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Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire

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par Elisabeth Druel
Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006
  

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TITRE II :

L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS ECONOMIQUE D'UN NAVIRE

C'est tout au long de ce titre que va se cristalliser le problème de l'exercice d'une activité économique par un groupement (association ou fondation) qui n'a pas pour vocation première d'exercer une telle activité. Pour garantir le respect de l'objet même du projet, il faudra se poser les bonnes questions sur l'organisation interne du groupement (Chapitre I), et ensuite sur la mise en oeuvre de l'exploitation du navire (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A L'EXPLOITATION DU NAVIRE

Deux questions essentielles sous-tendent ce chapitre : tout d'abord, la question de la structure exploitation et de la forme qu'elle va devoir adopter pour faire face à l'impact de l'exploitation économique du Cargo solidaire (Section I), et ensuite, les questions touchant le navire lui-même et son armement (Section II). Ces dernières, malgré la spécificité du projet, demeurent néanmoins assez classiques.

Section I : Le choix de la structure exploitation

Le but recherché par les fondateurs du projet n'est pas de réaliser des profits, ni d'exercer une activité lucrative. Cependant, il faut envisager l'impact du caractère économique de l'exploitation du Cargo solidaire (§1). Cet impact est tel qu'il conduit naturellement à se demander si l'exploitation peut être menée au sein de l'association elle-même (§2), ou s'il va falloir créer une structure exploitation distincte du groupement initial (§3).

§1 : L'impact du caractère non lucratif mais économique de l'exploitation du Cargo solidaire

Il s'agit ici de la question la plus cruciale quant à la mise en place de cet ambitieux projet. Le Cargo solidaire a en effet pour vocation d'être exploité de façon économique, même si les objectifs poursuivis par les fondateurs sont différents de ceux poursuivis par les entrepreneurs classiques du monde commercial. Le budget prévisionnel d'exploitation prévoit une balance équilibrée entre recettes et dépenses, et ce, sans l'aide d'aucune subvention : l'affaire sera rentabilisée avec les croisières, le transport de marchandises et les visites du navire.

Où se situe, alors, la frontière entre l'association et une simple société commerciale ? Pour exister, une société commerciale suppose, de la part de ses membres, la volonté d'oeuvrer pour réaliser des bénéfices ou, à tout le moins, des économies. En cela, le projet ressemble à une entreprise purement commerciale, puisque reste ouverte la possibilité de faire des bénéfices.

L'impact probable de ce caractère économique est double : d'une part, il pose un problème d'image par rapport aux objectifs clairement affichés des fondateurs. N'y a-t-il pas une contradiction entre le fait de vouloir transporter des marchandises estampillées commerce équitable, et le fait de vouloir le faire aux prix du marché ? N'y aura-t-il pas un risque de dérive lorsque les fondateurs, premiers garants de l'esprit du projet, auront disparu ? S'il n'y a pas de garde-fous, ne peut-on pas imaginer une exploitation purement lucrative ?

D'autre part, va inéluctablement se poser la grave question de l'assujettissement de l'association aux impôts commerciaux : impôt sur les sociétés, taxe professionnelle et TVA. L'article 206-1° bis du CGI prévoit que les associations ne sont pas soumises en principe aux impôts frappant les personnes morales exerçant une activité commerciale. Cependant, l'exercice d'activités lucratives va les rendre passibles de ces impôts. Si l'association « Le Cargo solidaire » rentre dans les critères définis par l'administration fiscale, elle devra payer.

Trois textes viennent préciser ce régime : l'instruction fiscale du 15 septembre 199863(*), celle du 16 février 199964(*), toutes deux reprises et précisées dans une dernière instruction fiscale du 18 décembre 200665(*). Ces textes exonèrent par principe d'impôts commerciaux les groupements à but non lucratif, sauf dans le cas où ils exercent une activité lucrative. On entend par activité lucrative une activité agricole, commerciale, libérale, civile, de production ou de prestation de services, c'est-à-dire une activité économique qui consiste en la réalisation d'actes payants de la nature de ceux qui sont effectués par des professionnels, même si les éventuels bénéfices dégagés sont destinés à la réalisation d'une oeuvre désintéressée. Par conséquent, une association exerçant une activité économique rentre dans cette catégorie, et il est certain que le Cargo solidaire sera considéré comme un groupement exerçant une activité lucrative. Est-ce pour autant qu'il sera soumis aux impôts commerciaux ? Non, il convient d'examiner les critères retenus par l'administration fiscale, qui apprécie la notion de non lucrativité de façon tout à fait spéciale.

Une association va être redevable des trois impôts commerciaux si :

- sa gestion est intéressée ;

- ou bien, alors même que sa gestion est désintéressée, elle concurrence le secteur commercial ;

- si elle concurrence le secteur commercial, l'association exerce son activité selon des modalités de gestion similaire à celles d'une entreprise commerciale.

La gestion désintéressée est le critère qui prime. Trois conditions cumulatives sont nécessaires pour le remplir. Tout d'abord, l'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Ensuite, l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfices, sous quelque forme que ce soit. Enfin, les membres de l'organisme et leurs ayants droits ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports. Si la gestion est intéressée, si les trois critères ne sont pas remplis, l'association sera automatiquement soumise aux trois impôts commerciaux (la soumission à l'un des trois impôts emporte la soumission aux deux autres). Si la gestion est désintéressée, on passe au critère suivant (c'est probablement ce qui se passera dans le cas du Cargo solidaire).

Ce deuxième critère est plus délicat à satisfaire dans le cadre de l'association « Le Cargo solidaire ». Il faut en effet se demander si le caractère lucratif de l'association ne peut pas découler du fait qu'elle concurrence des entreprises du secteur lucratif, entreprises exerçant la même activité dans le même secteur. Il semble que oui, dans ce cas. En effet, la proximité du port de Nantes Saint-Nazaire conduit à penser que l'association, fatalement, concurrencera des entreprises effectuant du transport de conteneurs ou de fret par mer. Si, toutefois, l'administration fiscale décidait que l'association ne concurrence pas le secteur lucratif, celle-ci serait définitivement exonérée d'impôts commerciaux. Mais, le fait de concurrencer le secteur lucratif ne mène pas obligatoirement à l'assujettissement aux impôts commerciaux. Il faut passer dans ce cas au troisième critère, qui est celui des conditions de gestion similaires à celles du secteur lucratif.

Il s'agit ici de la règle des 4P. L'administration fiscale va considérer l'utilité sociale de l'activité, l'affectation des excédents dégagés par l'exploitation, les conditions dans lesquelles le service est accessible ainsi que les méthodes auxquelles l'association a recours pour exercer son activité, à travers quatre critères, qui vont être présentés par importance décroissante.

Le premier critère est celui du produit proposé. Ce dernier doit tendre à satisfaire un besoin peu ou pas du tout pris en compte par le marché (dans le cas de l'association, on pense notamment au fait de permettre à des personnes handicapées de pouvoir naviguer).

Le deuxième critère est celui du public visé. Les actes payants réalisés par l'association doivent l'être au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (comme les chômeurs et les handicapés).

Le troisième critère à prendre en compte est celui du prix. Les prix pratiqués doivent être inférieurs à ceux du marché, doivent se distinguer de ceux des entreprises concurrentes. Ici, il y aura un très net problème.

Enfin, le quatrième critère est la publicité. L'association ne peut diffuser des publicités destinées à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur commercial.

Si les quatre critères sont remplis, l'association échappe définitivement aux trois impôts commerciaux. Il est difficile, à première vue, de dire de quel côté penchera la balance. A priori, si elle se prémunit contre les risques de dérive au cours de l'exploitation (et n'a-t-elle pas commencé à le faire avec la mise en place du comité d'éthique ?), elle devrait pouvoir échapper aux impôts commerciaux. Il faudra utiliser la procédure du rescrit fiscal pour savoir ce qu'il en est, aucune réponse n'étant de toute façon certaine, et les choses pouvant évoluer au cours de la vie de l'association. 

L'association elle-même doit être amenée à évoluer, pour continuer à garantir son indépendance et pour permettre au projet d'avancer de la façon la plus saine possible. Une fois le navire construit, se pose en effet la question de savoir si l'association elle-même doit être la structure armateur, ou s'il faut créer une structure ad hoc pour l'exploitation.

* 63 Instr. 4 H-1-98, 15 septembre 1998, BOI n°170, 15 septembre 1998.

* 64 Instr. 4 H-1-99, 16 février 1999, BOI n° 33, 19 février 1999.

* 65 Instr. 4 H-5-06, 18 décembre 2006, BOI n° 208, 18 décembre 2006.

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