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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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Section 2. Les mécanismes juridictionnels de protection de la liberté de manifester

Selon Véronique Champeil-Desplats, « le fait que l'effectivité des droits ne puisse être dans tous les cas assurée par le juge ne réduit contrairement à ce qui est parfois soutenu -, ni la « juridicité » (ou « normativité ») des droits, ni la possibilité d'obtenir leur effectivité par d'autres moyens. La qualité de norme juridique ne dépend pas de la possibilité d'invoquer la norme devant le seul juge. Elle dépend bien plus de l'adoption de la norme par une autorité compétente dans un système juridique donné »553(*). L'affirmation ne semble souffrir d'aucune contestation, même s'il est unanimement admis que l'intervention du juge s'avère nécessaire pour l'effectivité de la norme ainsi consacrée. En effet, il est classiquement admis en droit positif qu'une norme, entendue comme « la signification d'une proposition indiquant un modèle de conduite sur un mode impératif »554(*), obtient la qualité de règle de droit en raison de sa seule appartenance au système juridique555(*). Soit que cette norme ait été directement édictée par l'État, en vertu de son pouvoir normatif, soit que, bien qu'extérieur à l'État, elle ait été adoptée sur le fondement d'une norme Étatique556(*).

Ce soutènement n'exclut pourtant pas cette assertion qui est devenu un truisme dans la réflexion juridique : que le droit et la loi n'acquièrent leurs véritables signification et force qu'à l'instant où ils trouvent à leur disposition un juge en vue de leur réalisation. En tant que permissions juridiques de valeur supralégislative557(*), les droits fondamentaux ne sauraient par définition exister sans la présence d'un organe juridictionnel habilité à sanctionner les atteintes qui leur sont portées558(*), leur caractère fondamental résidant précisément « dans l'existence d'un contrôle juridictionnel permettant de faire prévaloir le droit sur la loi »559(*). Plus qu'un corollaire indispensable560(*), la justiciabilité se présente, dès lors, comme un élément constitutif des droits fondamentaux.

Le constituant congolais de 2006 se place quelque peu dans cette ligne en établissant ce lien essentiel entre les droits fondamentaux et la garantie juridictionnelle561(*), même si d'aucuns persistent à affirmer que l'existence d'un tel droit est liée à son inscription dans une norme alors que l'existence d'un mécanisme de contrôle n'est que le garant de son effectivité »562(*). En ce même sens, Anne Weber considère que « le ''test judiciaire'' constitue moins une condition de l'existence des droits de l'homme que de l'efficacité maximale de ces droits »563(*).

En somme, il est possible d'affirmer avec le professeur Frédéric Sudre qu'« il n'y a droit [fondamental] que par l'intervention du droit positif, lorsqu'un régime juridique est organisé tel que le droit soit protégé par une action en justice »564(*). Traduction de l'idée selon laquelle la seule proclamation des droits et libertés ne saurait suffire à en assurer l'exercice, les droits fondamentaux, en raison leur place spécifique au sein de la hiérarchie des normes, se présentent ainsi comme des droits nécessairement justiciables. Indissociables de la garantie juridictionnelle, le lien étroit qu'ils entretiennent avec le juge, spécialement constitutionnel, conduit à ériger celui-ci en condition déterminante de leur existence. C'est là un premier indice du rôle privilégié du juge en matière de protection des droits fondamentaux. Pour autant, ces derniers ne sauraient se contenter de n'importe quel juge. Leur effectivité tient pour beaucoup à l'existence d'une justice de qualité. Or, le développement constant de la garantie juridictionnelle, tant en RDC que dans des pays ciblés, s'inscrit dans cette perspective.

Magnifié par la doctrine, le juge, tel qu'il a été souligné, est classiquement présenté comme l'institution la mieux armée pour garantir l'effectivité des droits fondamentaux. Or, de cette croyance exacerbée dans la figure du juge, il en découle, trop souvent, une tendance à l'abstraction des lacunes affectant cette forme de protection565(*).

Dans la plupart des systèmes, c'est au juge qu'est dévolu l'essentiel de la mission de protéger les libertés contre les atteintes susceptibles de les affecter.566(*) Le droit congolais s'inscrit dans cette tradition, mais non sans paradoxe. Les lacunes inhérentes à la protection des libertés par le juge, qui tiennent à ce que celui-ci intervient presque toujours longtemps après les faits, ont conduit à une réflexion sur les ressources susceptibles d'apporter la protection juridictionnelle des libertés, selon diverses modalités.567(*) Si la protection effective des droits fondamentaux est une condition inhérente à leur statut, il serait vain de tenter de circonscrire ce rôle à une juridiction unique. De ce fait, l'identification du juge des droits fondamentaux congolais trouve sa base à l'article 150 de la constitution du 18 février 2006 qui dispose que « le pouvoir judiciaire « le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens »568(*). Ledit pouvoir judiciaire a été dévolu « aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'État, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires »569(*). Les instances judiciaires sont réparties en deux ordres de juridiction à côté de la Cour constitutionnelle.

On examinera ainsi successivement la protection du droit de manifester par les différents juges, judiciaire, administratif et constitutionnel (§1).

Aussi convient-il de s'en référer à l'oeuvre du juge pour évaluer la réalité de la protection du droit de manifester (§3).

§1. La protection de la liberté de manifestation : quelles garanties par le juge ?

L'organisation judiciaire actuelle de la RDC impose que nous examinions tout à tour la protection de la liberté de manifestation par le juge judiciaire (1), par le juge administratif (2) et par le juge constitutionnel (3).

* 553 CHAMPEIL-DESPLATS (V.), Effectivité des droits de l'homme : approche théorique, in CHAMPEIL-ESPLATS (V.) et LOCHAK (D.), (Dir.), A la recherche de l'effectivité des droits de l'homme, Presses universitaires de Paris X, 2008, p. 25, cité par LÖHRER (D.), La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel compare. L'exemple de l'ombudsman spécialisé portugais, espagnol et français, Thèse de doctorat en droit public, Faculté de Droit, d'économie et de gestion École Doctorale, de l'Université de Pau et des pays de l'Adour, 2013, p. 62.

* 554 DE BÉCHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Paris, Editions Odile Jacob, 1997, p. 174. Dans le même sens, v. MILLARD (E.), Qu'est-ce qu'une norme juridique ?, Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Etudes et doctrines, 2006, n° 21, p. 59.

* 555 Sur la notion de système, OST (F.) et VAN de KERCHOVE (M.), in, De BÉCHILLON (D.), Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Paris, Editions Odile Jacob, 1997, pp. 261-262. Sur celle de système juridique, v. VIRALLY (M.), Le phénomène juridique, R.D.P., 1966, pp. 13 et ss.

* 556 MVIOKI BABUTANA (J.), « Quelles stratégies pour garantir l'effectivité des droits économiques, sociaux et culturels ? », Annales de la Faculté de droit, Actes des journées scientifiques sur le thème  Droit et société « ubi societas, ibi jus : ubi jus, ibi societas », Kinshasa, Éditions Droit et Société, 2017, p. 161.

* 557Idem.

* 558 PFERSMANN (O.), Esquisse d'une théorie des droits fondamentaux, in FAVOREU (L.)(Dir.) et alii, Droit des libertés fondamentales, Précis Dalloz, Paris, 6e éd., 2012, pp. 63 et ss.

* 559 OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel dedroit des libertés fondamentales, Op.cit, p. 25 ; REDOR (M.-J.), Garantie juridictionnelle et droits fondamentaux, in La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux, C.R.D.F., 2002, n° 1, p. 93.

* 560 Les auteurs tant congolais qu'étrangers sont quasiment unanimes pour affirmer que le juge constitue un corollaire indispensable des droits fondamentaux. En ce sens, v. notamment : BON (P.), La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen, in MAUS (D.) et BON (P.)(Dir.), La nouvelle république brésilienne, Economica, Paris,P.U.A.M., 1991, p. 223 ; CHEVALLIER (J.), L'État de droit, Paris, Montchrestien, 3e éd., 1999, p. 134 ; MIRANDA (J.), Manual de direito constitucional, tomo IV, direitos fundamentais, Coimbra Editora, 5ème éd., 2012, p. 355 ; OMEONGA TONGOMO (B.), Manuel dedroit des libertés fondamentales, Op. cit, p. 25; NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), Droit congolais des droits de l'homme,Op. cit, p. 364.

* 561 Article 150, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006, Op. cit.

* 562 MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Paris, L.G.D.J., 2002, p. 12.

* 563 WEBER (A.), Les mécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l'homme, Op. cit., p. 18.

* 564 SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, P.U.F., 11ème éd., 2012, p. 53.

* 565 LOHRER (D.), Op. cit, p. 137.

* 566WACHSMAN (P.), Libertés publiques, Op. cit., p. 114.

* 567Idem.

* 568Article 150, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

* 569Article 149 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo