WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire

( Télécharger le fichier original )
par Elisabeth Druel
Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§2 : Le Cargo solidaire devient structure armateur

La notion d'armateur est davantage une notion économique qu'une notion juridique. La loi du 3 janvier 1969 énonce que l'armateur est celui qui exploite un navire, qu'il en soit ou non propriétaire66(*). Le propriétaire du navire est présumé en être l'armateur67(*).

Ceci ne poserait guère de problème si l'association « Le Cargo solidaire » devient, après la phase de construction du navire, structure armateur. Il n'y aura pas de transfert de propriété, et la solution en elle-même paraît relativement simple.

Pourtant, à y regarder de plus près, on aperçoit les difficultés qu'elle va poser. Une association est-elle réellement armée pour pouvoir mettre en oeuvre l'exploitation d'un navire ? Ne va-t-on pas se retrouver dans des situations quelque peu kafkaïennes, dans lesquelles les membres de l'association vont se retrouver tiraillés entre la poursuite d'un but désintéressé, d'intérêt général, et la nécessité absolue d'équilibrer leur exploitation, puisqu'ils feront vivre le projet sans subventions à partir de la fin de la construction ? Une fois la construction du navire finie, on se retrouve face à une véritable entreprise commerciale, qui doit être viable. L'intérêt général n'est-il pas diminué dès que l'on entre dans la phase proprement dite d'exploitation ?

Dans ce cas, les sanctions peuvent tomber. Elles viendront de la part de l'administration notamment, et des juges également, qui pourront appliquer les règles du droit des affaires et du droit commercial, et même aller jusqu'à la requalification en commerçant de fait. L'administration, quant à elle, pourra éventuellement soumettre l'association aux impôts commerciaux, avec tous les problèmes que cela entraîne.

Il existe des solutions pour y échapper. Tout d'abord, la loi de finances pour 200068(*) exonère des impôts commerciaux les activités commerciales accessoires des associations dont la gestion est désintéressée quand les recettes procurées par ces activités commerciales n'excèdent pas annuellement 75 000 euros69(*). Mais, avant même de pouvoir examiner si l'exploitation du Cargo solidaire est une activité commerciale accessoire de l'association, on se heurte au problème du plafonnement de la mesure. Le budget prévisionnel d'exploitation prévoit en effet que le total des recettes annuelles tournera entre 3 700 000 et 4 030 000 euros. Total bien supérieur à 75 000 euros, et l'on se surprend à penser qu'il ne sera guère souhaitable pour la viabilité du projet qu'un jour la mesure en vienne à être applicable !

Une solution serait peut-être à rechercher avec la sectorisation. Cette opération consiste à séparer nettement les activités non lucratives et les activités lucratives de l'association, seules ces dernières étant soumises aux trois impôts commerciaux. Dans ce cas, les activités lucratives seront exercées dans le cadre d'un secteur d'activité distinct. Mais, ici aussi, on va se heurter au problème de l'évolution, et même du changement de nature de l'association après la période de construction du navire, lorsque seule demeurera l'exploitation du Cargo solidaire.

En effet, l'instruction fiscale du 16 février 1999 prévoit que le caractère non lucratif d'ensemble de l'association n'est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables par leur nature de l'activité principale non lucrative, c'est-à-dire correspondant à des prestations de nature différente70(*). Pour que la sectorisation opère, il faut que l'activité non lucrative demeure prépondérante : l'activité lucrative ne doit pas orienter l'ensemble de l'activité de l'association. L'administration fiscale utilise un critère spécial pour apprécier cette prépondérance : il s'agit du rapport des recettes commerciales sur l'ensemble des moyens de financement de l'association (recettes, dons, subventions...), calculé sur une moyenne pluriannuelle. Or, ainsi qu'il a déjà été dit, lors de la phase d'exploitation, les ressources de l'association consisteront uniquement en recettes commerciales, et la sectorisation paraît impossible.

De plus, l'activité non lucrative ne sera plus prépondérante. La grande particularité du projet, à ce moment là, sera l'exercice d'une activité lucrative dans un but d'intérêt général. Même si l'exploitation n'est qu'économique et non lucrative (non basée sur la recherche de profits ou d'économies, qui n'est même pas un but de l'association), l'activité, elle, est lucrative. Il est essentiel de distinguer les deux notions pour bien comprendre le problème. L'association se rapproche de la société par les activités qu'elle exerce, puisque les services proposés ne sont pas à titre gratuit ou à des prix inférieurs à ceux du marché, mais s'en distingue par le but recherché, qui n'est pas la recherche du profit, mais la mise en place d'un système d'échanges basé sur la pratique des solidarités. C'est trop dangereux. Contrairement à la construction, qui ne rapportera jamais d'argent à l'association, l'exploitation, lorsqu'elle demeure la seule activité du groupement, est susceptible d'entraîner des dérives et des problèmes trop importants pour qu'une autre solution ne soit pas envisagée.

* 66 Loi n° 69-8 du 3 janvier 1969, art. 1.

* 67 Loi prec., art. 2.

* 68 L n° 99-1172 du 30 décembre 1999, loi de finances pour 2000, JO n° 303 du 31 décembre 1999.

* 69 Montant fixé par l'instruction fiscale du 30 octobre 2000. Instr. 4 H-3-00, 30 octobre 2000, BOI n° 201 du 7 novembre 2000.

* 70 Instr. 4 H-1-99, 16 février 1999, prec.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus