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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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3. Traits fondamentaux de la Constitution du 24 juin 1967

Cette Constitution plébiscitaire élaborée a poursuivi, avec un accent particulièrement marqué, le chantier du renforcement exagéré des pouvoirs du Président de la République tout en maintenant une séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif.

A.1. La situation des droits et libertés des citoyens

L'exercice par les citoyens de leurs droits, sous la Deuxième République, avait posé de sérieux problèmes, notamment la difficulté de concilier la reconnaissance de ces droits par la Constitution et leur effectivité dans un système politique et administratif totalitaire ; un véritable paradoxe entre le droit et la réalité. Concrètement, on relève que la Constitution du 24 juin 1967 de même que ses différents et multiples révisions, organise, en faveur des citoyens la plupart des droits et libertés que les États démocratiques reconnaissent à leurs citoyens : les droits à la vie, à la propriété dont l'expropriation doit se faire pour cause d'utilité publique moyennant indemnité compensatoire préalable, la liberté de mouvement, le droit à l'éligibilité et la liberté de réunions publiques.

Cependant, toutes ces libertés publiques s'exercent dans le cadre particulièrement verrouillé dominé par le M.P.R., parti unique, d'abord et, ensuite, parti-État. Du coup, la question de l'effectivité de ces droits, dont la plupart sont demeurés de simples crédos, pseudo-droits ou ingéniosités constitutionnelles, se pose. En effet, s'il est de principe qu'entre le droit et la réalité la règle a toujours été celle d'un mariage-exception, la question se pose en des termes non identiques : ici, il s'agit d'un antagonisme difficilement conciliable dû à un régime dictatorial qui, comme le fait remarquer Evariste Boshab, a fait et fera, pendant longtemps encore, la honte de l'Afrique subsaharienne.301(*) La phase de terreur qu'a traversée le processus de décolonisation de la RDC, illustre la dérive d'un régime qui prétend faire triompher la liberté. De temps à autres, il inaugure des instruments dont s'inspireront les régimes totalitaires, en particulier celui qui consiste à assassiner et emprisonner les opposants pour les faire taire.

A.2. Le cas particulier de la protection de la liberté de manifestation

Après les manifestations de janvier 1959, il a fallu attendre, les débuts des années quatre-vingt-dix, de la période dite de transition démocratique, pour que l'on assiste à nouveau à d'autres manifestations d'une semblable envergure et d'une comparable importance historique.

Sous le régime de la Deuxième République, un régime qui appliquait une certaine prophylaxie sur le plan politique, les seules grandes mobilisations populaires furent celles provoquées par les meetings du président Mobutu, souvent tenus au Stade du 20 mai, à N'Sele. Durant cette période de rude dictature, il était interdit de faire entendre des voix dissidentes au régime du maréchal. Des foules immenses, pouvant atteindre 100.000 personnes, assistaient à ces rassemblements.

Donnant l'apparence de consulter le peuple, c'est-à-dire, d'une démocratie dite populaire, les foules convoquées, étaient encadrées, manipulées, mais aussi, subjuguées et enchantées par le spectacle du pouvoir et l'illusion d'y être associées302(*). Mais en réalité une simple manipulation politique au service d'un Tyran. Cette sorte de démocratie d'acquiescement caractérisée par l'absence du peuple à toutes les instances de prise de décision.

Ici, le Gouvernement par tous reste l'un des plus grands défis à relever, pourtant, constituant un nouveau style de direction des États du troisième millénaire. Une analyse sans complaisance du système de démocratie représentative à travers l'exemple congolais, laquelle démocratie a dévoilé ses limites dans tous les domaines de la vie à travers le monde justifie à plus d'un titre la raison de l'actualité de la rue. Une illusion entretenue par le dialogue que le grand orateur noue avec la foule. Rituellement, les meetings débutent par un échange de ce type : « Bomba bomba ? » « Mabé ! » qui se traduit littéralement par « Cacher la vérité ? », «et le peuple répondait «  ce n'est pas bien ! », « Nasakola ? » « Sakola !» aussi traduit par, « Dois-je parler ? » « Il faut parler !», « Nasilisa ? » « Silisa ! », (dois-je tout dire ? Il faut tout dire)303(*).

Comme tout grand orateur, le président Mobutu, par le charisme de sa personne et la magie de son verbe, fait de la foule une masse compacte, « produit la masse et le maintien en vie » : « L'art de l'orateur consiste à résumer en mots d'ordre304(*) tout ce qu'il veut obtenir et à le présenter avec force à la masse pour l'aider à se former et à exister. »305(*)

C'est avec l'ouverture de la « transition démocratique » que le peuple kinois redevient rebelle. La dégradation des conditions de vie a fini par franchir ces « limites ». Et le 24 avril 1990 le président Mobutu a fait solennellement l'aveu de l'échec de sa deuxième République, ouvrant la brèche au désir d'un changement radical qui habitait sourdement la société. À quelques mois d'intervalle, Kinshasa sera le champ de deux immenses démonstrations de masse : les pillages de septembre 1991, la manifestation de février 1992 appelée la « marche des chrétiens » ou encore la « marche de l'espoir ».

Le pays entre dans une phase particulièrement prospère pour la liberté de manifestation, mais la répression est rude. Deux ans plus tard, la classe politique s'organise dans un grand forum, le plus grand que le pays a connu jusqu'à ce jour, pour discuter sur l'avenir du pays.

* 301 BOSHAB MABUDJ (E.), « Chronique de la destruction d'un Etat (24 avril 1990-24 avril 1995) », Le Potentiel, n° 613, pp. 6-7. Egalement BOSHAB, (E.), La République Démocratique du Congo, entre les colombes et les faucons. Où vont les partis politiques ?, Kinshasa, PUK, 2001, p. 9.

* 302 Dans un contexte de mystification du Guide, l'affluence à ces manifestations du régime et l'engouement qu'elles provoquaient pouvaient trouver d'autres des explications tantôt le charisme du Président plutôt que dans l'enracinement d'une idéologie politique.

* 303 De VILLERS (G.) et OMASOMBO (J.), Quand le peuple kinois envahit les Rues..., in TREFON (Th.) (dir,), « Ordre et désordre à Kinshasa, Réponses populaires à la faillite de l'Etat », Cahiers africains, n° 61-62, 2004, pp. 213-233.

* 304 Parmi les grands mots du mobutisme, retenons : « Retroussons les manches ! » Un seul pays ! Un seul peuple ! Un seul chef. Ce slogan traduit le caractère personnel du pouvoir instauré par Mobutu.

* 305 C'est lui qui produit la masse et la maintient en vie par un ordre supérieur. Pourvu qu'il ait réussi cela, ce qu'il lui demandera ensuite réellement n'a guère d'importance.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus