 17% sur l'ensemble des effectifs de la société. Il semble qu'il faille attendre 1885 pour qu'une femme prenne la fonction de membre correspondant au sein de la Société Archéologique209.

Devenir membre d'une société est de fait le privilège d'un nombre plutôt restreint de Tourangeaux. Ce sont principalement des ecclésiastiques et des protagonistes ayant des professions libérales, pédagogiques, administratives, politiques ou artistiques qui s'investissent dans le quotidien des sociétés (Ill. 6 à 11). En effet, les membres de ces associations doivent bénéficier d'un minimum de temps, d'autant que l'essentiel font partie de plusieurs sociétés. Si la répartition des professions est relativement égalitaire dans le bureau du Cercle des Beaux-Arts et dans ceux de la Société d'Agriculture et de la Société Archéologique et cela à différentes époques, il est possible de noter que le bureau de la Société des Amis des Arts de la Touraine en 1881 est composé en très large majorité d'artistes (87,5%) (Ill. 9) en raison du réseau qui est à l'origine de sa création et de son intérêt plus particulier pour le développement de l'art vivant.

Le coût de la cotisation semble aussi être un frein pour une partie de la population tourangelle. En effet, le prix des cotisations s'élève chaque année entre 10 et 24 francs en fonction de chaque société. Une cotisation annuelle de 10 francs représente plus de cinq fois le salaire journalier d'un ouvrier agricole ou industriel de la région Centre entre 1839 et 1862210. En comparaison cette somme équivaut aussi à cinq paniers de poires, près de huit livres de beurre et neuf douzaines d'oeufs achetés sur le marché de Tours en octobre 1882211. Si d'une part, le manque d'éducation est une frontière au développement du goût des arts chez les populations les plus modestes, la réalité économique les conduit d'autre part, à délaisser les activités artistiques pour des préoccupations peut-être plus prosaïques sinon essentielles et vitales. Ainsi, comme le fait remarquer Raymonde Moulin le point commun de l'ensemble des membres de ces associations est « de jouir d'une position sociale incontestée, qu'elle soit fondée sur la fortune ou la capacité »212.

209 [ANONYME], Annuaire historique, statistique, op. cit., 1885, p. 305.

210 CHANUT, Jean-Marie, HEFFER, Jean, MAIRESSE, Jacques, POSTEL-VINAY, Gilles, « Les disparités de salaires en France au XIXe siècle », Histoire et mesure, Vol. 10, n° 3, 1995, p. 386-387.

211 [ANONYME], « Marché de Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 275, 5 octobre 1882, p. 2.

212 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 387.

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b) Le budget nécessaire à l'émulation artistique : de l'organisation des loteries aux

financements publics

Pour l'essentiel le budget des sociétés artistiques et savantes résulte du prélèvement des cotisations de leurs membres. Néanmoins, ce revenu ne semble pas suffisant pour subvenir à l'ensemble des dépenses auxquelles les associations sont confrontées, dont les plus utilitaires, à l'instar des charges ou l'acquisition du mobilier. Aussi l'édition des travaux de recherche scientifique représente une dépense importante. La Société Archéologique rend obligatoire pour les membres correspondants l'acquisition de ses Mémoires pour la somme supplémentaire de 6 francs213.

Les manifestations artistiques et musicales sont soumises à des dispositions budgétaires particulières et bénéficient parfois de financements publics pour aider à leur organisation. Déjà en 1835, le projet d'organisation d'une exposition artistique se confronte à des interrogations autour de sa viabilité économique et de ses modes de financement. C'est dans l'objectif de réduire les frais que le comte de CroØ propose la création d'une société des Amis des Arts dont les cotisations participeraient essentiellement à financer l'organisation des expositions (Ill. 2). Pourtant comment la Société des Amis des Arts de la Touraine arrive-t-elle à financer en 1882 une exposition dont le coût atteint 5 495,30 francs alors que l'ensemble des cotisations de ses sociétaires n'apporte qu'un capital de seulement 4 410 francs 214? Pour sa première exposition cette société est confrontée effectivement à de nombreuses dépenses à l'exemple de l'achat des tentures et du matériel d'entretien et d'aménagement. Si la vente des billets de l'exposition produit une somme totale de 1 893,25 francs et que la vente du catalogue ajoute un revenu de 296,25 francs, à cela il faut ajouter la vente des billets de loterie qui représente une valeur supplémentaire de 2 329,50 francs215.

Les loteries représentent un moyen de financement intéressant et nécessaire pour les salons périodiques sociétaux du XIXe siècle. Si les tombolas artistiques sont instituées dès la fin du XVIIIe siècle dans la première Société des Amis des Arts de Paris, leurs origines sont en réalité bien plus anciennes. Ce jeu de hasard est inventé dans les Pays-Bas au XIIIe siècle et devient très courant deux siècles plus tard pour financer des oeuvres d'utilité publique. Parallèlement c'est en Italie que le principe de la tombola artistique est inventé en mettant en

213 S.A.T., « Statuts de la Société Archéologique de Touraine », op. cit., 1842, p. 25.

214 S.A.A, « Comptes des années 1881 et 1882 », Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p. 24.

215 Ibidem.

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jeu autant des tableaux, que des bijoux ou marchandises diverses216. Ainsi ce phénomène se diffuse dans l'ensemble de l'Europe pour « devenir une des formes les plus importantes de financement public et de spéculation privée » 217. Si les loteries sont interdites en France en raison de la loi du 21 mai 1836 soumise par Benjamin Delessert (1773-1847), industriel et philanthrope convaincu de son devoir de protection des classes ouvrières, toutes ne sont pas annihilées, à l'instar des loteries organisées par les sociétés d'encouragement artistique ou de charité218.

En Touraine comme dans les autres régions, les loteries sont pour l'essentiel liées à l'organisation des expositions artistiques. En effet, toutes les expositions sociétales depuis 1841 comprennent le tirage au sort d'objets d'art à l'exception de celles organisées par la Société Archéologique. Les loteries des sociétés remportent un certain succès auprès des tourangeaux. Les demandes d'autorisation d'organisation de loteries par la Société des Amis des Arts de la Touraine auprès des autorités municipales et préfectorales en témoignent. En effet, la société requiert l'édition de 10 000 billets à 50 centimes pour l'exposition de 1882 (ann. 4.1.1.1)219, tandis qu'elle sollicite l'autorisation d'édition de 6 000 tickets pour l'exposition de 1889 (ann. 2.4.2.2)220. Si à l'évidence certains visiteurs de l'exposition achètent plusieurs billets de loterie en vue d'augmenter leur chance de gain et que tous ne sont pas tourangeaux, il faut remarquer que l'édition de ces billets touche en théorie près de 20% des presque 52 000 habitants de Tours en 1882 et 10 % des 60 000 résidents en 1889221, soit une part relativement importante de la population de la ville. Néanmoins seulement la moitié des 6 000 des billets n'est vendue en 1889222.

216 BERNARD, Bruno (éd.), Loteries en Europe. Cinq siècles d'histoire, Gand, Snoeck-Ducaju & Zoon, 1994, p. 138.

217 RAUX, Sophie, « Les loteries de François Verbeelen dans les Flandres (1595-1608) », in COQUERY, Natacha (éd.), BONNET, Alain (éd.), Le commerce de luxe. Production, exposition et circulation des objets précieux du Moyen âge à nos jours, actes de colloque, Paris, Mare et Martin, 2015, p. 103.

218 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries des salons de province, entre économie et philanthropie », HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 44.

219 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la demande d'organisation d'une loterie par la Société des Amis des Arts à l'occasion de son exposition artistique de 1882, 16 septembre 1882, Tours, A.M., 2R 401/1.

220 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au maire de Tours au sujet de la demande d'organisation d'une loterie par la Société des Amis des Arts à l'occasion de son exposition artistique de 1889, le 20 avril 1889, Tours, A.M., 2R 401/1.

221 École des Hautes Études en Sciences Sociales, « Tours », Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui : http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/fiche.php?select resultat=37911# . Consulté le 14/04/2017.

222 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1889, op. cit., 1890, p. 18.

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Si le produit résultant de l'achat des billets de loterie permet l'acquisition d'oeuvres exposées à l'occasion des salons, les autorités administratives suppléent régulièrement aux difficultés budgétaires des sociétés en fournissant des oeuvres pour les loteries. De fait pour l'organisation de sa tombola suivant son exposition de 1882, la Société des Amis des Arts de la Touraine sollicite des estampes et un objet d'art auprès du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Ainsi sont accordées pour la loterie, « une statuette de Sèvres et un choix de gravures de prix »223 dont Le bon Samaritain de Rodolphe Bresdin (1822-1885) (fig. 11) et des représentations d'après les oeuvres récentes de Louis Ernest Barrias (1841-1905) ; Les premières funérailles par Levasseur, d'Eugène Delaplanche (1836-1891) ; La Vierge au lys par Lurat, ou encore de Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) ; Scènes de la vie de Sainte Geneviève par Alphonse-Charles Masson (1814-1898). Des estampes d'après des oeuvres plus anciennes sont aussi envoyées à l'exemple du Portrait d'Erasme d'après Hans Holbein (14971543) par Félix Bracquemond (1833-1914) ou du Portrait de Bartolo d'après Raphael (1483152) par Jules Jacquet (1841-1913) (fig.12)224. Il semble de fait que le Ministère des Beaux-Arts s'efforce d'envoyer un corpus de gravures d'après des oeuvres de différentes périodes dans un souci de variété. Cependant, ces oeuvres multiples ne sont assurément pas les lots les plus convoités, en raison de leur statut inférieur en comparaison aux oeuvres originales à l'instar des tableaux225.

La participation du Ministère de l'Instruction publique au quotidien des sociétés artistiques ne s'arrête pas à l'envoi de lots de gravures pour les loteries. En effet, l'État alloue régulièrement des fonds nécessaires à l'organisation des expositions. La section artistique de la Société d'Agriculture semble bénéficier de 1898 à 1902 d'une subvention de 500 francs pour la tenue de ses salons annuels. Ainsi lorsque le Ministère attribue cette allocation en 1902 à d'autres sociétés, la section artistique est contrainte d'utiliser pour l'organisation matérielle de l'exposition les fonds dont elle dispose pour les achats des oeuvres des exposants. Cela la conduit cette année-là à « ne pas favoriser pécuniairement les artistes »226. Il semble de cette manière que les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts sont confrontées à des difficultés

223 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p. 20.

224 Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts : Arrêté disposant de l'attribution de gravures à la Société des Amis des Arts de la Touraine, 14 novembre 1882.

225 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries... », op. cit., 2010, p. 50.

226 CHAUVIGNÉ, Auguste, « Séance académique du 13 décembre 1902. Rapport sur les travaux de la société pendant l'année 1902 », Annales de la Société d'Agriculture, sciences arts et belles lettres, t. LXXXIII, Tours, Imp. Deslis, 1903, p. 79.

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budgétaires quotidiennes, les conduisant régulièrement à ne pas pouvoir assumer seules l'émulation artistique à laquelle elles aspirent, à l'exemple de la Société Archéologique qui sollicite de la municipalité tourangelle, une subvention importante de 4000 francs, pour l'organisation de son exposition célébrant son cinquantième anniversaire en 1890227.

Il est nécessaire pour les sociétés d'entretenir des relations courtoises avec les autorités publiques, ce qui pousse à l'évidence la Société Photographique à inviter l'ensemble des membres du Conseil municipal et leurs familles à une séance de projection privée en mars 1914228. Mais parfois, la vie publique de certains membres des associations conduit les autorités politiques à ne pas satisfaire les demandes d'assistance requises par les sociétés. Ainsi en 1906, la préfecture d'Indre-et-Loire incite le Ministère des Beaux-Arts à ne pas donner suite à l'attribution d'oeuvres d'art sollicitée la Société des Amis des Arts, pour ne pas donner l'impression de favoriser la présentation du président Jacques Drake del Castillo aux élections législatives229.

Les questions hiérarchiques et budgétaires sont des problématiques récurrentes des sociétés artistiques au XIXe siècle. De fait, les sociétés tourangelles à l'instar des autres associations culturelles françaises de cette période ne peuvent y échapper, bien que l'essentiel de leurs membres participant à leur quotidien figurent parmi les élites intellectuelles, artistiques et souvent financières. Ainsi les sociétés ont une réalité économique relativement précaire les poussant régulièrement à solliciter l'aide des autorités publiques, tout en développant des solutions de financement originales, à l'exemple des loteries qui semblent remporter un succès important auprès de leurs membres et de la population.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault