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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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B. Asseoir la souveraineté de l'euro : l'heure des réformes ?

Dans l'impossibilité de pouvoir s'appuyer sur une union politique préexistante, l'union monétaire européenne s'est constituée en s'affranchissant du politique, justifiant ainsi son bien-fondé par une promesse de prospérité future. Mais, en mal de performances économiques, la zone euro semble chercher un équilibre depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle monnaie européenne au 1er janvier 1999. L'euro a conduit à l'instauration d'une gouvernance économique européenne originale, complexe et porteuse d'éléments de fragilité. Or, à terme, cette déficience risque de miner la légitimité de la monnaie unique. C'est pourquoi, même s'il est très nécessaire de laisser le temps au temps, la zone euro semble devoir opérer des réformes afin de préserver la souveraineté de sa monnaie, et ce, tant sur le plan économique, politique que social.

Reconsidérer le dispositif de gouvernance économique européen ?

Reposant sur des principes économiques libéraux, la gouvernance économique de la zone euro peut être caractérisée de deux manières. D'une part, elle établit une configuration originale et complexe, qui rend difficile la conduite du policy mix européen. D'autre part, elle se fonde sur des principes rigoureux, valables pour l'ensemble de la zone euro, faisant d'elle une zone d'austérité macroéconomique. Dès lors, en l'absence de résultats probants187(*), plusieurs réformes peuvent être envisagées afin de raffermir l'efficacité et la légitimité de l'union monétaire dont est tributaire la pérennité de l'euro.

D'abord, on peut penser que le principe de stabilité des prix assigné à la BCE demeure trop étroit et trop strict, d'autant plus que la vigueur de la concurrence au sein du marché unique exerce une pression négative sur les prix. Sur ce point, la BCE se distingue nettement des autres grandes banques centrales. Rappelons à cet égard que la FED est investie d'une triple mission qui, au-delà de l'économique, intègre une visée sociale. Soucieuse de la croissance et du plein-emploi de l'économie américaine, cette dernière mène une politique monétaire pragmatique, c'est-à-dire adaptée à la conjoncture. Or, la politique monétaire conduite par la BCE semble trop rigide. Qui plus est, eu égard au fonctionnement politique complexe qui régit le fonctionnement de l'Union, l'ancrage de l'objectif de stabilité des prix au sein du traité de Maastricht le rend difficilement révisable ; il paraît plus aisé d'abroger ou de réviser une loi nationale qu'un traité international. A ce titre, la BCE devrait être davantage insérée au sein du débat démocratique. Seule instance politique européenne dont les membres sont élus au suffrage universel direct, le Parlement européen devrait peut-être être investi de plus de prérogatives qui lui permettent d'émettre un avis ou d'infléchir la politique monétaire européenne en dernier ressort. En effet, l'indépendance de la BCE ne doit pas représenter une perte de contrôle totale pour les Etats-nation européens. Peut-être serait-il normal, à l'instar de la FED, que cette dernière soit évaluée par une instance démocratiquement souveraine ayant la capacité, si cela est nécessaire, de modifier législativement les statuts de la BCE. Cela ne contredirait pas l'indépendance de la BCE mais resserrait la marge d'autonomie dont elle bénéficie actuellement. Il semble en effet anormal qu'une telle institution reste sans réactions suite aux critiques majoritaires émanant d'une assemblée représentative des intérêts nationaux188(*). Comparativement, la FED et la Banque centrale britannique jouissent d'une indépendance mieux maîtrisée, ce qui permet à la nation d'avoir un droit de regard indirect sur les orientations et les stratégies des autorités monétaires :

« Le statut de la banque centrale européenne (BCE) pousse à l'extrême le principe de séparation des pouvoirs appliqué à l'économie. Les banques centrales américaine (Fed) et britannique sont certes elles aussi indépendantes, mais il s'agit d'une indépendance technique, non politique. Aux Etats-Unis, le `pouvoir monétaire appartient, selon la Constitution, au Congrès, il le confie à la banque centrale, mais celle-ci doit lui rendre régulièrement des comptes. Il dispose surtout d'une arme de dissuasion massive, c'est qu'il peut changer les statuts de la Fed', explique Eloi Laurent »189(*).

Par ailleurs, toujours pour ce qui est de la politique monétaire, il peut s'avérer pertinent de repenser la composition et le fonctionnement du Conseil des gouverneurs dans l'optique de faire de l'organe clef de la BCE une instance directrice plus réactive et plus indépendante des intérêts nationaux afin de renforcer l'objectivité et l'efficacité en matière décisionnelle. Il serait ainsi envisageable de diminuer le nombre de gouverneurs siégeant au conseil de politique monétaire et de doter les résidents d'une investiture politique limitée dans la durée, indépendamment de leurs pays d'origine.

Ensuite, pour ce qui est du domaine budgétaire, de nombreuses réformes sont également concevables et, en premier lieu, celles ayant trait au pacte de stabilité. Notamment, le seuil des « 3 % » est jugé arbitraire et non significatif par certains économistes qui préfèrent la notion de « déficit structurel190(*) » à celle de « déficit total ». En ne distinguant pas les causes à l'origine du déficit, le pacte semble avoir retenu une conception trop étroite de la stabilité budgétaire : est-ce que le déficit est imputable à une mauvaise gestion des finances publics, à des investissements nécessaires pour l'économie et source de retombées positives (recherche, éducation, infrastructures...) ou à un impératif conjoncturel ? :

« Le pacte ne fait aucune discrimination entre les causes des déficits publics, selon qu'ils sont liés à un ralentissement temporaire de l'activité, à un effort d'investissement ou à une mauvaise utilisation des fonds publics. Alors que dans le premier cas le déficit joue son rôle de stabilisateur conjoncturel, et qu'il prépare la croissance à long terme dans le second, il ne traduit dans le troisième cas que l'inefficacité de l'Etat. En mettant toutes ces causes sur le même plan, le pacte ne crée aucune incitation pour les Etats à redéployer leurs dépenses publiques au profit des dépenses en capital porteuses de croissance à long terme. Il risque en revanche de les laisser s'enliser dans un ralentissement conjoncturel »191(*).

Aussi, le pacte de stabilité semble inégalement sanctionner les pays ; les « grands » pays semblent plus touchés que les « petits » pays. Ce qui semble se confirmer au regard des chiffres car parmi les trois plus « mauvais élèves » de la zone euro en matière budgétaire figurent l'Allemagne et la France, tandis que l'Irlande, la Finlande et la Belgique sont les seuls pays qui présentent des soldes budgétaires positifs192(*) :

« Mais la règle des 3 % a un autre défaut : derrière son apparente uniformité, elle s'applique en réalité plus durement aux `grands' pays qu'aux `petits' [...] En effet, les grands pays qui subissaient déjà des taux d'intérêt réels relativement plus élevés que les autres, du fait d'une moindre inflation, ont été les premiers à se heurter aux contraintes du pacte »193(*).

Mais, surtout, avec une politique monétaire centralisée, intangible et focalisée sur la stabilité des prix, la limite des 3 % de déficit budgétaire empêche les pays de procéder à des régulations budgétaires en cas de choc économique :

« Or la mise en oeuvre du pacte de stabilité est au coeur du débat depuis septembre 2002 et la nette dégradation conjoncturelle à laquelle doit faire face l'Union européenne, dans un contexte de risques géopolitiques majeurs. En effet, plusieurs pays [...] ont des déficits publics déjà à la limite des 3 % du PIB tolérés. Réduire ces déficits de 0,5 point de PIB [...] reviendrait à abandonner toute idée de relance et aggraverait le caractère procyclique de la politique économique actuelle suivie en Europe : poursuivre une politique de réduction des déficits budgétaires en période de récession et à accroître l'amplitude du cycle »194(*).

Le pacte de stabilité a été modifié le 25 mars 2005. Cette réforme dénote, de la part des autorités politiques européennes, une certaine volonté de flexibiliser des normes jugées « trop rigides » qui étaient assez largement décriées :

« Le nouveau pacte est incontestablement plus `intelligent' que l'ancien. Tout en conservant officiellement la référence à un plafond de 3 % pour le déficit, il assouplit son application dans les périodes de ralentissement. Mais il ne la durcit pas dans les périodes d'expansion » ; « Le nouveau pacte modifie aussi l'objectif de moyen terme : les Etats membres ne devront plus viser un budget `en équilibre ou en excédent', mais un objectif qui dépendra des conditions particulières de chacun, notamment du niveau de la dette publique et de la croissance potentielle. Un aménagement de bon sens, mais pas une véritable règle d'or, qui aurait permis de sortir les dépenses d'investissement du calcul du déficit »195(*).

Néanmoins, si la réforme du pacte de stabilité apparaît comme une avancée de bon sens, il n'en reste pas moins que la piste menant au fédéralisme budgétaire semble bouchée. Alors que le problème de l'absorption des chocs asymétriques amène à ouvrir le débat sur la nécessité de doter l'Union d'un budget fédéral capable d'intervenir efficacement en cas de crise sur l'ensemble de la zone, les responsables européens, à défaut de parvenir à un consensus, paraissent pour l'instant vouloir laisser les choses en l'état : une coordination a minima, c'est-à-dire des budgets nationaux encadrés par des règles communes de « bonne conduite ». L'opposition entre les tenants d'un fédéralisme budgétaire impliquant d'accentuer le processus d'intégration européen et les partisans d'une Europe inter-étatique permettant de préserver en grande partie l'autonomie des Etats membres est toujours prégnante. Les points de divergences y sont multiples196(*) ; c'est le principe de solidarité financière au sein même de l'Union qui est directement menacé.

En outre, comme on l'a dit précédemment, les problèmes en terme de régulation macroéconomique qui se posent au sein de la zone euro font courir la menace d'une régulation par le bas comme ultime moyen d'ajustement pour les Etats membres de l'eurosystème. Or, sur ce point, les travaux de Robert Mundell197(*) suggèrent une solution alternative si la zone monétaire concernée est dite « optimale198(*) ». Plusieurs paramètres sont à prendre en considération pour juger de l'optimalité d'une zone d'intégration monétaire. Deux éléments semblent être pertinents. D'une part, partant de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo199(*), Robert Mundell reconsidère l'hypothèse d'immobilité des facteurs de production au niveau international. Dès lors, en cas de choc asymétrique, si la mobilité du capital et du travail est suffisamment fluide au sein de la zone, alors il se produit un effet de compensation sur l'ensemble du territoire qui tend à résorber les déséquilibres d'une région à une autre. D'autre part, l'existence d'un fédéralisme budgétaire s'avère être un élément prééminent en ce que l'intégration fiscale, ou budgétaire, tend à réduire par le biais de politiques appropriées les déséquilibres survenus.

Il en résulte qu'au regard des éléments de définition de la zone monétaire optimale, le doute subsiste sur l'optimalité de l'union économique et monétaire européenne. En effet, avec une mobilité de la main-d'oeuvre extrêmement réduite et avec un budget communautaire représentant à peine plus de 1 % du PIB de l'Union, les mécanismes de compensation intra-zone sont quasi inexistants, et ce, d'autant plus que la BCE mène une politique monétaire « passive ». Au-delà, l'Union apparaît comme un espace fortement hétérogène où subsistent de nombreuses barrières à la fois sociales, politiques et économiques. Aussi est-on amené à penser une nouvelle fois que l'absence d'une intégration politique plus poussée fait défaut. En voulant bâtir une union économique et monétaire sur une base politique et sociale indéterminée, les instigateurs du projet européen ont pris des risques car, aujourd'hui, force est de constater que l'union politique aurait permis d'aboutir sur un certain nombre de points laissés en suspens par faute d'unité de fond. En conséquence, on est conduit à penser que la sauvegarde de l'union monétaire européenne passera très certainement par une intégration économique, sociale et politique renforcée, ce qui devrait prendre du temps, à moins que l'Union se heurte à de nouveaux blocages du fait d'intérêts et de points de vue trop divergents...

* 187 Notamment du point vue d'autres économies tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, etc.

* 188 Comme cela s'est produit le 5 juillet 2005 lorsqu'une majorité de parlementaires européens ont fait part de leur désapprobation vis-à-vis de la politique monétaire menée par la BCE.

* 189 Sandra Moatti, Pourquoi l'euro ne tient pas ses promesses in Alternatives économiques (précédemment cité) : p. 53.

* 190 La notion de déficit structurel invite à appréhender le déficit budgétaire dans une logique temporelle selon laquelle les investissements publics réalisés aujourd'hui engendrent des coûts et des retombées qui s'échelonnent dans une logique de long terme.

* 191 Idem, p. 56.

* 192 L'Allemagne et la France présentaient en 2004 des déficits publics égaux à -3,7 % de leurs PIB respectifs, alors que dans le même temps la Belgique, l'Irlande et la Finlande arboraient des soldes positifs respectivement égaux à +0,1 %, +1,3 % et +2,1 % de leurs PIB (source : Eurostat).

* 193 Ibid. p. 56.

* 194 Arcangelo Figliuzzi, L'économie européenne (précédemment cité) : p. 99.

* 195 Sandra Moatti, Pourquoi l'euro ne tient pas ses promesses in Alternatives économiques (précédemment cité) : p. 59 ; 60.

* 196 Il semblerait que l'Union ne soit pas près d'instaurer un fédéralisme budgétaire. Plusieurs paramètres semblent entraver cette perspective, surtout en ce qui concerne la question du prélèvement et de l'allocation des recettes (la PAC est notamment fortement décriée car les dépenses agricoles absorbent la majorité des dépenses communautaires, de même que les écarts de développement entre les pays s'avèrent source de conflit en terme de redistribution...).

* 197 Robert Mundell, The theory of optimum currency areas in American economic review, septembre 1961.

* 198 Au sens de Robert Mundell, une zone monétaire optimale est une zone d'intégration monétaire où l'absorption des chocs asymétriques est assurée par d'autres mécanismes que la manipulation des taux de change des économies de cette zone.

* 199 David Ricardo part du fait que la théorie des avantages absolus d'Adam Smith exclut du commerce international tout pays qui n'aurait pas d'avantage absolu. Or, selon Ricardo, même si un pays n'a pas d'avantage absolu, il a tout de même intérêt à s'ouvrir au commerce extérieur. David Ricardo propose donc un élargissement de la théorie d'Adam Smith ; chaque pays doit se spécialiser dans le secteur où il est le moins désavantagé et, au final, l'ouverture est toujours plus favorable que l'autarcie. En outre, David Ricardo présuppose une hypothèse centrale : l'immobilité des facteurs de production au niveau international.

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