WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire

( Télécharger le fichier original )
par Elisabeth Druel
Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§ 3 : La question du bénévolat

Un dernier type d'acteur, particulier au monde associatif, va pouvoir intervenir sur le chantier de construction, et plus largement, de la conception jusqu'à la phase d'exploitation du navire : il s'agit du bénévole.

Le bénévole pratique le bénévolat, c'est-à-dire qu'il participe au fonctionnement de l'association sans percevoir, en contrepartie, aucune rémunération sous quelque forme que ce soit. Il n'existe aucune définition juridique précise du bénévole, et il faut se référer en la matière à une définition donnée par le Conseil économique et social, qui considère comme bénévole « celui qui s'engage librement pour mener une action non salariée en direction d'autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. »57(*) .

Tout à fait concrètement, plusieurs questions vont pouvoir se poser aux membres de l'association « Le Cargo solidaire » concernant cette pratique du bénévolat : toutes les rémunérations sont-elles exclues pour un bénévole ? Quel régime de responsabilité de l'association si, par exemple, un bénévole se blesse sur le chantier ? Quelles assurances ?

- L'exclusion de toute rémunération

Le bénévolat se caractérise donc par l'absence de toute contre partie financière : les bénévoles qui ont participé, participent ou participeront à l'élaboration du projet « Le Cargo solidaire » ne peuvent toucher aucune rémunération, que ce soit en espèces ou sous la forme d'avantages en nature. Ainsi, vont être exclues les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail comprenant les salaires et gains, bien évidemment, mais aussi les indemnités de toute nature, les primes, les gratifications et tous les avantages en argent. Les avantages en nature (« prestations fournies gratuitement par l'employeur au bénévole ou moyennant une participation très modique du bénévole, très inférieure à la valeur réelle des prestations ») sont eux aussi exclus. Ils comprennent notamment l'hébergement ou le logement du bénévole par l'association, les repas (les bénévoles travaillant sur le chantier devront emmener de quoi déjeuner, ou encore payer leur repas à l'association au prix réel), la mise à disposition d'un véhicule, et, de façon générale, la participation financière de l'association à toute dépense incombant normalement au bénévole.

Les seules exceptions à ce principe très strict concernent les petits cadeaux et les récompenses qui peuvent être éventuellement distribués, quand ils ne sont qu'occasionnels et ne présentent pas un caractère excessif.

Le risque, si des avantages en espèces ou en nature sont versés à des bénévoles par l'association, est la requalification de l'activité bénévole en activité salariée et donc de l'avantage en cause en salaire, à la condition toutefois que les bénévoles aient exercé leur activité dans le cadre d'un lien de subordination avec les responsables de l'association58(*). Si la requalification a lieu, le danger pour l'association est de voir s'appliquer la législation en matière de droit social classique, et notamment la législation sur les accidents du travail (si, par exemple, un accident survient sur le chantier de construction).

Cependant, les bénévoles de l'association « Le Cargo solidaire » pourront être défrayés de certaines dépenses engagées pour le compte et dans l'intérêt de l'association et percevoir ainsi des remboursements de frais. Ces remboursements de frais, pour ne pas être requalifiés d'avantages en espèces ou en nature, et ainsi subir le risque de voir l'activité bénévole requalifiée en activité salariée, obéissent à un régime strict.

Les remboursements de frais pourront également consister en versements d'allocations forfaitaires pour frais professionnels. Dans ce cas, il faudra faire particulièrement attention à ne pas franchir la frontière entre le strict dédommagement des dépenses engagées par le bénévole et le versement d'indemnités susceptibles d'être assimilées à un salaire déguisé.

En effet, pour ne pas faire disparaître la qualité de bénévole, les remboursements de frais doivent correspondre à des dépenses réelles et justifiées pour le bénévole dans le cadre de son activité associative59(*). Dans le cas des remboursements sous forme d'allocations forfaitaires, trois conditions doivent être remplies pour ne pas risquer la requalification en salaire : ces allocations doivent être utilisées conformément à leur objet, c'est-à-dire dans l'intérêt même de l'association ; elles ne doivent pas dépasser les dépenses réelles engagées par les bénévoles ; elles doivent présenter un caractère exceptionnel. Il faut également noter que les organismes sociaux et les juridictions ne sont pas liés par la qualification donnée par les parties aux sommes engagées. Des indemnités de déplacement ou des remboursements de frais seront requalifiés en salaire s'ils ne correspondent pas à des dépenses réellement engagées. Pour éviter cette situation, il est généralement conseillé de laisser à la charge du bénévole une partie des frais engagés par lui.

La question sera particulièrement importante dans le cadre d'un contrôle de l'URSSAF. Dans ce cas, l'association doit prouver que les remboursements de frais correspondent bien à des dépenses réelles et justifiées, c'est à dire apporter la preuve que les sommes versées aux bénévoles correspondent effectivement au remboursement des frais engagés par ceux-ci dans le cadre de leur activité. A cette fin, il n'est que trop conseillé à l'association « Le Cargo solidaire » de conserver les justificatifs des remboursements de frais pendant trois ans, plus ceux de l'année en cours60(*). Ces justificatifs comprennent entre autres les titres de transports, les factures d'essence, de restaurant, etc...

- Responsabilité et assurances

Ici, c'est le statut même du bénévole qui est mis en cause. Que va-t-il se passer si, par malheur, un accident survient sur le chantier de construction navale ? Le bénévole ne peut prétendre au régime des accidents du travail, il n'a droit à aucune protection particulière et continue de relever du régime de protection sociale acquis du fait de son statut principal. La reconnaissance d'un statut juridique du bénévole est en cours, depuis le décret du 5 mai 1995 créant la Fondation du bénévolat. A long terme, le bénévole pourra disposer d'une carte de bénévole lui permettant de bénéficier, en cas de sinistre, d'une garantie en matière de responsabilité civile et d'une assurance individuelle en cas d'incapacité permanente ou partielle ou de décès accidentel.

Mais ce statut n'est pas encore entré en vigueur. En cas d'accident survenu sur le chantier, lorsque le bénévole participe donc à une activité ou au fonctionnement de l'association, c'est la responsabilité civile de l'association qui va être engagée, à condition qu'une faute puisse lui être reprochée. Il faut noter que dans un souci de protection des victimes, les tribunaux admettent très facilement la faute de l'association. Les juges considèrent qu'existe une convention tacite d'assistance entre le bénévole et l'association, convention servant de fondement à une indemnisation61(*). Les fautes entraînant la responsabilité de l'association sont, par exemple, le défaut de surveillance ou encore une sécurité mal assurée.

Il est donc particulièrement recommandé à l'association « Le Cargo solidaire » de conclure un contrat d'assurance responsabilité civile pour couvrir les risques encourus par les bénévoles, dans la mesure où ils ne sont pas pris en charge au titre de l'assurance « accident du travail ». En cas d'absence d'assurance, le montant des dommages et intérêts à payer peut être extrêmement lourd, et il faut de plus noter que l'association peut se retourner contre ses dirigeants pour leur reprocher de ne pas avoir contracté une telle assurance. Lors de la conclusion du contrat d'assurance, il faudra lire très attentivement toutes les clauses du contrat, et notamment les clauses d'exclusion de garantie, pour vérifier que certaines fautes de l'association ne sont pas exclues de la garantie offerte par l'assureur. De plus, il est souhaitable de vérifier que les bénévoles ont souscrit des assurances particulières.

Il faut mentionner un cas particulier d'assurance, qui pourrait s'appliquer à l'association « Le Cargo solidaire ». Les organismes d'intérêt général définis par l'article 200 du Code Général des impôts62(*) ont la faculté, depuis la loi du 27 janvier 1993, de souscrire une assurance couvrant les risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles de leurs bénévoles. L'association « Le Cargo solidaire », en tant qu'organisme d'intérêt général ayant un caractère social, éducatif, scientifique, humanitaire, peut légitimement prétendre à cette faculté. L'association devra en plus démontrer que l'exploitation de son activité n'est pas lucrative (ce qui est le cas), et que sa gestion est totalement désintéressée, et ne procure aucun avantage direct ou indirect à ses membres.

Etant donné la durée de vie du chantier et la dangerosité potentielle de l'activité entreprise, il n'est que trop conseillé de souscrire une telle assurance.

* 57 Conseil économique et social, avis du 24 février 1993 relatif au développement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901.

* 58 Selon la jurisprudence, le lien de subordination est caractérisé principalement par trois éléments : la soumission à des directives et à des contrôles ; l'intégration dans un service organisé par l'association ; le profit retiré par l'association de l'activité de ses collaborateurs.

* 59 Ainsi, il a été jugé que des professeurs de faculté se livrant à des activités de recherche pour une association ont le statut de bénévoles lorsque, pour ces activités relevant de leurs connaissances et de leur expérience et ayant un caractère très ponctuel, les intéressés reçoivent des sommes destinées à couvrir uniquement leurs frais de déplacement, de documentation, d'achat ou de location de matériel (Cass. soc., 30 janvier 1985, BS Lefebvre 4/95).

A contrario, une rétribution variable en fonction de l'importance des interventions du collaborateur présente le caractère de salaire et non de remboursement de frais. C'est le cas d'étudiants en médecine employés comme auxiliaires médicaux et recevant des indemnités directement liées au nombre de leurs interventions (Cass. soc., 12 février 1985, Bull. civ. 1985-V, p.76, n°102).

* 60 Durée correspondant à la durée de prescription en matière de cotisations de sécurité sociale sur salaires et au délai de reprise de l'URSSAF et de l'administration fiscale (Code de la Sécurité Sociale, article 153).

* 61 Ainsi, l'organisateur d'une kermesse fut condamné à indemniser un bénévole qui tenait le stand de tir et avait été blessé par une balle. Les juges considéraient que l'association à laquelle le bénévole apportait son aide devait l'indemniser de son préjudice « en vertu d'une convention tacite d'assistance » (CA Chambéry, 25 octobre 1965, Les cahiers de l'assurance, C.D.I.A., août 1980, n°3).

* 62 Entrent dans le champ d'application de l'article 200 du Code Général des impôts « les oeuvres et organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ». On voit mal comment l'association « Le Cargo solidaire » pourrait ne pas entrer dans cette catégorie.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire