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La faillite de l'ONU devant le génocide des Tutsi du Rwanda : Des causes de l'échec et des leçons à en tirer

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par Jean-Bosco Iyakaremye
Université du Québec à Montréal - Maîtrise en droit international (LLM) 2001
  

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5. L'accord de paix d'Arusha

Après trois ans de guerre entre le FPR et le gouvernement rwandais, un accord de paix est signé entre les belligérants à l'issue de laborieuses négociations sous les auspices de l'O.U.A. mais aussi de certaines puissances occidentales. C'est le fameux Accord de Paix d'Arusha du 4/8/1993 pour le partage du pouvoir, qui ne sera jamais mis en application. Dès le lendemain de sa signature, le Président HABYARIMANA du Rwanda le désignait de "simple chiffon de papier"20(*). C'est dire donc que celui-ci n'attachait aucune importance à ce document, qu'il avait signé selon certains, pour ne pas irriter les bailleurs de fonds.

6. La création de la MINUAR

Lors des négociations de l'accord de paix d'Arusha entre le gouvernement rwandais et le Front Patriotique Rwandais (FPR), les deux parties ont émis le souhait de voir ledit accord se réaliser sous la surveillance et l'autorité de l'ONU21(*).

L'article 54 du protocole de l'Accord d'Arusha relatif à l'intégration des forces armées des deux parties demandait l'assistance d'une force internationale pour permettre le désengagement, le désarmement, la démobilisation et la sélection des militaires des deux parties devant être intégrés dans l'armée nationale.

Ce protocole prévoyait en outre un éventail de mesures à prendre par la force internationale, afin d'aider les institutions prévues dans l'Accord de se mettre en place dans les meilleures conditions. Ces mesures dépassaient manifestement le cadre prévu par le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, comme il était également demandé à cette force de :

garantir la sécurité générale du pays et vérifier en particulier comment les autorités assurent le maintien de l'ordre public ; assurer la sécurité et la distribution de l'aide humanitaire ; contribuer à la sécurité de la population civile ; contribuer à la recherche des caches d'armes et à la neutralisation des bandes armées à travers tout le pays ; effectuer les opérations de déminage et contribuer à la récupération de toutes les armes distribuées à la population civile ou acquises illégalement par celle-ci22(*).

Il apparaît donc que la lettre et l'esprit de l'Accord d'Arusha considéraient cette force internationale comme étant l'un des acteurs majeurs du processus d'application dudit Accord.

Par sa Résolution 872 (1993) du 5 octobre 1993, le Conseil de Sécurité de l'ONU créa la Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR)23(*), pour une période renouvelable de six mois, avec un effectif de 2.548 militaires, dont 331 observateurs militaires. Le mandat de cette force était placé sous le Chapitre VI de la Charte de l'ONU (soit le règlement pacifique des différends) et ne répondait pas du tout, comme dit plus haut, aux attentes exprimées dans l'Accord d'Arusha.

Le texte de la Résolution ne donnait mandat à la mission que de servir d'intermédiaire, de conciliateur, dans ce sens que les termes utilisés sont : "contribuer", "superviser", "examiner", "aider", "contrôler" et "enquêter", alors que les négociateurs de l'Accord d'Arusha avaient entendu voir cette force "garantir" la sécurité générale du pays, en "neutralisant" notamment les bandes armées et en "récupérant" toutes les armes détenues illégalement. Dès lors, il y avait une discordance flagrante de fond entre les deux textes24(*). Cependant, personne ne voulut relever cette distorsion et chacun fit semblant de se réjouir de la Résolution.

À quoi pourrait-on imputer cette situation lamentable qui s'avérera par la suite lourde de conséquences ? Un incident de taille dans l'histoire des Nations Unies semble avoir influencé cette prise de décision.

Le 3 octobre 1993, soit deux jours avant l'adoption de la Résolution 872 créant la MINUAR, 18 soldats américains opérant dans la force de l'ONUSOM (Opération des Nations Unies en Somalie) venaient d'être tués en Somalie dans des circonstances très atroces25(*). Ceci créa un grand émoi dans l'opinion publique aux États-Unis et provoqua le retrait des forces américaines dans cette opération. Ce malheureux précédent a pesé très lourd dans la définition du mandat de la MINUAR lors du vote de la Résolution 872.

Pour les États-Unis, membre influent du Conseil de Sécurité, après ce qui venait de se passer en Somalie, l'engagement sur le terrain devait se limiter en observateur et non en interventionniste, l'usage de la force ne devant être utilisé qu'en cas de légitime défense26(*). C'est cela qui est exprimé dans la célèbre Directive présidentielle américaine (PDD 25)27(*). Selon celle-ci, les États-Unis refusaient tout nouveau déploiement de casques bleus si les conditions logistiques n'étaient pas remplies. En outre, ils n'interviendraient désormais militairement dans un conflit que pour défendre leurs propres intérêts. Manifestement, aucun intérêt de ce pays n'était menacé au Rwanda.

Outre ce malheureux précédent somalien, il apparaît que les États-Unis étaient également préoccupés par des économies à faire dans la rubrique "opérations de maintien de la paix" et qu'ils ne voyaient pas de raison de renouveler leur contribution à ce titre, sans contrepartie pour leur pays. Dès lors, ils soumettront "un certain nombre d'amendements au projet de résolution qui affaiblissaient le mandat, notamment en ce qui concerne le désarmement de la population civile"28(*).

Les problèmes d'économie du budget furent très présents à l'ONU à tout moment. À ce propos, l'idée de la mise sur pied d'une petite équipe chargée des questions des droits de la personne, proposée par le personnel chargé du maintien de la paix, fut abandonnée sous prétexte de manque de financement. Celle-ci aurait pourtant pu "témoigner de l'hostilité croissante envers les Tutsi"29(*) et ainsi sonner l'alarme.

Dès lors, "les économies réclamées avec fermeté par les États-Unis, entre autres, débouchèrent sur la création d'une force qui ne représentait que le tiers de celle qui avait été envisagée dès le départ"30(*).

C'est donc dans ces conditions que la MINUAR est déployée au Rwanda fin 1993, avec un effectif de 2.548 militaires, un mandat plutôt tronqué, ainsi que des moyens inadéquats. Cependant, pour qui était informé de la situation prévalant au Rwanda depuis au moins trois ans, l'envoi d'une telle mission était inapproprié, voire inutile.

* 20 M. Ba, RWANDA, Un génocide Français, Paris, Éditions Esprit Frappeur, 1997, à la p. 12.

* 21 United Nations, supra, note 1, à la p. 193.

* 22 Ibid. (c'est nous qui soulignons).

* 23 Ibid., à la p. 231.

* 24 Comparer l'article 54 du paragraphe 2 de l'Accord d'Arusha, avec l'article 3 de la résolution 872 du Conseil de sécurité créant la MINUAR I.

* 25 Rapport ANF, supra, note 7.

* 26 HRW & FIDH, supra, note 6, à la p.730.

* 27 Clinton Administration Policy on Reforming Multilateral Peace Operations (PDD 25), en ligne : State Department information < http://www.state.gov/www/issues/un_clinton_policy.html> (date d'accès : 21 août 2001).

* 28 Report of the independent inquiry into the actions of the United Nations during the 1994 genocide in Rwanda, 15 December 1999 [ci-après Rapport ONU], en ligne : O.N.U. < http://www.un.org/News/ossg/rwanda_report.htm >, (date d'accès : 29 août 2001).

* 29 HRW & FIDH, supra, note 6, à la p.730.

* 30 Ibid., à la p. 25.

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