WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La faillite de l'ONU devant le génocide des Tutsi du Rwanda : Des causes de l'échec et des leçons à en tirer

( Télécharger le fichier original )
par Jean-Bosco Iyakaremye
Université du Québec à Montréal - Maîtrise en droit international (LLM) 2001
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 1. Bref historique

1. Le contexte pré-colonial

Petit pays enclavé en Afrique Centrale (26.338 km2), le Rwanda comptait une population estimée à 7,736 millions d'habitants4(*) (avant avril 1994), composée de trois groupes ethniques, les Hutu, majoritaires, les Tutsi, et une petite communauté de Twa.

Les origines et l'occupation du Rwanda par les trois groupes constituent encore l'un des chaînons manquants dans le puzzle de l'histoire rwandaise. Beaucoup de controverses entourent des thèses de grands historiens (en majorité européens)5(*) ayant écrit sur cette période de la naissance de la nation rwandaise. D'aucuns parlent de migrations successives, où les Twa seraient les premiers, les Hutu ensuite, et enfin les Tutsi. Selon d'autres, les termes Hutu, Tutsi et Twa feraient référence plus à un statut social qu'à une origine ethnique quelconque6(*).

Les trois groupes parlent la même langue, ont les mêmes croyances, les mêmes us et coutumes, observent les mêmes rites et occupent de manière indistincte le même terroir. Pendant des siècles, ces groupes ont cohabité en symbiose. Même si l'histoire rwandaise d'avant la colonisation n'est qu'exclusivement orale, un corps d'élite la transmettait de génération en génération. Jamais on n'aura entendu parler de massacres entre les trois groupes. Les intrigues et règlements de compte, fréquents dans les milieux proches du pouvoir d'alors, ne concernent que les hommes de cour. Quelques familles, membres du clan royal ou parents par alliance monopolisent le pouvoir pendant des siècles.

Comme le souligne la Commission française d'information, "les premiers observateurs ont relaté toutes sortes de conflits d'ordre politique ou de caractère régional mais n'ont jamais fait état d'affrontement ethnique opposant éleveurs et agriculteurs, Hutus et Tutsis"7(*).

2. La période coloniale

Colonie allemande de 1900 à 1916, le Rwanda sera placé sous mandat de la Belgique, ensuite sous tutelle du même pays dès 1946, jusqu'au moment de l'indépendance le 1er juillet 1962. La décision des principales puissances alliées et associées de confier le mandat sur le Rwanda à la Belgique fut entérinée le 20 juillet 1922 par le Conseil de la SDN8(*) En 1933, la puissance mandataire crée une carte d'identité avec mention ethnique9(*). L'institution de ce document s'avérera plus tard lourde de conséquences, car non seulement celui-ci a définitivement mis fin aux mouvements d'assimilations qui s'opéraient d'un groupe à l'autre, et partant, figé l'appartenance ethnique, mais cette carte a également plus tard permis l'identification des victimes du génocide de 1994.

Durant la période coloniale, les autorités belges favorisent les Tutsi au détriment des Hutu, jusque dans les années 50 où "confrontés à la disparition du régime colonial et aux pressions des Nations Unies qui supervisaient l'administration du Rwanda placé sous tutelle, les administrateurs coloniaux commencèrent à accorder aux Hutu une participation plus large à la vie publique"10(*).

3. Les deux républiques

Soutenue conjointement par l'autorité tutélaire et l'Église Catholique, l'élite hutu renverse la vapeur lors de ce qui a été appelé «la révolution sociale de 1959 ». Dès 1961, le Rwanda devient une République, dirigé par un Président hutu.

Aussitôt après la prise de pouvoir, les autorités hutu entament une répression sévère visant les Tutsi. Ces derniers n'ont plus aucun droit, pas même le plus fondamental : le droit à la vie. Les massacres des Tutsi par des Hutu en 1959 et les années qui ont suivi, sont un prélude au génocide de 1994. En cette sombre période des années soixante, plus de 20.000 Tutsi sont tués et quelque 300.000 prennent le chemin de l'exil, essentiellement vers les pays limitrophes11(*).

À partir de ces pays, des réfugiés organisent des attaques sans succès pour la reconquête du pouvoir, jusqu'en 1966. Consécutivement à ces attaques, des Tutsi de l'intérieur sont tués en guise de représailles12(*). Dans la vie courante, les Tutsi sont exclus de toutes les sphères de la politique et de l'administration. Des quotas établis en catimini sur une base ethnique limitent considérablement l'accès des Tutsi aux études et à l'emploi. Citoyens de seconde zone, les Tutsi seront des boucs émissaires de tous les maux qui frappent le pays. Ainsi, durant le malaise qui a précédé le coup d'état des militaires (Hutu du Nord contre Hutu du Sud) en 1973, beaucoup de Tutsi sont renvoyés des écoles et de leurs emplois, d'autres tués. Ce fut la deuxième vague de réfugiés Tutsi à gagner les pays limitrophes.

Déjà à cette époque, comme le note un auteur, "les violations des droits de l'homme dont sont victimes des Tutsi et qui sont commises au nom de la règle de la majorité n'inquiètent guère la communauté internationale"13(*). Un autre auteur note également que "cinquante ans de massacres successifs ont étonnamment peu suscité la curiosité du public"14(*).

Les attaques des réfugiés et les massacres des Tutsi de l'intérieur connaîtront cependant un répit, et dès les années 80, les réfugiés demanderont de rentrer paisiblement. La demande, faite par des représentants de ceux-ci, rencontra une fin de non-recevoir de la part du gouvernement rwandais, sous le fallacieux prétexte que le pays est trop petit et qu'il ne pourrait recevoir tout réfugié qui souhaiterait rentrer. Il est décidé que les candidatures des réfugiés au retour seront soumises à qui de droit et examinées cas par cas15(*).

4. L'attaque du Front Patriotique Rwandais

Le 1er octobre 1990, le Front Patriotique Rwandais (FPR), à l'origine formé en majorité de descendants des réfugiés Tutsi de 1959, attaque le pays à partir du voisin nord, l'Ouganda. Des Tutsi de l'intérieur, dans le Nord-Ouest du pays, paient encore de leur vie cette attaque. Dans les villes, environ treize mille Tutsi seront emprisonnés sans aucune inculpation et torturés, plusieurs dizaines d'entre eux mourront16(*). La plupart ne seront libérés que six mois plus tard à l'issue des négociations de cessez-le-feu entre le gouvernement et le FPR.

Dès le début de la guerre le 1er octobre 1990 et tout au long des négociations de paix, des actes de génocide contre des Tutsi de l'intérieur seront perpétrés par des militaires et des civils dans plusieurs coins du pays. La guerre que menait le gouvernement rwandais de l'époque contre les "assaillants" lui servira d'alibi pour justifier ces horreurs.

Entre 1990 et 1993, plusieurs cas de violences graves contre les Tutsi sont recensés à travers le pays. Les plus importants sont enregistrés dans les quatre points cardinaux. Il s'agit notamment : massacre d'environ 400 Tutsi en début octobre 1990 dans le Nord-Ouest lors de l'attaque du FPR par le Nord-Est. Dans la même période, l'armée rwandaise massacre entre 500 et 1000 Hima (un sous-groupe tutsi) dans la zone proche des combats. Début 1991, entre 500 et un millier de Bagogwe (un autre sous-groupe tutsi) sont massacrés dans la partie Nord du pays. En mars 1992, 500 Tutsi sont tués dans le Sud, tandis que plusieurs centaines d'autres sont massacrés à Kibuye dans l'Ouest du pays.

Comme tous ces massacres mettent "en place le canevas du génocide de 1994"17(*), ils se font sous l'instigation des autorités nationales et la surveillance des autorités locales. Aucun de ses commanditaires, auteurs ou complices ne sera puni. Certains criminels présumés sont arrêtés dans le Sud du pays, mais ils seront vite relâchés sans aucun jugement.

Malgré les rapports des spécialistes en matière des droits de l'homme sonnant l'alarme, l'ONU ne sut tirer profit de ces renseignements importants, afin de prévenir l'irréparable. En effet, deux missions d'enquête, l'une de l'ONU18(*), l'autre d'une coalition d'organisations internationales de protection des droits de l'homme19(*), ont passé quelques jours au Rwanda, et ont produit leurs rapports confirmant l'existence des violations graves et massives des droits de l'homme par le gouvernement rwandais. Ces rapports, qui pourtant vont jusqu'à qualifier ces événements de "génocide", sont restés lettres mortes.

* 4 C. Braeckman, Rwanda, Histoire d'un génocide, Paris, Fayard, 1994, à la p. 8.

* 5 Une polémique ouverte oppose Filip Reyntjens et René Lemarchand contre Jean-Pierre Chrétien et Claudine Vidal. Les premiers sont considérés comme des "ethnistes", les seconds comme des "anti-ethnistes". Pour plus d'informations à ce sujet, lire la très belle analyse de Dominique Franche dans Généalogie d'un génocide, Turin, Édition Mille et une nuits, 1997, de la p. 9 à la p. 18.

* 6 Human Rights Watch & Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme [ci-après HRW & FIDH], Aucun témoin ne doit survivre, Le Génocide au Rwanda, Paris, Karthala, 1999, à la p. 45.

* 7 Rapport : Mission d'information sur le Rwanda [ci-après Rapport ANF], en ligne : Assemblée nationale française < http://www.assemblee-nationale.fr.2/2rwanda.html > (date d'accès : 12 février 2000).

* 8 Rapport de la Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda [ci-après Rapport Sénat de Belgique], en ligne :Sénat de Belgique < http://www.senate.be/senbeldocs/rwanda/1-152_fr.html> (date d'accès : 10 février 2000).

* 9 Ibid.

* 10 HRW & FIDH, supra, note 6, à la p. 51.

* 11 Rapport du Groupe international d'éminentes personnalités institué par l'OUA, 18 juillet 2000 [ci-après Rapport OUA], en ligne: OUA

<http://www.OAU-OUA.org/document/ipep/report/rwanda-f/FR-03-CH.htmal> (date d'accès : 30.07.2000).

* 12 C. Braeckman, supra, note 4, à la p. 55.

* 13 Ibid.,. à la p. 52.

* 14 M. Sitbon, Un génocide sur la conscience, Paris, édition l'Esprit frappeur, 1998, à la p. 13.

* 15 C. Braeckman, supra, note 4, à la p. 65.

* 16 HRW & FIDH, supra, note 6, à la p.64.

* 17 HRW & FIDH, supra, note 6, de la p. 107 à la p. 111.

* 18 Rapport OUA, supra, note 11.

* 19 FIDH, AFRICA WATCH, UIDH et CIDPDD, Rapport de la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993) (document inédit).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard