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La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

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Conclusion

Cette partie qui se voulait l'étude des conflits et violences à l'Est de la République Démocratique du Congo a permis de rentrer en immersion de ce qui rend le vivre ensemble improbable dans cette région de l'Afrique des Grand Lacs. L'on retiendra dans cette partie que l'arrivées massive des réfugiés rwandais en 1994, l'exile de Tutsi au Rwanda en 1995, les deux guerres du Congo ont modifié radicalement plusieurs des éléments sur lesquels reposait la

190 Groupe d'étude sur le Congo, « La cartographie des groupes armés dans l'Est du Congo... », Op. Cit., p.

191 Ibid.

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dynamique conflictuelle dans les provinces du Kivu. Le premier facteur des tensions ethnique est bien évidemment les litiges fonciers.

La criminalisation de l'économie par l'implication des groupes armés dans l'exploitation de matières premières impliquant plusieurs acteurs, notamment les multinationales, les groupes armés et les groupes mafieux augmente le risque de prolongation de conflits qui engendrent la violence. Les enjeux des conflits à l'est de la République Démocratique du Congo sont non seulement économiques mais aussi et surtout politiques. D'où l'ingérence des puissances étrangères. Si le Rwanda et l'Ouganda apparaissent comme les acteurs régionaux notablement impliqués dans les conflits à l'Est du Congo, qu'en est-il des grandes puissances symboliquement représentées par l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation du Congo ?

TROISIÈME PARTIE

:

RÔLE DE LA MONUSCO DANS LES CONFLITS DANS LES KIVU

Introduction

Dans cette partie, il sera question d'étudier le rôle que joue la Monusco dans la résolution des conflits dans les régions du Kivu, une région marquée par la prolifération des groupes armés étrangers et les milices locales dites d'autodéfense. Je montrerai à travers l'approche politique et sécuritaire les facteurs de prolongation et de légitimation de la mission des Nations Unies pour le maintien de la paix en République Démocratique du Congo. Deux facteurs importants, à savoir la promotion des Droits de l'homme et la recherche de la paix mondiale, méritent d'être étudiés.

A. MONUSCO : UNE MISSION DE PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME ET DE PROTECTION DES CIVILES OU DU MAINTIEN DE L'HÉGÉMONIE ?

Les questions relatives aux droits de l'homme sont légion à notre époque, et il se passe rarement une semaine sans qu'un point d'actualité en République Démocratique du Congo ne soit rattaché à un enjeu impliquant ces droits. Ils sont régulièrement l'objet de discours, de débats, de confrontation par tout un ensemble d'acteurs variés dans le spectre politique et militant : représentant d'États et d'organisations internationales, membres d'organisation non

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gouvernementales (ONG), acteurs issus de la société civile (mouvements citoyens, associations, etc.). Mais de quoi parle-t-on lorsque l'on évoque ces droits ?

Les droits de l'homme sont un ensemble de notion dont les toutes premières émanations ont émergé au cours de l'Antiquité en Europe. Mais c'est surtout à partir du XVIII ème siècle en Europe occidentale et aux États-Unis d'Amérique qu'un premier sens moderne va être institutionnalisé pour ce droit : il s'agit d'un ensemble de droits inaliénables qui impose le respect de l'individu dans son intégrité, et qui se situe au-dessus de toute loi. L'un des meilleurs exemples de la mise sur marbre de ces droits est la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen pendant la Révolution française, le 26 août 1789 à Paris. Parmi ces droits se trouvent la liberté de croyance, d'opinion, liberté de vivre libre dans la sécurité et la dignité, etc.

Depuis, cette déclaration a gardé son fondement initial, tout en s'enrichissant de nouveaux actes, au gré de révolutions sociales, des évolutions sociétales et politiques192 : droits sociaux et économiques, droits-créances, droits syndicaux, et plus récemment même des droits environnementaux. La définition précise des droits de l'homme est un enjeu en lui-même, en fonction de positionnement des acteurs sur les scènes nationales, internationales et transnationales.

L'ensemble des droits que je viens d'évoquer ne sont qu'une énonciation générale et abstraite de sens que l'on peut inclure dans les droits de l'homme. D'un point de vue plus international, une petite mise en contexte s'impose pour mieux comprendre les enjeux actuels qui y sont relatifs. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la communauté internationale, intensément marquée par un conflit qui a vu entre autres l'extermination systématique de plus de six millions de personnes de religion juive en Europe, se dote d'une organisation qui poussera plus loin les principes de la Société des Nations (SDN). Sous l'égide des États-Unis d'Amérique - l'un des grands vainqueurs de ce conflit avec l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) - l'Organisation des Nations-Unies est créée durant la conférence de San Francisco, d'avril à juin 1945. Le but de cette organisation est de prévenir les futurs conflits en accentuant le dialogue entre les nations. En 1948, dans le cadre de ces Nations-Unies, une Déclaration universelle des Droit de l'homme est adoptée. Elle définit tout un ensemble de droits, auquel les États doivent se soumettre. Bien que non contraignant d'un point de vue du droit international, ce texte est l'une des principales sources d'inspiration pour tout un ensemble de traités internationaux ou régionaux qui eux ont une valeur plutôt contraignante. Et à entendre le discours de la plupart des ONG et de membres de la société civile internationale, ces droits

192 Lochak Danièle, « V. Universalisation et universalité des droits de l'homme », Danièle Lochak, éd., Les droits de l'homme, Paris, La Découverte, 2018, pp. 34-54.

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inscrits dans cette Déclaration et ces traités sont des choses que l'on oppose aux États, lesquels sont tenus et contraints de respecter ces derniers afin de garantir l'intégrité des individus.

Cependant, dans un contexte de Guerre Froide, la signification portée aux droits de l'Homme va prendre un enjeu idéologique. D'un côté, le bloc occidental mené par les États-Unis prône la démocratie libérale qui s'inscrit dans le capitalisme et l'économie de marché, et de l'autre, le bloc de l'Est mené par l'URSS prône le communisme et le socialisme et l'économie d'État. Cette confrontation va engendrer des conséquences sur les acteurs, les discours, et les pratiques relatives aux droits de l'Homme, dont les répercussions se manifestent toujours, trente années après la fin de cette opposition des deux grandes puissances qui avaient émergé à l'issue du second conflit mondial. Régulièrement critiqué par tout un ensemble d'acteurs pour le contenu qui y est attribué, les droits de l'homme sont dénoncés comme servant une hégémonie souvent américaine, parfois élargie à l'Occident de façon plus large.

Je tenterai ainsi de répondre dans les points qui suivent à la question suivante : en quoi les droits de l'Homme, dans leur emploi et leur définition, peuvent-ils être, du moins dans le cadre la mission de l'Organisation des Nations-Unies pour la stabilisation du Congo, considérés comme l'expression d'une domination de certains acteurs sur d'autres ? Dans un premier temps, je montrerai que ce qu'on appelle « Droits de l'Homme » est un ensemble de pratiques, des discours portés par des acteurs spécifiques, dans une logique que l'on qualifie de champs social (pour reprendre le concept de Bourdieu) des Droits de l'Homme et de la démocratie. Bien au-delà d'une simple opposition de droit que les individus portent et que les États sont tenus de respecter, je développerai, dans un deuxième temps, le fait qu'ils sont un enjeu pour les puissances nationales et internationales afin de légitimer leurs actions et interventions : on peut considérer qu'ils peuvent être instrumentalisés dans une logique de domination.

1. Les droits de l'homme comme culture partagée d'un ensemble d'acteurs dominants aux prédispositions comparables

Comme je le mentionne plus haut, les droits de l'homme sont souvent perçus comme des droits dont les individus disposent et qu'ils peuvent opposer aux États. C'est la manière dont la théorie classique en droit international a souvent vu la leçon dont les droits de l'homme s'insèrent dans les relations entre acteurs. Ce constat a depuis été largement dépassé. Toute une série de concepts et des théories ont depuis été développés pour expliquer quels rôles jouent les droits de l'homme dans les relations internationales et transnationales. L'une de grilles de lecture les plus saillantes à la fin des années 1990 a été celle du Transanal Advocacy Netword (TAN), développé par Keck et Sikkink en 1998. Cette dernière a analysé les acteurs portant les

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droits de l'Homme comme étant connectés sous forme de réseaux. Réseaux qui dépassent les cadres étatiques tant au niveau territorial qu'institutionnel. Ainsi, ces TAN complètent l'idée de Epistemic community développée par Peter Hass plus tôt dans les décennies : c'est un ensemble des réseaux d'acteurs dans le domaine de l'expertise ou académique qui sont reconnu et se reconnaissent entre eux dans un domaine particulier, et qui de surcroît porte des revendications de légitimité à se prononcer dans ce domaine de politique donné. Ces TAN permettaient, pour les auteurs qui ont utilisé ce concept par la suite de créer une gouvernementalité plus démocratique à l'échelle internationale, en ce que dans un monde globalisé comme le nôtre, il permet une meilleure coordination des savoirs, des ressources entre une multitude d'acteurs qui, isolés, ne disposent pas d'un poids suffisant pour porter les droits de l'Hommes face aux États.

Cependant, ces travaux pâtissent d'une lacune fondamentale : ils ne soulignent pas vraiment les capitaux mobilisés par cet ensemble d'acteurs, et ne creusent pas la question des origines, des formations de différents individus qui sont considérés comme étant des professionnels de l'international, de la défense des droits de l'Homme. Ce sont les apports de Yves Dezalay et Bryant Garth en 1998193 et plus tard de Nicolas Guilhot en 2005194 qui vont porter principalement cette critique et proposer une grille de lecture alternative pour mieux saisir l'objet des droits de l'Homme et ses enjeux dans le monde contemporain.

Les travaux de ces acteurs portent leur attention sur la manière dont se sont constituées tout un réseau d'acteurs variés qui entretiennent des liens étroits entre eux et avec les instances de pouvoir états-uniennes dans la seconde moitié du XXe siècle. Dezalay et Garth expliquent qu'au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les droits de l'Homme vont être investis dans le pouvoir états-uniens dans la logique d'opposition au communisme implanté dans le pays sous influence soviétique. Tout un ensemble d'acteurs issus de classes aux capitaux élevés vont se mettre en action afin de porter ces droits dans un but de destruction du communisme : juristes, scientifiques, universitaires, philanthropes, etc. Ces notables, issu des mêmes universités prestigieuses, vont entretenir des relations avec le pouvoir fédéral et créer des liens dans nombres de pays pour implanter un environnement favorable à la démocratie libérale. À cette époque, voit la naissance d'institutions de recherches, d'organisation comme Amnesty International (Britannique), qui vont porter en elles, les valeurs libérales sur la question des

193 Dezalay Yves, Garth Bryant, « Droits de l'homme et philanthropie hégémonique. », Actes de la recherche en science sociale. Vol. 121-122, mars 1998. Les ruses de la raison impérialiste, pp. 23-41.

194 Ghuillot Nicolas, The Democracy Makers: Human Rights and the Politicals of Global Order, Columbia University Press, 2005.

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droits de l'Homme. Cependant, les échecs de États-Unis au Vietnam, les révélations de financements occultes par les services secrets américains vont rediriger leurs efforts vers une vision moins pro-gouvernementale. Porté par des militants plus à gauche issu des campus de grandes universités, Delazay et Garth souligne leur statut d'outsider dans ces institutions, dont les individus les plus dotés en capitaux se trouvent à des postes au sein de l'administration fédérale. C'est à cette époque que l'on voit la création d'ONG comme Human Right Watch.

Au cours du milieu de ces années 1970, le consensus de façade des classes dirigeantes se délite, et deux fractions principales voient le jour. D'un côté, un ensemble d'acteurs situés plus à gauche sur l'échiquier politique, qui vont porter les droits de l'Homme comme une limitation de la souveraineté des États par le droit international ; de l'autre, une fraction plus à droite, précurseur de la contre-révolution conservatrice qui portera Reagan à la Maison-Blanche en 1980, et défendra les droits de l'Homme comme mode de la gouvernementalité démocratique. La thèse de Nicolas Guilhot, qui complète l'étude de Dezalay et Garth - en cherchant à analyser les dispositions sociales des individus porteurs de ces discours et de ces pratiques - sera de considérer ces deux groupes comme étant complémentaires. Selon lui, ils forment un seul et même champ social, au sein duquel une lutte de définition de normes et des capitaux s'établit pour légitimer un projet plutôt qu'un autre. En effet, pour revenir à Dezalay et Garth, même si le consensus évoqué plus haut semble s'effriter, ce champ de pratiques et de discours perdure car les acteurs qui en relèvent font partie d'un seul et même microcosme, traversé par des oppositions entre des section des classes dominantes. Il s'inscrit dans les deux logiques : celles de l'économie du marché et des pratiques d'État.

Dans la première, les différentes ONG ou organisations de défense des droits de l'Homme sont financées par des fondations philanthropiques qui monnaient leurs dons par l'agitation de la concurrence. Cette concurrence se joue tant au niveau de ces fondations que des organisations de défense, mais se retrouve aussi dans les médiatisations des travaux de ces acteurs professionnels de l'activisme des droits humains. Dans la seconde, cet ensemble d'acteurs se voit en forte connexion avec les instances gouvernementales et ainsi, toutes les administrations fédérales américaines ont une influence certaine sur le travail de l'intégralité des acteurs, Tandis que ce dernier, influence de façon relative les orientations en politiques étrangères de Washington. Dans les deux cas, chaque acteur est en interdépendance les uns avec afin de légitimer leurs actions et leurs existences, et ce même du camp opposé, qui offre des possibilités de médiatisation en organisant son opposition à celui-ci.

On comprend mieux l'existence de ce champ de pratiques et de discours quand on s'intéresse à des cas spécifiques. L'exemple de Human Rights Watch (HRW) est

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représentatif. Créé par des militants des droits de l'Homme en 1975 à la suite des accords d'Helsinki195, cette ONG est constituée d'environ 150 experts dans les domaines de la recherche, du plaidoyer, des médias, etc. Beaucoup de ses membres ont été auparavant et par la suite de leur passage à HRW en service dans d'autres institution privées, gouvernementales et internationales196.

Les auteurs mobilisés nous permettent de comprendre en quoi une division internationale du travail s'opère entre différentes institutions peuplées d'acteurs qui se connaissent et se reconnaissent. Cela permet de justifier un certain interventionnisme que nous allons développer ici dans un cadre différent que celui des États-Unis et de sa politique étrangère. Il s'agit plutôt de l'usage des droits de l'Homme dans le cadre des opérations de maintien de la paix, notamment dans les pays du Sud en général, et en particulier en République Démocratique du Congo.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein