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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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B- DEFINITION DES CONCEPTS : LA POLICE DE LA GREVE EN DROIT

ADMINISTRATIF CAMEROUNAIS.

La compréhension de notre sujet nécessite que les concepts ou notions clés soient clairement définis. C'est dans cette perspective que nous aborderons notionnellement d'une part la police de la grève (1) et d'autre part le droit administratif camerounais.

2- Le concept police de la grève.

Définir la police de la grève reviendra d'une part à examiner la notion de police avant de s'appesantir sur celle la grève d'autre part. C'est ainsi que l'on pourra mieux comprendre ce groupe de nom.

a- La notion de police.

Dérivé du latin politia, qui signifie « régime politique, citoyenneté administration », le mot police désigne généralement une prérogative de l'État qui consiste en la règlementation d'un secteur de la vie en société. Cela dit, l'État détient en principe une exclusivité voire un

30 Idem.

31 DECHENAUD (D) (http// www.revuedlf.com/auteurs/dechenaud-david/), « la pénalisation de l'exercice des libertés » RDLF 2018 chron. n°3

32 Pour d'amples développements à ce sujet lire DECHENAUD (D) op.cit.

33 METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des libertés publiques » op.cit. ; p. 269.

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monopole en la matière, d'autant plus qu'il s'agit là d'une de ses compétences régalienne. Dans le vocabulaire juridique, le terme police renvoie principalement à deux entités à savoir police judiciaire d'un côté et police administrative de l'autre.34

Dans le cadre de notre étude nous analyserons la notion sous l'angle de la police administrative. En effet celle-ci se confond très souvent en pratique avec la notion de police judiciaire. Un travail de distinction s'impose afin de mieux circonscrire notre champ de réflexion.

Si d'un point de vue théorique, la distinction entre police administrative et police judiciaire semble aisée, celle-ci s'avère relativement complexe en pratique. En effet, il convient d'emblée de préciser que la police administrative incombe au pouvoir exécutif et son contentieux relève de la juridiction administrative35. En revanche la police judiciaire quant à elle relève du pouvoir judiciaire et son contentieux ressortit des juridictions judiciaires.36 Plus techniquement, relève J.Rivero, «c'est par leur but qu'elles se distinguent : préventive, la police administrative tend à éviter qu'un trouble se produise ou s'aggrave. La police judiciaire, essentiellement orientée vers la répression, intervient lorsqu'une infraction a été commise(...) ».37

Cette tentative de distinction ne règle pas de manière péremptoire la confusion qui existe entre ces deux notions.

En effet, la police administrative, au-delà de la prévention qui constitue son champ d'action principiel, peut se retrouver dans l'action répressive en vue de rétablir l'ordre troublé. De la même manière, la police judiciaire « n'a pas une mission répressive38 ; elle prépare la répression pénale. »39*. Il est un véritable enchevêtrement qui rend difficile la distinction entre police judiciaire et police administrative. Indépendamment de la complexité qui caractérise cette notion, il conviendra de définir la police administrative comme « une fonction, une activité(...) qui tend à assurer le maintien de l'ordre public dans les différents secteurs de la vie

34 RIVERO (J), Droit administratif, 3e Édition, Dalloz 1965 p.369

35 Idem.

36 Idem.

37 Ibid.

38 Ibid.

39 Ibid.

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sociale et cela, autant que possible en prévenant les troubles qui pourraient l'atteindre sinon en y mettant fin »40. Intéressons-nous à présent à la notion de grève.

a- La notion de grève.

« Phénomène social, la grève n'a pas le même caractère et la même signification à toutes les époques et dans tous les pays »41 ; affirmait Jean Savatier pour rendre compte de la nature évolutive voire dynamique de la grève depuis ses premières manifestations jusqu'aux sociétés contemporaines. Aussi, relevait-il, la permanence ou l'identité des mots ne doit pas cacher les modifications dans les réalités sociales qu'ils recouvrent. »42. Cela dit, la grève dans la société contemporaine ne peut être appréciée comme dans celle du siècle dernier.43

En effet, la grève au sens classique du terme, depuis le XIXème siècle, faisait référence « à une révolte contre l'autorité patronale, de la part des travailleurs acculés à la révolte »44.Il s'agissait alors d'une opposition de classe entre bourgeoisie et prolétariat. Les revendications étaient limitées uniquement au cadre professionnel et portaient sur des questions relatives au salaire, à la négociation des conditions de travail entre autres.

Dès le début du XXème siècle, la notion va progressivement évoluer et cessera d'être l'apanage des ouvriers pour s'étendre à d'autres catégories sociales. Longtemps interdite parce que mettant en cause le principe de continuité du service publique, l'on assistera finalement à l'ouverture de la grève à la catégorie des fonctionnaires. L'arrêt Dehaene marquera la consécration jurisprudentielle du droit de grève des agents de l'État45. Mais jusque-là ce droit restait encore fortement limité.

Au fur et à mesure, le droit de grève va s'étendre aux professions non salariées, (grève des avocats, des agriculteurs, des transporteurs...etc.) et plus tard aux activités non professionnelles (grève des étudiants). À tel point que peu à peu le phénomène a échappé au cadre syndical. J.Savatier écrira à cet effet : « chaque fois qu'une catégorie sociale prend conscience de la possibilité pour eux de manifester(...) on recourt aujourd'hui à la grève. »46* ;

40 CHAPUS (R) ; Droit administratif général, cité par GUESSELE ISSEME L.; l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais, thèse présentée en vue de l'obtention du grade de docteur. Université de Yaoundé II p. 496

41 SAVATIER (J), « la grève dans la société contemporaine », source Gallica.bnf.fr/ bibliothèque nationale de France. P.308

42 Idem, p.309.

43 Ibid.

44 Ibid, p.310.

45 CE, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, JCP1950, n° 5681.

46 SAVATIER (J) « la grève dans la société contemporaine », op.cit. p.311

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cela dit, force est de constater que les syndicats et autres associations corporatives n'exercent plus le monopole en matière de contestation sociale, d'autant plus que la liberté de manifestation publique et par ricochet le droit de grève sont « par essence d'abord d'exercice individuel (et peuvent) se muer selon (leurs) initiateurs dans l'exercice collectif.»47

S'il est vrai que beaucoup de grèves ont gardé leur caractère traditionnel de revendication professionnelle adressée au patronat, dans le cadre d'un syndicat ; l'on constate néanmoins que le phénomène de grève a subit une véritable évolution et constitue désormais un instrument privilégié des citoyens orienté contre les pouvoirs publics dont ils contestent la politique48. C'est sous cet angle que nous aborderons le droit de grève au cours de notre réflexion.

En tout état de cause, la définition combinée des notions de police et de grève, nous amène à retenir la police de grève comme une activité de l'administration qui tend à encadrer les mouvements de contestation ou de revendication exercés contre les pouvoirs publics ; en vue de préserver l'ordre public ou de restaurer l'ordre troublé. Sied-t-il à présent de définir le droit administratif camerounais.

2-Le concept droit administratif camerounais.

Le droit administratif tel que appliqué au Cameroun est d'inspiration française (a); toutefois il ne s'agit pas d'une copie conforme car un certain nombre de spécificités font de lui un droit original (b).

a- Définition du droit administratif général.

Le droit administratif est une discipline dont la création est le fruit d'un long processus historique. Ses origines remontent à partir du XVII e siècle avec l'élaboration d'une série de textes juridiques révolutionnaires notamment l'édit de saint germain en Laye de 1679, suivi de la loi de 16-24 aout 1790 et du décret 16 fructidor an III, dont la lecture combinée faisait interdiction au juge judiciaire du contrôle de l'administration49. C'est ainsi que furent fixées les bases textuelles d'une naissance du droit administratif. Une consécration jurisprudentielle sera apportée le 8 février 1873 par le tribunal des conflits français dans l'arrêt Blanco.

47 DDC 18-117 du 22 mai 2018 rendu par la cour constitutionnelle béninoise.

48ABA'A OYONO (J-C), Cours polycopié de droit administratif général licence 2, année 2014-2015. 49Idem.

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En effet, le juge du tribunal des conflits viendra consacrer l'autonomie du droit administratif et son caractère dérogatoire au droit commun.50 Cette autonomie comportera un double aspect : un aspect négatif, « l'inapplicabilité du code civil à l'action administrative (...)» Et un aspect positif, « celui de l'originalité des règles auxquelles cette action est soumise.» toutefois, le droit administratif était toujours à la recherche d'une définition. C'est dans cette perspective que plusieurs tentatives seront apportées à cette fin, à travers plusieurs critères notamment celui du service public, défendu par Léon Duguit51 et celui de la puissance publique soutenu par Maurice Hauriou.52

Seulement, conviendra-t-on avec Jean Rivero lorsqu'il affirme que «la définition du droit administratif « exige (...) la poursuite des efforts pour l'organiser de façon systématique (...) il n'est nullement nécessaire de procéder à cette systématisation à partir d'une notion unique »53 aussi, «c'est autour de plusieurs idées maitresse et non une seule que le droit civil, le droit commercial et le droit du travail sont parvenus au haut degré d'organisation scientifique qui est le leur »54.

La définition du droit administratif devra donc sans se limiter uniquement au fait qu'il s'agit d'un corps de règles spéciales, identifier les domaines concernés. Ainsi retiendra-t-on alors, qu'il n'y a d'administration qu'à partir de son droit, et il n'y a de droit administratif sans administration.55 C'est donc tenant compte de cette consubstantialité56 que l'on pourrait envisager le droit administratif comme « l'ensemble de règles qui organisent l'administration, régissent son fonctionnement et encadrent ses relations avec les différents sujets de droit. »57 C'est donc ainsi qu'à la faveur de la « colonisation »58, ou du moins de la présence française en Afrique noire francophone que le droit administratif sera transposé au Cameroun.

50 RIVERO (J), Droit administratif ; 3e Édition, Dalloz 1965, p. p.17.

51 Ibid. P.29

52 HAURIOU (M.) Précis de droit administratif et de droit public. Préface 1ère ed. Dalloz, Paris, 2002, cité par ABANE ENGOLO (P), « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. P. 15

53 RIVERO (J), Droit administratif, op.cit., P.32

54 Ibid. PP.32, 33

55 ABANE ENGOLO (P) « existe-il un droit administratif camerounais ?» in ONDOA (M) et ABANE ENGOLO (P), Les fondements du droit administratif camerounais, Yaoundé, l'Harmattan CERCAF., p.14

56 Ibid.

57 Ibid.

58 Le Cameroun n'a jamais stricto sensu été une colonie du moins au sens juridique du terme. Il est d'abord passé d'un statut de protectorat allemand (1884), à celui d'État sous mandat de la S.D.N(1919) ensuite, et enfin à celui d'État sous tutelle de la France et de la Grande-Bretagne(1945).

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b- La définition du droit administratif camerounais.

Le droit administratif tel qu'élaboré en France et transposé au Cameroun, a subit un certain nombre d'aménagements tenant compte des spécificités contextuelles. La question qui s'est longtemps posée était celle de savoir s'il existe un droit administratif camerounais. Plusieurs thèses s'opposent à cet effet.

Les premières postulent de l'inexistence du droit administratif typiquement africain, et que ce dernier ne constituerait que « la polycopie du droit français »59. C'est la thèse du mimétisme des droits africains, soutenu notamment par le professeur Bipoun Woun, qui estime que le législateur et le juge africain ne font que reproduire un droit français existant et que ceux si sont peu enclin d'innovation60.

Par la suite une seconde thèse viendra s'opposer à celle du mimétisme du droit africain.

Il s'agit alors de la thèse développementaliste. En effet des auteurs, a l`instar du professeur Maurice Kamto ou du juge Keba Mbaye, estimeront que les droits africains et par contre coup le droit camerounais , se sont appropriés le droit administratif en l'adaptant au contexte africain qui était alors marqué par la recherche du développement et de l'unité nationale61. Dans le même ordre d'idée, le professeur Magloire Ondoa fera ressortir l'originalité des droits africains à travers l'attitude des juges qui, partageant la même idée relative au développement, éviteront d'opter pour des décisions de nature à porter atteinte aux deniers publics, très souvent au grand dam des libertés individuelles62.

Tels étaient les éléments d'ordre conjoncturel qui ont servi pour façonner un droit administratif africain et par la même occasion, un droit camerounais original. Outre mesure, faut-il le rappeler, à la différence du droit administratif français qui est essentiellement jurisprudentiel63, le droit administratif camerounais « démontre à suffisance l'impérialisme des textes »64, constituant ainsi un droit fondamentalement d'origine textuelle65.

59 ABANE ENGOLO (P), « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. ; p. 16.

60 Idem.

61 Idem.

62 ONDOA (M), le droit de la responsabilité publique dans les États en développement : contribution à l'étude de l'originalité des droits africain, thèse de doctorat d'État en droit public, 3tomes, Université de Yaoundé II- SOA, FSJP, 1997.

63 RIVERO (J) Droit administratif, op.cit. p.27.

64 ABANE ENGOLO (P), op.cit. P.23.

65 ONDOA (M), ABANE ENGOLO (P), les fondements du droit administratif camerounais, préface, p.10.

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En dernière analyse, la naissance du droit administratif camerounais est postérieure au droit administratif français ; l'on pourrait même dire que « le second a accouché du premier ».66Seulement, le droit administratif camerounais va véritablement se démarquer de son « géniteur », en raison d'abord de facteurs juridiques notamment de l'indépendance et par ce fait même de la souveraineté de l'État du Cameroun : cela dit chaque État a par principe son ordre juridique67. En raison ensuite d'éléments d'ordre philosophique, culturel68, voire idéologique69. en effet écrira le professeur Abane E. dans ce sens, « le droit administratif français est un droit (libéral) protecteur des droits, celui camerounais est naturellement autoritaire »70.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery