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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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2. Une protection vicieuse

Les interdictions des manifestations visent parfois l'orientation vers un choix politique donné. Ainsi, on observe qu'il y a certaines manifestations qui sont principe au service de la diffusion de la politique gouvernementale (I) et on assiste à la marginalisation de l'opposition politique (II).

A. La manifestation au service de la diffusion d'une politique gouvernementale

Il n'est point aberrant d'affirmer avec le juge K. Mbaye que « la grande majorité des gouvernements africains n'admettent en effet, du moins en politique, qu'une opinion : celle du parti au pouvoir et de son leader448(*). Cependant, la démocratisation des régimes politiques à partir des années 1990 a changé ne serait-ce qu'un peu, cette donne. Les attitudes, comportements ou discours peuvent normalement être remis en cause à tout moment sans affecter pour autant le fonctionnement normal des institutions qui ne les intègrent pas. La manifestation est l'une des méthodes normalement les plus usitées pour faire des protestations collectives.

Néanmoins, depuis quelques années au Bénin, on observe le recul des manifestations l'opposition avec le regain des manifestations dites « de soutien des actions du gouvernement ». Ces manifestations, au lieu de faire des revendications à l'endroit du pouvoir en place, se bornent à faire les éloges du gouvernement, ce qui constitue un usage dénaturé de la manifestation. Pendant que certains groupes d'opposition font la demande d'une autorisation qui leur est en général refusée449(*), la manifestation de soutien des actions du gouvernement n'est jamais interdite. Ce fait interpelle à plus d'un titre. C'est en réalité que la classe dirigeante n'accepte pas d'opinion dissidente et les manifestations « normales » sont interdites.

Le Maire, le préfet ou le Ministre de l'Intérieur sont des autorités politiques et leurs décisions ne sont pas souvent neutres. Ils peuvent, dans certaines circonstances, être influencés par une politique donnée. La manifestation n'est donc plus un outil de revendication au Bénin. De plus, certains actes de violences policières accompagnant les manifestations au cours des dernières années ont toutefois suscité des préoccupations quant à l'attachement du gouvernement à protéger le droit de manifester pacifiquement au Bénin. Ainsi, une série d'interdiction de manifestation fait réfléchir.

B. Le musèlement de l'opposition

En octobre 2010, le Ministre de l'Intérieur avait interdit toutes les manifestations exigeant des renseignements sur la disparition de Pierre Urbain Dangnivo, un fonctionnaire du Ministère des Finances qui avait disparu en août de la Blême année. Ces manifestations et protestations ont été motivées par les soupçons d'une possible implication des autorités gouvernementales dans cette affaire. Le 21 février 2011, la police avait lancé des bombes lacrymogènes pour disperser des manifestants de l'opposition qui protestaient contre des listes électorales incomplètes pour le scrutin présidentiel du 6 mars. Suite à l'affichage de la liste électorale provisoire, trois semaines auparavant, les partis d'opposition s'étaient plaints de l'omission de près d'un tiers des électeurs admissibles. En visant l'article 43 alinéa 2 de la loi n° 2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique a, par un communiqué, interdit certaines manifestations pendant la période électorale. C'est ainsi que les militants de l'opposition qui ont voulu marcher devant la Cour constitutionnelle afin de remettre en cause la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) ont été dispersés.

On a également assisté à la bastonnade et à la mise aux arrêts des députés par les forces armées pendant les manifestations organisées par les groupes de l'opposition. Le 21 mars 2011 à Cotonou, la police avait lancé des bombes lacrymogènes, pour disperser des jeunes qui manifestaient contre les résultats de la réélection du Président Boni YAYI.

Tout récemment en 2019, de vives manifestations ont été organisées pour protester contre l'exclusion des partis politiques de l'opposition des élections législatives.

L'avènement des dispositions du nouveau Code pénal pour la restriction de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques n'est pas anodin, ni isolé. En effet, l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal est consécutive à celle des nouvelles lois électorales qui étaient déjà vivement critiquées pour avoir posé un terreau fertile à l'exclusion des partis politiques de l'opposition aux législatives du 28 avril 2019.

Il s'agit des lois n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin et n°2018-31 du 09 octobre 2018 portant Code électoral en République du Bénin. Pour rappel, l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal date du 28 décembre 2018. La suite consécutive évoquée supra est bien établie ce faisant.

Avec les restrictions portées aux partis politiques de l'opposition par les nouvelles lois électorales, il était prévisible qu'ils n'allaient pas rester passifs et allaient inéluctablement exprimer leur mécontentement au moyen de manifestations pacifiques se fondant sur la liberté fondamentale d'association et de manifestations pacifiques.

Des manifestations organisées le 4 avril 2019 à l'appel de plusieurs partis de l'opposition béninoise pour protester contre leur exclusion des élections législatives prévues à la fin du mois ont été interdites et dispersées à Cotonou450(*). Début mars, la Commission électorale nationale autonome (CENA) avait estimé que seuls deux partis membres de la mouvance proche du président Patrice Talon avaient rempli les conditions requises par le nouveau code électoral - adopté l'an dernier et durcissant les règles qui régissent les partis politiques pour pouvoir présenter des listes, excluant de facto toute l'opposition.451(*) Dans ce même contexte, Amnesty International a dénoncé la vague d'arrestations arbitraires de militants politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques qui, selon son constat, ont atteint un niveau alarmant au Bénin, à l'approche des élections parlementaires prévues pour le 28 avril 2019.452(*)

De ces quelques cas d'interdiction des manifestations, on constate que des opinions qui tentent d'aller à l'encontre du gouvernement sont fortement réprimées. Le régime ambigu de la liberté de manifestation est de ce point de vue le socle de toutes les dérives observées. En somme, la protection de l'ordre public est le fondement du dévoiement de l'encadrement de la liberté de manifestation. Cependant, il n'existe pas une définition assez précise de la notion d'ordre public dont l'appréciation de l'éventualité de trouble est laissée à l'appréciation du pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative.

De toutes les façons, selon les textes applicables à la liberté de manifestation au Bénin, une manifestation même interdite peut être organisée. Elle pourra, par la suite, être dispersée par les forces de l'ordre et les responsables pourront en répondre devant le juge.453(*) Malheureusement, il n'existe jusqu'à nos jours, aucune décision du juge administratif sur le droit de manifester au Bénin. Cette absence du juge administratif dans ce domaine peut, dans une certaine mesure, être révélatrice de la conception générale de la justice administrative au Bénin.

* 448 MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pedone, 1992, p. 180.

* 449 D'ALMEIDA (E.), Op. cit, p. 51. L'auteur fait remarquer que « dans ces conditions, aucune manifestation de la mouvance ne pourra être interdite. Quand c'est l'opposition, c'est l'interdiction ».

* 450Information disponible sur https://www.voaafrique.com/a/l%C3%A9gislatives-b%C3%A9nin-manifestation-de-l-opposition-dispers%C3%A9e-%C3%A0-cotonou/4861848.html, consulté le 07 juillet 2019 à 10h41'.

* 451Idem.

* 452Information disponible sur https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2019/04/benin-crackdown-on-protests-and-wave-of-arrests-fuel-tense-election-period/, consulté le 07 juillet 2019 à 10h49'.

* 453 Décision DCC 03-134 du 21 Août 2003. V. L'appréciation que fait le juge constitutionnel de l'avertissement qu'a donné M. AZANNAI Candide dans sa correspondance au Maire.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo