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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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§3. La période allant de décembre 2017 et janvier 2018 : Comité Laïc Catholique de coordination « CLC »

Le droit à la liberté de réunion pacifique a été fortement restreint au cours de l'année 2017. Le 31 mars 2017, sur instruction du vice-Premier Ministre, Ministre de l'Intérieur et Sécurité, toutes manifestations politiques publiques dans l'ensemble du pays ont été interdites.336(*) Des interdictions générales de manifester ont été formellement imposées dans au moins 12 villes ou provinces par les autorités locales. Par exemple, le premier avril 2017, le Gouverneur de la province du Kongo Central a publié un communiqué officiel,337(*) interdisant l'organisation de manifestations dans cette province. Un arrêté du Maire de la ville de Kananga (province du Kasaï Central) du 23 novembre 2017 a également interdit l'organisation de toutes les manifestations publiques sur toute l'étendue de la ville « jusqu'à nouvel ordre ».338(*)

Si des restrictions raisonnables au droit de réunion pacifique peuvent être nécessaires sous certaines circonstances, les interdictions générales et non limitées dans le temps imposées par les autorités de la République démocratique du Congo sont, même lorsque des interdictions sont invoquées, la protection de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l'ordre public, disproportionnés et discriminatoires, car elles excluent l'examen des circonstances spécifiques à chaque réunion proposée.339(*) Par ailleurs, en plus des interdictions générales, les autorités locales ont systématiquement et manifestement refusé d'autoriser les manifestations pour lesquelles elles avaient été notifiées conformément à laConstitution de la République Démocratique du Congo.340(*)

Les interdictions de manifester et le déploiement systématique des forces de défense aux côtés des services de sécurité illustre l'hostilité des autorités congolaises, aussi bien politico-administratives que les services de sécurité et les forces de défense, à l'égard des organisateurs et des participants aux rassemblements de l'opposition et d'autres organisations de la société civile.341(*)

CHAPITRE TROISIEME :
LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION EN DROIT COMPARÉ

D'un continent à l'autre, la liberté de manifestation est au coeur de l'actualité. En Europe et à ses portes : l'état d'urgence, déclaré en France, a conduit à l'adoption de la loi du 21 juillet 2016, après les attentats de Nice, permettant d'interdire plus facilement les manifestations. Toujours en France, les récents épisodes des manifestations des gilets jaunes ont été à la base de l'adoption de la loi anticasseurs. Le mouvement des Indignés, en Espagne, a été encadré par les autorités publiques sur le fondement de la législation en matière électorale342(*) ; en Pologne343(*), les manifestations défendant l'avortement se sont opposées au Gouvernement conservateur. L'Ukraine ou encore la Turquie et l'Égypte ont également été le théâtre de manifestations impressionnantes.

Le mouvement « Occupy » s'est répandu sur tous les continents, aussi bien américain qu'asiatique ; à Hong Kong, de fortes manifestations contre le projet de loi d'extradition vers la Chine continentale se sont soldées par des scènes de répression parfois inédites. À un autre niveau, les mouvements des printemps « arabes », en Afrique du Nord344(*), et « érable », avec la grève estudiantine au Canada, montrent la résonance de cette liberté au niveau mondial, dans des États caractérisés par la diversité de leurs régimes politiques et de leurs traditions juridiques. L'actualité témoigne des fortes restrictions dont cette liberté fait l'objet, comme un signal d'alerte de l'état de santé des démocraties dans le monde.

Mais cette liste ne doit cependant pas donner l'impression que l'enjeu des manifestations en question est le même partout. Les manifestations ont joué et jouent aujourd'hui un rôle central dans les processus de transition démocratique345(*), mais aussi dans les démocraties plus installées où leur rôle est de contribuer au débat d'idées.

Le contexte actuel témoigne donc de l'intérêt d'étudier la liberté de manifestation dont les contours sont a priori difficiles à dessiner, dans une approche de comparaison en vue de tirer des leçons des expériences des autres nations pour édifier un droit congolais de la liberté de manifestation conforme aux exigences démocratiques.

Le droit de manifester cher aux textes protégeant les droits de l'homme, revêt une importance tout à fait particulière dans le cadre d'un État de droit346(*). Il est considéré comme la pierre angulaire du principe de la démocratie et des droits de l'homme et représente pour une société démocratique l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun347(*).

Alors que les ordres juridiques de certains États ont brillé par l'ignorance des standards structurant des cadres adaptés de protection de la liberté de manifestation ; d'autres États ont fait preuve de maturité en cristallisant des cadres dignes des États démocratiques. C'est le cas par exemple de la France et de l'Espagne qui en dépit des lacunes structurelles réussissent à instaurer des cadres plus ou moins outillés. D'autres États, à l'image de la République Démocratique du Congo et le Benin,348(*) consacrent des régimes juridiques astreints à des limitations évidentes liées au déficit démocratique caractérisant les institutions politiques. Ils abordent la question de cette liberté avec un ton différent : les limitations constitutionnelles à la liberté de manifestation cèdent la place à un régime despotique traduisant plus des volontés autoritaires.

Le contexte historique ainsi que la culture juridique de chaque système ont marqué la conception des droits et libertés et ; par conséquent de la liberté de manifestation. L'histoire constitutionnelle française et le moment de rupture qu'elle organise avec la Révolution de 1789 caractérisent une approche de la liberté de manifestation bien différente de la façon dont elle est appréhendée ailleurs.

Au Royaume Uni, les manifestations sont appréhendées autrement qu'en France. Dans les États anciennement membres du bloc soviétique, comme en RDC, les révolutions ont également marqué la conception de la liberté de manifestation. Cette diversité illustrant la standardisation des cadres structurant la liberté de manifestation par tel ou tel ordre juridique inspire la rationalisation d'autres cadres juridiques. C'est là l'importance de la méthode comparative. Le présent chapitre s'articule autour de l'analyse comparée du régime juridique de la liberté de manifestation dans l'espace européen (Section I) d'une part et dans l'espace africain de l'autre (Section II) à la lumière du droit congolais dont les tares du système juridique ne cessent pas d'être décriées (Section III).

* 336Message n° 25/CAB/VPM/MININTERSEC/ERS/067/2017 du Vice-Premier Ministre, Ministre de l'Intérieur et sécurité (31 mars 2017).

* 337Communiqué n° 090/BIS/CAB.GOUV/KC/002/2017 (1er avril 2017).

* 338Arrêté urbain n°3073/04/2017 portant mesures d'interdiction de manifestations publiques dans la ville de Kananga (23 novembre 2017).

* 339Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté de réunion et d'association pacifique, A/HRC/23/39 (24 avril 2013), para. 63.

* 340A/HRC/31/66, par. 23, même lorsqu'un régime d'autorisation préalable est en place, le fait d'omettre de notifier une réunion aux autorités ne rend pas cette réunion illicite et ne devrait donc pas être un motif de dispersion du rassemblement.

* 341Voir notamment, l'article 88 de la loi n°024-2002 portant Code pénal militaire du 18 novembre 2002.

* 342ALCARAZ (H.) & LECUCQ (O.), Op. cit, p. 18-19.

* 343 STEINBEIS (M.), Freedom of Assembly in Poland: Next in Line?, Verfassungsblog, 10 décembre 2016.

* 344 L'Algérie et le Soudan en Afrique sont actuellement les théâtres des manifestations aux effets tout aussi remarquables.

* 345 Le lien entre transition démocratique et liberté de manifestation a été exploré de façon très approfondie par HAMILTON (M.), We, the People's Freedom of Assembly, the Rights of Others, and Inclusive Constitutionalism, in SAJOì (A.) (dir.), Free to Protest: Constituent Power and Street Demonstration, Utrecht, Eleven International Publishing, 2009 et id., « Freedom of Assembly, Consequential Harms and the Rule of Law: Liberty-limiting Principles in the Context of Transition », Oxford Journal of Legal Studies, 27, 1, 2007.

* 346 MORIN (J.-Y.), Op. cit, p. 1.

* 347Idem, p. 3.

* 348 Il s'agit de l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de la Transition du 4 août 1992 ; la loi n° 93-001 du 2 avril Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition et de l'Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994.

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