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Conflit pygmées-bantous dans le territoire de Nyunzu: essai de l'analyse des conséquences socioéconomique sur la populationpar Fabrice MULOLWA FATAKI ISP Nyunzu - Graduat 2021 |
CHAPITRE DEUXIEME :IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE DU CONFLIT PYGMEE-BANTOUS DANS LE TERRITOIRE DE NYUNZU Dans ce chapitre qui constitue l'objet de notre recherche, il sera question ici de déceler l'origine du conflit Pygmée-Bantous avant d'en analyser ses conséquences socio-économiques dans le territoire de Nyunzu. A cet effet, les données récoltées par les techniques utilisées dans notre recherche, vont être présentées et analysées dans ce chapitre. II.1. LA PRESENTATION DES DONNEES D'ENQUETE Les informations recueillies des enquêtés à l'aide de notre questionnaire sont résumées dans les tableaux qui suivent avec des commentaires y afférents. II.1.1. LA POPULATION D'ETUDE Telle qu'elle est définie, une population d'étude est l'ensemble des personnes sur lesquelles porte l'étude. Notre population d'étude est constituée de tousles habitants de Nyunzu qui ont vécu les conséquences de conflit Pygmées-Bantoues pendant la période considérée de notre étude. Cette population hétérogène est estimée à 226.712.habitants repartie en cinq ethniques : Luba, Bakalanga, Hemba, Benalengwe, Twas, Batungwa. Face aux contraintes temporaires, pécuniaires et méthodologiques, nous avons estimé prendre un échantillon plus représentatif de la population. Tel qu'il est défini, il est l'ensemble choisi dans une population de manière à la présenter et pouvant servir d'échelle pour l'appréciation des cas de même genre26(*). C'est donc un ensemble d'individus ou sujets sur lesquels le chercheur a affectivement recueilli des mesures27(*). Ainsi la taille de notre échantillon est de 105 personnes issues dans tous les deux secteurs du Territoire de Nyunzu. Cet échantillon de 105 personnes est fait sur base de l'échantillonnage probabiliste qui « repose sur le principe de randomisation (la sélection au hasard ou aléatoire) ou la chance ».28(*) II.1.2. IDENTITE DE L'ENQUETE Tableau 1 : Age de l'enquêté
L'analyse de ce tableau reflète la vérité selon laquelle, sur 105 enquêtés repartis dans deux (4) tranches d'âges (de 18 - 40 et de 40-60 ans) ; 63 personnes soit 60% de nos enquêtés sont de la tranche d'âge de 40-60ans. Ceci s'explique par la disponibilité et l'ouverture d'esprit de la population adulte lors de collecte des données. Il sied de préciser que les Jeunes non seulement qu'ils n'étaient pas disponibles, ils maitrisent aussi difficilement l'histoire des conflits Pygmées-Bantoues dans le Territoire de Nyunzu. Tableau 2 : Le sexe de l'enquêté
Sur un ensemble de 105 enquêtées, 67 personnes soit 64% sont de sexe masculin et 38 personnes soit 36% sont des femmes. Tableau 3 : Entité administrative de l'enquêté
Ce tableau nous représente 30 personnes soit 29% de la population enquêtée dans le secteur Nord-Lukuga, et 75 personnes soit 71% sont enquêtés dans le secteur Sud-Lukuga. Il est donc à préciser que les résultats de notre recherche seront influencés à 75% par les données issues de la population du Sud-Lukuga. Ceci s'explique par le fait que le conflit Pygmée-Bantoues a pour origine le Secteur Sud-Lukuga avant de s'étendre dans le Nord-Lukuga où le terme conflit a cédé la place à la rébellion qui rendu inaccessible certains groupements du Secteur Nord-Lukuga jusqu'aux dernières dates de notre recherche. Tableau 4 : La profession de l'enquêté
Sur 105 personnes qui constituent notre échantillonnage aléatoire, nous nous sommes rendu compte que notre échantillon est constitué de professions différentes : l'agriculture, l'enseignement, le commerce et l'infirmerie. De ces 4 professions, nos enquêtés se répartissent de la manière suivante : 54 personnes soit 51% des agriculteurs, 30 personnes soit 29% des enseignants, 3 personnes soit 3% des infirmiers et 18 personnes soit 17% de commerçants. La proportion des agriculteurs étant élevé dans le Territoire de Nyunzu, nos données sont donc influencées par cette catégorie sociale. II. 2. LES CAUSES DE CONFLIT PYGMEES-BANTOUS DANS LE TERRITOIRE DE NYUNZU Tableau 5 : Analyse des causes de conflit dans le territoire de Nyunzu
Source : notre conception inspirée des données de l'entretien Sur cent cinq (105) personnes interrogées, 14 personnes soit 13% affirment que la cause de conflit serait le tribalisme, 26 personnes soit 25% pensent que la marginalisation de Pygmées par le Bantous est la cause de conflit, 33 enquêtés soit 31% soutiennent que la discrimination sociale des Pygmées par les Bantous est la cause principale du Conflit dans le Territoire de Nyunzu, 22 personnes soit 21% disent que c'est la manipulation politique et enfin 7 personnes soit 7% affirment que c'est la mauvaise habitude de Pygmées. Eu égard à ce qui précède, le plus grand nombre de nos enquêtés soit 34% estiment que la cause principale de conflit Pygmées-Bantous dans le Territoire de Nyunzu c'est la discrimination sociale. En effet, les peuples autochtones dits « Pygmées » sont une composante de la société congolaise et sont repartis sur toute l'étendue du Pays (à l'exception du Kongo Central). Ils forment une communauté minoritaire dont les membres sont aujourd'hui encore discriminés et opprimés par le reste de la population issue des communautés ethniques dominantes. Ils sont caractérisés par le manque de terre, notamment de leurs terres ancestrales, accentuant leur extrême pauvreté, par une sous-représentation dans tous les domaines de la vie nationale ne permettant pas de faire entendre leurs voix et leurs préoccupations, par le manque d'accès aux services sociaux de base ( soins de santé et éducation), entrainant un taux plus élevé d'analphabètes parmi eux et un taux plus élevé de mortalité suite au non-accès aux soins de santé ainsi qu'à la transformation brutale de leur environnement29(*). Cette situation conditionne les peuples autochtones Pygmées à un mode de vie très précaire et qui les expose ainsi à l'exploitation et aux violences en tout genre. En République Démocratique du Congo, « les Peuples autochtones Pygmées n'ont pas toujours bénéficié de l'attention particulière en tant que groupe autochtone. Délaissés dans le processus de l'intégration sociale des communautés nationales, leurs conditions de vie se caractérisent d'une part, par diverses formes de maltraitance et d'autre part, par la stigmatisation qui sont à la base de leur marginalisation sur le plan politique, administratif, économique, social et culturel. Sous représentés dans les instances publiques de conception des politiques nationales, les pygmées ne jouissent pas pleinement des terres qu'ils occupent ainsi que des ressources qu'elles renferment. »30(*) La dépossession de ces terres se fait, le plus souvent, sans prise en compte, de leur existence, ni de leur indemnisation juste, équitable et proportionnelle. Les conditions d'accès aux services sociaux de base, notamment, l'éducation, l'habitat, les soins de santé et la justice restent en grande partie en défaveur de ce groupe et l'enfoncement dans un déséquilibre social récusable. Cette discrimination sociale s'explique par le fait que les Pygmées sont traités comme des citoyens de seconde zone, sinon des sous-hommes. Sur le plan social (mariage) ; les hommes Bantous épousent facilement les femmes Twas,c'est pratiquement impossible aux hommes Twas d'épouser les femmes Bantous. Cette discrimination sociale s'étend aussi aux salaires, étant donné que les Twas reçoivent un salaire inférieur aux Bantous pour le même travail, quand ils ne sont pas soumis au travail forcé. Cet état d'assujettissement des Pygmées par les autres ethnies dominantes du Territoire, à savoir « Bantous » spécifiquement les Bakalanga et les Baluba, et leurs incorporations dans les coutumes qui ne sont pas les leurs font les Pygmées des propriétés des familles Bantous, c'est-à-dire, « les Pygmées se faisaient identifier par rapport à leur famille d'appartenance. Cet état de chose, orchestre malheureusement, la domination totale des Pygmées, leur utilisation abusive dans les travaux forcés par les familles auxquels ils sont sensés appartenir, et ce jusqu'aux traitements dégradants et inhumain. Cette situation intolérable ne peut être qualifiée que d'esclavagisme et a été à l'origine des plusieurs soulèvements ».31(*) Les Bantous, ceux refusant l'émancipation des Pygmées et la vente de leurs terres à vil prix, vont se regrouper en milice/forces d'Autodéfense populaires appelés LunzoleNzole. Ils sont de l'ethnie Luba et vont alors s'allier à la milice mayi-mayi pour mener des attaques contre les peuples autochtones. Chacune des milices a ses objectifs propres à elle. Les exactions commises par ces deux groupes peuvent être considérées comme des crimes contre l'humanité. Toute personne identifiée comme Pygmée était en danger de mort sur le territoire de Nyunzu. Il s'agit là d'extermination des pygmées par les Bantous et le contraire était aussi observé. Les théoriciens de la frustration-agression estiment à cet effet, il y a violence dans la société politique parce que les gens sont frustrés vis-à-vis de leurs aspirations aux différents besoins comme la sécurité, le bonheur, l'occupation d'un statut social, la justice, etc. ... Tout un chacun a des aspirations pour sa vie lorsqu'elles ne sont pas atteintes, cela créent l'insatisfaction qui engendre la frustration qui risque de créer une agression, mais par contre, il faut aussi noter que toute insatisfaction ou toute frustration ne mène pas essentiellement à la violence, elle peut mener à d'autres formes de frustration comme l'apathie, l'indifférence. La frustration peut donner lieu à la violence : - Lorsque la violence est acceptée comme un des moyens ou une des solutions pour résoudre les besoins - Lorsque les membres de la société estiment qu'il n'y a que la violence comme le seul moyen de résolution des besoins. - Lorsque la frustration devient de plus en plus intense33(*). De cette question, nous avons remonté l'histoire qui nous renseigne que les pygmées sont les premiers habitants duCongo, c'est vers une certaine époque qu'ils ont été envahis et soumis devant les bantous dans des diverses forces sans contrepartie ; nous pouvons donc déduire que c'est à cette époque même que la discrimination sociale a vu le jour. II. 3. LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES DU CONFLIT DANS LE TERRITOIRE DE NYUNZU Tableau 6: Analyse des conséquences sociales de conflit Pygmées-Bantous
Source : notre conception inspirée des données de l'entretien Ce tableau représente 30 personnes soit 28% sur 105 personnes qui ont répondu à nos questions affirment que le conflit Pygmées-Bantous dans le Territoire de Nyunzu a pour conséquence sociale la destruction des infrastructures de base avec pour effets secondaires le taux d'analphabétisme très élevé et l'apparition des maladies épidémiques. Le conflit Pygmées-bantous survenu dans le Territoire de Nyunzu revêt plusieurs conséquences, en outre, ce conflit a occasionné plusieurs incidents d'ordre social dans ce Territoire qui fait l'objet de notre champ d'investigation. Des groupes armés ont attaqué des nombreuses structures sanitaires et éducatives du Territoire, les rendant ainsi non fonctionnelles. Cette situation expose de nombreux enfants a abandonné leurs écoles et aux maladies infantiles, pourtant évitable telles que la rougeole ou la fièvre jaune. Les enfants en âge scolaire ont tous été affectés par le fait que certains ont été contrôlés dans des groupes des milices et d'autres ont été décapités d'une manière horrible. En plus de ce fléau, on a enregistré plusieurs cas de pillage et occupations des villages et la destruction des infrastructures sanitaires et éducatives par les différentes milices twa (PERCI) et bantous (Eléments). Pour ce faire, il est plus nécessaire de faire les analyses par rapport à ce que l'on a retenu et récolté près de la communauté par l'entretien sur base de notre échantillon. Certes, ce conflit a dégénéré des mouvements populaires de leurs milieux habituels vers d'autres endroits non habituels. Ce mouvement a affecté une partie de la vie de la population victime de ce conflit tant du côté Pygmées que du côté Bantous.. A cet effet, l'accès difficile de cette population aux services sociaux de base, surtout dans le secteur eau, hygiène et assainissement a accéléré la propagation des épidémies dans les champs des déplacés du fait que les conditions de vie de cette population ne répondaient pas aux normes vitales d'un individu. Le conflit Pygmées-Bantous a par ailleurs, occasionné des violences de tout genre y compris la dépossession des biens de la population, le banditisme notamment les convoyeurs des fonds des commerçants, éleveurs, agriculteurs et ces actes se sont passés surtout dans les axes routiers et les sites miniers. S'il faut dénombrer des cas exemplatifs ; nous citerions entre autres : - Augmentation du taux de maladies sexuellement transmissible du fait que les femmes et les jeunes filles ont été les cibles et victimes de violence sexuelle. - La destruction infrastructures sanitaires et scolaires (les établissements scolaires, les centres de santé, les dépôts) parce que les twa ont estimé que ce sont les facteurs de civilisation des bantous et des milieux où la discrimination a été outrance ; - La destruction méchante des logements de uns tout comme des autres ; - La tuerie de certaines personnes dont certains hommes sont restés veufs et femmes restent veuves et les enfants sont restés délaissés et sont devenus enfants de la rue ; - La séparation familiale (enfants, père, et mère). Tableau 7 : Les conséquences économiques du conflit
Source : Conception personnelle tirées des données de l'entretien Au regard de ce tableau, le plus grand nombre dont 45 personnes soit 42% soutiennent que la hausse de coût de vie de la population est la conséquence économique la plus majeure de ce conflit dans ce Territoire. Pour cette conséquence, le fait que la population ne parvenait plus à faire librement leurs activités économiques pouvant leur servir à bien vivre. Le conflit twa-bantou n'a pas eu seulement des conséquences d'ordre social, mais également des répercutions d'ordre économique ; et c'est ce qui peut freiner aussi le développement dans le territoire de Nyunzu. Ceci étant, les diverses activités économiques bien qu'elles sont informelles, elles contribuent à la hausse de standing social de la population qui en considère comme une source principale des revenus. Les produits agricoles menacés par le conflit, sa vente constituait une des sources de revenus des ménages, mais aussi les petits commerces que la population faisait en ralliant la cité de Nyunzu centre et la campagne. Actuellement, les ménages ne pratiquent pas les activités champêtres que dans les concessions d'autrui et le petit commerce n'est plus viable à cause de l'inquiétude qui règne dans les fiefs des habitants de crainte qu'ils ne soient victimes de cambriolage. D'où, les productions agricoles ne sont désormais pratiquées que par 5% au lieu de 56 % avant ce conflit. En effet, l'exode rural occasionné par les déplacements de la population clandestine a eu un impact sur la variation de prix des produits de première nécessité. C'est notamment le cas de la farine, du sel, l'huile de palme pour ne citer que ceux-là. Cette variation serait due à une incompatibilité entre l'offre des produits de première nécessité et à la demande qui est devenue supérieur dans le territoire de Nyunzu conséquence de la promiscuité populaire. Eu égard à ce qui précède, il sied de préciser que, ce conflit a eu un impact considérable sur le plan économique étant donné que les activités paysannes considérées comme nourricières des Nyunzu centre et les villages ont été paralysées causant ainsi la rareté des produits des premières nécessités dans le marché. Il est admis de tous que nul ne peut préférer vivre bin chez autrui que chez soi. Après le rétablissement de la paix dans certains villages anciennement victimes des affrontements, le principe est que la population devait se réinstaller rapidement et recommencer les activités champêtres pour enfin se procurer les biens nécessaires à leur survie et à la survie de centres qui sont les principales débouchées des produits agricoles. Mais hélas, suite à un climat de terreur que présente chaque partie prenante et aussi l'habitude qu'a la population de mener une vie tributaire, la grande partie de celle-ci a préféré rester dans les camps de déplacés pour continuer à recevoir les dons des humanitaires et laisser de faire leur vie pouvant les propulser, cela a eu un impact aussi sur la flambée du prix des produits de première nécessité sur le marché qui devient de matière à importer des Territoires voisins, eux-mêmes incapables de répondre à la demande de leurs habitants. La vie de la population est devenue de plus en plus difficile parce qu'il fallait acheter les produits importés, mais également les conditions d'accession à des endroits d'approvisionnement trop difficiles ont occasionné l'insécurité alimentaire et la famine dans le Territoire de Nyunzu. * 26 http://www.statcan.gc.c.a/edu/power-pouvoir/ch13/5214895-fr.htm. * 27 http://www.statcan.gc.c.a/edu/power-pouvoir/ch13/5214895-fr.htm. * 28 http://www.statcan.gc.c.a/edu/power-pouvoir/ch13/5214895-fr.htm. * 29 Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones, Rapport alternatif au rapport périodique de la République Démocratique du Congo au Comité des Droits de l'Homme, Les Peuples Autochtones Pygmées en RDC : l'état de leurs droits et la situation dans la Province du Tanganyika, Septembre 2017, P16 * 30 Exposé des motifs de la LOI n°22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées, col.1 * 31Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones, Rapport alternatif au rapport périodique de la République Démocratique du Congo au Comité des Droits de l'Homme, Les Peuples Autochtones Pygmées en RDC : l'état de leurs droits et la situation dans la Province du Tanganyika, Septembre 2017, P16 32 Exposé des motifs de la LOI n°22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits despeuples autochtones pygmées, col.1 * 33 Ghislain Mugalu, notes de cours de méthodes de recherches en sciences sociales, université de Kalemie, 2017-2018. 22 Ghislain, M., Op.cit. |
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