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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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Les problèmes posés en terme de policy mix au sein de la zone euro : les dangers d'une régulation par le bas

Comme on n'a cessé de le répéter au cours de cette réflexion, la légitimité de l'euro repose sur un « pari économique » : faire de la zone euro une zone de croissance, de prospérité et de bien-être individuel :

« Le principal bienfait attendu de l'euro était de permettre une plus forte croissance en rendant la politique macroéconomique plus efficace et autonome »175(*).

A cet égard, on a dit que l'euro est une monnaie qui se fonde sur une confiance économique ou éthique. De même, il a été mis en évidence qu'il a été instauré à la suite d'un examen réfléchi portant sur sa viabilité et sur son bien-fondé économique et social. En ce sens, on peut considérer qu'il est le produit de la rationalité économique. Mais, après plus de six années d'entrée en vigueur, force est de constater que l'euro déçoit. La zone euro semble, en effet, en mal de croissance176(*) :

« Tous les moteurs de la croissance paraissent en panne : la consommation des ménages traîne, l'investissement des entreprises stagne et les exportations progressent moins vite que le commerce mondial dans la plupart des pays de l'Euroland. La zone euro est lanterne rouge de l'OCDE pour le taux de chômage : remonté à près de 9 %, il est presque aussi élevé qu'en 1999 »177(*).

Parmi les principales causes du mal-être de l'économie de la zone euro, figure une politique macroéconomique qui semble inefficace et qui paraît faire les frais de principes libéraux trop contraignants :

« Alors que la croissance américaine repartait dès 2002, la zone euro s'est montrée incapable de rebondir. Outre-Atlantique, la consommation des ménages a pris le relais de l'investissement défaillant, grâce au soutien d'une politique économique résolument expansionniste : la baisse rapide et massive des taux d'intérêt et le creusement non moins impressionnant du déficit budgétaire ont permis à la demande intérieure de continuer de croître à bon rythme. En Europe, au contraire, la demande intérieure a stagné » ; « L'inertie européenne est flagrante. La politique budgétaire est à peu près neutre dans la zone depuis... 1997 ! Si l'on agrège les finances publiques des Douze et que l'on corrige le solde budgétaire des variations du cycle économique, on obtient en effet une courbe désespérément plate. Rien à voir avec l'activisme budgétaire des Etats-Unis, mais aussi du Royaume-Uni [...] Du côté de la politique monétaire, c'est aussi le calme plat depuis la mi-2003. La Banque centrale n'a plus touché aux taux d'intérêt depuis plus de deux ans, alors même que l'économie européenne décevait, trimestre après trimestre, les espoirs de redémarrage et que la monnaie unique flambait par rapport au dollar, mais aussi vis-à-vis des autres principales monnaies »178(*).

L'euro instaure un cadre de régulation économique qui, en terme de configuration, s'avère tout à fait original. Avec une politique monétaire unifiée et astreinte au principe de stabilité des prix et, avec des politiques budgétaires restées à la discrétion des Etats membres mais strictement réglementées par le pacte de stabilité, se pose la question de la conduite du policy mix européen :

« Se pose la question cruciale de la nature de la policy-mix, qui constitue aujourd'hui un débat tout à fait central : comment combiner une politique monétaire unique, appliquée par la BCE, avec des politiques budgétaires restées, malgré les contraintes imposées par le pacte de stabilité, assez largement aux mains des gouvernements ? Il s'agit d'une configuration nouvelle qui ne permet guère de se fonder sur les leçons de l'histoire »179(*).

Ainsi, l'avènement de la monnaie unique européenne a conduit les Etats membres de l'eurosystème à être tributaires de la politique monétaire menée indépendamment par la BCE tandis que, de manière concomitante, ils se sont trouvés pieds liés sur le plan budgétaire avec l'entérinement du pacte de stabilité et de croissance. Par ailleurs, étant donné qu'il n'existe pas de véritable politique budgétaire européenne180(*), en l'absence d'un fédéralisme budgétaire européen, le problème qui se pose est celui de la nature et de l'efficacité du policy mix au sein de la zone euro. Le policy mix désigne l'articulation de la politique monétaire à la politique budgétaire dans le but d'obtenir un « réglage fin » qui permette d'assurer la stabilité des prix tout en réalisant un niveau de l'activité économique proche de son niveau potentiel. En outre, le policy mix permet également d'apporter une réponse en terme de politique économique lorsqu'un choc économique survient. Ceci étant, pour ce qui est de la zone euro, le problème fondamental se veut être celui de la coordination entre politique monétaire unique et politiques budgétaires décentralisées :

« L'indépendance des banques centrales vis-à-vis des pouvoirs publics a pour contrepartie l'absence de coordination entre politique budgétaire et politique monétaire. On est en présence d'un équilibre non coopératif [...] Cette incohérence du policy mix risque de conduire à la récession et à la baisse de l'emploi »181(*).

Ce faisant, l'euro a conduit à l'instauration d'un cadre de régulation macroéconomique original, qui, par ailleurs, s'apparente au libéralisme économique. Parallèlement au principe monétariste de stabilité des prix qui s'impose à la BCE, ont été institutionnalisées des règles strictes tendant à encadrer rigoureusement l'action budgétaire des Etats membres, le tout au sein d'un espace géographique qui intègre des économies aux structures économiques et sociales hétérogènes. Dès lors, de par les difficultés inhérentes à une telle configuration, on est amener à s'interroger sur la question de l'absorption des chocs asymétriques au sein de la zone euro :

« En outre, la conjoncture diffère d'un endroit à l'autre au sein d'un grand espace, et en particulier de la zone euro, soit en raison de la spécialisation [...] soit du fait du rattrapage qui conduit les pays à main-d'oeuvre bon marché à élever leur niveau de vie » ; « Il est clair que la BCE n'a pas à agir en fonction de situations locales. Elle se donne par nature pour repères des données agrégées à l'ensemble de la zone euro »182(*).

Plus largement, les mêmes difficultés interviennent pour ce qui est de la régulation des fluctuations économiques courantes auxquelles les Etats membres sont confrontés. En effet, en l'absence d'ajustement par la monnaie, par le change ou par le budget, les impératifs de l'eurosystème obligent les pays à procéder à des flexibilisation au sein du marché du travail ou/et à amoindrir les mécanismes de solidarité collective :

« Au nom de la flexibilité vue exclusivement sous l'angle de la pression sur les salariés, les gouvernements participent à l'effritement de la protection sociale sans avoir épousé l'interventionnisme qui va avec la promotion d'un libéralisme libéral. On a vu qu'ils se sont liés les mains en adoptant le pacte de stabilité et en abandonnant tout contrôle sur la BCE. Les insuffisances dans l'éducation et la recherche, le manque d'accompagnement de l'innovation, sont aussi des symptômes de l'incapacité européenne à repenser les principes de sociétés solidaires [...] Tel est le libéralisme bâtard. Il repose sur la stabilité des prix et l'équilibre budgétaire, sur la modération salariale et la réduction des dépenses sociales. Ces stéréotypes sont censés réconforter les opinions publiques des marchés financiers, mais ils aboutissent à brider en permanence la croissance potentielle »183(*).

Ainsi, dans les faits, face au « bloc » rigide et libéral macroéconomique qui a été instauré avec la mise en place de la monnaie unique européenne, les pays ont été amenés à flexibiliser leurs marchés du travail ou à s'ajuster par le biais d'autres variables telle que la fiscalité, créant, de la sorte, des inégalités à l'intérieur même des Etats :

« Mais, que faire pour sortir de l'ornière de la récession quand on ne peut plus jouer ni sur le taux de change, ni sur les taux d'intérêt, ni sur le budget ? Reste les salaires. L'Allemagne a résolument fait le choix de la déflation salariale. Les coûts salariaux unitaires y sont stables depuis 1999, alors qu'ils ont augmenté de 10 % en France et dans la moyenne de la zone euro » ; « La règle du pacte de stabilité pèse d'un poids plus léger sur les épaules des petits pays, très ouverts aux flux commerciaux et financiers [...] Pour ces pays, la stratégie économique la plus rationnelle consiste plutôt à pousser leur avantage dans la concurrence internationale. En utilisant, au besoin, l'arme de la concurrence fiscale. L'exemple de l'Irlande montre que cette stratégie peut même s'avérer très payante : les rentrées fiscales peuvent rester abondantes, dès lors que la baisse des taux d'imposition réussit à attirer une masse suffisante de capitaux [...] L'euro a certes fait disparaître les dévaluations compétitives, mais on peut se demander si l'Union économique et monétaire n'a pas déclenché une catastrophe de comportements encore plus délétères que ceux que la monnaie unique avait abolis. Car une dévaluation du change a au moins le mérite de frapper tout le monde de la même façon. L'allégement des impôts et la pression à la baisse des salaires ont en revanche des effets nettement inégalitaires au sein de chaque société »184(*).

En définitive, l'euro risque bel et bien de revêtir au regard des Etats et populations européennes le costume de « monnaie antisociale », ce qui pourrait le mener, en l'absence de résultats économiques satisfaisants, à sa perte. En effet, à défaut de confiance symbolique, seule la confiance éthique légitime la monnaie. Cette dernière implique le maintien de l'unité de compte, certes, ce qui paraît trivial, mais, surtout, elle repose sur des espérances de prospérité. Or, sur ce point, la zone euro ne semble pas être à la hauteur des espoirs qui avaient été placés en elle. D'ailleurs, le « tabou de l'abandon de l'euro » semble désormais écarté :

« Dans ces conditions, comment s'étonner de la désaffection dont souffre l'euro auprès des opinions publiques et de la tentation du retour en arrière qui pointe dans certains discours politiques ? » ; « `L'euro est un mariage à l'ancienne, de ceux qui se faisaient quand le divorce n'existait pas', déclarait début juin (2005) le commissaire européen Joaquin Almunia. Une forme de réponse aux propos de Roberto Maroni, ministre italien membre de la ligue du nord, qui envisageait début juin une réintroduction de la lire. Au même moment, le ministre allemand Wolfgang Clement faisait lui aussi part de ses doutes sur les bienfaits de la monnaie unique en Allemagne. Il est significatif que ces propos nous parviennent de deux grands pays de la zone, tous deux économiquement très mal »185(*).

Maintenue uniquement par l'économique, à la lumière de l'ensemble de la réflexion réalisée, l'euro apparaît « logiquement » comme étant une monnaie fragile et vulnérable. C'est justement ce que semble suggérer Michel Aglietta :

« Aujourd'hui, le risque majeur serait celui d'une forte récession, liée aux énormes déséquilibres accumulés dans l'économie mondiale [...] Les responsables politiques auraient besoin de récupérer à tout prix toutes leurs marges de manoeuvre. Dès lors, soit l'Union se montre capable de prendre dans l'urgence les mesures qui s'imposent pour mettre en commun tous les outils de politique économique, soit... Il suffirait qu'un seul grand pays reprenne son indépendance monétaire et pratique la dévaluation compétitive, et l'UEM n'y résisterait pas. Ce serait évidemment la pire des solutions, mais le fait qu'une décision soit irrationnelle n'empêche pas qu'elle soit prise. L'éventualité d'une telle crise montre que la confiance dans la monnaie ne peut se passer d'une souveraineté politique qui la légitime dans une situation de choc fort »186(*).

Avec des résultats au-deçà de ceux qui étaient attendus, l'eurosystème semble décevoir. C'est pourtant l'avenir d'une monnaie, l'euro, qui, à moyen terme, se joue peut-être. Effectivement, comme on l'a vu précédemment, pour assurer sa pérennité en tant que fait institutionnel, la monnaie doit apparaître comme légitime au regard de la société. A ce titre, avec le recul de l'analyse menée dans le cadre de cette réflexion, l'euro semble menacé. C'est ainsi assez logiquement qu'il appelle très vraisemblablement à plusieurs réformes.

* 175 Sandra Moatti, Pourquoi l'euro ne tient pas ses promesses in Alternatives économiques (précédemment cité) : p. 50.

* 176 Au cours de la période 2002-2004, le taux de croissance de la zone euro a enregistré la plus faible progression parmi les taux de croissance des principales économies de l'OCDE. Alors que la croissance américaine augmentait de 3,1 % au cours de la période, celle du Royaume-Uni de 2,4 % et celle du Japon de 1,3 %, le taux de croissance de la zone euro s'élevait quant à lui à 1,1 % (source : OCDE).

* 177 Idem, p. 50.

* 178 Ibid. p. 51 ; 52.

* 179 Arcangelo Figliuzzi, L'économie européenne (précédemment cité) : p. 94.

* 180 La politique budgétaire européenne s'avère quasi inexistante et reste majoritairement absorbée par la politique agricole commune (PAC).

* 181 Denise Flouzat, Les stratégies monétaires (précédemment cité) : p. 122.

* 182 Robert Raymond, L'euro et l'unité de l'Europe (précédemment cité) : p. 60 ; 61.

* 183 Michel Aglietta, Espoirs et incertitudes suscités par l'euro in L'argent (précédemment cité) : p. 252.

* 184 Sandra Moatti, Pourquoi l'euro ne tient pas ses promesses in Alternatives économiques (précédemment cité) : p. 57.

* 185 Idem, p. 57 ; 56.

* 186 Contribution de Michel Aglietta à l'article de Sandra Moatti, Pourquoi l'euro ne tient pas ses promesses in Alternatives économiques : p. 58.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote