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L'engagement francais dans le processus d'internationalisation des droits de l'homme


par Aurelia Kergueno epouse Peuch
Université Pierre Mendes France de Grenoble - DEA "histoire, droit, droits de l'homme" 1996
  

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B-Quelques facteurs d'immobilisme

1-Au regard des Pactes

Toute entreprise de rédaction d'une convention des droits de l'homme comporte l'affront d'un nombre infini de points de friction entre l'homme et l'Etat. Les Etats qui discutèrent des projets de Pactes d'application de la Déclaration universelle craignaient de créer une catégorie d'Etats privilégiés qui, ayant repoussé eux-mêmes tout contrôle international, pourraient, par Etats, organisations ou particuliers interposés, s'immiscer dans les affaires intérieures des Etats contractants211(*).

Les Pactes devaient être non seulement à la fois conservateurs (pour s'assurer la ratification de tous les Etats membres) et progressistes (pour promouvoir les droits de l'homme) mais aussi à la fois assez largement conçus (pour que des conventions particulières puissent venir s'y intégrer par la suite sans remaniements) et assez précis (pour ne pas présenter de lacune permettant à un Etat malhonnête d'y contrevenir.

En 1951, le Secrétariat des Conférences du ministère des Affaires Etrangères écrivait, dans une note adressée au Ministre concerné, ce qui suit212(*):

"Dans le cadre des Nations Unies, les difficultés que présentent actuellement la conclusion d'un tel Pacte sont quasi insurmontables."

Par leurs incidences, deux facteurs expliquaient pour le Secrétariat cette situation.

Le premier résidait dans l'origine coloniale de la majorité de l'Assemblée générale. Il conduisait l'Assemblée à tourner le Pacte en une "machine de guerre pour la désintégration des puissances coloniales" De ce fait, il éveillait la méfiance de certaines de ces puissances, telles la France.

Le second facteur était constitué par la présence dans le monde de deux idéologies contradictoires.

"[Ce facteur] incite les Etats totalitaires à prendre une position particulière par rapport aux droits à reconnaître et, d'autre part, les rend irréductiblement hostiles à toute limitation de leur souveraineté en faveur d'une communauté internationale où ils se trouvent en minorité. Le zèle de beaucoup d'Etats démocratiques s'en trouve par contre-coup diminué, ces Etats répugnant à trop s'engager dans un Pacte dont ils savent être seuls à assumer les obligations."

Le Secrétariat des Conférences ajoutait que l'atmosphère de conflit qui régnait dans le monde faisait apparaître à chaque Etat plus précieuse que jamais sa liberté d'action sur les personnes relevant de sa compétence.

2-Au regard des mesures de contrôle

Les mesures de contrôle du respect des termes de la Convention devaient, comme on l'a dit, être insérées dans les textes des Pactes. Cependant, dans le travail de rédaction, les discussions portant sur les droits protégés et celle concernant ces mesures étaient engagées de façon séparée.

Après avoir écarté le droit de pétition des particuliers et des organisations qui avait été revendiqué par René CASSIN, la Commission des droits de l'homme s'était prononcée lors de sa troisième session, en faveur du droit de plainte des Etats et de la création d'une Commission de contrôle.

a) Oppositions à la Commission consultative

A ce propos, des oppositions eurent lieu au sein de la Commission consultative française213(*). La majorité préconisait en effet un recours devant une haute juridiction internationale, comprenant une procédure d'enquête et de conciliation confiée à un Parquet international, cette enquête devant être menée à la fois en droit et en fait. De son côté, la minorité s'était opposée au projet qu'elle tenait à la fois pour utopique et dangereux:

"Utopique, car l'opinion internationale ne lui semblait pas encore mûre pour la création d'une juridiction pénale internationale appliquée aux droits de l'homme. Dangereux, parce que la france, pays libéral, ne cherchera pas à étouffer les pétitions dirigées contre elle, et qu'au surplus, administrant des territoires d'Outre-Mer, elle risque de se trouver devant une inflation de pétitions dont certaines pourraient être gênantes."

Estimant qu'une attitude purement négative n'était pas possible, la minorité se prononçait pour l'institution d'une Commission de onze membres désignés par l'Assemblée générale et ayant un simple pouvoir de recommandation. Cette commission devait pouvoir faire des enquêtes limitées à l'étude des textes législatifs ou réglementaires ou d'actes d'exécution, sans être habilitée à procéder à des investigations sur place. Au cas où la recommandation n'aurait pas eu d'effet, un recours à la Cour internationale de justice devait pouvoir être envisagé.

Le projet de la Commission consultative d'avril 1948 prévoyait finalement les deux thèses (articles 21 à 34). Une Commission de contrôle devait être composée de onze membres désignés par l'Assemblée générale et sieger à Genève. Elle devait contrôler les dispositions législatives, administratives et juridictionnelles en vigueur dans chacun des pays contractant en vue de vérifier leur conformité avec la Convention. Elle devait pouvoir être saisie d'une requête émanant d'un Etat, d'une organisation non gouvernementale ou d'un particulier. Après examen, la Commission adressait des recommandations aux Etats, aux autres organes de l'O.N.U. ainsi qu'à d'autres organisations internationales. Elle pouvait demander un avis consultatif à la Cour de justice.

Par ailleurs, la Commission consultative avait initialement prévu dans son projet de pacte un article 33 qui avait imaginé la "possibilité d'instituer une procédure juridictionnelle internationale qui serait mise en mouvement par un ministère public agissant pour le compte des Nations Unies". La Commission ne fut apparemment pas suivie par le Ministre qu'elle conseillait, car l'article fut éliminé du projet.

b) une situation inextricable

Le texte qui avait reçu l'accord de la Commission des droits de l'homme lors de sa troisième session fut transmis au Conseil économique et social, qui lui même le transmit à l'Assemblée en la priant de se prononcer sur la question de savoir si les mesures d'application et de contrôle étaient satisfaisantes214(*). Celle-ci remit tout en question en invitant dans une résolution la Commission des droits de l'homme à examiner le cas des pétitions que des particuliers et organisations pouvaient présenter pour se plaindre de la violation du Pacte.

Finalement, seul l'article visant l'obligation de ne pas formuler une clause coloniale reçut une forme définitive en 1951, fait significatif là aussi du climat régnant sur l'Assemblée générale215(*). Le Secrétariat des Conférences cite le libellé du paragraphe 2 de la résolution de l'Assemblée216(*) en expliquant que celui-ci montrait mieux que ne pouvaient le faire de longs développements:

"les raisons qui ont inspiré le texte précédent et l'état d'esprit de la plus haute instance internationale où la démagogie et un idéologisme quelque peu aveugle l'emportent sur le sens du réel chaque fois que les passions anti-colonialistes s'y donnent libre cours."

La situation apparaissait en effet inextricable. Aucun accord ne parvint à se dessiner quant à la rédaction des articles définissant les droits reconnus. Il fallut attendre le 16 décembre 1966 pour sortir de l'impasse et voir l'Assembléé générale adopter les deux Pactes qui entrèrent en vigueur en janvier et mars 1976, malgré l'hostilité ou l'indifférence d'Etats comme la Chine, les Etats-Unis, le Japon, le Brésil, le Mexique, les Etats les plus développés du continent africain (Zaïre excepté), la Grèce, la Turquie... et la France, seul membre de la Communauté économique européenne d'alors à ignorer totalemnt les Pactes217(*). Pour Jacques MORGEON, professeur à l'Université de Sciences sociales de Toulouse, le dédain français pour les Pactes s'appuyait sur un "nationalisme orgueilleux". qui devait également expliquer la longue ignorance de la Convention européenne des droits de l'homme, et la réticence avec laquelle la France y est devene partie218(*).

* 211 Archives diplomatiques, carton O.N.U. 385, Note du Secrétariat des Conférences pour le Ministre, 24/01/1951, p.3.

* 212Idem.

* 213 Archives diplomatiques,, carton O.N.U. 382 Note du Secrétariat des Conférences du 29/4/1948.

* 214 Archives diplomatiques, carton O.N.U. 385, Note du Secrétariat des Conférences du 24/01/1951.

* 215 Texte de l'article: "Les dispositions du présent pacte s'étendront ou seront applicables également au territoire métropolitain d'un Etat signataire et à tous les territoires qu'ils soient [non autonomes, sous tutelle ou coloniaux qu'administre ou gouverne cet Etat".

* 216 texte concerné: "L'Assemblée prie le Conseil économique et social d'inviter le Commission des droits de l'homme à étudier les voies et moyens qui garantissent aux peuples et aus Nations le droit de disposer d'eux-mêmes et à rédiger à cet égard des recommandations [...]".

* 217 Jacques MOURGEON, Annuaire français de droit international, 1978, p.295.

* 218 Ibidem, p.296.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon