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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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2. Prospectives congolaises : une éducation au droit de l'homme et au constitutionnalisme populaire

Les lois sociales ont leurs consommateurs ; ce sont tant les citoyens dont elles régissent les rapports sociaux que les pouvoirs publics qui sont chargées d'appliquer lesdites lois au quotidien ; pour une population constituée d'environ 80 % d'analphabètes alors que les lois sont rédigées et publiées en français, l'accès au contenu des lois par la majeure partie des citoyens demeure encore sujet à caution. Cette inadéquation entre les pouvoirs publics, les lois et l'un de principaux acteurs qu'est le peuple, est de nature à semer un terrible imbroglio et l'ineffectivité des normes de l'État.

Nous considérons que la démocratie en RDC suppose un peuple ayant reçu une éducation constitutionnelle et qui saura se détourner d'un déposte. Certes, la Constitution de la RDC impose aux pouvoirs publics le devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales du citoyen qu'elle énonce. Elle impose pareillement aux mêmes pouvoirs publics le devoir d'assurer la diffusion et l'enseignement de la Constitution et des autres instruments des droits de l'homme836(*).

Mais, cette éducation faite par l'État ne sera pas utile à la cause de la liberté tant l'État aura la tentation de l'instrumentaliser au service de sa propre autorité. Dans le contexte de la RDC, l'ignorance des droits fondamentaux est plutôt de nature à profiter aux pouvoirs publics qui, non seulement seront réticents à déférer à cette injonction constitutionnelle, mais aussi seront portés à orienter ladite éducation au mépris de la liberté.

Ainsi, la vraie éducation constitutionnelle doit être l'oeuvre des partis politiques et des organisations de la société civile. Les premiers sont chargés de par la constitution de contribuer au renforcement de la conscience nationale et à l'éducation civique et peuvent de ce fait, procurer l'éducation constitutionnelle à ses membres ; les secondes, en tant que destinataires des droits fondamentaux, ont tout intérêt à mettre en place une stratégie d'auto-défense contre les atteintes à leurs droits fondamentaux, par l'application des garanties constitutionnelles et des lois de leur mise en oeuvre.

§2. Les mesures d'application de la norme

La mise en oeuvre est définie en science politique comme « toutes les étapes post-parlementaires d'une politique publique prise en charge par l'administration »837(*). Mais envisager la mise en oeuvre dans un contexte strictement juridique implique d'ajuster cette définition838(*). Il faut ainsi restreindre la définition à ses seuls aspects juridiques. Ainsi, en droit, la mise en oeuvre représente « tout ce qui contribue à la concrétisation de la règle de droit »839(*). Dans le contexte du droit public interne, la mise en oeuvre renvoie principalement aux moyens juridiques par lesquels les normes constitutionnelles, législatives et réglementaires sont concrétisées.

La mise en oeuvre de la norme implique d'une part l'adoption des dispositions inférieures nécessaires à son application et d'autre part, la pertinence de la mise en oeuvre, et ainsi la réalisation des effets de la norme, est conditionnée par le choix des instruments utilisés.

Pour Kelsen, « l'application d'une norme juridique consiste soit à créer une autre norme, soit à exécuter l'acte de contrainte prévu par une norme »840(*). La première branche de cette alternative implique l'adoption des normes visant à l'application de normes supérieures correspond à ce que la doctrine anglo-saxonne dénomme l'« implémentation ». Ainsi, « relève de l'implémentation toute mesure utile à la mise en oeuvre de la règle juridique »841(*). Si l'on s'en tient à l'ordre juridique interne, la situation est contrastée selon que l'on s'intéresse à la mise en oeuvre de la Constitution ou des lois et règlements. La mise en oeuvre des lois et règlements constitue la mission classique du pouvoir exécutif et le droit administratif en a fait depuis longtemps une obligation juridique. En revanche, alors que celle-ci peut sembler aller de soi, la mise en oeuvre de la Constitution ne fait pas l'objet d'une obligation juridique explicite.

Plusieurs constitutions ne consacrent pas clairement l'obligation de mettre en oeuvre la Constitution à travers des normes d'application. Si l'adoption des lois organiques permet de préciser le fonctionnement des institutions, les droits fondamentaux constitutionnels demeurent parfois dépourvus de mesures d'application. Le juge comme la doctrine congolaise demeurent encore silencieux sur cette question pourtant de grande importance en droit constitutionnel. Une problématique pareille mérite d'être soulevée en droit administratif concernant la mise en oeuvre des dispositions législatives par l'administration.

La question est celle de savoir s'il existe formellement une obligation pesant sur le législateur de mettre en oeuvre une disposition constitutionnelle. La réponse peut être tirée de l'analyse des articles 122, point 1 de la constitution du 18 février 2006 ainsi d'autres dispositions dont l'article 26. Il ressort de ces dispositions que le constituant habilite expressément le législateur à fixer les règles permettant aux citoyens la jouissance et l'exercice de leurs droits fondamentaux consacrés par la constitution.

L'obligation de légiférer peut ainsi être inférée d'un double argument : d'abord, il est admis tant par la doctrine que par la jurisprudence que l'emploi de l'indicatif correspond à l'impératif. L'emploi de l'indicatif à l'alinéa 4 de l'article 26 doit être appréhendé comme une injonction faite par le constituant au législateur d'adopter la loi portant « mesures d'application » de la liberté de manifestation. Cet impératif est de nature à générer une obligation842(*) dans le chef du législateur ; ensuite, le conseil constitutionnel français a, par plusieurs décisions, été amené à examiner le texte de loi, et à apprécier s'il y a eu incompétence négative du Législateur. Ce faisant, il trace les contours d'une obligation pour le Législateur, celle d'exercer sa compétence, donc de légiférer. C'est un développement jurisprudentiel un peu singulier car cette obligation ne ressortait pas complètement du texte constitutionnel français. Cette percée jurisprudentielle du juge français jette les bases d'une réflexion sur une possible obligation pesant sur les épaules du législateur de mettre en oeuvre la Constitution.

* 836 Article 45, alinéa 5 et 6 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 837 HASSENTEUFEL (P.), Sociologie politique : l'action publique, Paris, Armand Colin, 2008, p. 85, cité par BETAILLE (J.), op. cit, p. 425.

* 838 La science politique ne peut cependant pas ignorer le rôle du droit. Ainsi, une réflexion sur la capacité de pilotage de l'Etat ne peut ignorer délibérément les dimensions juridiques et institutionnelles, même si l'action publique n'est pas seulement structurée par le droit.

* 839 ROUYERE (A.), Recherche sur la dérogation en droit public, thèse, droit, Bordeaux, 1993, p. 73.

* 840 Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Op. cit., p. 259.

* 841 TEORAN (M.), L'obligation pour l'administration d'assurer l'effectivité des normes juridiques, Op. cit., p. 99. Sur l'implémentation, BLANKENBURG (E.), « La recherche de l'efficacité de la loi. Réflexions sur l'étude de la mise en oeuvre (Le concept d' "implementation") », Droit et Société, n° 2, 1986, pp. 74 et s.

* 842 C'est une obligation singulière en ce sens que l'application de la sanction en cas de manquement ne se réalise pas comme d'ordinaire.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore