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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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§2. Un encadrement déformé

L'encadrement de la manifestation au Bénin apparaît orienté vers un choix politique. En effet, afin d'organiser une manifestation, il est indispensable d'en faire la déclaration (1) aux autorités compétentes qui peuvent autoriser ou empêcher la manifestation. La qualité de l'autorité devant permettre la manifestation n'étant pas sans incidences sur l'autorisation ou non de la manifestation. On aboutit ainsi souvent à une autorisation de manifestation strabique (2).

1. Le régime de la liberté de manifestation au Bénin

Le droit de manifester est une liberté fondamentale. Néanmoins, l'exercice de ce droit est soumis à un formalisme qui va jusqu'à son interdiction. Il s'agit en fait d'une simple déclaration qui s'est transformée en demande d'autorisation dans la pratique au Bénin. Le traitement sélectif des dossiers relativement aux autorisations de manifestation, sur base des critères fondés sur l'appartenance politique (II) est favorisé par l'ambiguïté de son régime juridique (I).

A. L'ambiguïté du régime juridique béninois de protection

Comme toute liberté publique, la liberté de manifestation est définie par trois éléments cumulatifs. Il y a d'abord sa proclamation par une norme solennelle, ensuite son aménagement par le droit qui définit les conditions de son exercice et enfin sa protection par des sanctions juridiques. Chaque liberté est dotée d'un régime propre d'exercice. On distingue en effet trois modes d'exercice des libertés.

D'abord, il y a le régime répressif, qui paradoxalement à son intitulé, permet de laisser se développer l'activité humaine et n'intervient que pour en réprimer pénalement les excès. Il est le régime le plus libéral442(*). Ensuite, il existe le régime préventif qui soumet l'exercice d'une liberté à une autorisation préalable donnée par les pouvoirs publics et enfin le régime de la déclaration préalable qui impose aux citoyens de faire connaître à l'administration leur intention d'exercer une liberté. Ce dernier régime est celui qui est prévu443(*) pour régir la liberté de manifestation au Bénin.

La manifestation est donc soumise à déclaration préalable au Bénin. Ainsi, tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique, à l'exception des sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux, doivent faire l'objet d'une déclaration444(*). La déclaration doit se faire à la Mairie qui couvre le territoire sur lequel la manifestation doit avoir lieu où bien au préfet La déclaration doit indiquer les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement et l'itinéraire projeté, Elle doit être signée par les organisateurs.

L'autorité administrative se borne à délivrer immédiatement un récépissé à ceux-ci. Ce formalisme a deux buts. D'une part, il permet d'informer l'administration afin qu'elle prenne des mesures adéquates pour le bon déroulement de la manifestation. D'autre part, la déclaration préalable permet de situer les responsabilités en cas de trouble à l'ordre public observé pendant la manifestation.

Pourtant, on constate que l'administration ne se borne pas simplement à délivrer le récépissé. Car en effet, cette même autorité administrative est investie du pouvoir de maintien et de rétablissement de l'ordre public. Dès lors, elle peut interdire la manifestation si elle estime qu'elle est de nature à troubler l'ordre public. Ainsi, observe-t-on le danger du régime de déclaration préalable qui peut entrainer un glissement insidieux vers un régime d'autorisation. A l'origine, l'institution du régime de déclaration préalable devrait permettre la prévention des perturbations possibles des manifestations afin de garantir la sécurité des manifestants et le bon déroulement de la manifestation.

Mais, la défense de l'ordre public confiée aux autorités administratives les autorise à restreindre le droit de manifester afin de préserver l'ordre public. On observe le glissement du régime de la déclaration préalable vers le régime préventif d'autorisation dans lequel l'autorité publique est appelée à prévenir les troubles à l'ordre public en autorisant ou en refusant les manifestations compte tenu des troubles éventuels à l' ordre public.

Cette remise en cause insidieuse du régime de déclaration est davantage cautionnée par le juge constitutionnel du Bénin qui a accepté de statuer à plusieurs reprises sur les cas de limitation de la liberté de manifestation en décidant dans certains cas que le refus par l'autorité administrative d'exercice de la liberté de manifestation est conforme à la Constitution du Bénin445(*). Il résulte de l'analyse des décisions de la Cour constitutionnelle que, de la conciliation du droit de manifester, un droit fondamental et de l'ordre public, ce dernier prévaut446(*). Cependant, il est difficile d'évaluer le risque de troubles à l'ordre public et dans les faits, on assiste à un filtrage politique.

* 442 Pour une certaine doctrine, les libertés organisées sous le régime répressif sont les seules « libertés parfaites ». MORANGES (G.), Contribution à la théorie générale des libertés publiques, thèse, Nancy, 1940, p. 73.

* 443Lire le décret-loi de 1935 en République du Benin.

* 444Idem, article 1er.

* 445 V. notamment DCC 01-097 du 07 novembre 2001 où le juge constitutionnel déclare conforme à la Constitution l'arrêté préfectorale interdisant toute manifestation.

* 446 Dans sa décision DCC 06-0-17 du 05 avril 2006, la Cour constitutionnelle a décidé qu' « il résulte des dispositions de 1'article 25 de la Constitution que la jouissance des libertés par les citoyens doit se faire dans le respect de l'ordre public établi par la loi et les règlements. De telles dispositions visent à éviter les abus tant dans la jouissance desdites libertés par les citoyens que dans leur restriction par les autorités chargées de l'administration territoriale. En l'espèce, en n'autorisant pas la marche projetée, le Maire n'a pas violé la Constitution.

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