1.1. La notion de risque bancaire
Les risques bancaires sont multiples et multidimensionnels. Il
faut les classifier et les définir le mieux possible en vue de les
mesurer et de les maîtriser.
- Le risque lié aux mouvements des marchés est
spécifiquement financier.
- Le risque de crédit, considéré comme
commercial, est celui qui provoque des pertes en cas de défaut des
contreparties.
- Le risque opérationnel, désigne le risque de
dysfonctionnement, de défaillances attribuables à des
procédures, à des personnels, à des systèmes
internes où à des événements extérieurs.
- Les autres risques que l'on ne peut catégoriser.
Pour plus de compréhension, nous détaillons ces
trois types de risque dans une partie dédiée.
1.2. Typologie des risques bancaires 1.2.1. Le risque
crédit
Le risque de crédit se définit par comme "par la
perte potentielle supportée par un prêteur suite à une
modification de la qualité du crédit de l'une de ces
contreparties sur un horizon donné". On peut spécifier trois
composantes du risque de crédit : le risque de défaut, le risque
de dégradation de la qualité du crédit, le risque de
recouvrement. Le risque de défaut correspond à
l'incapacité ou au refus de la contrepartie d'assurer le paiement de ses
échéances. Le risque de dégradation de la qualité
du crédit résulte de la perte de fiabilité du
débiteur. Le risque de recouvrement correspond à l'incertitude
liée au taux de recouvrement postérieur à un défaut
constaté. Toute dégradation du crédit entraîne une
diminution de la valeur de la créance ou du prêt, une baisse de la
notation du débiteur et une hausse des spreads exigés sur la
dette.
L'évaluation du risque crédit vise à
apprécier la perte probable attendue d'un portefeuille de crédit
sur un horizon donné, cette perte devant être couverte par une
provision. La perte effective pouvant être plus élevée que
la perte attendue, l'évaluation du risque de crédit vise
également à apprécier la perte inattendue, celle-ci devant
être couverte par les fonds propres. La perte attendue en cas de
défaut (EL - expected loss) correspond au montant exposé au
défaut (EAD - exposure at default) affecté de la
probabilité de défaut (PD -probability of défault) et du
taux de perte en cas de défaut (LGD - loss given défault) :
EL = EAD x PC x LGD
La perte étant aléatoire, il convient d'estimer
non seulement la perte moyenne attendue (Expected loss), mais aussi la
distribution de cette perte. Cette distribution permet de déterminer la
perte inattendue (UL - unexpected loss) qui doit être couverte par les
fonds propres. A titre d'illustration, si on considère un prêt
unique avec une loi biominale du défaut PD et une perte P, la perte
attendue et la perte inattendue se calculent aisément puisque
l'espérance de la perte s'exprime :
EL = E(P) = P x PD + 0 x (1-PD) = P x PD
L'évaluation du risque de crédit repose sur des
modèles ad hoc dont la construction comprend 2 phases. La
première consiste en une collecte d'informations sur les
éléments constitutifs du risque de chaque crédit
individuel. Il s'agit de ranger les crédits en classes de risque et de
déterminer les probabilités de défaut, le montant des
expositions et les pertes en cas de défaut de chaque classe. La seconde
phase consiste à modéliser l'incertitude des pertes et à
agréger les expositions individuelles pour décrire le risque de
portefeuille dans son ensemble. IL convient alors de tenir compte des
corrélations entre les risques des différents crédits.
L'évaluation du risque individuel de crédit
La construction du premier étage d'un modèle de
risque crédit comprend trois étape. La première est
consacrée à l'affectation des positions individuelles dans un
ensemble de classes de risque définies par le système de notation
interne de l'institution financière. En pratique la plupart des grandes
banques disposent de systèmes de notation des emprunteurs : des
systèmes de scoring pour les divers types de clients de
l'activité de détail (particuliers et professionnels), des
systèmes experts de diagnostic financier pour les entreprises. Les
banques peuvent aussi recourir aux notes fournies par les agences de notation
ou par d'autres fournisseurs d'informations financières. Ces
systèmes de notation permettent de classer les crédits en
fonction de leur risque individuel de défaut. La seconde étape
consiste à mesurer la probabilité que le crédit migre vers
une autre classe de risque. Cette étape est cruciale puisque la
classification interne des crédits et les probabilités de
défaut et de transition retenues à ce stade déterminent
très largement la forme de la fonction de densité des pertes et
donc la dispersion des pertes potentielles sur le portefeuille ainsi que la
VaR. Cette étape nécessite aussi de mesurer la valeur de
l'exposition, autrement dit la valeur de chaque crédit, dans les divers
états possibles, c'est-à-dire en fonction de son appartenance aux
différentes classes de risque. La troisième étape consiste
à déterminer le taux de perte en cas de défaut. Celui-ci
dépend du taux de récupération ou du recouvrement en cas
de défaut, qui dépend lui-même de la nature du
crédit, de sa maturité et des garanties qui lui sont
associées
La probabilité de défaut (PD)
Le risque de crédit, c'est d'abord le risque que la
valeur d'un prêt fluctue en raison d'événements qui
affectent la qualité de l'emprunteur et sa capacité de
remboursement. Son estimation repose sur les probabilités de
défaut des crédits si on considère un modèle de
défaut, ou sur les probabilités de changement de note ou de grade
si on considère un modèle en valeur de marché. Pour
estimer ces probabilités, on range d'abord les crédits en classes
de risque en utilisant un système de notation. On mesure ensuite le
risque de transition d'un emprunteur d'une classe de risque vers une autre. Il
est souhaitable que les probabilités de transition soient
ajustées pour tenir compte des caractéristiques des emprunteurs
et des conditions générales de l'économie. Il est tout
aussi souhaitable de conditionner l'estimation des matrices de transition au
secteur d'activité et à la taille de l'entreprise si les
données disponibles sont insuffisantes. Cela revient à utiliser
des probabilités de transition différentes pour des entreprises
de dimensions différentes appartenant à des secteurs
différents.
L'exposition en cas de défaut (EAD)
Dans le cas des risques classiques, l'exposition aux pertes
correspond au montant actualisé total des flux contractuels encore
dus. Il convient alors d'ajuster l'exposition au cours du temps
selon les modalités de remboursement ou d'amortissement
du prêt ou de la créance. En cas de garantie hypothécaire,
l'exposition varie dans le temps puisque la dette diminue alors que la valeur
de la garantie (bien immobilier par exemple) est aléatoire.
L'évaluation du risque de crédit sur un
portefeuille
La seconde étape de construction d'un modèle de
risque de crédit consiste à modéliser l'incertitude des
pertes futures sur l'horizon temporel choisi, non pour un crédit
particulier mais pour un portefeuille de crédits. Cette étape
permet de construire la fonction de densité de pertes futures et
d'estimer la VaR et les fonds propres nécessaires pour couvrir
l'exposition au risque. Les résultats obtenus lors de cette étape
permettent aussi de mettre en oeuvre une politique cohérente
d'allocation des fonds propres et de tarification des crédits.
Connaissant les probabilités de défauts ou de transition et la
valeur de chaque position individuelle en cas de changement de classe, y
compris en cas défaut, la construction de la fonction de densité
de pertes futures nécessite d'agréer les positions individuelles
pour déterminer leur risque à l'intérieur du portefeuille,
qui diffère naturellement de leur risque individuel. Dans une approche
de portefeuille, il importe en effet de tenir compte des corrélations
entre les pertes et les expositions individuelles. Sur un horizon donné
(un an dans la plupart des modèles), toutes les variables qui
conditionnent le montant des pertes peuvent varier. C'est le cas, par exemple,
de l'exposition en cas de défaut (EAD) si le crédit
considéré est couvert par un titre obligataire dont la valeur de
marché fluctue en raison de l'évolution des taux
d'intérêt. C'est aussi le cas de la perte en cas de défaut
LGD si les conditions macroéconomiques affectent la capacité des
prêteurs à actionner les garanties. Mais ce qui détermine
l'incertitude ou la volatilité des pertes futures, c'est d'abord la
variabilité de la qualité de l'emprunteur. En d'autres termes, la
probabilité de défaut PD doit elle-même être
considérée comme une variable aléatoire. A l'horizon d'un
an, un emprunteur peut changer de notation ou de classe de risque. C'est
pourquoi la modélisation de la probabilité de défaut
constitue l'élément essentiel d'un modèle de risque de
crédit.
Tous les modèles d'estimation du risque de
crédit supposent que la probabilité de défaut soit soumise
à l'influence de facteurs de risque propres à chaque emprunteur
et à l'influence de facteurs communs à tous les emprunteurs. Ces
derniers sont des facteurs sectoriels, une crise dans un secteur
d'activité affecte tous les emprunteurs de ce crédit par exemple
; des facteurs de localisation géographique, une crise régionale
affecte tous les emprunteurs de cette région ; des facteurs
macroéconomiques, comme les taux d'intérêts ou le taux de
croissance du PIB. La variance de la probabilité de défaut est
donc déterminée par l'évolution de ces facteurs de risque.
À titre d'illustration, la récente récession tend à
accroître la probabilité de défaut, alors que celle-ci
diminue en période d'expansion. C'est la raison pour laquelle les
probabilités de défaut ou les transitions entre les classes de
risque ne sont pas stables dans le temps. Il est
donc nécessaire de s'appuyer sur un modèle
théorique, qui associe les changements de probabilités de
défaut aux facteurs de risque, pour reproduire la dynamique des
défauts entre classes. En somme, construire la fonction de
densité des pertes sur un portefeuille de crédit consiste
principalement à modéliser la relation entre les
événements de crédit et les facteurs de risques. Il faut
également considérer le fait que si tous les crédits
composants un portefeuille sont soumis de manière identique aux
même facteurs de risques - parce que le portefeuille est insuffisamment
diversifié - le montant des pertes effectives non attendues sera
naturellement plus important que si le portefeuille de crédits est mieux
diversifié.
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