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La protection financière du patrimoine public

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par Jennifer Marchand
Université des sciences sociales Toulouse 1 - Master 2 Droit public des affaires 2006
  

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A. La nécessaire prise en compte des enjeux économiques et financiers

Soumis aux tensions introduites par la prise en compte renforcée des intérêts des occupants, dans le cadre d'une valorisation de son exploitation, le patrimoine public se trouve être l'objet d'une remise en cause dans ses éléments constitutifs et dans son orientation, suite aux réformes de la loi organique relative aux lois de finances et au Code des propriétés publiques. La logique de performance qu'elles introduisent et leurs solutions managériales conduisent à mieux apprécier le coût engendré par les propriétés publiques et à les considérer globalement comme des ressources valorisables (2).

Il convient toutefois de revenir, au préalable, sur l'analyse économique de la valeur du patrimoine public afin de justifier et légitimer un questionnement financier à l'égard de biens publics. En effet, c'est parce que les patrimoines ont une valeur (notamment au regard du poids des dépenses d'entretien) qu'il est possible d'envisager leur valorisation (1).

1. Réflexions sur la légitimité de l'analyse économique en droit public : le cas du droit domanial

L'analyse économique en droit vise le plus souvent, à expliquer le bien-fondé des règles juridique à travers le prisme de l'efficacité. La dimension économique de l'efficacité est généralement considérée comme étant l'apanage des privatistes plutôt que celui des publicistes. Comme l'écrit Ejan Mackaay : « (...) l'analyse économique du droit rejoint la doctrine civiliste mais l'assoit sur des fondements plus solides. »53(*). Le droit privé ayant pour objet la réglementation des rapports entre particuliers, on conçoit que des raisonnements économiques puissent fonder ces règles. En revanche, on le sait, l'objet et la finalité du droit public sont différents : celui-ci a pour préoccupation majeure l'intérêt général. A priori, une analyse économique d'un tel droit paraît sans fondement. Or, il est possible de soutenir le contraire, notamment en ce qui concerne les biens publics.

Le patrimoine comporte un actif composé de biens corporels et incorporels et un passif constitué d'obligations. Les droits patrimoniaux sont les droits qui composent l'actif d'un patrimoine. Ce sont donc des biens. On les oppose aux droits extra patrimoniaux qui ne sont pas un élément de richesse. Ces derniers touchent, en fait, à la personne. Le droit civil a proposé un critère de distinction fondé sur l'aptitude à l'évaluation pécuniaire. Seuls les droits qui sont appréciables en argent sont réputés être des droits patrimoniaux. Les droits extrapatrimoniaux sont, en revanche, rebelles à toute conversion en argent : ils ne sont pas transmissibles moyennant finances.

Les biens des personnes publiques font partie des droits patrimoniaux, d'une part parce qu'ils sont des biens et d'autre part, parce qu'ils sont susceptibles d'évaluation.

Le Tableau général des propriétés de l'Etat (T.G.P.E) rassemble les estimations financières de l'ensemble des biens de l'Etat et des établissements publics nationaux à caractère administratif, domaine public et domaine privé confondus54(*). La soumission d'un bien au régime de la domanialité publique ne constitue pas en soi un obstacle à son évaluation pécuniaire : l'inaliénabilité ne fait qu'interdire la vente des biens du domaine public, non leur estimation. Ce n'est donc pas parce qu'un bien est affecté à une utilité publique déterminée que l'on ne peut plus estimer sa valeur. La valeur vénale d'un bien correspond simplement à la somme d'argent qu'il serait juste et nécessaire de verser pour en obtenir la propriété. La valeur vénale d'un bien n'augmente ni ne diminue sous l'influence de l'affectation et de son régime. La valeur est établie au regard de la nature physique et des caractères intrinsèques La valeur des biens publics n'a donc aucune raison d'être modifiée lors de leur incorporation dans le domaine public. Mme MAMONTOFF a, du reste, démontré55(*) que le domaine public sur lequel est installée une entreprise privée qui développe une activité marchande était soumis à la loi du marché.

Les biens publics font donc partie des biens patrimoniaux. Mais ils ne bénéficient pas tous du même degré de patrimonialité. Seuls les biens librement aliénables, c'est-à-dire ceux du domaine privé, jouissent d'un niveau de patrimonialité le plus élevé : ceux-ci sont évaluables financièrement et cessibles. Les biens du domaine public se situent à un degré inférieur de patrimonialité : ils ont une valeur économique tout en étant indisponibles.

2. La patrimonialité des biens publics : aspects comptables et budgétaires

«  Il n'est pas de fonction publique qui n'ait son côté économique ; pour s'en convaincre il suffit de jeter un coup d'oeil sur un budget ! »56(*)

. Le coût d'exploitation du patrimoine public

Notre patrimoine vieillissant et mal entretenu, se dégrade vite faute d'un entretien adéquat. L'entretien exige une grande vigilance. Au cours du XXème siècle, à la différence des siècles précédents, de nouveaux équipements ont été construits sans que l'on entretienne les actifs existants. Pourtant, la valorisation des ouvrages construits repose sur une formule mathématique simple. Il suffit de prendre la valeur d'usage, c'est-à-dire la valeur de remplacement diminuée d'un pourcentage de vétusté. On estime actuellement que les travaux d'entretien ou de réhabilitation représentent chaque année le tiers du montant des travaux publics réalisés en France. Les techniciens considèrent que l'entretien d'un bâtiment requiert un budget de l'ordre de 5% du coût de la construction. Ce taux peut paraître élevé, mais il correspond à la réalité. Les collectivités le savent bien : cet entretien grève lourdement le revenu des loyers. Cette observation a une conséquence : le coût global d'un bâtiment, sur sa période d'utilisation, est un multiple du coût de la construction. Si on applique ces ratios aux collectivités territoriales, qui comptent 3 m2 de bâtiment par habitant, c'est environ 150 euros que chaque habitant doit consacrer à l'entretien du patrimoine communal pour en sauvegarder la fonctionnalité et la valeur57(*). Il faut prendre conscience que, sur soixante ou quatre-vingts années, durées de vie somme toute minimale pour un bâtiment, le coût global d'un édifice sera égal à quatre ou cinq fois son coût de construction initial et que cette observation justifie le soin à apporter à l'amélioration de la productivité de l'entretien. La plupart des auteurs estiment que les personnes publiques n'ont pas réellement pris la mesure de cet impératif d'entretien et que les sommes consacrées sont largement insuffisantes. Le manque d'entretien provient de deux éléments : le régime d'exploitation des ouvrages et la pratique contentieuse.

Les dépenses d'entretien représentent une part non négligeable, compte tenu des surfaces à entretenir. Globalement, l'entretien est géré de trois manière :

- Gestion par l'occupant, lorsqu'un tiers est utilisateur ; il n'est pas rare que l'occupant assume les charges d'entretien et que le propriétaire les prenne à sa charge sans pour autant que cela fasse l'objet d'un contrat.

- Gestion de l'entretien en régie ; à titre d'exemple, le personnel municipal est chargé d'entretenir les locaux administratifs de la ville.

- Contrats d'entretien avec des prestataires

Dans les faits, il apparaît que certains ouvrages sont surveillés mais pas forcément entretenus. C'est ce qui se passe lorsque les constructions sont exploitées en régie et non en concession. En effet, ce dernier type d'exploitation exige de la part du concessionnaire l'entretien des ouvrages qu'il construit ou qui ont été mis à sa disposition. Néanmoins, l'optimisation des contrats est souvent possible. Son effectivité conduirait non seulement, à envisager des économies mais également, à rendre l'obligation d'entretien plus systématique. La poursuite de la valorisation des patrimoines passe donc en partie par une amélioration des dispositifs gouvernant l'entretien.

Aussi depuis l'année 2000, la programmation des crédits de maintenance immobilière a été effectuée sur la base des données résultant de l'utilisation de l'outil Gestion du patrimoine immobilier (GPI). Ce catalogue de données immobilières a été mis à la disposition des services sur le site intranet du ministère de l'équipement pour la première fois en février 2001. Il sera progressivement enrichi grâce à l'analyse de l'évolution pluriannuelle des données et constitue un véritable référentiel pour les services déconcentrés leur permettant d'élaborer localement leur propre politique immobilière dans le cadre de plan pluriannuel de gestion du patrimoine58(*).

Toutefois, Les crédits d'investissement sont, selon le ministère de l'Equipement59(*), insuffisants au regard des besoins exprimés par les services. En particulier, aucune opération lourde nouvelle n'a pu être engagée sur la période 1997- 2001 (par exemple en vue de la construction neuve d'un siège d'une DDE). Les moyens budgétaires mis à disposition des services n'ont pas permis d'engager des actions significatives au-delà des premières priorités et en particulier le maintien en état du patrimoine. Aucune véritable politique de maintenance préventive n'a pu être mise en oeuvre depuis plusieurs années.

Le manque d'entretien provient aussi de l'absence d'obligation pour une personne publique d'entretenir son domaine public. Autant la règle d'inaliénabilité est depuis longtemps consacrée, autant l'existence d'une obligation d'entretien a plus de difficulté à s'affirmer. Il est vrai qu'elle s'adresse exclusivement aux personnes publiques et qu'elle fait peser des charges financières. Cette contrainte n'a jamais été formalisée expressément par la jurisprudence. Lorsqu'une telle obligation d'entretien est mentionnée, elle est toujours rapportée non au domaine public mais à un ouvrage public60(*). Pourtant l'on peut considérer qu'indirectement mais nécessairement elle a été reconnue dans un arrêt de 1963 où le Conseil d'Etat affirme que l'administration doit « assurer la conservation de son domaine public »61(*). Si le terme conservation n'équivaut pas à celui d'entretien, parce qu'il est plus général, il l'englobe. Conserver le domaine public implique en effet de préserver à la fois son intégrité et sa destination y compris de fait, ce qui oblige la personne publique responsable à l'entretenir. L'exercice de la police de la conservation, qui contraint les contrevenants à remettre les lieux en l'état ou à financer les travaux nécessaires, a été considéré par la jurisprudence comme une compétence liée. C'est dire que le juge administratif lorsqu'il impose la conservation du domaine inclut dans cette obligation son entretien.

En outre, l'obligation de l'Etat de financer les travaux d'entretien ne fait pas toujours partie des dépenses obligatoires. En revanche, en ce qui concerne les collectivités territoriales, le CGCT inscrit notamment dans les dépenses obligatoires de la commune l'entretien de l'hôtel de ville, la clôture des cimetières, leur entretien, celui des stations d'épuration des eaux usées, des voies communales62(*). La procédure d'inscription d'office permet de contraindre les collectivités au respect de l'obligation. Si de semblables dispositions n'existent pas pour l'Etat, c'est parce que le système des dépenses obligatoires a peu de sens pour celui-ci sauf à le constitutionnaliser. Il reste que comme tout propriétaire qui n'entretient pas son bien et qui, de ce fait, cause un dommage, une personne publique engagera sa responsabilité pour faute.

* 53 Colloque CREDES, Nancy II, 2000. Les références relatives à l'analyse économique sont tirées principalement de l'article de J-F CALMETTE, « Réflexions sur la valeur de l'analyse économique du droit : le cas du droit public », R.R.J, 2004

* 54 Voir infra, la mise à jour du TGPE à laquelle il a été procédé dans le cadre du champ plus global de la réforme de l'Etat et de sa gestion immobilière

* 55 « Domaine public et entreprises privées. La domanialité publique mise en péril par le marché », L'Harmattan, collection Logiques juridiques, 2003

* 56 G. JELLINEK, Introduction à la doctrine de l'Etat, Heidelberg, 1903, p. 194

* 57 Voir « La gestion du patrimoine des collectivités territoriales » de M. ESSEVAZ-ROULET, Dossier d'expert, Techni-Cités, 2004

* 58 Compte tenu de la structure et des caractéristiques du patrimoine immobilier des services déconcentrés, les objectifs principaux d'évolution du parc immobilier ne portent pas sur une augmentation des surfaces bâties mais sur l'adaptation fonctionnelle des locaux et sur la remise en état des bâtiments qui se sont dégradés au fil des années. Ces objectifs visent notamment :

- la mise en sécurité des locaux : près de 20 % des bâtiments sont confrontés à des problèmes de conformité aux normes de sécurité réglementaires (électricité, évacuation, ascenseurs,...) dont la moitié de non-conformités graves;

- la remise en état du patrimoine : 20 % des bâtiments nécessitent des interventions importantes sur la structure (gros oeuvre, étanchéité), dont une forte proportion d'interventions qualifiées de lourdes

* 59 Consulter le site www.vie-publique.fr, Rubrique découverte des institutions, ressources et dépenses de l'Etat

* 60 Voir en particulier CE, 5 avril 1962, Ministre des Travaux publics c/ Société des chaix d'Armagnac, AJDA 1962, II, p. 592, conclusion Braibant

* 61 CE, 3 mai 1963, Ministre des Travaux publics c/ Commune de Saint Brévin Les Pins, RDP, 1963, p. 1174, note M. WALINE ; CJEG 1984, p.186, note J. VIROLE ; également CE, 19 janvier 1968, Club aérien « Les Gerfauts », Recueil, p. 50 ; CE, 23 juin 1995, Ministère de la Culture et de la Francophonie, RFDA, janvier 1996, n°3, note C. LAVIALLE

* 62 Voir la liste non exhaustive (du fait de la présence de l'adverbe notamment) des dépenses obligatoires à l'article L. 2321-2 du CGCT pour les communes. Des articles similaires mais moins développées existent pour les départements et les régions.

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