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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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IV. La prise en charge thérapeutique de l'anorexie : une étape vers la guérison 

« Ces dernières années ce sont multipliés les traitements thérapeutiques afin de guérir l'anorexie mentale. Leur aspect parfois contradictoire peut placer le clinicien dans une situation difficile renforcé par le fait que les données de la recherche ne sont pas d'un grand secours, seules quelques données indiscutables existent »602(*). En effet, si la prise en charge thérapeutique est une étape essentielle et indispensable dans la guérison de l'anorexique, elle confronte les soignants à différents problèmes : comment venir à bout de la résistance qu'opposent les anorexiques à la prise en charge ? Comment leur faire comprendre qu'elles ont besoin d'aide et que leur devise « je veux m'en sortir par moi-même »603(*) n'est qu'une illusion ? Nous allons voir quelles solutions sont aujourd'hui envisagées par le corps médical pour prendre en charge cette maladie polyfactorielle qu'est l'anorexie.

Dans une perspective actantielle, cette phase de prise en charge correspond à l'étape de la sanction ou de la reconnaissance. C'est au cours de cette phase qu'« il s'agit de statuer sur la véridiction des états transformés au cours de la phase de performance ». « Des rôles caractéristiques » apparaissent puisque des « acteurs prennent en charge l'interprétation des états transformés par le sujet opérateur »604(*). Ils sanctionnent positivement ou négativement le sujet opérateur de la performance. Dans le cas de l'anorexie, la sanction ne peut être que négative : la prise en charge vise à stopper la performance de l'anorexique et lui faire prendre conscience de sa maladie. La sanction constitue bien une évaluation des états transformés mais indépendamment de la volonté de l'anorexique qui cherche à poursuivre une performance qu'elle considère encore inachevée. La quête de l'objet n'est pas terminée.

En appliquant ce mode d'analyse à notre objet étude, nous pouvons expliquer la phase de la prise en charge de l'anorexie de la façon suivante : le corps médical va tenter de guérir la malade notamment en l'empêchant de maigrir. Cependant, il faut distinguer trois possibilités. Soit l'anorexique décide de son plein gré de se faire hospitaliser, dans ce cas il n'y a aucun anti-sujet. Les médecins et la famille sont alors des adjuvants qui vont l'aider à réaliser son second programme narratif dont l'objet est guérir. Cette première possibilité est la moins courante. La plupart du temps, le corps médical est confronté à un cas de figure plus difficile : quand le pronostic vital est en jeu, l'anorexique doit être hospitalisée, souvent contre son gré. Dans ce cas, elle oppose une stratégie de résistance au traitement. Son objectif est de continuer à maigrir et les médecins sont alors des anti-sujets. Après un certain laps de temps, elle peut prendre conscience de sa maladie et accepter les soins. Elle commence alors un second programme narratif dont l'objet est de guérir. Parfois, l'anorexique poursuit sa stratégie de résistance et réussit à sortir de l'hôpital avant que le poids fixé par le corps médical ne soit atteint. Elle peut aussi remplir les exigences du contrat de soins dans l'unique but de sortir ; une fois sortie de l'hôpital, elle recommence à maigrir. La reprise de poids ne constitue pas un nouveau programme narratif mais juste une parenthèse au cours de son programme principal. Dans les deux cas, l'hospitalisation est alors un échec et l'actant sujet ne modifie pas son programme narratif. Il faut préciser que chaque cas d'anorexie est différent, en conséquent il existe une multitude de chemins possibles pour atteindre la guérison. Souvent, plusieurs hospitalisations seront nécessaires avant de parvenir à une guérison totale. Enfin, notons que beaucoup d'anorexiques ne sont pas prises en charge car rappelons-le, la démarche thérapeutique repose en grande partie sur leur volonté.

Dans un premier temps, nous présenterons les différentes formes de prise en charge qui existent actuellement ainsi que les problèmes auxquels sont confrontés les soignants. Ensuite, les analyses comparées des discours de presse nous permettront de dégager la représentation que se font les médias de la prise en charge de l'anorexie.

A. Les enjeux de la démarche thérapeutique

L'objectif de la prise en charge thérapeutique de l'anorexique est de remédier en premier lieu aux « conséquences physiques et psychiques de la dénutrition » mais aussi aux « difficultés psychologiques », aux « interactions familiales autour de l'anorexie »605(*). Il existe aujourd'hui une diversité de traitements thérapeutiques qui permettent d'atteindre cet objectif cependant, quel que soit le mode prise en charge la réussite dépend en grande partie des relations entre le médecin et sa patiente et de la place accordée aux parents au cours de la démarche thérapeutique.

1. Les différentes modalités de prises en charge

a) L'isolement, un mode de traitement qui fait débat

Pendant près d'un siècle, l'isolement a été le traitement thérapeutique privilégié pour soigner l'anorexie. Même si aucune étude n'a mesuré ses impacts réels606(*), les détracteurs sont aujourd'hui plus nombreux que les partisans. D. Rigaud démontre que les arguments invoqués par les médecins qui utilisent cette thérapie ne sont pas valables607(*). D'abord, l'isolement repose sur l'idée que la famille est un milieu pathogène or, ce n'est pas en séparant l'adolescente de son entourage que les problèmes familiaux peuvent se résoudre. Les médecins qui recourent à l'isolement semblent oublier qu'une fois l'hospitalisation terminée, la patiente doit retourner vivre dans sa famille. Ensuite, les partisans de l'isolement considèrent que la malade refuse de se soigner, il faut donc l'y contraindre. Cette démarche a pour risque d'entraîner un rapport de force entre la patiente et les soignants au lieu d'instaurer un climat de confiance. De plus, la peur de grossir panique la malade qui essaie de perdre du poids (ou au moins de ne pas en prendre), ce qui la conduit à adopter des stratégies de dissimulations, et de manipulation. Enfin, les partisans de l'isolement prétendent que sans contrat de poids, la malade ne peut pas atteindre un objectif pondéral satisfaisant puisqu'elle refuse de grossir. Ce contrat va de pair avec l'isolement : si la patiente respecte les objectifs de poids fixés, elle obtient le droit de téléphoner, de recevoir une visite... D. Rigaud pense que cette « méthode [est] vide de sens »608(*) car la plupart des malades se résignent à manger afin d'obtenir le droit de sortir mais rechutent peu de temps après. La reprise de poids est illusoire et n'entraîne aucune amélioration psychique alors que l'anorexie est avant tout une maladie mentale (cf. Annexe n°7, témoignage n°6). Il s'insurge contre cette pratique qui coupe la patiente du monde extérieur. En effet, au cours de la maladie, la jeune fille s'isole jusqu'à perdre toute vie sociale. Un des objectifs de la guérison est de lui apprendre à renouer des liens avec les autres. En ce sens, l'isolement est une aberration totale : il prive la malade de contacts alors que ce sont justement les liens avec les autres qui lui font défaut. T. Vincent pointe un dernier inconvénient posé par l'isolement : les parents peuvent vivre cette séparation comme une sanction, pour ne pas avoir réussi à sortir leur enfant de la maladie, voire à ne pas l'avoir soupçonnée609(*) (cf. Annexe n°7, témoignage n°5).

Une anorexique témoigne de l'isolement qu'elle a vécu :

« Je suis enfermée [...]. Le médecin est passé, je ne sais pas à qui il s'adressait. Je n'entendais qu'à peine : `Mademoiselle, ici, vos contacts avec vos parents seront coupés. Pas de visite, pas de permissions, pas de lettres ni coups de téléphone. Vous n'aurez pas le droit de sortir de la chambre. Pour vous protéger contre vous-même, la porte sera fermée à clé, les toilettes aussi, afin que vous ne puissiez pas vomir. Tant que vous n'aurez pas repris du poids, pas question de thérapie, de psychologue ni de visites' »610(*).

Suivait l'énumération de ce à quoi elle avait droit quand elle prenait du poids. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres mais nombreux sont les livres de jeunes anorexiques qui témoignent d'un traitement similaire. La littérature scientifique diverge sur la question de la pratique de l'isolement : certains médecins comme D. Rigaud affirment que ce mode de prise en charge existe encore tandis que d'autres prétendent que ce traitement est maintenant dépassé et qu'il est très rarement utilisé dans les hôpitaux.

Cependant, quand il est encore pratiqué, l'isolement n'est plus conçu comme une fin mais comme un moyen. Il s'inscrit dans une prise en charge plus globale comme en témoigne P. Jeammet :

« Les conditions de l'hospitalisation pour anorexie mentale à l'adolescence sont actuellement le centre d'une polémique médiatique considérable sur laquelle nous ne pouvons rester silencieux. Nous hospitalisons les sujets anorexiques avec un contrat de poids incluant une période de séparation d'avec leur milieu habituel de vie, ce qui est actuellement bruyamment décrié et, à tort, qualifié « d'isolement » ou de « parentectomie » par les détracteurs de cette méthode »611(*).

Le professeur P. Jeammet explique qu'historiquement l'isolement était un isolement « familial et sensoriel » de la malade, alors qu'aujourd'hui il s'agit plutôt d'une séparation. La patiente n'est pas enfermée dans sa chambre mais participe à des « activités de médiation » animées par des ergothérapeutes, des psychologues, des psychomotriciens... Une prise en charge au plan « psychique, somatique et nutritionnel » est mise en place, ce qui diffère de l'isolement tel qu'il était pratiqué au XIXème siècle. P. Jeammet utilise le terme de « contrat de soins » pour qualifier cette séparation, un terme qui met en évidence que l'objectif recherché n'est plus uniquement une reprise de poids. Selon lui, « ce type de soins » serait « la pratique de référence en France, même s'il est contesté par certains »612(*).

* 602 BRUSSET, Bernard, Controverses sur la prise en charge des troubles alimentaires, La revue Prisme, n°32, 2000, p. 7.

* 603 VINCENT, L'anorexie, Paris, Editions Odile Jacob, 2000, p. 103.

* 604 GROUPE D'ENTREVERNES, [1979], p. 49.

* 605 GODART, Nathalie ; PERDEREAU Fabienne ; AGMAN Gilles et JEAMMET Philippe, Dossier sur « Les troubles du comportement alimentaire », [La prise en charge thérapeutique, ambulatoire et hospitalière des TCA] dans la revue Soins, n°694, avril 2005, p. 42.

* 606 Idem, p. 44.

* 607 RIGAUD, Dossier sur « Les troubles du comportement alimentaire », [Pour ou contre l'isolement thérapeutique ?] dans la revue Soins, n°694, avril 2005, p. 41.

* 608 RIGAUD, [2003], p. 215.

* 609 VINCENT, [2000], p. 36.

* 610 RIGAUD, [2003], p. 215.

* 611 GODART, PERDEREAU, AGMAN et JEAMMET, [2005], p. 43.

* 612 Idem, p. 44.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984