Je tiens à remercier Monsieur le Professeur
Mathieu et Monsieur Chaouche pour l'aide qu'ils m'ont apporté
pour la rédaction de ce mémoire.
Je dédie ce mémoire à ma
mère, à mon père, à Antonia et Katerina
XouXoulidaki.
Principales abréviations
I- Juridictions.
CAA : Arrêt de cour administrative
d'appel
CC : Décision du Conseil
constitutionnel
CE : Arrêt du Conseil d'État (sous
section)
CE Ass. : Arrêt du Conseil d'État
(assemblée du contentieux)
CE sect. : Arrêt du Conseil d'État
(section du contentieux)
Concl. : Conclusions
ComEDH : Commission européenne des droits
de l'homme
CourEDH : Arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme
TA : Jugement du tribunal administratif
II- Textes
CEDH : Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme
DUDH : Déclaration Universelle des
droits de l'homme
DADH : Déclaration Américaine
des droits de l'homme
Comm. : Commission européenne
III- Périodiques
AJDA : L'Actualité Juridique. Droit
administratif
D. : Recueil Dalloz
DA: Droit administratif
Gaz. Pal.: Gazette du Palais
JCl. Adm : Juris-Classeur droit
administratif
JCP : La Semaine juridique
JDI : Journal de droit international
JO : Journal Officiel de la République
française
JT : Journal des tribunaux
JTDE : Journal des tribunaux européens
LPA : Les Petites affiches
Mél. : Mélanges
PUF : Presses Universitaires de France
Quot. Jur. : Le Quotidien
juridique
Rev. adm. : La Revue
administrative
RDL : Revue de droit local
RDP : Revue de droit public et de science
politique
Rec. : Recueil Lebon
RFDA : Revue Française de droit
administratif
RFDC : Revue française de droit
constitutionnel
RFSP : Revue française du Service
Public
RIDC : Revue internationale de droit
comparé
RTDH : Revue trimestrielle des droits de
l'homme
RUDH : Revue universelle des droits de
l'homme
RSMP : Revue des sciences morales et
politiques
IV- Divers
p. : page
Éd. : édition
Comm. : commentaire
Requ. : requête
c/ : contre
Sommaire
Introduction 11
PARTIE I- Le prosélytisme comme
manifestation extérieure de
la liberté religieuse 20
Titre I- Le fondement juridique du
prosélytisme 21
Chapitre I- La liberté religieuse comme
fondement juridique 22
du prosélytisme
Section I- Une reconnaissance par voie interprétative
du prosélytisme religieux 22
§ I- Le prosélytisme à travers les droits
nationaux : une approche divergente 22
A- Le cas du droit français
22
B- Le cas du droit grec 24
§ II- Le prosélytisme et la Convention
européenne des droits de l'homme 26
A- Les articles garantissant la
liberté religieuse 27
B- La jurisprudence de la CEDH en
matière de prosélytisme 28
Section II - Les bénéficiaires de cette garantie
juridique 31
§ I -Un droit de tous les hommes ? 31
A- La situation des mineurs au regard du
bénéfice 32
du droit à la liberté de religion
B- Prise en compte des seules
activités 33
religieuses des groupements religieux
C- Le cas des personnes en détention
33
§ II- La situation des groupements religieux 34
A- Recevabilité des requêtes
formulées par 35
les seuls groupements religieux
B- Prise en compte des seules
activités 35
religieuses des groupements religieux
Chapitre II- La Commission et la Cour
européenne des droits de l'homme 37
rempart quant aux ingérences étatiques
en matière de liberté religieuse.
Section I- L'abus de droit et le contrôle de
légalité 37
§ I- L'abus de droit 37
A- La notion d'abus de droit 38
B- L'abus de droit dans la Convention
européenne 39
des droits de l'homme
§ II- Le principe de légalité
39
A- Existence de la loi 39
B- La qualité de la loi 40
Section II- Le contrôle du caractère raisonnable
des 40
mesures portant atteinte à la liberté
religieuse
§ I- Application automatique de la Cour
européenne des droit 41
de l'homme de la proportionnalité aux interventions
étatiques
en matière de liberté religieuse.
§ II- Evaluation de la protection de
la liberté religieuse 42
Titre II- Les implications du prosélytisme
« religieux 45
Chapitre I- Le prosélytisme en tant que droit
de manifester sa religion 46
Section I- Le culte et les rites 46
§ I- Des manifestations a priori paisibles 47
A- La Commission évite de se
prononcer clairement 47
sur la nature de la manifestation
B- Des manifestations sous contrôle
48
§ II- Controverse quant au cadre de ces manifestations
49
A- L'exercice de la liberté de
religion 49
individuellement ou collectivement
B- Réticence du droit grec quant
à la liberté cultuelle 50
Section II- Les manifestations plus ambiguës 51
§ I- L'enseignement 51
A- La forme de l'enseignement 52
B- L'enseignement en vue de la
conversion : composante du prosélytisme
§ II- Le prosélytisme, manifestation complexe des
convictions religieuses 54
A- Le silence de la Cour quant à la
nature de la prédication 54
B- La prédication : une
manifestation de la religion 55
garantie au même titre que le culte ou les
rites ?
Chapitre II- Le prosélytisme comme support au
principe du libre choix de 57
sa religion
Section I- Le principe du libre choix de sa religion 57
§ I- Prédétermination de la religion
originaire de chaque homme 57
A- Affirmation de ce droit par la
Convention 58
B- Le contenu de ce droit 58
§ II- Le droit de se convertir 59
A- Un doit implicite 59
B- Une réticence du droit grec quant
à l'effectivité de ce droit 60
Section II- L'exercice du droit de changer de religion
60
§ I- Liberté de tout homme d'accéder aux
informations lui permettant 61
de changer de religion.
§ II- La neutralité de l'Etat 62
PARTIE II- Le prosélytisme comme
menace 64
à la liberté religieuse
Titre I- Les limites classiques du prosélytisme
65
Chapitre I- Prohibition unanime d'un
prosélytisme abusif 66
Section I- Le prosélytisme ne peut porter atteinte aux
exigences 66
de la stabilité de la vie sociale
§ I- Le maintien de l'ordre 67
§ II-- L'hygiène et la santé publique
67
Section II- Le prosélytisme doit respecter l'harmonie
des rapports sociaux 68
§ I- Le respect des droits et libertés d'autrui
69
A- Le respect des droits et libertés
d'autrui 69
dans les rapports familiaux
B- Le respect des convictions d'autrui
71
§ II- Le prosélytisme abusif : une atteinte
aux droits de l'homme 73
A- L'endoctrinement et la manipulation
mentale 73
B- Le prosélytisme abusif support de la
haine et 74
de la provocation religieuse
Chapitre II- Les sanctions pénales d'un
prosélytisme abusif 76
Section I- Le prosélytisme abusif, non exclusif de
responsabilité pénale 76
§ I- L'imputabilité du prosélytisme
abusif 76
A- La religion, non privative de
lucidité 77
B- La religion, non privative de
liberté 77
§ II- la criminalité du prosélytisme
abusif 78
A- L'ordre religieux, non justificatif
78
B- La nécessité religieuse,
exclusive de justification 79
Section II- Le prosélytisme abusif, non exclusif de
sanction pénale 80
§ I- La qualification pénale du
prosélytisme abusif 80
§ II- La répression pénale du
prosélytisme abusif 81
A- L'inaction des victimes de faits
religieux 81
B- La peine du fait religieux
délictueux 82
Titre II- Les nouveaux défis de l'Europe en
matière religieuse 84
Chapitre I- La problématique de l'expression de
la liberté 85
religieuse par le biais de signes
religieux
Section I- L'interdiction du port de signes religieux par les
élèves 85
§ I- La notion de signe religieux. 85
§ II- Interdiction du signe religieux. 89
Section II- Le contrôle juridictionnel 90
§ I- Les mesures d'ordre intérieur, support de
la prohibition 90
§ II- L'appréciation des situations au cas par
cas et ses limites 92
Chapitre II- Les sectes : un
phénomène transnational
95
Section I- Nécessité d'adopter une
législation relative aux sectes 95
§ I- Les mouvements dits sectaires : mouvements
religieux 95
§ II- Les mesures législatives luttant contre
les sectes 96
Section II- La position de la Commission et de la Cour face
à ces nouveaux 97
mouvements religieux.
§ I- Absence de distinction entre religion
traditionnelle et 97
nouveaux groupements religieux
§ II- Conformité des législations
nationales spécifiques aux 99
nouveaux groupement au regard de la Commission et de
la jurisprudence de la Cour.
Conclusion 101
Annexes 102
INTRODUCTION
L'Homme a toujours eu besoin de croire,
d'accomplir des rituels et d'exprimer de la manière la plus
libérale ses convictions religieuses. La religion n'est-elle pas
finalement inhérente à la nature humaine ?
Cependant, la liberté de religion dérange.
Personne n'y trouve son compte, surtout pas les croyants eux-mêmes, ni
les Eglises. En effet, l'expression renvoie inévitablement à une
pluralité des religions, affirmant, chacune détenir la
vérité absolue avec plus ou moins de bonne foi et de
tolérance1(*).
Cela est d'autant vrai que dans certaines parties du monde le
message religieux est récupéré à des fins
politiques ou bien par l'Etat lui-même ou encore par des entités
non-étatiques. L'école est mobilisée ainsi
« en vue d'assurer la prévalence de la religion, au besoin
en dispensant une formation militaire ou paramilitaire. Les lieux de culte
peuvent servir de lieux d'orientation, de mobilisation et d'encadrement des
fidèles, afin que rien dans la vie sociale et politique n'échappe
à l'emprise de la religion »2(*)
Avant même de rentrer dans le coeur de
cette étude, il est fondamental de délimiter le champ de notre
analyse. En effet, il faut d'emblée définir les termes du
sujet.
Pour cerner ce que recouvre la liberté religieuse,
encore faut-il savoir ce que signifie le mot religion.
La religion n'est pas définie par la loi
française, puisque la loi du 9 décembre 1905 se borne à
décrire les associations cultuelles comme « des
associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et
à l'exercice public d'un culte » (article 18) sans pour
autant indiquer ce que recouvre le terme de culte. A défaut du
législateur, il revient aux juridictions administratives et judiciaires,
chargées de mettre en oeuvre le principe de laïcité, de
définir la religion. On peut citer, un arrêt de la Cour d'appel de
Lyon qui donne une définition de la religion ; cette
dernière déclare je cite : «dans la mesure
où une religion peut se définir par la coïncidence de deux
éléments, un élément objectif, l'existence d'une
communauté même réduite et un élément
subjectif, une foi commune (...) »3(*), la religion suppose alors une communauté et
une foi commune.
Pour la Grèce, c'est la doctrine qui a définit
la religion, comme étant la conception de la personne en ce qui concerne
Dieu et il s'agit d'une conception métaphysique4(*),
Enfin on peut également définir la religion
comme étant le fait d'unir et de relier (religare), de former et de
structurer une communauté. On sait d'ailleurs que, pour E. Durkheim, le
fait religieux ne consiste en rien d'autre qu'en un mouvement d'hypostase ou de
sacralisation du corps social lui-même, tendant à lui permettre de
fonctionner et de croître en plaçant sous une autorité
sacrées les lois mêmes de la vie commune5(*).
D'un point de vue subjectif, c'est un hommage intérieur
d'adoration, de soumission ou encore d'amour à l'égard de Dieu ou
du divin. Et objectivement, le terme évoque une institution
particulière, une organisation sociale hiérarchisée, avec
son code, ses traditions, dont l'objet est de rendre à Dieu l'honneur
qu'il lui est du.
Enfin, on peut également définir le terme de
conviction religieuse, pour la Commission le mot conviction n'est pas synonyme
des termes opinions et idées, il s'applique à des vues atteignant
un certain degré de force, de sérieux, de cohérence et
d'importance.
La liberté religieuse serait alors ce droit à la
liberté du choix de sa religion, le droit de choisir et d'exprimer
librement ce choix religieux ou ces convictions religieuses.
Mais cette liberté religieuse implique également
le droit de manifester en public ou en privé sa religion et
négativement le droit de changer ou de n'adhérer à aucune
religion ou conviction religieuse et cela dans le dessein de plaire à
Dieu ou à une Puissance supérieure à l'homme.
Quant au prosélytisme, historiquement, il se
réfère aux païens convertis au Judaïsme et s'assimile
à la transmission du savoir religieux en vue de la conversion d'autrui.
Concernant cette notion, seul le droit grec la définit.
Il s' agit certes, d' une définition pénale, aussi aux termes de
l' article 4 de la loi 1363/ 1938, modifiée par l' article 2 de la loi
1672/1939, on peut capter certains éléments du
prosélytisme, ainsi, « le prosélytisme, est toute
tentative directe ou indirecte de pénétrer dans la conscience
religieuse d'une personne de confession différente dans le but d'en
modifier le contenu, soit par toute sorte de prestations ou promesse de
prestation ou de secours moral ou matériel, soit par des moyens
frauduleux , soit en abusant de son inexpérience ou de sa confiance,
soit en profitant de son besoin, sa faiblesse intellectuelle ou sa
naïveté»6(*).
En réalité, le prosélytisme peut prendre
deux formes : il peut s'agir de la prédication, de
l'évangélisation ou du catéchisme, mais
négativement il peut être tromperie, propagande ou encore
provocation marketing. Ainsi, se caractérise sa nature ambivalente.
Les degrés de tolérance d'une
pratique religieuse et sa place au sein d'une société sont
intimement liées aux types de relations qu'on pu entretenir
l'Église et l'État. En effet, il s'agit d'un constat
territorialement universel : les rapports institués entre
l'État et une religion déterminée tenue comme
traditionnelle ne sont pas sans exercer quelques actions sur la situation faite
à la liberté religieuse et à ses manifestations.
En France, il faut se référer à la
déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789
proclamait la liberté de conscience (art.10) et à la constitution
de 1791 (titre 1) garantissant le libre exercice des cultes. Pourtant les
constituants n'entendaient pas rompre avec un système dans lequel
l'Église dépendait du pouvoir civil. Le décret du 2
novembre 1789 décidait de la nationalisation des biens du clergé
et en contre partie l'État prenait en charge les frais du clergé
et de ses ministres. Progressivement, le régime de la Convention surtout
sous la terreur (mai 1793-juillet 1794) mena une politique de
déchristianisation systématique. Le décret du 21
février 1795 établissait un régime de séparation
des églises et de l'État tout en affirmant le principe du libre
exercice des cultes. La république n'en salariait aucun, ne fournissait
aucun local, reconnaissait aucun ministre du culte.
Cependant, Bonaparte rétablit une certaine paix
religieuse en négociant avec Pie VII un concordat, signé le 15
juillet 1801(26 Messidor an IX). Ce texte prévoit d'une part,
le rapport entre Église et État et ils
permettent d'autre part aux autorités civiles d'exercer un étroit
contrôle policier sur les ministres des cultes et sur le
déroulement de la vie religieuse.
Il faut noter que cette législation concordataire
s'appliqua dans des contextes politiques très divers. Gouvernement
favorable ou défavorable à l'Église catholique ou à
tout autre religion, se succédaient à un rythme rapide. On peut
dire que l'Église joua un rôle fondamental dans la vie
politique.
A partir de la monarchie de juillet (1830), deux groupes vont
s'affronter et donner lieu à deux courants : d'une part, les
partisans de l'ordre traditionnel, d'une société renouant avec
l'ancien régime et par conséquent défenseurs des
cléricales et d'autre part, ceux qui soutenaient un ordre nouveau
notamment certaines valeurs dégagées par la révolution de
1789 (comme l'opposition a l'Église catholique et a son
clergé).
Lorsque à partir de 1879/1880 les républicains
ont pris le pouvoir, ils estimèrent que le régime
républicain était incompatible avec le maintien d'une
Église forte d'où la mise en place de lois répondant
à ce principe d'incompatibilité. Cela a évidemment
entraîné la rupture des relations diplomatiques avec le
Saint-Siège en 1904.
Dans cette logique d'affrontement entre l'Église et
l'État fut voter la loi du 9 décembre 1905, instaurant en France
le régime de Séparation des Églises et de l'État
qui d'ailleurs constitue le régime actuel. Ainsi, la Loi de 1905 pose
les principes de base. De fait, la constitution de 1958 ne fixe pas le
régime constitutionnel des églises, et ne contient que deux
dispositions concernant directement ou non, le statut des
églises.7(*) Ces
sources constitutionnelles sont fondamentales car elles fondent le
régime de neutralité de l'État, qualifié aussi
d'État laïque.
Finalement, si on veut résumer la situation de la
France on peut se référer à Monsieur Jacques Robert.
Ce dernier a retracé la typologie entre État et églises en
distinguant trois systèmes de relations entre l'autorité
étatique et puissance religieuse8(*).
D'abord, la confusion entre religion et état, dans
lequel autorité politique et autorité religieuse se fondent entre
les mains d'un même chef.
Ensuite, on trouve l'union entre l'État et la religion
qui se manifeste par une collaboration entre les deux autorités,
orchestrée par un partage de compétence.
Enfin, la séparation traduite par la non-intervention
de l'État dans les questions religieuses compensée par
l'effacement de l'autorité religieuse du domaine politique.
Pour la Grèce la situation est différente,
les rapports Etat-Eglise est appelé, dans la littérature grecque
moderne, système « de la prépondérance de
l'État conformément à la loi »9(*). L'Etat dispose du droit,
accordé par la constitution, de régler au moyen d'une loi toutes
les matières administratives de l'église, même celles
présentant une nature interne. Après la prise de Constantinople
(1453), le cadre institutionnel a changé. Le sultan Mehmet II va
octroyer des pouvoirs politiques à l'église, de sorte que le
patriarche était le responsable devant l'autorité ottomane des
actes des chrétiens orthodoxes envers le pouvoir de l'État.
Durant l'insurrection de 1821, un système
différent de relations a été établi. Les
constitutions insurgées établissaient la religion de
l'Église orthodoxe orientale comme
« dominante » ou « religion
d'État »10(*) et assuraient aux membres des autres confessions
et tendances religieuses la libre pratique de leur religion. Les constitutions
du temps de l'insurrection ne contenaient aucune disposition relative au droit
de l'État de légiférer en matière
ecclésiastique. En 1821, les grandes puissances ont imposé le
régime de la monarchie absolue en Grèce, et le prince de
Bavière comme roi du pays.
En 1833, une ordonnance va être publiée, en vertu
de laquelle fut établi le système « de la
prépondérance de l'État conformément à la
loi » et portant indépendance de l'Église grecque,
l'État devenait l'autorité législative exclusive pour tout
ce qui concernait l'Église. Cette dernière était alors
directement soumise au souverain, instance suprême des questions
administratives de l'Église.
Du point de vue constitutionnel, on rencontre ce
système pour la première fois dans la constitution de 1844, dont
l'article 105 contenait une disposition relative aux administratives de
l'Église que l'État pouvait régler au moyen d'une loi.
L'introduction de ce nouveau cadre de rapport en 1833 est due
à Georg Ludwing von Mauer, membre de la régence et éminent
juriste. La Grèce moderne doit à Mauer une oeuvre de codification
particulièrement importante.
Les dispositions de la constitution de 1844 concernant la
« prépondérance de l'État
conformément à la loi » n'ont pas
été reprises dans la constitution de 1864, 1911, 1927 et 1952.
Cette absence de reprise ne signifie pas pour autant que le système en
question n'était plus en vigueur.
Une disposition relative au sujet existait dans les Chartes
statutaires correspondantes de l'Église, qui était des lois de
l'État. Cette disposition est seulement réapparue dans le texte
constitutionnel (1968) au cours de la dictature militaire. L'article 1
paragraphe 5 prévoyait que nul projet ou proposition de loi, concernant
l'organisation et l'administration de l'Église, ne serait discuté
sans consultation du Saint-synode, sauf après expiration d'un
délai de vingt jours sans que cette consultation soit
présentée. L'article 72 paragraphe 1 de la constitution de 1975,
actuellement en vigueur, comprend également une disposition
similaire : les projets et propositions de loi portant sur les
matières visées à l'article 3 (position juridique de
l'Église orthodoxe) et 13 (liberté de culte) sont uniquement
discutés en assemblée plénière du Parlement et non
pas dans ses sections d'été11(*).
Finalement nous pouvons synthétiser cette relation
Église-État, on nous référons à Alban
Doudelet qui écrivait :«les constituants grecs du
19e siècle ont pensé rétablir l'idéal
byzantin de coopération entre l'Église et l'État, mais les
modèles russes et bavarois, qui ont effectivement prévalu, ont
instauré une subordination de l'Église à l'État, il
a fallu attendre la Constitution de 1975 et la loi organique de 1977 pour voir
l'administration de l'Église libérée de
l'État : la situation actuelle conjugue une
indépendance mutuelle et une collaboration traditionnelle(....),
malgré les situations de conflit ou de concurrence entre les deux
institutions »12(*).
On peut d'ores et déjà relever une
différence entre la France et la Grèce et qui a toute son
importance. En France, c'est un système ou l'État ignore
l'Église alors que pour l'État hellénique il y a une sorte
de coopération voire une protection de l'Église orthodoxe. La
religion orthodoxe est non seulement la religion dominante mais elle
prédomine sur toute les autres, en d'autres termes elle est
privilégiée. Cette différence démontre que la
république grecque et française bien qu'elles proclament toutes
deux la liberté religieuse (article 13 de la Constitution
hellénique et les articles 1 et 2 d'une loi de 1905 à valeur
constitutionnelle en France), elles n'abordent pas de la même
manière le phénomène religieux.
La liberté religieuse et le
prosélytisme à travers le droit franco-hellénique et la
Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) présente
plusieurs intérêts :
Concernant tout d'abord le choix de la comparaison entre la
France, la Grèce et la CEDH, cela tient à plusieurs raisons.
En effet, la France est un Etat laïque et la Grèce
un Etat « confessionnel », où il existe une
religion d'Etat. Par conséquent, il est intéressant d'analyser la
position de l'Etat face à la liberté religieuse mais aussi
à l'égard du prosélytisme.
Quant à la Convention européenne des droits de
l'homme, cette dernière constitue le modèle le plus accompli en
matière de protection des droits de l'homme et de ce fait il est
nécessaire d'étudier la position de la convention
européenne et de la cour européenne des droits de l'homme en
matière de garantie des droits fondamentaux.
Par ailleurs, depuis quelques décennies, nous assistant
à une évolution de la religion. De même que le
prosélytisme religieux connaît aujourd'hui des
développements qui dépassent l'analyse juridique. En
réalité, il traduit une crise de légitimité des
mécanismes traditionnels de transmission des croyances religieuses.
Actuellement, l'exercice de la liberté religieuse ne se
limite plus au catéchisme ou la cérémonie dominicale, mais
plutôt par des actions religieuses dont l'objet est de rencontrer les
personnes afin de leur prêcher la parole évangélique et
cela par tous les moyens de communications. Les mouvements religieux
minoritaires bousculent les monopoles institutionnels des églises
dominantes et de ce fait ils portent directement atteinte à la vision
hégémonique et ethnocentrique des groupements religieux
majoritaires13(*).Ainsi,
il intéressant d'examiner comment le droit franco-hellénique et
le droit européen a travers la CEDH appréhende ce
phénomène.
D'autre part, il est fondamental de préciser et
d'analyser le prosélytisme qui repose sur une vision infantilisée
du public destinée souvent a dévalorisé l'action d'autrui.
Or, en dépit des apparences, il n'est pas prouvé que le
récepteur du message religieux soit passif et insensible en raison du
caractère interactif et réciproque de la communication de tout
message. Il serait extrêmement réducteur de supposer
bénéfique la transmission des croyances spirituelles par les
groupes religieux majoritaires et dangereuses l'action des mouvements
minoritaires. D'autant plus que tout mécanisme de communication est
intrinsèquement manipulatoire en ce sens qu il implique une
réaction souhaitée conforme par l'auteur du message. Si le droit
hellénique à l'instar du droit français, affirme la
liberté religieuse, concernant l'exercice de la liberté
d'expression religieuse, on ne peut pas dire que l'État grec facilite
cette dernière, d'ailleurs la Grèce est le seul pays
européen qui prévoit le délit de prosélytisme.
Enfin, par l'étude du prosélytisme, c'est la
question de la tolérance religieuse qui est en jeu. En effet, nous
pouvons dire que l'espace européen est une zone de liberté et de
droit. Mais qu'on est-il du degré de cette liberté religieuse,
cette dernière n'est-elle pas sujette à la manière dont
l'État organise sa relation avec l'Église ? La France a
opté pour un modèle laïc ou l'Etat ne s'émisse pas
dans les affaires de l'Église, il ignore cette dernière. En
Grèce, la situation est tout autre, la religion orthodoxe est
omniprésente et surtout elle exerce une pression extraordinaire sur le
pouvoir politique, au point que le Patriarche devient une figure non plus
seulement religieuse mais également politique. Mais par le biais
notamment des exigences de la Convention européenne en matière de
liberté religieuse et l'appartenance de la Grèce a l'Union
européenne, une évolution a été amorcée dans
le traitement des questions relatives à la religion et des opinions se
font de plus en plus insistantes sur la nécessité d'exclure
l'Église de la sphère politique. Peut-on dire alors que le
modèle de la « laïcité a la
française » tend a influencer le droit
hellénique ?
La problématique du prosélytisme
tient à son articulation avec la liberté religieuse ainsi
garantie par les législations franco-grecque et la convention
européenne des droits de l'homme.
En d'autres termes, doit-on voir dans le prosélytisme,
la manifestation extérieure de la liberté religieuse en tant que
liberté fondamentale ou alors considérer que le
prosélytisme est intentatoire à la liberté religieuse et
de ce fait il doit être réprimé afin de préserver
l'effectivité de la liberté religieuse ?
Pour répondre à cette question, il est
intéressant de confronter l'approche du droit grec avec celle du droit
français afin de savoir s'il existe une convergence ou une divergence de
position. Mais aussi examiner la position de la CEDH en tant qu'instrument de
protection de la liberté religieuse.
On peut d'ores et déjà dire, que la
liberté d'exprimer ses convictions en matière religieuse est
étroitement contrôlée en Grèce, ce qui n'est pas le
cas en France. De plus en matière de liberté de culte,
l'État grec la restreint ouvertement, par le biais d'une disposition
constitutionnelle (article 13§2) : en effet cette liberté
n'est accordée qu'à la religion dominante et aux culte connus, ce
qui traduit une discrimination à l'égard des cultes non connus.
Néanmoins à partir du moment où les religions sont
dominantes ou connues en Grèce, on peu considérer que
l'organisation de leur culte connaît une réglementation similaire
à la législation française : les manifestations du
culte se déroule librement, sous la condition expresse de ne pas
contrarier l'ordre public, dont l'État et les autorités publiques
sont garants.
Ces remarques préliminaires étant
faites nous aborderons notre étude à travers deux parties :
le prosélytisme comme manifestation extérieure de la
liberté religieuse d'une part (1er Partie), le
prosélytisme comme menace à la liberté religieuse d'autre
part ( 2e Partie).
1er Partie : Le prosélytisme
comme manifestation extérieure de la liberté
religieuse.
2e Partie : Le prosélytisme
comme menace à la liberté religieuse
PARTIE I- Le prosélytisme comme manifestation
extérieure de la liberté religieuse.
Le prosélytisme et la liberté religieuse forme
un couple, une sorte de complémentarité. En effet, l'exercice
effectif de la liberté religieuse impose que cette dernière
puisse se manifester dans toutes ces formes.
On a vu, qu'à la différence du droit
hellénique, la France ainsi que la CEDH sont silencieuses quant au
prosélytisme, ce dernier n'est guère définit et pourtant
il conditionne l'exercice de la liberté religieuse.
Cependant, il faut rechercher le fondement juridique du
prosélytisme afin que ce dernier puisse être garanti en tant que
partie intégrante de la liberté religieuse.
En effet, on peut affirmer, que c'est dans le cadre plus
général de la liberté religieuse qu'on pris forme les
différents instruments garantissant la faculté de communiquer
à autrui sa foi ou le message divin que l'on considère
universelle et devant être transmis aux hommes. Sur ce point on se
rencontre que le droit français et le droit hellénique sont
convergents et tout deux garantissent la liberté religieuse, mais dans
la pratique cette liberté de croire et de l'exprimer publiquement est
loin d'être satisfaisante.
L'action positive du recrutement religieux présuppose
le pluralisme spirituel ou institutionnel14(*)mais aussi la liberté de conscience. On sait
que le droit international défend le droit de l'individu de penser
librement par lui-même, à avoir des principes qui soient en accord
avec ses convictions profondes et à agir en conséquence, sous
réserve exclusivement de ne pas porter atteinte aux droits d'autrui
15(*)
En général, les grands textes juridiques
relatifs à la liberté de changer ou pas de religion ont une
portée et un intérêt variable. Dans les Etats de droit tel
que la France et la Grèce, les citoyens disposent de garanties
juridictionnelles effectives, dans ce cadre les textes constitutionnels ont une
autorité réelle. Dans d'autres pays, leur portée est plus
symbolique ou politique, c'est d'ailleurs le cas des Etats dont le
régime politique est fondé sur une dictature, empêchant
les citoyens de croire à d'autres principes que ceux imposés par
le régime.
Aussi, dans cette première nous allons rechercher le
fondement juridique du prosélytisme (Titre I) et ensuite examiner les
implications du prosélytisme religieux (titre II).
Titre I- Le fondement juridique du
prosélytisme
Titre II- Les implications du prosélytisme
religieux
Titre I- Le fondement juridique du
prosélytisme.
Comme nous l'avons vu précédemment le
prosélytisme ne fait pas l'objet d'une définition juridique,
exception faite du droit grec, qui ce dernier le définit
négativement par une loi spéciale.
Habituellement, pour le public, le prosélytisme est
synonyme de propagande, d'endoctrinement ou de manipulation mentale mais il
recouvre également le droit de diffuser ses convictions religieuse a
autrui en vue de sa conversion. Il faut noter, que la Convention
américaine des droits de l'homme garantie cette liberté, ce qui
n'est pas le cas par exemple de la CEDH
Cependant, à travers l'interprétation des droits
nationaux , notamment le droit français et le droit grec et la CEDH, on
s'aperçoit que le prosélytisme est effectivement garantie en tant
qu'aspect ou conséquence logique d'une autres liberté, elle,
reconnue expressis verbis, la liberté religieuse (Chapitre I).
Par ailleurs, à travers donc cette liberté
religieuse, le prosélytisme va être garanti non seulement par les
droits nationaux mais aussi par le droit européen. La Cour
européenne des droits de l'homme ainsi que la commission vont constituer
une sorte de rempart afin d'assurer un niveau minimum de protection de la
liberté religieuse et par conséquent du prosélytisme
(Chapitre II).
Chapitre I- La liberté religieuse comme
fondement juridique du prosélytisme.
Chapitre II- La Commission et la Cour
européenne des droits de l'homme: rempart aux ingérences
étatiques en matière de liberté religieuse.
Chapitre I- La liberté religieuse comme fondement
juridique du prosélytisme.
Une remarque doit être apportée, le droit de
diffuser des convictions religieuses relève certes de la liberté
de manifester sa religion ou sa conviction mais aussi de la liberté
d'expression. Mais dans le cadre de notre étude, nous traiterons
simplement la liberté religieuse en tant que support juridique du
prosélytisme.
Le droit français et le droit grec vont
reconnaître par voie interprétative le prosélytisme comme
étant l'expression extérieure de la liberté religieuse
(Section I), par ailleurs il faudra identifier d'une manière
précise quels sont les bénéficiaires de cette garantie
juridique (Section II).
Section I- Une reconnaissance par voie interprétative
du prosélytisme religieux.
Le droit franco-hellénique ainsi que la CEDH consacre
le principe de la liberté religieuse. La Cour européenne des
droits des droits de l'homme ainsi que les tribunaux nationaux veillent au
respect de cette liberté.
Cependant, la Grèce se distingue de la France, du fait
qu'elle prévoit également l'interdiction du prosélytisme
(article 13 de la Constitution), mais dans ce cas précis, il s'agit du
prosélytisme dit abusif, celui qui porte atteinte aux droits d'autrui
notamment.
Ainsi, nous allons examiner quelles sont, à travers les
droits nationaux et la CEDH, les références qui sont faite
à la liberté religieuse et par voie de conséquence au
prosélytisme.
Nous verrons dans un premier paragraphe la position des droits
nationaux quant à cette reconnaissance implicite du prosélytisme
(§I) et ensuite nous analyserons la position de la CEDH et de la cour
européenne des droits de l'homme (§II).
§ I- Le prosélytisme à travers les droits
nationaux : une approche divergente.
En France, à la différence de la Grèce,
il n'existe pas de religion prédominante, l'Etat français ignore
l'Eglise. En Grèce la situation est totalement différente, la
constitution hellénique privilégie une religion sur les
autres : c'est le religion orthodoxe d'orient. De ce fait, il est
intéressant de présenter dans un premier temps, comment le droit
français appréhende et réglemente la liberté
religieuse (A) et ensuite examiner le droit grec (B).
A- Le cas du droit français.
L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789 garantit la liberté des opinions
« même religieuses ». La question n'est
abordée qu'à l'article 1er de la Constitution de 1958
sous l'angle de la non discrimination.
Par ailleurs la loi de 1905 dont certaines dispositions ont
valeur constitutionnelle16(*), notamment son article premier qui prévoit que
« la République assure la liberté de
conscience » et qu'elle « garantit le libre
exercice des cultes sous les seules restrictions ci-après dans
l'intérêt de l'ordre public ».
De plus, tout en posant le principe de la séparation
des Eglises et de l'Etat, la loi du 9 décembre a cependant
institué une protection de la liberté religieuse ou la
liberté de culte. Laïque, l'Etat n'en demeurait pas moins garant de
la liberté de culte ainsi que le justifiait le Professeur
Garraud : « Si donc la loi n'a pas à s'immiscer dans
le domaine du religieux, elle doit garantir à tous le droit qui
appartient à chacun de suivre ou de ne pas suivre le culte conforme
à ses croyances »17(*).
Les articles 31 et 32 de la loi du 9 décembre 1905 ont
remplacé les articles 260 et 261 du Code pénal de 181018(*), lesquels protégeaient
le libre exercice des cultes autorisés sous le régime du
Concordat19(*). Les
similitudes rédactionnelles existant entre les dispositions anciennes et
nouvelles ainsi que la faible application des articles 31 et 32 de la loi de
1905 rendent utile le recours à la jurisprudence dégagée
avant 190520(*).
Le droit français par le biais des dispositions de la
loi du 9 décembre 1905 institue une protection générale de
l'exercice cultuel en incriminant toutes les atteintes dont elle pourrait faire
l'objet.
Cette liberté religieuse implique non seulement le
libre choix d'exercer tout acte de culte conformément à sa
croyance mais aussi l'exercice paisible du culte choisi. Si le libre choix doit
être garanti, l'exercice paisible du culte doit l'être
également. La loi de 1905 protége ces deux aspects de la
liberté de culte.
Les articles 31 et 32 de la loi de Séparation mettent
en effet l'exercice du culte à l'abri tant des contraintes que des
troubles.
Plus précisément l'article 31 de
Séparation dispose : « Seront punis d'une amende de
seize francs à deux cents francs et d'un emprisonnement de six jours
à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, par voie
de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre
de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille
ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à
s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de
faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à
s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. »
L'article 31 énumère trois
procédés matériels de contraintes. A défaut de l'un
de ces trois moyens, l'infraction ainsi définie ne sera pas
constituée. A titre d'exemple, la persuasion exclusive de toute violence
physique ou morale, telle que l'ordre, la défense ou le conseil, n'est
pas incriminée21(*). Les contraintes incriminées par l'article 31
de la loi de 1905 résultent soit de la violences et voie de fait soit
des menaces.
Concernant les violences et les voies de fait, il convient,
pour leur définition, de se référer aux articles 222-7 et
suivants du Code pénal relatifs aux violences. La jurisprudence sous
l'empire de l'ancien Code pénal sur le fondement des articles 309 et
suivants relatifs aux coups et blessures permet de cerner ces notions.
Les violences et voies de fait exigent un acte positif et ne
peuvent résulter d'une abstention22(*) Par ailleurs, la jurisprudence n'exige pas que les
comportements constitutifs de violences et de voies de fait entraînent
une atteinte physique. Ainsi selon la formule de la cour de cassation,
« en visant dans les articles 309 et 311 du Code pénal les
violences et les voies de fait, le législateur a entendu réprimer
celles qui, sans atteindre la personne matériellement, sont cependant de
nature a provoquer une sérieuse émotion »23(*).
En somme les termes de violences et de voies de fait
recouvrent donc une multitude de comportements positifs atteignant la personne
soit dans son intégrité physique, soit dans son
intégrité psychique.
Enfin, le troisième procédé
matériel contrainte énoncé par l'article 31 réside
dans les menaces. Celles-ci résultent de la crainte d'un mal que leur
auteur fait peser sur sa victime.
Les menaces au sens de l'article 31, comme celle
incriminées aux articles 222-17 et 222-18 du Code pénal peuvent
être physiques, verbales ou écrites.
On remarque, que le droit français affirme la
liberté religieuse et sa libre pratique et il prévoit par le
biais du droit pénal des mesures assurant l'exercice effectif de cette
liberté.
Le prosélytisme en tant que manifestation de cette
liberté religieuse n'est certes pas mentionné expressis verbis,
mais par extension de la garantie juridique octroyer à la liberté
de culte, le prosélytisme se voit alors couvert par ce régime
juridique.
Le droit hellénique quant à lui, est moins
ambigu que le droit français quant à l'affirmation de la
liberté religieuse mais il n'est pas plus libéral concernant
l'exercice pratique de la religion.
B- Le cas du droit grec.
On peut noter au préalable, que la majeure partie du
peuple grec appartient à l'Eglise orthodoxe orientale. Ce pourcentage
est estimé à 96% de la population totale, suivent ensuite les
musulmans, les catholiques, les protestants, les Témoins de
Jéhovah, les Arméniens et les Juifs.
Ce qu il faut retenir, c'est qu'à la différence
de la France, en Grèce il existe une religion d'Etat : c'est la
religion orthodoxe (article 3 alinéa 1 de la constitution de 1975), et
cette dernière est privilégiée par rapport aux autres
religions ou confessions existantes sur le territoire grec.
Concernant la liberté religieuse et le
prosélytisme, la situation est assez atypique en Grèce.
La liberté religieuse est intégrée dans
les articles 13 de la Constitution. Selon ces dispositions, elle inclue la
liberté de conscience et la liberté de culte.
La conscience religieuse et les convictions religieuses,
irréligieuse ou athées ainsi que les déviations
dogmatiques ou administratives de toute religion (hérésie,
schisme) de tout homme en général (Grec et étranger), sont
protégées dans le cadre de l'égalité (article 4 et
13, § 1 Constitution). Des violations au principe d'égalité
avaient été constatées par le passé dans le domaine
du travail, surtout en ce qui concernait la nomination d'instituteurs et de
maîtres d'écoles maternelles.
Le contenu de l'instruction religieuse dans les écoles
est conforme aux idées de la religion dominante, instruction qui est
dispensée par des instituteurs de religions orthodoxe.
Le conseil d'Etat (arrêt 1417/1949) avait
décidé que seul un orthodoxe pouvait être nommé
instituteur, puisqu'il est inconcevable qu'un non orthodoxe puisse enseigner
conformément au dogme de l'Eglise orientale. En réalité,
cette cause de récusation avait fini par concerner également les
maîtres des écoles maternelles. Ce régime resta en vigueur
jusqu en 1988, époque à laquelle cette disposition fut abolie
(loi 177/1988). Désormais, un non orthodoxe peut être nommé
instituteur dans des écoles de deux classes au moins ; la religion
est ainsi enseignée par son collègue orthodoxe.
On s'aperçoit, que la condition c'est deux classes au
moins, a défaut, que se passera t-il ? Bien que la loi ait assoupli
cette disposition tout à fait discriminatoire, puisque l'accès
à cet emploi est conditionné par l'appartenance religieuse de
l'individu.
Dans le même ordre d'idée, le serment du
Président de la République doit uniquement être
envisagé de manière chrétienne. Il n'existe pas dans la
Constitution (article 33) de disposition similaire à celle de l'article
59 qui concerne le serment des députés non orthodoxe. En d'autres
termes, l'article 33 ne permet que l'élection d'un chrétien
orthodoxe comme Président de la République. Ceci est pourtant
contraire au principe d'égalité posé par l'article 4 de la
constitution.
IL est évident que la liberté de conscience en
Grèce, quand il s'agit de certains emplois ou postes de grande
importance, l'appartenance religieuse de l'individu prend toute son importance
pour l'obtention de l'emploi.
On peut dire, qu'il s'agit d'un prosélytisme d'Etat en
faveur d'une religion prédéterminé et de ce fait le
citoyen hellénique est conditionné de sorte qu'il connaît
seulement l'orthodoxie
Egalement, la liberté de changer de religion
contrairement en France n'est pas aisée.
Quant à la liberté de culte, cette
dernière est soumise à l'observation de certaines conditions.
Selon l'article 13, paragraphe 2 de la Constitution, la religion en question
doit être « connue », c'est-à-dire
qu'elle ne doit pas avoir de dogmes secrets et que son culte ne doit pas
être clandestin. De plus, la pratique du culte ne doit pas porter
atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs (article 13, §2),
à savoir, à l'ensemble des conceptions et principes fondamentaux
de caractère étatique, ethnique, social et financier, qui
dominent dans la société grecque à un moment
donné.
L'administration publique et, en cas de recours, les tribunaux
jugent si toutes ces conditions sont remplies. La doctrine et la jurisprudence
imposent une condition supplémentaire à celle
précitée : les adeptes de la religion en question ne doivent
pas faire du prosélytisme à l'encontre des croyants d'une autre
religion.
En effet, en Grèce, le prosélytisme est un
délit prévu par une loi spéciale. Il a été
institué comme tel par la loi forcée 1363/19H38, à
laquelle ont été substituées les dispositions de la loi
forcée 1672/1939 ; toutes les deux étaient des lois de la
dictature de Metaxas. En tant que délit pénal, le
prosélytisme est la tentative systématique et intense, allant
jusqu'à l'importunité directe ou indirecte, usant de moyens
légitimes et illégitimes, de pénétrer la conscience
religieuse d'un individu appartenant à une autre religion que celle de
l'auteur, dans le but de changer ses convictions religieuses.
La pratique du prosélytisme est
sévèrement punie : emprisonnement, amende, surveillance
policière, expulsion pour les étrangers. Notons, que le
prosélytisme n'était considéré comme délit
par la constitution de 1952 que lorsque la
« victime »de cette pratique était
orthodoxe. La constitution actuellement en vigueur (article 13§2)
protége toutes les religions de telles actions.
Cette définition du prosélytisme correspond au
prosélytisme dit « abusif »,
théoriquement, le fait de parler de sa religion à une personne
d'une autre confession religieuse ne devrait pas entrer dans cette
interdiction. Par ailleurs, toute personne est libre de croire ou de ne pas
croire, et surtout de changer de religion, ainsi le prosélytisme est un
moyen (lorsqu'il respecte les droits d'autrui), de répondre à la
volonté d'un individu de changé de religion.*
Il est clair, que la situation en Grèce par rapport
à la France, est assez ambiguë. En droit français, toute
personne est libre de professer sa religion en vue de convertir les futurs
fidèles, à la condition que l'on n'abuse pas de la personne. En
Grèce, l'Eglise orthodoxe joue un rôle extraordinaire au niveau
politique et au niveau social et finalement la répression du
prosélytisme et son inscription dans la constitution est une sorte de
protection de la religion dominante.
Enfin, concernant la mise en place de lieux de culte des
différentes religions (églises, maisons de prière,
synagogues et mosquées), cela est conditionné par l'approbation
du ministère de l'Education nationale et des Cultes.
Les conditions nécessaires à l'obtention de
cette autorisation comprennent, pourtant, l'autorisation du métropolite
orthodoxe local (loi forcée 1369/1938, article 41§1).
Le Conseil d'Etat a rendu nécessaire cette autorisation
pour l'établissement, également, des maisons de prière,
malgré le fait que la loi qui les concerne n'exige rien de tel. D e
plus, le Conseil d'Etat a décidé que l'autorisation du
métropolite ne constitue qu'un simple avis, qui ne lie pas le
ministère. Si ce dernier approuve l'institution du lieu de culte en
question, malgré l'opinion contraire du métropolite, il doit
motiver spécialement sa décision.
En réalité, les requêtes sont
rejetées par les évêques orthodoxes et le ministère
ne s'y oppose habituellement pas. Les intéressés ont, ainsi,
recours au Conseil d'Etat qui, en règle générale, leur
rend justice.
Peut-on continuer à affirmer pour la Grèce, que
le prosélytisme non abusif est un aspect de la liberté religieuse
et qu'en tant que tel devrait être protégé par la
loi ?
La réponse n'est pas simple, il est certain que le
degré de liberté en matière de religion est
inférieur à celui de la France.
Nous verrons, dans le prochain paragraphe, que la Cour
européenne des droits de l'homme a souvent condamné l'Etat grec
en matière de religiosité.
§ II- Le prosélytisme et la Convention
européenne des droits de l'homme.
La convention européenne des droits de l'homme
est : « le modèle le plus accompli de protection
internationale des droits de l'homme, un modèle au surplus
révolutionnaire par rapport aux conceptions classiques du droit
international puisque, dans les limites des droits définis, elle tend
à instaurer un contrôle supranational des actes et organes
étatiques le plus souvent à l'initiative d'individus
érigés de la sorte en véritable sujets de droit
international »24(*)
Ainsi, il est intéressant de rechercher les articles de
la CEDH qui traitent expressément de la liberté religieuse (A)
mais examiner la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme en matière de prosélytisme (B).
A- Les articles garantissant la liberté
religieuse.
L'article 9 de la CEDH dispose : « 1.Toute
personne à la liberté de pensée, de conscience et de
religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou
de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé,
par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des
rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses
convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui,
prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une
société démocratique, à la sécurité
publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la
moralité publiques, ou à la protection des droits
d'autrui »
Ainsi est énoncé le principe de la
liberté notamment religieuse par l'article 9 de la Convention. Notons
que lors de la préparation de ce texte, la Suède où la
religion luthérienne jouit d'un statut de religion d'Etat et la Turquie
adepte d'une laïcité dure, demandèrent l'insertion dans
l'article relatif à la liberté de religion (alors l'article 7 du
projet) d'un paragraphe dérogatoire autorisant le maintien des
législations nationales déjà existantes qui comportaient
des règles restrictives pour certaines institutions et fondations
religieuses ou l'appartenance à ces confession. Cependant cet ajout sera
finalement supprimé.
De plus, la transcription dans la Convention de la
liberté religieuse, a révélé les difficultés
que peut poser l'appréciation de cette liberté et surtout des
restrictions qui peuvent valablement lui être apportées25(*).
Hormis ces quelques soucis, le consensus sur
l'énonciation de la liberté religieuse fut très large et
seules quelques modifications techniques furent apportées au premier
paragraphe de l'article 9 à partir du libellé de l'article 18 de
la Déclaration universelle qui servit de base et de
référence.
La convention européenne assure avant tout la
protection de l'individu contre l'ingérence de l'Etat, sauf
nécessités légitimes et impérieuses d'interventions
considérées et évaluées dans le cadre d'une
société démocratique26(*)
L'article 9-1 de la Convention dispose donc que le droit
à la liberté de pensée, de conscience et de religion
implique « la liberté de changer de religion ou de
conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé,
par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissements des
rites ». Certains de ses aspects se trouvent
protégés en outre par l'article 10 de la Convention qui assure le
droit à la liberté d'expression, lequel « comprend
la liberté d'opinion et la liberté et la liberté de
recevoir ou pas de communiquer des informations ou des
idées ».
Si la liberté de religion s'exerce avant tout, dans
l'intimité de l'individu , elle revêt également un aspect
externe qui se traduit par des actes extérieurs, comme par exemple faire
du prosélytisme en vue de convertit des futurs croyants. Il ne faut pas
perdre de l'esprit, que toute religion recherche des nouveaux adeptes et de ce
fait, elle va recourir au prosélytisme pour faire connaître ses
principes et son message divin. En conséquence, le prosélytisme
dispose d'une garantie juridique européenne, car ne pas le
reconnaître et le protéger juridiquement, viderai de son sens la
liberté religieuse.
Enfin, le droit à l'expression religieuse n'a pas
donné lieu à une jurisprudence fournie devant la Cour
européenne des droits de l'homme27(*). A cet égard, l'arrêt Kokkinakis c/ la
Grèce rendu le 25 mai 1993 par la cour européenne, est le premier
concernant la liberté religieuse et le prosélytisme.
B- La jurisprudence de la CEDH en matière de
prosélytisme.
On peut citer à titre d'illustration jurisprudentielle,
deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, où
il était question du prosélytisme et de la liberté
religieuse.
Le premier arrêt, concerne l'affaire Kokkinakis c/
Grèce du 25 Mai 1993. A propos des faits, un homme de soixante-sept
accompagné de son épouse, obtient paisiblement accès au
domicile d'une habitante de Sitia (Crète) et quand la mari de celle-ci,
chantre d'une église orthodoxe de la ville, entend que les visiteurs
sont des témoins de Jéhovah présentant leur doctrine de
leur confession, il avertit la police. Après avoir passé la nuit
au commissariat, les deux contrevenants sont remis en liberté et
poursuivis devant le tribunal correctionnel pour infraction à l'article
4 de la loi n 1363/1938, modifié par l'article 2 de la loi
n 1672/1939, ayant institué et défini le délit de
prosélytisme. Alors qu'ils sont tout deux condamnés par le
premier juge, la cour d'appel de Crète acquitte l'épouse et
condamne le mari a trois mois de prisons. Par un arrêt du 22 avril 1988,
la cour de cassation rejette le pourvoi introduit par le condamné.
Devant la commission et ensuite devant la Cour
européenne des droits de l'homme les deux principaux griefs
dirigés contre la condamnation sont titrés de l'article 9 et de
l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Le premier garantit la liberté de
religion et notamment « la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction individuellement ou collectivement » ;
l'interprétation donnée au second inclut le principe de la
légalité des incriminations et des peines.
En ce qui concerne la violation alléguée de
l'article 9, la Cour vérifie selon sa jurisprudence si
l'ingérence dans la liberté garantie par le premier alinéa
est justifiée en raison de l'exception portée l'alinéa 2,
c'est-à-dire si elle satisfait à l'application cumulative des
trois critères qui sont contenus : l'exigence de la
légalité, la légitimité de l'objectif poursuivi et
le respect du principe de proportionnalité.
Sur le premier point il y a lieu de distinguer trois aspects.
Il n'est pas douteux que les juridictions grecques ont appliqué au
requérant une disposition législative au sens formel. C'est
toutefois un second point qui semble avoirs fait l'objet principal du
débat devant la Cour : la qualification de prosélytisme
n'est-elle pas trop vague et trop indéterminée pour satisfaire
à l'exigence de légalité. Cette partie du grief aurait pu
se conjuguer avec l'allégation de violation de l'article 7, toutefois,
dans sa réponse à ce second grief la Cour renvoie à une
partie de la motivation relative à l'article 9 (arrêt,
§§ 40-41), et elle s'y borne à constater l'application
constante que font les tribunaux grecs de la dispositions réprimant le
délit de prosélytisme.
Si l'on remonte plus en avant dans la motivation de
l'arrêt rapporté, là où la Cour européenne
analyse la jurisprudence grecque en la matière (§§ 18-21), on
s'aperçoit que l'incrimination du prosélytisme n'a jamais
été appliquée que contre ceux qui s'efforçaient de
convertir à leur foi des membres de l'Eglise orthodoxe grecque.
Dés lors, le grief tiré de l'application conjuguée des
articles 9 et 14 de la convention est écarté par le Cour d'une
manière expéditive.
Le troisième aspect rencontré par la Cour
à propos de la légalité de l'incrimination du
prosélytisme a pour objet sa conformité à la constitution
de l'Etat. Se référant sur ce point à un arrêt
également relatif à la Grèce (arrêt du 16
décembre 1992, affaire Hadjianastassiou c/ la Grèce, § 42),
la Cour se borne à constater qu'il appartient aux cours et tribunaux
nationaux d'interpréter et d'appliquer le droit interne et, par
conséquent, de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi.
Or, comme les juridictions grecques ont systématiquement rejeté
l'exception d'inconstitutionnalité dirigée contre la loi sur le
prosélytisme, la Cour estime devoir se rallier à cette
évaluation.
Par ailleurs, la Cour concernant la violation du principe de
proportionnalité, distingue « le témoignage
chrétien du prosélytisme abusif », et elle ajoute
que le premier « correspond à la vraie
évangélisation » (§48). La question que l'on
peut se poser quels sont les critères qui permettent de distinguer la
vraie évangélisation par rapport à al fausse et
appartient-il au juge laïc de se prononcer sur la
« vérité » d'une
évangélisation ? Et quelle est la confession, même
dominante, qui ne recourt jamais à aucun des moyens ensuite
dénoncés comme les caractères « du
prosélytisme abusif », tels l'offre d'avantage
matériels ou sociaux ou l'exercice d'une pression abusive sur des
personnes en situation de détresse ou de besoin (§ 48)28(*)?
Bien que la Cour a condamné la Grèce, c'est
évidemment la loi même réprimant le prosélytisme qui
aurait dû être jugée contraire à l'article 9 de la
Convention, ainsi que l'ont proposé le juge Pettiti dans son opinion
partiellement concordante, le juge De Meyer dans son opinion partiellement
concurrente et le juge Martens dans son opinion partiellement dissidente. Il y
avait trois raisons pour ce faire : l'illégitimité de
l'objectif poursuivi, liée au caractère discriminatoire de
l'application que la loi avait, de manière très cohérente,
reçue des tribunaux, ce but étant la protection de la seule
église dominante, et le caractère à ce point vague de la
qualification légale que, pour condamner le Grèce, la Cour en est
réduite à relever « que les juridictions grecques
établirent la responsabilité du requérant par des motifs
qui se contentaient de reproduire les termes de l'article 4, sans
préciser suffisamment en quoi le prévenu aurait essayer de
convaincre son prochain par les moyens abusif » (§ 49). La
définition énumérative du délit que contient
l'article 4, alinéa 2, de la loi grecque indique clairement qu'il s'agit
d'un délit d'opinion, comme tel incompatible avec l'article 9 de la
Convention.
Enfin, l'incrimination pénale du prosélytisme
porte atteinte à la liberté d'expression en matière
religieuse. Elle se distingue nettement, et du pouvoir de l'Etat de
reconnaître certains cultes ou leur réserver les avantages
prévus par la loi, matière dans laquelle la jurisprudence du
Conseil d'Etat en France a évolué dans un sens plus
libéral.
Le second arrêt, traite du prosélytisme dans
le cadre de l'armée.
En effet, dans cette affaire qui opposait monsieur Larissis et
autres contre la Grèce, on peut noter deux differences essentielles avec
l'affaire Kokkinakis : d'une part concernant Kokkinakis l'acte de
prosélytisme émanait d'une personne civile, Témoin de
Jéhovah, à l'encontre d'une personne civile, alors que dans
l'affaire Larissis les actes de prosélytisme émanaient
d'officiers de l'armée de l'air adeptes de l'Eglise pentecôtiste
à l'égard de soldats et de civils. La Cour a pris d'ailleurs un
grand soin pour présenter avec précision les faits tels qu'ils
résultaient des décisions des tribunaux grecs29(*).
La question de la liberté de religion dans un milieu
militaire avait été abordée dans l'affaire Kalaç c/
Turquie en 1997 sous l'angle de la discipline militaire (Journal de Droit
International, 1998, page 204 et suivant). Elle se posait différemment
dans l'affaire Larissis puisqu'il s'agissait de prosélytisme
exercé par des militaires à l'égard d'autres militaires ou
de civils. La cour a suivi en tous points la jurisprudence Kokkinakis en ce qui
concerne l'existence d'une ingérence, prévue par la loi et
poursuivant un but légitime, mais elle a introduit une distinction en ce
qui concerne la nécessité de la mesure dans une
société démocratique en prenant en compte la
qualité des victimes du prosélytisme, selon qu'elles
appartenaient ou n'appartenaient pas à l'armée. Sur ce point la
Cour a affiné les analyses de la Commission.
En revanche, contrairement à la Commission, la Cour n'a
pas tenu compte des impératifs de la discipline militaire pour juger de
la légitimité du but poursuivi (maintien de la
sécurité publique et protection de l'ordre).
La Cour rappelle que la Convention s'applique aussi bien aux
militaires qu'aux civils, mais elle doit tenir compte des particularités
de la condition militaire et notamment de la structure hiérarchique qui
la caractérise. D'ailleurs, la Cour dit que « les
discussions entre individus de grades inégaux sur la religion ou
d'autres questions délicates ne tomberont pas toutes dans cette
catégorie. Il reste que, si les circonstances l'exigent, les Etats
peuvent être fondés à prendre des mesures
particulières pour protéger les droits et libertés des
subordonnées dans les forces armées »
(arrêt, §51). La Cour se montre relativement sévère
à l'encontre des militaires : bien qu'elle constate que rien
n'indique que les requérants aient recouru à la menace, elle s'en
remet essentiellement à l'appréciation des juridictions internes,
ce que le juge Van Dijk lui reproche dans son opinion partiellement
dissidente.
La Cour note également que « les mesures
en question n'étaient pas particulièrement sévères
et revêtaient un caractère plus préventif que
répressif » (arrêt, §54) et elle en conclut
qu'il n'y a pas eu violation en ce qui concerne le prosélytisme envers
les soldats.
En revanche, la Cour constate une violation de l'article 9 en
ce qui concerne le prosélytisme envers les civils car les
requérants n'ont pas cherché à exercer des pressions sur
eux. Le juge Valticos, considère pourtant que les sanctions prises
à l'encontre des officiers étaient justifiées
« car le prestige de l'uniforme a pu avoir un effet même
à l'égard des civils ». Ce juge tient compte
essentiellement de la qualité de l'auteur de l'acte de
prosélytisme (militaire en l'espèce) alors que la Commission, et
surtout la Cour, prennent en considération la qualité du
destinataire (ou da la victime) de cet acte et font une claire distinction
entre les deux30(*).
L'arrêt Larissis se situe ainsi dans la ligne de
Kokkinakis et apporte d'utiles précisions en ce qui concerne la
liberté de religion dans la société militaire, les
officiers devant s'abstenir d'abuser de leur position pour faire du
prosélytisme.
On peut toute fois se demander si la Cour n'aurait pas
dû aller plus loin et s'interroger sur la compatibilité de la
législation grecque en matière de prosélytisme avec la
Convention. Le juge De Meyer, dans son opinion concordante, admet que les
requérants ont abusé de leur position et de leur rang, mais il
affirme que « la loi dont il s'agit en l'espèce est
illégitime en son principe même, puisqu'elle porte directement
atteinte à l'essence même de la liberté que doit avoir
toute personne de manifester sa religion »31(*).
Finalement, à travers ces deux arrêts, deux
conceptions s'affrontent, ceux qui sont pour le maintien de la loi grecque en
matière de prosélytisme et les autres, qui veulent une abrogation
de cette loi, car elle porte atteinte à la liberté religieuse.
En comparaison avec le droit français, il est
évident, que le droit hellénique est atypique dans cette
matière
La CEDH assure un standard minimum de protection, ensuite les
Etats signataires ne doivent pas descendre en dessus de ce seuil minimum, mais
le degrés de protection de la liberté religieuse en Grèce
est très inférieure a celui de la France (nous
développerons se point dans le chapitre II de notre première
partie).
Quoi qu'il en soit, la liberté religieuse reste
protégée, de ce fait il est intéressant de rechercher
quels sont les bénéficiaires de cette protection.
Section II - Les bénéficiaires de cette
garantie juridique.
Comme nous avons pu constater, le prosélytisme à
travers la liberté religieuse, est garantie non seulement par les droits
nationaux mais également par la Convention européenne des droits
de l'homme. Il est évident, que la Grèce assure finalement le
minimum de garantie permettant de caractériser une société
démocratique, mais même dans ce cas le prosélytisme jouit
de cette garantie, car à défaut, la liberté religieuse et
surtout le droit de manifester sa religion n'aurait aucun sens.
A présent, il faut examiner, les destinataires de cette
protection juridique. Ainsi, nous traiterons de la question relative à
l'étendue de cette protection vis-à-vis des personnes physiques
(§ I), pour s'intéresser ensuite aux groupements religieux (§
II)
§ I -Un droit de tous les hommes ?32(*) .
La plupart des articles de la convention proclamant un droit
s'ouvre par une formule générale positive ou négative
(toute personne a droit ou nul ne peut se voir refuser) qui commande l'octroi
d'une protection aussi large que possible.
Pour l'homme libre ce droit doit tendre vers l'absolu et ne
recevoir de limites que celles justifiées par les contraintes
inhérentes à toute vie en société33(*).
Mais l'homme est lié par des liens familiaux, et ces
derniers posent le problème des droits de l'enfant à
bénéficier de la protection de la liberté de religion (A).
Les liens contractuels peuvent aussi être un obstacle, au moins
provisoirement, à certaines prétentions (B) comme pourraient
l'être les chaînes qui privent le prisonnier de certaines de ses
prérogatives (C)34(*).
A- La situation des mineurs au regard du
bénéfice du droit à la liberté de religion.
Par les liens familiaux, il est surtout question des droits de
l'enfant à l'égard de cette protection juridique en
matière de liberté religieuse.
On peut dire, dans un premier temps, que la liberté de
religion ne peut être refusée à l'enfant. Cependant, le
filtre de l'autorité parentale joue un rôle important et la
difficulté de concilier l'exigence de liberté et le droit de
regard, voire de direction, des parents trouve ici son parfait accomplissement
L'article 14-1 de la Convention des Nations Unies sur les
droits de l'enfant affirme son droit à la liberté de
pensée, de conscience et de religion mais son paragraphe 2
reconnaît aux parents le droit et le devoir de guider l'enfant dans
l'exercice de ces libertés « d'une manière qui
corresponde au développement de ses capacités ».
L'émancipation du mineur en matière de choix et d'exercice
religieux est donc loin d'être acquise.
L'article 2 du premier protocole de la Convention
européenne des droits de l'homme entretient le même doute
puisqu'il fait uniquement référence au respect « du
droit des parents » d'assurer une éducation et un
enseignement conformes à leurs convictions religieuses.
Par ailleurs, la Commission a eu l'occasion de souligner que
l'article 9-1 garanti au mineur son droit à la liberté de
religion. De même, la Commission a considéré recevable la
requête d'une élève de 14 ans renvoyée de son
école pour une journée suite à son refus de participer au
défilé de la fête nationale en raison de ses convictions
religieuses (Requête 17187/90, rapport du 6 juillet 1995, Elias Maria et
Valsamis c/ Grèce). D'une façon générale les
parents peuvent intervenir seuls à l'instance. La Commission estime
qu'en tant que représentant légaux de leurs enfants ils peuvent
effectivement se prétendre victimes d'une décision qui affecte
directement leurs enfants ou qui influe sur leur éducation.
La difficulté réelle apparaîtrait en cas
de conflit ouvert entre le mineur et ses parents ou l'un des deux. Le droit
à l'éducation des enfants peut jouer contre ses parents mais
jusqu'ici c'est l'Etat qui fait usage de cette garantie au
bénéfice d'enfants en bas âge.
Qu'adviendrait-il en cas d'opposition entre le mineur
souhaitant exercer sa liberté de choix en matière religieuse et
ses parents désirant lui voir poursuivre la voie sur laquelle ils l'ont
engagé originellement. Dans ce cas, le mineur dont le choix est
réfléchi et libre ne peut-il bénéficier des
garanties que lui accorde l'article 9 de la Convention dés lors qu'il ne
se met pas en danger. En réalité, dans cette hypothèse,
l'âge est déterminant et de ce fait les droits nationaux
pourraient mettre en place une majorité religieuse autre que la
majorité civique qui est de 18 ans, que ce soit en Grèce ou en
France.
Tout les textes dictent au moins implicitement que l'enfant ne
doit plus être enfermé artificiellement dans des croyances qui lui
ont été imposées dés sa prime jeunesse. Comment ne
pas l'admettre alors que, muette sur ce point, la Convention des Nations-Unies
sur les droits de l'enfant affirme en son article 38-3 que « les
Etats parties s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées
toute personne n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans (....), lorsqu'ils
incorporent des personnes de plus de quinze ans mais moins de dix-huit ans, les
Etats parties s'efforcent d'enrôler en priorité les plus
âgées ». Quinze ans serait-ce assez pour endosser
l'habit guerrier, pour tuer et mourir peut-être, mais insuffisant pour
témoigner ouvertement son attachement au Dieu de son choix35(*)?
La même solution devrait prévaloir sur le terrain
de l'article 2 du protocole au cas où, contre l'avis ou
« les convictions religieuse et philosophiques »
de ses parents, l'enfant souhaiterait assister à un cours facultatif
d'instruction religieuse ou en être exempté.
IL est claire, que l'enfant jouit de cette liberté
religieuse et peut l'exprimer librement sous réserve de son
âge.
Par ailleurs, l'éducation religieuse de l'enfant par
les parents rentre dans le prosélytisme religieux qui est tout à
fait naturel, du moins tant que l'enfant n'est pas en conflit avec ses parents
sur le contenu religieux qui lui proposé.
On le sait, il faut que l'enfant dispose d'un discernement
suffisamment précis du bien et du mal, pour qu'il puisse jouir de sa
liberté religieuse et la manifester de la manière la plus libre
possible. En France, cela est tout à fait possible, le
législateur est assez libéral mais la Grèce n'a pas la
même position, surtout si le mineur veut exprimer publiquement une
croyance autre que orthodoxe.
B- Les liens contractuels.
Le droit français ainsi que le droit grec convergent
sur ce point, le lien contractuel peut limiter l'individu dans l'exercice de sa
liberté religieuse, notamment la manifestation extérieure de ses
convictions religieuses.
Outre une jurisprudence abondante de la cour de cassation
française en la matière, on peut citer la décision de la
Commission du 12 mars 1981, X c/ Royaume-Uni, concernant un instituteur
musulman empêché de se rendre à la mosquée pour la
prière du vendredi après-midi du fait de ses obligations
professionnelles. Selon la Commission à aucun moment lors de son
entretien pour obtenir son poste d'enseignant ni durant les six
premières années de son emploi, le requérrant n'avait
indiqué qu'il pourrait demander à s'abstenir pendant les heures
de classe pour s'associer aux prières à la mosquée.
Toutefois, dans le cadre du contrat de travail des
aménagements sont souvent possibles.
Par conséquent, le lien contractuel réduit les
droits et libertés de celui qui s'engage. Mais, cette limite est
préservée par la faculté de rompre le contrat en
démissionnant si le conflit avec les devoirs religieux devient trop
insupportable pour la personne concernée. Un équilibre existe
alors entre l'autorité particulière attribuée à la
liberté de religion et la liberté de contracter, il s'agit de
cette faculté de se désengager ou de rompre le contrat par la
démission.
En résumé, la protection juridique aussi bien
nationale qu'européenne trouve pour limite le lien contractuel.
C- Le cas des personnes en détention.
La question est la suivante : un prisonnier est-il
limité dans l'exercice de sa liberté de religion ?
L'incarcération s'accompagne d'une réduction de
certaines des libertés protégées par la Convention. La
Commission et la Cour ne s'en montrent pas moins très soucieuses de
fixer des limites à ces ingérences comme par exemple pour le
droit au respect de sa correspondance au titre de l'article 8 de la Convention.
Mais en ce qui concerne la liberté de religion, il ressort de la
jurisprudence de la Commission que le prisonnier continu non seulement d'en
conserver le bénéfice mais, qu'en plus, pèsent sur les
administrations pénitentiaires des Etats concernés un certains
nombres d'obligations positives.
Le prisonnier au même titre que l'homme libre peut donc
se prétendre victime d'une ingérence dans sa liberté de
religion.
De plus, les prisonniers sont nombreux à
prétendre à un accès à un lieu de culte qui leur
permette de communiquer avec ceux qui, incarcérés comme eux,
partagent leur foi.
Le plus souvent, les centres pénitenciers ne sont
dotés que d'un simple lieu de culte représentatif de la religion
dominante dans le pays concerné. Ne pourrait-on pas considérer
qu'il y a une discrimination ? La réponse est négative, l'Etat ne
peut se voir imposer la charge de doter chaque prison d'autant de lieux de
culte qu'il y a de religions susceptibles d'être pratiquées par
leurs prisonniers.
Enfin, il faut noter, que le milieu carcéral autorise
des restrictions à l'accès aux lieux de culte dans l'enceinte
pénitentiaire. Il ne peut s'agir que d'une limitation temporaire
justifiée par exemple par des travaux d'amélioration e la
sécurité d'un lieu de culte.
En cas de délits ou de crimes au sein de
l'établissement pénitencier par un détenu, cela aura pour
conséquence d'aggraver les conditions de sa détention et de ce
fait il peut se voir refuser l'accès au lieu de culte, en d'autres
termes une suspension de son droit.
§ II- La situation des groupements religieux.
Il faut noter, que tout les groupements religieux et leurs
adeptes bénéficient d'une égale garantie au regard aussi
bien des droits nations (grec et français) qu'au regard de la
Convention.
Par contre, si un groupement religieux bascule dans la malice,
l'escroquerie, la fraude ou pire encore la manipulation mentale. Dans ce cas,
le groupement religieux doit être mis hors la loi et poursuivi pour le
dissoudre.
Ainsi, nous allons traiter de la recevabilité des
requêtes formulées par les seuls groupements religieux (A) et
ensuite voir que seul l'activité religieuse est pris en compte (B).
A- Recevabilité des requêtes formulées
par les seuls groupements religieux.
IL est connu, que les associations et sociétés
privées ne peuvent prétendre à la garantie
européenne et même nationale de la liberté de conscience et
de la liberté religieuse.
La question qui se pose est la suivante : peuvent-elles
alors même que leur objet principal n'est pas religieux, invoquer devant
les organes de Strasbourg une violation de la liberté de religion dont
elles pourraient se prétendre victimes au même titre que les
groupements religieux ?
Selon la Commission dans sa décision du 27
février 1979, « à supposer même que la
prétention de la requérante puisse entrer dans le domaine
d'application de l'article 9 de la Convention (.....) une société
anonyme, étant donné qu'il s'agit d'une personne morale à
but lucratif ne peut ni jouir ni se prévaloir des droits
mentionnés à l'article 9 paragraphe 2 de la
Convention » (affaire X c/ Suisse).
En d'autres termes, les groupements non religieux se voient
donc refuser le bénéfice de la protection de l'article 9 de la
Convention.
La Commission a mis en lumière l'incompatibilité
flagrante entre la poursuite d'un but lucratif qui est l'objet d'une
société anonyme et la liberté religieuse.
B- Prise en compte des seules activités religieuses
des groupements religieux.
La constatation de l'absence d'ingérence, d'un
comportement qui, pour être motivé par une religion ou une
conviction ne constitue pas une manifestation protégée au sens de
l'article, conduisant plutôt la Commission à déclarer la
requête irrecevable comme étant mal fondé. Mais lorsqu'elle
décèle des moyens qui n'ont, selon elle, aucun rapport avec la
liberté de religion elle les déclare incompatible avec les
dispositions de la Convention au sens de l'article 27§2. Le grief est
totalement en dehors du champ d'application de l'article 9, il s'agit d'une
incompétence ratione materiae.Ce motif d'irrecevabilité a
été retenu par la Commission à l'encontre d'un
requérant qui s'estimait atteint dans sa liberté religieuse parce
que la loi britannique ne punit pas le blasphème et qu'il ne pouvais en
conséquence entamer de procédure criminelle contre l'auteur des
« versets sataniques » (Requête 17439/90,
décision de la Commission du 5 mars 1991, Choudhury c/ Royaume-Unie).
L'article 9 ne peut en effet mettre à la charge de l'Etat de
pénaliser certaines atteintes privées aux convictions
religieuses.
La Commission, en même temps qu'elle recevait pour la
première fois la requête d'un groupement religieux sur la base de
l'article 9, a très clairement écarté toute
prétention dont le lien avec l'objet principal du groupement
n'apparaîtrait pas avec suffisamment d'évidence.
La jurisprudence de la Commission est sur ce point d'une
grande cohérence : au-delà de la nature même de
l'organisme privé requérant, c'est la nature lucrative de ses
activités qui apparaît totalement incompatible avec l'objet de
l'article 9 de la Convention. Une activité lucrative d'un groupement
religieux échappe à la garantie de l'article 9 tout comme ne peut
l'invoquer une société à but lucratif.
Cette position de la Commission et de la Cour a
été confirmée dans une affaire concernant les
monastères grecs36(*). Cette affaire concernait les monastères
grecs, entité légale de droit public, institutions religieuses
dont les membres vivent selon les principes monastiques. Par une loi 1700/1987
l'Etat grec modifia les règles de gestion, d'administration et de
représentation de biens monastiques relevant de l'Organisation pour
l'administration des biens de l'Eglise dont le contrôle passe du Saint
Synode de l'Eglise grec à l'Etat. De plus la loi prévoit que
l'Etat devient propriétaire de tous les biens monastiques à moins
que le monastère ne démontre l'existence d'un droit de
propriété résultant d'un titre légal dûment
enregistré ou d'une décision de justice irrévocable
à l'encontre de l'Etat.
L'essentiel du contrôle de la Commission te de la Cour a
bien entendu porté sur la compatibilité des mesures
adoptées par la Grèce avec les dispositions de l'article 1 du
protocole relatives au respect des biens.
Mais, l'article 9 de la Convention était aussi
invoqué par les requérants qui soutenaient que les dispositions
de la loi grecque « les ont privés des moyens
nécessaires à la subsistance des communautés monastiques
et constituent une entrave à l'exercice de leurs convictions religieuses
d'ascétisme »37(*). Face à cette argumentation la Commission
oppose que « les dispositions incriminées se
référent au patrimoine monastique et ne concerne nullement la
pratique religieuse de l'ascétisme »38(*). Par ailleurs, les
requérants « n'ont pas démontré que d'autres
objets ou avoir nécessaires à la pratique religieuse et au culte
religieux étaient affecté par les dispositions
incriminées »39(*).
Cependant, l'intérêt de cet arrêt,
réside dans le fait que la Cour n'est pas insensible au fait, que
certains biens d'une église ou d'un lieu de culte quelconque, peuvent
revêtir une importance considérable, de sorte que la privation de
ces biens peut avoir une conséquence néfaste sur la manifestation
de la religion. De ce fait, on peut supposer, que si l'église, par
exemple, démontre que certains biens sont fondamentaux au regard de la
manifestation de la religion, ces derniers devraient bénéficier
de la protection de l'article 9 de la Convention.
Chapitre II- La Commission et la Cour européenne des
droits de l'homme:
rempart quant aux ingérences étatiques en
matière de liberté religieuse.
La liberté religieuse de la personne ne doit faire
l'objet d'aucunes limitations. Le droit français ainsi que le droit grec
ne peuvent en aucun cas limiter cette liberté. Ceci est vrai, concernant
les convictions intimes de la personne et le droit de changer de religion.
Quant au prosélytisme, comme aspect extérieur ou manifestation de
la liberté religieuse, l'inviolabilité de ce droit par l'Etat
n'est pas aussi sûre.
L'article 9 de la Convention énonce, le droit et ses
implications parmi lesquelles le droit de manifester sa religion au premier
paragraphe, les ingérences autorisées dans les seules
manifestations de la liberté de religion au second. Dés lors, la
violation de l'article 9-1 ne pourrait résulter, exception faite du
droit de changer de religion, que d'une atteinte particulièrement grave
au for interne de l'individu.
La Commission et la Cour européenne des droits de
l'homme, vont disposer d'un certains nombres d'instruments juridiques, afin
d'assurer le respect des dispositions de l'article 9 de la Convention.
Ainsi, ces moyens juridiques peuvent être
regroupés en deux catégories : d'une part, l'abus de droit
et le contrôle de légalité (Section I) et d'autre part le
contrôle du caractère da la mesure portant atteinte à
l'exercice de la liberté religieuse de l'individu (Section II).
Section I- L'abus de droit et le contrôle de
légalité.
Dans le cadre de l'abus de droit, on va apprécier
l'intervention contestée par rapport à une norme de
référence qui impose avec plus ou moins de force et de rigueur,
un cadre indépassable (§ I).
Quant au principe de légalité, ce dernier joue
un rôle important dans la Convention comme d'ailleurs dans la plupart des
droits de l'homme. La loi est présente partout. C'est elle qui
prévoit et fixe l'encadrement des libertés garanties et qui fixe
les peines, dans le cas d'un abus d'une liberté (§ II).
§ I- L'abus de droit.
L'abus de droit en tant qu'instrument de contrôle, est
connu aussi bien en droit interne qu'en droit international.
De ce fait, il est intéressant, d'envisager la notion
d'abus de droit dans un premier temps (A), et examiner ensuite l'abus de droit
dans la Convention (B).
A- La notion d'abus de droit.
Le droit international reçoit l'abus de droit comme un
principe général.40(*) L'abus de droit serait un acte commis de mauvaise
foi, c'est-à-dire avec une intention malveillante, de nuire.
Cette conception subjective, largement influencée par
la théorie générale de l'abus de droit
élaborée en droit privé français, conserve tout de
même un rôle marginal en droit international41(*).
Dans un régime conventionnel, les compétences de
l'Etat sont définies par l'objet et le but du Traité. L'abus de
droit n'est pas révélé par l'intention malveillante mais
par un exercice de la compétence non conforme au but du Traité ou
dans un but différent.
Pourtant, la conception du détournement de pouvoir en
droit administratif français est essentiellement subjective. Le
contrôle objectif dans le cadre du recours pour excès de pouvoir
porte sur les motifs dans le cadre de l'ouverture de la
« violation de la loi ». Au contraire, le
détournement de pouvoir « fait pénétrer dans
la subjectivité de l'auteur de l'acte »42(*), il s'attache au but poursuivi
par l'auteur. Mais c'est là sans doute ce qui explique l'insuccès
de la théorie de l'abus droit en droit public français mais
également en droit public grec, qui se dernier a calqué en partie
son droit administratif sur celui de la France.
L'abus de droit est consacré par les juridictions
judiciaires avec une prédominance du critère subjectif et plus
particulièrement de l'intention de nuire. Elles s'y
référent même pour qualifier le détournement des
pouvoirs exercés dans les institutions régies par le droit
privé sans commettre d'erreurs car, pour elles, l'abus de droit englobe
le détournement de pouvoir. En droit public, la situation est exactement
contraire, l'abus de droit est absorbé par le détournement de
pouvoir dés lors qu'il a incorrection des mobiles, au-delà
même de la seule malveillance. Dans le cadre du contrôle objectif,
l'abus de droit s'efface au profit de catégories autonomes au sein de
l'illégalité comme le vice des motifs de l'acte.43(*).
En d'autres termes, le juge administratif utilise le terme
« abus » ou
« abusif », il s'agit simplement d'une variation
de vocabulaire que d'un mode spécifique de contrôle.
Le droit communautaire a aussi préféré
consacrer le détournement de pouvoir comme moyen de contrôle des
institutions européennes. Mais M. Schockweiller relève que la
version anglaise des Traités traduit la notion de détournement de
pouvoir par « misuse of powers ». L'auteur suppose
que cette notion recouvre celle de « abuse of powers »
utilisée en jurisprudence pour sanctionner l'utilisation, par
l'autorité administrative, d'un pouvoir à des fins autres que
celles voulues par la loi44(*).
Ainsi, on peut penser que finalement l'abus de droit a un
rôle marginal en droit international public car il paraît peu
adapté au règlement des conflits entre Etats souverains. En droit
franco-grec, l'abus de droit a simplement pour fonction de régler
certains litiges entre les particuliers
Il faut noter, que l'abus de droit n'est certes pas populaire
en droit international du fait qu'il est trop contraignant pour la
souveraineté des Etats. La situation est totalement différente
pour la Commission et la Cour européenne des droits de l'homme.
B- L'abus de droit dans la Convention européenne des
droits de l'homme.
Les Etats signataires de la Convention son liés par
l'objet et le but du Traité auquel ils ont adhéré. Par
ailleurs, ils ont aussi tous acceptés, que des individus puissent
engager contre eux une procédure contentieuse qui peut aboutir à
un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme proclamant
une violation dans l'hypothèse où un Etat partie à la
Convention ne respecterait pas ces engagements. La Cour a « pour
fonction primordiale de statuer en droit sur la violation
alléguée de la Convention : une décision ou une
mesure émanant d'un Etat contractant a-t-elle ou non méconnu la
Convention »45(*).
Pour M. Flauss, la notion de droit est présente dans la
CEDH sous couvert de la théorie dite des abus de limitations aux droits
garantis, consacrée par l'article 17. En effet, cet article
déclare « Aucune dispositions de la présente
Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour
un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer
à une activité ou d'accomplir un acte visant à la
destruction des droits ou libertés reconnues dans la présente
Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et
libertés que celles prévues à ladite
Convention »46(*).
De plus, l'article 17 doit aussi être mentionné
car il complète le dispositif de l'article 17 en prévoyant que
les restrictions qui sont apportées auxdits droits et libertés ne
peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont
été prévues.
§ II- Le principe de légalité.
Concernant le principe de légalité, il suppose
pour que le contrôle puisse être opéré, l'existence
d'une loi (A) mais aussi la loi doit répondre à certaines
exigences (B).
A- Existence de la loi.
La détermination de la base légale qui fonde
l'ingérence est un préalable nécessaire dans le cadre de
l'examen des conditions énoncées par le paragraphe deux des
articles 8 à 11 de la Convention.
Le contrôle de la Commission et de la Cour est minimum
et relève plus, à ce stade, du simple constat.
Il n'y a pas ici d'abus du droit d'ingérence car ce
droit tel qu'il a été mis en oeuvre n'existait pas. Il s'agit
d'une violation de la Convention dont on ne devrait pas se rendre coupable un
Etat démocratique qui est avant tout un Etat de droit.
La cour européenne des droits de l'homme, dans un
arrêt du 24 avril 1990, adopte une conception compréhensive de la
loi. Comme elle le souligne, elle « a toujours entendu
le terme de loi dans son acceptation matérielle et non formelle
incluant à la fois des textes de rang infra législatif et le
droit non écrit47(*). Les textes de rang supra législatif ou
constitutionnel sont également inclues dans le terme de loi au sens de
la Convention ».
La cour s'en remet à ce stade à
l'appréciation des juridictions nationales. Dés lors que
celles-ci ont admis et identifié la base légale de l'intervention
contestée.
Dans l'affaire Huving par exemple, elle rappelle qu'il incombe
au premier chef aux autorités nationales et particulièrement aux
cours et tribunaux d'interpréter le droit interne.
Enfin, la Commission et la Cour vont également
contrôler la qualité de la base légale avec que cette
dernière réponde à l'exigence da la sécurité
du droit.
B- La qualité de la loi.
Dans son arrêt Sunday Times48(*), la Cour a clairement
énoncé que la loi doit être suffisamment accessible et
répondre à l'exigence de prévisibilité.
La première de ces conditions ne pose pas de
problèmes majeurs s'agissants de textes publics. Cette formalité
suffit à en assurer l'accessibilité et il en va de même des
décisions des tribunaux.
Dans son arrêt Kokkinakis elle relève qu'il
existe une jurisprudence constante des juridictions grecques
« publiées et accessible »49(*).
Ce la signifie alors, que la Cour se réserve la
possibilité de décider que, en certaines circonstances, une loi
bien que publiée est insuffisamment accessible, ce qui laisse entendre
d'ailleurs l'expression « publiée et
accessible ». Déjà dans l'arrêt Sunday Times
la Cour avait mentionné que « le citoyen doit pouvoir
disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur
les normes juridiques applicable à un cas donné ».
Cette possibilité de contrôle offert à la
Cour est formidable. Mais, dans l'affaire Kokkinakis il est tout à fait
regrettable que la Cour n'a pas sanctionné la loi grec qui institue le
délit de prosélytisme, car cette dernière est loin
d'être précise, on pourrai même dire qu'elle est floue.
Section II- Le contrôle du caractère
raisonnable des mesures portant atteinte à la
liberté religieuse.
Avant même de rentrer dans l'étude du
caractère raisonnable, on doit l'exigence selon laquelle, il faut une
identité du ou des buts poursuivis par l'Etat avec l'un des buts
prévus par l'article 9-2 de la Convention.
Concernant, le caractère raisonnable, la norme
européenne de garantie des droits de l'homme, par son article 18,
érige la proportionnalité en un véritable principe
général, en établissant un rapport entre les restrictions
aux droits et le but légitime poursuivi par l'Etat qui les
édicte.
Le contrôle de proportionnalité est le standard
de la Convention européennes des droits de l'homme.
La référence au concept de
proportionnalité y est systématique notamment par rapport
à l'ensemble des interventions étatiques concernant la
liberté de religion (§ I). Par ailleurs, on pourra analyser les
résultats obtenus quant à la valeur attribuée à la
liberté religieuse mise en balance avec d'autres intérêts
(§ II).
§ I- Application automatique de la Cour
européenne des droits de l'homme de la
proportionnalité aux interventions étatiques
en matière de liberté religieuse.
L'article 14 de la Convention est le premier dans lequel la
Cour a utilisé le mot
« proportionnalité » à l'occasion de
l'affaire linguistique belge50(*). Désormais, l'exigence d'un rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le
but visé est le critère d'appréciation du caractère
raisonnable de la différence de traitement constatée, même
lorsque la décision ne reflète pas vraiment un tel
contrôle.
En rapport avec les convictions religieuses, l'obligation de
participer aux cours de formation morale et sociale pour les enfants qui, ne se
réclamant d'aucune conviction religieuse, ne peuvent obtenir de dispense
(moyen) n'est pas, compte tenu du contenu de cet enseignement (moyen),
disproportionnée pour parvenir à transmettre au plus grand nombre
possible de jeunes une instruction morale (but)51(*). En revanche, comme ce fut le cas, dans le
célèbre arrêt Hoffmann, le refus de confier la garde des
enfants à une mère Témoin de Jéhovah (moyen) est
disproportionné pour garantir la santé et les
intérêts de ses enfants (but).
Pour être nécessaire dans une
société démocratique, une restriction à un droit
garanti doit être proportionnée au but légitime poursuivi.
La Cour, dans ses arrêts Kokkinakis et Manoussakis, relève une
violation de l'article 9 de la Convention car les faits n'ont pas
démontré que la condamnation pénale des requérants
était justifiée par un besoin social impérieux.
« La mesure incriminée n'apparaît donc pas
proportionnée au but légitime poursuivi, ni, nécessaire
dans une société démocratique à la protection des
droits et libertés d'autrui' » conclut la Cour dans
l'affaire Kokkinakis52(*).
Quant aux déboires de M. Manoussakis et ses coreligionnaires, la Cour
estime « que la condamnation litigieuse affecte si directement la
liberté religieuse des requérants qu'elle ne peut passer pour
proportionnée au but légitime poursuivi, ni , nécessaire
dans une société démocratique »53(*).
Lorsque la question de la nécessité de la
restriction de certaines manifestations de la religion se pose dans un contexte
particulier, notamment celui des centres pénitenciers, le contrôle
est limité à une disproportion manifeste. Le terme de
proportionnalité n'apparaît d'ailleurs même pas dans la
décision qui ne relève « aucune apparence de
violation »54(*). Il en va de même face à des
règles de sécurité notamment routière 55(*) ou de santé publique
56(*) pour
l'édiction desquelles les Etats contractants ont une très large
marge d'appréciation et auxquelles les requérants peuvent
échapper en recourant à d'autres moyens de transport par exemple
ou dont le caractère attentatoire aux convictions n'apparaît pas
incontestable.
Enfin le contrôle de proportionnalité n'est pas
absent de l'appréciation dont l'Etat s'acquitte de son obligation de
garantir a chacun le droit à l'instruction et du respect des convictions
des parents au sens de l'article 2 du protocole. Dans l'arrêt Kjeldsen,
la Cour arrive à la conclusion que la législation danoise sur
l'éducation sexuelle à l'école « ne blesse
point en soi les convictions religieuses et philosophiques des
requérants dans la mesure prohibées par le seconde phrase de
l'article 2 du protocole »57(*). Placés en situation concurrente, le droit de
l'éducation des enfants l'emporte sur les convictions des parents
prônant un enseignement à domicile fondé notamment sur les
idéaux de la communauté chrétienne mais dont les
capacités pour mener à bien cette tâche sont sujettes au
doute. Dans ce cas les droits des enfants à l'éducation doivent
prévaloir sur le droit des parents au respect de leurs convictions
religieuse et philosophiques et « les moyens pour essayer de
forcer les requérants à se soumettre aux décisions
administratives n'ont pas été disproportionnés au but
poursuivi »58(*).
Encore faut il que la conception d'éducation
privilégiée par l'autorité concernée sont
acceptable par tous. Le principe de la menace de châtiments corporels
dans les écoles publiques est incompatible avec les convictions de
parents hostiles à ce genre de punitions et il ne saurait être
question ici de proportionnalité. Mais l'exclusion temporaire de
l'enfant dont les parents refusaient ces pratiques ne saurait passer pour
raisonnable et elle va au-delà du pouvoir de réglementation que
l'article 2 laisse à l'Etat.
Le décalage paraissait tout aussi net s'agissant de la
participation obligatoire des élèves d'une école à
une manifestation publique commémorative à laquelle il ne peut
être dérogé sans sanction59(*) Peu importe dans ce cas l'élève ayant
refusé sa participation à cause de ses convictions de
témoin de Jéhovah ait été exclue pour une
journée seulement.
Normalement, le principe même d'une telle exclusion, qui
ne s'appuie sur aucune des missions que l'on reconnaît aujourd'hui au
système scolaire dans les Etats démocratiques, est inacceptable
tout comme l'est la menace des châtiments corporels à
l'égard des enfants dont les parents n'approuvent ces méthodes.
La Cour pourtant a pris prétexte du caractère limité da la
sanction qu'elle a souligné de façon insistante pour valider
l'intervention de l'Etat censeur.
§ II- Evaluation de la protection de la liberté
religieuse.
En quelques décisions de la Cour européenne des
droits de l'homme, la liberté de religion, a été
consacrée comme l'une des assises de toute société
démocratique60(*).
Quatre affaires ont suffit à la Cour pour imposer les
libertés de la Convention.
Les arrêts Kokkinakis et Manoussakis tout d'abord qui
affirment clairement le caractère fondamental des droits garantis par
l'article 9 de la Convention, l'arrêt Hoffmann qui affirme le
caractère discriminatoire de toute différence de traitement dont
il apparaît qu'elle est dictée par des considérations
négatives tenant à la religion, l'arrêt
Otto-Preminger-Institut enfin qui, citant largement l'arrêt Kokkinakis,
donne à la protection du sentiment religieux la priorité sur
certaines manifestations du droit à la liberté artistique.
Dans ces affaires, les convictions religieuses l'ont
emporté sue les arguments qui, dans le cadre de l'examen de la
proportionnalité, leur étaient opposés. Dans les trois
premiers cas, l'atteinte à la liberté religieuse est jugée
disproportionnée, dans le quatrième, les mesures prises par
l'Etat pour protéger au détriment de la manifestation d'un autre
des droits garantis par la Convention ne sont pas disproportionnées.
Par ses arrêts Valsamis et Efstratiou, du 18
décembre 1996, la Cour vient de relativiser la portée de la
liberté de religion et de la place faite, dans nos
sociétés, aux convictions religieuses. Il est regrettable que
cette mise au point utile soit faite dans le cadre des arrêts
contestables, dont la portée paraît plus politique que juridique.
La Cour, pour justifier sa conclusion d'absence d'ingérence dans la
liberté de religion des élèves et son refus de garantir
les droits des parent de faire prévaloir leurs convictions religieuses
et pacifistes, se rattache derrière la caractère limité
des sanctions et l'obtention de dispense des cours de religion et de messe
orthodoxe.
Certaines décisions négatives de la Commission
sont également instructives en ce qu'elles soulignent le poids important
qu'il convient d'accorder à la liberté de religion dans
l'appréciation de la conventionalité des restrictions que les
Etats apportent à la liberté religieuse.
L'importance reconnue à la liberté religieuse
transparaît aussi dans l'application de l'article 50 par la Cour. Dans
l'affaire Kokkinakis, la Cour a alloué au requérant une
satisfaction presque totale de ses sollicitations financière. La
totalité des frais et dépens afférentes aux instances
suivies en Grèce et devant les organes de la Convention pourtant
contestés par le gouvernement grec, les quatre cinquième de sa
demande pour tort moral nié par le gouvernement. Or, le plus souvent la
Cour considère que la réparation du dommage moral est
assurée par la seule demande de la violation. Cela démontre, la
gravité de la disproportion de la mesure adoptée par le
gouvernement grec. Peut être est-ce aussi un moyen pour la Cour de
souligner indirectement le caractère inacceptable de toute sanction
pénale injustifiée appliquée à la manifestation
d'un droit garanti et d'occulter son refus d'en condamner le principe.
Car le recours au contrôle de la proportionnalité
est bien l'ultime recours lorsque les autres moyens se révèlent
infructueux ou que la Cour juge opportun d'y recourir.
Dans les affaires concernant directement la mise en cause de
la liberté religieuse (Kokkinakis, Manoussakis et Hoffmann), la Cour
aurait pu faire mieux, aller plus loin, sanctionner une violation dans son
principe dans les deux premiers cas sans avoir à recourir à la
proportionnalité, être plus claire dans le second quant aux
appréciations portées en ne se prononçant pas seulement
sue la question de la discrimination.
Mais en privilégiant ce qui peut passer pour un
contrôle de l'opportunité là où d'autres moyens
pourraient être relevés, ce qui était le cas au moins dans
l'affaire Kokkinakis et Manoussakis, la Cour semble peu convaincante. Elle
satisfait l'Etat par un arrêt de portée limitée à
l'espèce et dont les principes ne seront exportables que dans leur
généralité. Elle satisfait aussi le requérant
concerné qui a l'impression que justice lui a été
rendue.
Mais elle ne fait pas beaucoup avancer le droit qui
s'accommode mal d'une grande souplesse, laquelle nuit à la
prévisibilité de la jurisprudence des organes de la Convention
qu'eux même exigent à l'encontre de la loi nation
Titre II- Les implications du prosélytisme
« religieux ».
L'article 9 de la Convention européenne des droits de
l'homme précise que le droit à la liberté de religion
« implique la liberté de changer de religion ou de
conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé,
par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des
rites ».
Il faut noter, qu'au niveau de la Convention, seuls les
articles 9 et 10 comprennent une énumération des divers aspects
du ou des droits garantis.
Le prosélytisme correspond à la liberté
de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement,
en public mais également il répond au droit de toute individu de
changer religion ou de conviction.
Concernant l'extériorisation de la religion, celle-ci
pose de grande difficulté en Grèce, il existe une sorte de
protectionnisme religieux selon lequel nul ne peut porter atteinte à la
religion orthodoxe et nul n'a le droit de présenter aux citoyens grecs
de confession religieuse orthodoxe, une autre voie religieuse que celle que
l'Etat leur a inculqué (d'où l'existence du délit de
prosélytisme).
En France, en règle générale, la
liberté religieuse semble s'exercer sans problème, sauf quand
cette dernière est en conflit avec le principe du laïcisme, on peut
citer sans rentrer dans le détaille (cela sera traité dans la
seconde partie), le problème que suscite le voile ou hijab (traduction
en arabe du mot voile) des jeunes filles musulmanes qui souhaitent le porter au
collège ou au lycée et cela n application des prescriptions
coranique.
Outre le fait, que le prosélytisme entre dans le cadre
de la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention,
il correspond également au droit de manifester sa religion (Chapitre I)
mais aussi il sert de support quant à l'affectivité du droit de
choisir sa religion (Chapitre II).
Chapitre I- Le prosélytisme en tant que droit
de manifester sa religion
Chapitre II- Le prosélytisme comme support au
droit de changer de religion
Chapitre I- Le prosélytisme en tant que droit de
manifester sa religion.
Les croyances religieuses doivent pouvoir se manifester en
public, et toute personne devrait être libre de vivre selon ces concepts
religieux, à la condition que ceux-ci ne portent pas atteinte à
l'ordre public ou à la liberté d'autrui.
Toute religion ne peut pas s'exercer sans une partie de
prosélytisme, chacune estimant détenir la vérité
absolue et le chemin qu mènera vers le paradis, ainsi elle se doit de
divulguer le message à l'humanité
En d'autres termes le prosélytisme est inhérent
à la religion et donc à la liberté religieuse.
Les textes internationaux, estiment que les actes religieux
garantissent au croyant un exercice effectif de sa liberté de
religion.
L'article 18 de la Déclaration universelle des droits
de l'homme et l'article 9 de la Convention le font en des termes identiques.
L'énumération est brève puisque seulement quatre
manifestations sont mentionnées. D'autres textes optent pour une liste
plus détaillée sans pour autant prétendre à
l'exhaustivité. Ainsi, l'article 6 de la Déclaration des
Nations-Unies sur l'élimination de toutes les formes
d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la
conviction n'évoque pas moins neuf implications dont la liberté
de religion.
La grande force de la Convention européenne est de
disposer d'organes juridictionnels qui, par leurs jurisprudences,
interprètent le texte de base et le font vivre61(*).
Ainsi, le droit de manifester sa religion, couvre tout d'abord
le culte et les rites (Section I) mais aussi des manifestations plus
ambiguës (Section II).
Section I- Le culte et les rites.
Le formalisme d'une religion, l'apparat dont s'accompagne
certains actes d'adoration, la solennité des lieux qui leur servent de
cadre, le nombre et le rôle des ministres des cultes, le maintien de
rites complexes entourant l'exercice de la fonction cérémonielle
ont pour but à la fois de magnifier le Dieu auquel est rendu hommage,
d'accompagner la doctrine d'une religion afin d'en renforcer l'autorité
et de témoigner de l'unité de tous ceux qui accomplissent
scrupuleusement les mêmes gestes, prennent des postures identiques,
prononcent des paroles semblables par delà les
frontières62(*).
De prime abord ces manifestations sont parmi les plus paisible
(§ I), toutefois leur exercice nécessite souvent des actions dont
les Etats ne son pas toujours prêts à consentir la libre
disposition ce qui fait du cadre de ces manifestations l'objet principal des
controverses dont la Commission et la Cour ont eu à connaître
(§ II).
§ I- Des manifestations a priori paisibles.
Le choix des termes employés à l'article 9 de la
Convention pour désigner les manifestations garanties de la
liberté de religion découle de la simple transcription de
l'article 18 de la Déclaration universelle avec cette seule modification
dans l'ordre des termes qui fait passer le culte de l'avant dernière
à la première place, les rites clôturant toujours leur
énonciation. Pourtant les deux manifestations sont très
proches.
Quoiqu'il en soit, la Commission, qui seule a eu à se
prononcer sur cette question, évite de nommer clairement l'une ou
l'autre de ces manifestations invoquées devant elle (A), peut être
parce que bien encadrées, fortement structurées, elles sont
placées sous l'autorité des organes ecclésiaux
chargés de veiller à leur stricte observance (B).
A- La Commission évite de se prononcer clairement
sur la nature de la manifestation.
Le culte, comme culture vient du latin cultus,
dérivatif du verbe colere qui signifie cultiver, entourer,
honorer63(*). Le
dictionnaire Robert en donne deux acceptations : la première
évoque l'hommage religieux rendu à la divinité ou ç
un saint personnage, la seconde, plus droite, désigne l'ensemble des
« pratiques réglées par une religion » pur
rendre cet hommage. Concernant le rite, c'est « l'ensemble de
cérémonies du culte en usage dans une communauté
religieuse, l'organisation traditionnelle de ces
cérémonies »64(*).
La plupart des religions modernes comportent des rites
fortement institutionnalisés.
Les quelques décisions de la Commission
démontrent, que cette dernière, ne se prononce pas clairement sur
la nature de la manifestation.
On peut prendre pour exemple, l'affaire Chappel65(*), relative à
l'accès au site de Stonchenge la Commission, dans son
résumé des faits, parle « du rituel ou de
cérémonie druidique ». Dans la décision
proprement dite il n'est plus question de la
« cérémonie du solstice d'été »
alors qu'ayant présumé que le druidisme était une religion
elle aurait pu aussi bien parler de culte druidique.
L'absence de qualification précise par la Commission de
la manifestation évoquée s'explique le plus souvent par le
caractère négatif de la décision qui se trouve ainsi
renforcée. Elle constate par exemple que le refus du requérant,
de religion israélite, de remettre à son épouse le Guett,
ou lettre de répudiation, ne correspond pas « à
l'accomplissement d'un rite ou d'une pratique »66(*) sans qu'il soit
nécessaire de se prononcer sur la nature exacte de la remise effective
d'un tel document.
Son attitude est identique face à un requérant
qui se plaint de ne pouvoir accomplir en qualité de chrétien
orthodoxe « ses devoirs religieux et les rites relatifs aux
défunts et aux tombes » étant donné que la
circulation sur la nouvelle route à proximité immédiate de
la tombe familiale l'empêche de l'entretenir et d'y poser une croix. La
Commission dans sa décision préfère négliger les
rites pour ne se référer qu'aux
« devoirs » du requérant. Il n'a pas
montré en quoi ce déplacement l'empêcherait
« d'accomplir les devoirs prescrits par ses convictions, ou en
quoi l'accomplissement de ces devoirs est subordonnées au maintien de la
tombe à son emplacement primitif »67(*) d'autant que ses
coreligionnaire avaient accepté le déplacement de leur tombe
familiale.
En d'autres occasions, les manifestations prétendument
entravées restent innommées. La Commission ne les rattache
à aucune des catégories énoncées par la
deuxième phrase de l'article 9 alors qu'il paraît bien s'agir
d'une forme de culte ou d'un rite. Tel est le cas des prescriptions
diététiques68(*). Le jeûne, le carême ou encore le ramadan
pourraient être assimilés à un rite négatif. Mais
l'observance quotidienne d'un régime alimentaire particulier,
l'abstention complète d'absorber certains mets sont plus proches d'une
pratique cultuelle que l'on peut ainsi qualifier de négative. Les
exercices de yoga, le port de la barbiche ou la possession d'un chapelet qu'un
requérant rattache à l'exercice de sa religion bouddhique
69(*)ne sont pas non plus
identifiés comme rite ou élément d'un culte.
Pourtant le port du foulard islamique donne l'occasion
à la Commission de souligner que « dans les pays où
la grande majorité de la population adhère à une religion
précise, la manifestation des rites et des symboles de cette religion,
sans restriction de lieu et de forme, peut constituer une pression sur les
étudiants qui ne pratiquent pas ladite religion ou sur ceux
adhérant à une autre religion »70(*). Ainsi à partir de
cette décision, on pourrait penser le tenue vestimentaire serait
considérer par la Commission comme étant un rite.
Cette imprécision de la Commission se justifie d'abord
par le teneur des requêtes qui lui sont adressées et dont elle se
contente souvent de reprendre les termes.
Elle s'explique aussi, par le caractère
généralement négatif de ses décisions qui la
conduisent à écarter en bloc toutes les qualifications qui
pourraient laisser penser à une manifestation garantie par la
Convention
B- Des manifestations sous contrôle.
Culte et rites ne sont jamais laissés au hasard des
volontés ou des aspirations individuelles sauf pour les plus intimes de
leurs formulations comme la prière personnelle, mais il s'agit là
du for intérieur du croyant.
En même temps que ces manifestations fondent une
église et l'identifient dans ce qu'elle a de plus spécifique
quant à la dévotion pratiquée, elles unissent aussi ses
membres dans une extériorisation de leur foi uniforme.
Dans ce domaine, le droit à la liberté de
religion de l'Eglise est substitué à celui de ses membres. Selon
la Commission, elle « bénéficie d'une protection de
sa liberté de manifester sa religion, d'organiser et de
célébrer son culte, d'enseigner les pratiques et les rites, et
elle peut assurer et imposer l'uniformité en ces
matières » et surtout « les églises
ne sont pas tenues d'assurer la liberté de religion de leurs
prêtres et de leurs fidèles »71(*).
Ainsi la liberté de religion ne confère pas
« à un ministre du culte le droit de défendre des
conceptions religieuses particulières dans le cadre d'une église
où il exerce »72(*).
En d'autres termes, le ministre du culte ne peut
décider du culte et de son organisation.
Cette autonomie des églises en ce qui concerne
l'organisation du culte et la célébration des rites
transparaît également dans le souci de la Commission de
vérifier systématiquement auprès des autorités
ecclésiastiques compétentes, le bien fondé des
allégations de certains requérants. Par exemple, le
requérant, chrétien orthodoxe, opposé au
déplacement de la tombe familiale se trouve isolé puisque
d'autres personnes partageant ses croyances « ont
déplacé volontairement leurs tombes familiales à
l'intérieur du cimetière et (....) les autorités
ecclésiastiques grecques orthodoxes auxquelles le requérant s'est
adressé ont refusé d'agir en sa faveur »73(*).
§ II- Controverse quant au cadre de ces
manifestations.
L'article 9 de la Convention couvre la liberté de
manifester sa religion « individuellement ou collectivement, en
public et en privé ». Le cadre de ces manifestations de
la liberté de religion paraît si large et son acceptation si
unanime que la Commission et la Cour ne précisent pas toujours si la
requête concerne une manifestation individuelle ou collective,
privée ou publique.
S'agissant des cultes et des rites qui réclament un
lieu spécifique d'exercice, nous nous intéresserons à
l'exercice de la liberté religieuse individuellement ou collectivement
(A) pour démonter que la liberté cultuelle en droit grec est loin
de satisfaire les exigences posées par la Convention européenne
des droits de l'homme (B).
A- L'exercice de la liberté de religion
individuellement ou collectivement.
La deuxième phrase de l'article 9-1 énonce la
liberté de manifester sa religion « individuellement ou
collectivement, en public ou en privé ».
L'emploi de la conjonction de coordination
« ou » semble indiquer une alternative. Dés
lors pourrait-il se faire que les Etats aient le choix entre la garantie de
l'un ou l'autre seulement des termes de celle-ci ? Le gouvernement du
Royaume-Uni soutenait cette thèse pour justifier sa position à
l'égard d'un instituteur musulman qui se plaignait de ne pouvoir
s'absenter, tous les vendredis après-midi pendant quarante-cinq minutes,
de classe afin de se rendre à la mosquée pour la prière
collective. L'Etat défendeur soutenait qu'il serait suffisant pour
satisfaire aux exigences de l'article 9-1 que soit accordé le droit de
manifester sa religion en privé seulement74(*).
La Commission a écarté cette
interprétation après avoir examiné « le sens
ordinaire de la protection de la liberté de religion assurée par
le paragraphe 1, dans le double contexte de l'article 9 et de la Convention
dans son ensemble, eu égard à l'objet et au but de
celle-ci ». Elle relève que « le droit de
manifester sa religion en public a toujours été
considéré comme une composante de la liberté de
religion ». Selon elle, l'on « ne saurait
considérer les deux volets de l'alternative, en privé ou en
public, comme s'excluant mutuellement ou comme laissant un choix aux pouvoirs
publics, mais comme reconnaissant simplement que la religion peut se
pratiquer sous l'une ou l'autre forme »75(*) dans les limites fixées
au paragraphe second.
Le raisonnement suivi par la Commission vaut évidemment
pour la manière individuelle ou collective de manifester sa religion qui
doit être combinée librement avec le lieu de la manifestation. Il
en résulte que chacun peut manifester sa religion individuellement en
privé, avec ses coreligionnaires en privé, seul en public mais
aussi avec d'autres et au vu de tous.
Enfin, un cas particulier doit être souligné, en
effet les adhérents au dogme de l'église
évangélique libre avaient sollicité du Ministre grec de
l'Education Nationale et des Religions la permission d'établir un local
réservé à leur culte dans la ville d'Argos. Le ministre le
leur refusa au motif que le nombre était très limité. Le
Conseil d'Etat grec annula cette décision précisant qu'un refus
de permission ne saurait être opposé que si le nombre des membres
de la communauté religieuse demanderesse est « totalement
insignifiant ». Après la saisine de la Commission les
requérants obtinrent satisfaction et retirèrent leur
requête, la Commission estimant de son côté
« qu'il existe aucun motif d'intérêt
général qui pourrait justifier la poursuite de l'examen de
celle-ci »76(*).
Dans ce cas d'espèce, le problème était
relatif à la manifestation collective en public de la religion des
requérants par le culte. Or, la réponse apportée par le
Conseil d'Etat, si elle donne satisfaction aux membres de l'église
évangélique libre, laisse entendre que cette liberté
pourrait ne pas être accordée aux membres d'une communauté
religieuse insignifiante. Cela n'est pas raisonnable de limiter ainsi la
manifestation religieuse d'un groupe aussi peu nombreux qu'il soit, cela
constitue purement et simplement une atteinte au droit de manifester sa
religion, par ailleurs, il est tout à fait regrettable que la Commission
ne s'est pas prononcée sur cette question, son avis aurait
été d'un grand secours concernant ce problème.
B- Réticence du droit grec quant à la
liberté cultuelle.
Le culte s'exerce le plus souvent collectivement et en
public.
La Commission et la Cour viennent une nouvelle de condamner la
Grèce pour violation de l'article 9 de la Convention et cela dans le
cadre d'une requête de quatre Témoin de Jéhovah
condamnés pour avoir utilisé, sans autorisation, un lieu
privé pour des réunions, la prière et d'autres
manifestations religieuses 77(*). Les faits montrent que malgré plusieurs
demandes formulées auprès de l'autorité compétente
ils n'obtinrent pas de réponse. Poursuivis sur le fondement d'une
infraction à l'article 1 de la loi d'exception 1363/1938 ils furent
acquittés par le tribunal correctionnel de première instance mais
sanctionnés en appel. Leur pourvoi en cassation fut rejeté au
motif notamment que selon la loi, pour bénéficier de la
liberté d'exercice du culte, « il faut qu'il s'agisse
d'une religion connue et non d'une religion occulte....qu'aucune atteinte ne
soit porté à l'ordre public et à la morale...qu'il n'y ait
pas d'acte de prosélytisme ». La question n'est pas
nouvelle, dans l'énoncé des circonstances de l'espèce
Kokkinakis la Cour relève parmi les nombreuses sanctions imposées
au requérant une peine de six mois d'emprisonnement prononcée en
1952 pour « une réunion religieuse dans une
maison privé »78(*). Les conclusions de l'affaire Kokkinakis sont
très présentes dans le rapport de la Commission qui paraît
sensible aux opinions partiellement dissidentes des juges Pettiti et Martens
reprochant à la Cour de ne pas avoir sanctionné le principe
même de la sanction pénale pour fait de prosélytisme. Selon
la Commission « le fait d'ériger en infraction
pénale l'utilisation d'un lieu de culte sans autorisation
préalable des autorités compétentes peut paraître
disproportionné au but poursuivi », c'est-à-dire
l'ordre public. Elle souligne l'évidence du détournement de
pouvoir dans l'affaire Manoussakis où « c'est en
réalité l'attitude dilatoire manifestée par les
autorités saisies de la demande d'autorisation qui est à
l'origine de la condamnation des requérants »79(*).
La Cour relève que l'intervention selon l'article 1 de
la loi grec, d'une « autorité ecclésiastique
reconnue, à savoir l'église orthodoxe dans la procédure
d'octroi de l'autorisation permet « une ingérence profonde des
autorités politiques, administratives et ecclésiastiques dans
l'exercice de la liberté de religion » (§ 45). Elle
rappelle que « le droit à la liberté de religion
tel que l'entend la Convention exclut toute appréciation de la part de
l'Etat sur la légitimité des croyances ou sur les
modalités d'expression de celle-ci » (§ 47). Dans ce
cas précis, l'Etat « tend à se servir des
potentialités des dispositions (de la loi) de manière à
imposer des conditions rigides ou même prohibitives à l'exercice
de certains cultes non orthodoxes, notamment celui des témoins de
Jéhovah » (§ 48). Face à de telles
obstructions illégitimes la Cour invoque pour la première fois,
le droit, sinon le devoir, de désobéissance :
« Dans ces conditions, la Cour estime que le Gouvernement ne
saurait exciper de l'insubordination des requérants à une
formalité de la loi pour justifier la condamnation infligée
à ceux-ci. Le taux de la peine importe peu » (§
52).
Elle conclut à une violation de l'article 9, à
l'unanimité, mais sous l'angle seulement de la disproportion et sans
sanctionner la loi en cause.
Section II- Les manifestations plus ambiguës.
L'article 9 de la Convention européenne des doits de
l'homme énonce d'autres manifestations qui semblent plus conflictuelles
surtout au regard du droit hellénique.
L'enseignement parce qu'il évoque au moins pour partie
et surtout depuis l'arrêt Kokkinakis, un rapport plus immédiat
antre l'adepte d'une église qui « sait » et
celui qui ne sait pas encore mais qui prête une oreille attentive et qui
pense peut être à exercer son droit de changer de religion (§
I) mais également la prédication qui va permettre de rencontrer
les gens dans le but de leur faire part du message universel (§ II).
§ I- L'enseignement.
Dans le cadre de l'article 9 de la Convention il s'agit d'un
moyen pour le croyant de manifester sa religion. Mais la question qui se pose,
c'est quel type d'enseignement peut être dispensé et à
qui ? (A). La Cour a mis en lumière et, dans une certaine mesure
validé, une forme d'enseignement qui apparaît comme une composante
du prosélytisme et dons de la liberté religieuse (B).
A- La forme de l'enseignement.
En tout cas pas celui auquel le juge Valticos fait
référence dans son opinion dissidente jointe à
l'arrêt Kokkinakis. Selon lui « le terme d'enseignement qui
figure dans l'article 9 vise sans aucun doute l'enseignement religieux dans les
programmes scolaires ou les institutions religieuses, mais non le
démarchage individuel »80(*). Seraient donc les seules croyants à pouvoir
manifester leur religion, l'Etat par l'intermédiaire des programmes
scolaires et les membres du corps enseignant des institutions religieuse !
C'est oublier que l'Etat n'a pas sa place dans cette phrase de l'article 9 et
qu'il est tenu par les dispositions de l'article 2 du protocole ; c'est
aussi négliger le libellé de l'article 9 qui couvre le droit de
manifester sa religion individuellement par une démarche individuelle et
non pas comme le dit le juge Valticos « un démarchage
individuel »81(*).
Dans l'affaire Hoffmann, le juge Valticos avait
également formulé une opinion dissidente dans laquelle il
relevait que « comme la mère faisait des visites
hebdomadaires en vue de répandre sa foi (certes, sans être
accompagnée de ses enfants), on devrait s'attendre à ce que ce
souci de prosélytisme se manifestât également envers ses
enfants dont il était normal qu'elle voulût en assurer ce qu'elle
considérait comme leur statut ». Ceci suffirait, selon
lui, à justifier le refus d'accorder à la mère
divorcée la garde de ses enfants. Suivant un tel raisonnement, il
faudrait refuser aux Témoins de Jéhovah une large part du
bénéfice de l'article 9 de la Convention, celui aussi de la
deuxième phrase de l'article 2 du protocole et peut être le
bénéfice de l'article 14 de la Convention.
Pour les juges Foighel et Loizou « le terme
d'enseignement implique franchise et probité, et exclut le recours
à des moyens détournés ou irréguliers, ou à
de faux prétextes (....) pour pouvoir pénétrer au
domicile de quelqu'un et, une fois introduit, en abusant de la courtoisie et de
l'hospitalité témoignées, tirer avantage de l'ignorance ou
de l'inexpérience en matière de dogme d'une personne n'ayant pas
de formation dans ce domaine, et à chercher à l'amener à
changer de religion. Il en est d'autant plus ainsi, que le terme d'enseignement
doit s'interpréter dans le contexte de l'article tout entier et en
combinaison avec les limitations prévues au paragraphe 2, en particulier
celles de la protection des droits et libertés d'autrui, qui englobe
sans aucun doute, pour ceux qui enseignent leur religion, le devoir de
respecter celle d'autrui. La tolérance religieuse implique le respect
des croyances religieuses des autres »82(*).
L'argumentation des juges Pettiti et Martens dans leurs
opinions jointes rend plus exactement compte des implications des dispositions
de l'article 9 de la Convention dont la Cour elle-même, malgré les
quelques faiblesses de son arrêt dénoncées par ces deux
juges, a su tirer la substance. La Cour en effet a, au § 31 de son
arrêt relatif aux « principes
généraux » et dans lequel nous voyons son apport
fondamental, affirme « le droit de convaincre son prochain, par
exemple au moyen d'un enseignement ». Nous retiendrons deux
implications qui découlent de cette partie de la phrase. Tout d'abord
l'enseignement peut avoir pour objectif légitime de convertir
l'enseigné au sens de l'article 9 de la Convention. Ensuite,
l'enseignement n'est qu'un moyen parmi d'autres de convaincre son
prochain83(*).
On peut distinguer deux catégories d'enseignement.
D'une part, celui qui a pour objectif d'élever la conscience du disciple
néophyte déjà tout acquis aux principes fondamentaux du
groupement auquel il a adhéré. D'autre part celui qui est
donné à un intéressé auquel sont
présentés les principes fondamentaux qui devront lui permettre,
en toute liberté, d'exercer son choix en faisant siennes ou non les
croyances de son enseignement.
Le prosélytisme non abusif englobe la deuxième
de ces formes d'enseignement qui semble également prohibé dans le
droit grec contrairement au droit français qui en la matière est
bien plus libérale et respectueux de la liberté de religion.
En réalité, il me semble que le droit grec
refuse tout enseignement qui fait pas la promotion de la religion orthodoxe,
sous couvert de prosélytisme ou d'un enseignement de la religion que par
les institutions habilitées, il est plus question de protéger la
religion d'Etat que celui de la transmission d'un savoir. On peut pas
considérer a cet effet, que la position du droit hellénique soit
conforme aux exigences de la Convention notamment concernant ce droit de
manifester sa religion par le biais également, de l'enseignement combien
même ce dernier est destiné a convertir la personne. La seule
exigence est le respect de la liberté d'autrui et le consentement de
l'auditeur.
B- L'enseignement en vue de la conversion : composante
du prosélytisme.
En distinguant le témoignage chrétien du
prosélytisme abusif, la Cour reconnaît implicitement la
nécessité du prosélytisme comme support du droit de
changer de religion.
Les témoins de Jéhovah se livrent-il au
prosélytisme ? Une réponse a été
apportée par les intéressés eux-mêmes dans une
rubrique « questions des lecteurs » figurant dans
une brochure du groupement dès 196584(*). L'origine du terme et sa signification dans les
temps bibliques y sont rappelés : en résumé, le
prosélytisme, c'est « faire des prosélytes,
recruter des adeptes » selon le dictionnaire alphabétique
et analogique de Robert. Le texte biblique de référence
utilisé par les jéhovistes en la matière est celui de
Mathieu 28 : 19 et 20 dans lequel sont apportées les paroles de
Jésus ordonnant à ses disciples : « Allez donc
auprès des hommes de toutes les nations et faites d'eux mes disciples
(....) et enseignez leur à obéir à tout ce que je vous ai
commandé » (Bible en français courant).
D'une façon générale le terme de
prosélytisme lorsqu'il est aujourd'hui employé évoque une
pratique abusive. Le texte de l'Apocalypse 3 : 20 dit :
« Ecoute, je me tiens à la porte et je frappe : si
quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je mangerai
avec lui et il mangera avec moi » (Bible en français courant).
Du prosélytisme on a pu dire qu'il ne se tient pas à la
porte et frappe mais qu'il « fait brutalement irruption dans la
maison »85(*). En réalité le prosélytisme
agrée par la Cour européenne des droits de l'homme se tient
à la porte, frappe et entre dans la maison quand il y est invité
pour débattre plus en avant, voire enseigner. Pour les Témoins de
Jéhovah, s'agit-il pour eux de recruter en un temps record des adeptes
qui seront, dès les premiers contacts, considérés comme
membres du groupement et astreints aux obligations que toute église est
en droit d'imposer à ses prêtres et fidèles.
L'extrait du périodique de 1965 déjà
cité laisse entendre que non. Certains écrits plus récents
du groupement le confirment. Ainsi lit-on dans un ouvrage intitulé les
Témoins de Jéhovah : prédicateurs du Royaume de
Dieu : « Des millions de gens ont étudié la
Bible avec les Témoins de Jéhovah, mais tous ne sont pas devenu
Témoins. Quand ils prennent connaissance des principes
élevés à appliquer, certains décident que ce n'est
pas le genre de vie qu'ils souhaitent. Tous ceux qui se font baptiser
commencent par apprendre en détail les enseignements bibliques
fondamentaux et ensuite (....) les anciens de la congrégation passent en
revue ces enseignements avec chaque candidat au baptême. Tout est fait
pour s'assurer que ceux qui se font baptiser comprennent non seulement les
doctrines, mais aussi ce qu'implique une conduite
chrétienne »86(*). Plus loin, après l'évocation d'un
grand rassemblement en Afrique où de nombreux nouveaux adeptes ont
été baptisés, il est mentionné que
« l'objectif, toutefois, n'est pas de baptiser les
masses »87(*)
La Commission elle-même a pu relever que
« les témoins de Jéhovah adhèrent à
tout un ensemble de règles de comportements couvrant bon nombre
d'aspects de la vie quotidienne. Le respect de ces règles, ajoute la
Commission, fait l'objet d'une surveillance sociale rigoureuse mais
informelle »88(*)
Ainsi les Témoins de Jéhovah agissent par la
publication, l'enseignement et la discussion, et cela rentre dans le cadre de
l'article 9 de la Convention, il ne s'agit en aucun cas d'un
prosélytisme abusif comme l'avançaient les tribunaux grecs.
Finalement, en Grèce est-il tout simplement possible de
parler d'un autre dogme que celui de l'Eglise orthodoxe ? Peut-on au nom
de la simple liberté d'expression débattre sur des questions
religieuses, en dehors du cadre des seules institutions
autorisées ? Et enfin, que signifie pour le droit hellénique
le droit de manifester sa liberté religieuse ou le droit de changer de
religion, d'autant plus que le prosélytisme non abusif est le support de
ce droit ?
Toutes ces questions démontrent l'intolérance
d'un Etat signataire d'une Convention et la pression que l'Eglise orthodoxe
exerce sur le législateur grec. Il est évident, que la
liberté religieuse en France est plus effective et bien mieux garantie
qu'en la Grèce.
§ II- Le prosélytisme, manifestation complexe
des convictions religieuses89(*).
Pour revenir aux témoins de Jéhovah, certes la
Cour dans l'arrêt Kokkinakis condamne la Grèce pour entrave
à l'article 9 de la Convention, mais concernant l'activité
incriminée par les tribunaux grec, la Cour ne se prononce pas sur la
nature de ladite activité (A), par ailleurs la prédication ne
doit-elle pas être garantie au même que le culte ou les rites
(B) ?
A- Le silence de la Cour quant à la nature de la
prédication.
Il semble que dans l'arrêt Kokkinakis, ce n'était
pas l'enseignement qui était mis en cause.
Le prosélytisme, tel que l'ont validé la
Commission et la Cour, est une expression complexe des convictions qui englobe
un certain enseignement mais aussi des pratiques au sens de l'article 9 de la
Convention. Le requérant faisait d'ailleurs valoir que le droit de
manifester sa religion « engloberait tout enseignement, toute
publication et toute prédication entre personnes90(*). De son côté la
Cour relève que « le témoignage, en parole et en actes,
se trouve lié à l'existence de convictions
religieuses »91(*). Mais si elle conclut bien à une
ingérence dans le droit du requérant de manifester sa
religion92(*), elle ne
donne aucune précision quant à la nature de la manifestation
entravée au sens de l'article 9 de la Convention.
En d'autres termes, la Cour ne veut pas dire clairement que la
prédication est une composante fondamentale du prosélytisme non
abusif et que ce dernier en tant que élément de la liberté
religieuse est garanti par l'article 9 de la Convention.
B- La prédication : une manifestation de la
religion garantie au même titre que le culte ou les rites ?
Les Témoins de Jéhovah déclarent
s'efforcer de suivre le modèle laissé par Jésus et ses
disciples du premier siècle. Ils pensent obéir à l'ordre
prophétique donné par le Christ selon lequel
« cette bonne nouvelle sera prêchée par toute le
terre habitée, en témoignage. Et alors viendra la
fin »93(*).
Les Témoins expliquent que Jésus ne voulait pas dire que
« ses disciples devaient bâtir des églises, sonner
une cloche et attendre qu'une assemblée de fidèles se
réunisse une fois par semaine pour les écouter prononcer un
sermont »94(*). Ils montrent que le verbe grec traduit par
prêcher (kerusso) a pour sens premier « faire une
proclamation en qualité de héraut »95(*). En d'autres termes, ce mot
signifie donc pas prononcer des sermons devant un petit groupe de disciples,
mais plutôt faire une déclaration publique.
Aux Etats-Unis, statuant sur la constitutionnalité
d'une patente imposée aux Témoins de Jéhovah comme
condition préalable à l'exercice de la liberté de religion
par la diffusion de publications, la Cour Suprême a déclaré
notamment « la diffusion de traités religieux est une
forme très anciennes d'évangélisation missionnaire,
aussi ancienne que l'imprimerie (...). Cette forme
d'évangélisation est abondamment pratiquée aujourd'hui par
diverses organisations religieuses dont les colporteurs font
pénétrer l'Evangile dans des milliers et des milliers de foyers
et cherchent en rendant visite aux gens, à les rallier à leur
foi. C'est plus que la prédication : c'est plus que la diffusion de
publications religieuses. C'est les deux à la fois. Le but est aussi
évangélique qu'une réunion pour le renouveau de la foi. Au
regard du Premier Amendement, cette forme d'activité religieuse
s'élève au même rang que le culte pratiqué dans les
églises et que la prédication en chaire. Elle mérite la
même protection que les exercices plus orthodoxes et plus conventionnels
de la religion »96(*)
On ne saurait mieux dire que cette manifestation de la
religion doit être garantie au même titre que le culte ou les rites
dont elle se rapproche par la motivation de plaire à Dieu et de le
glorifier.
Chapitre II- Le prosélytisme comme support au
principe du libre choix de sa
religion.
L'imbrication très étroite entre le for interne
et le for externe du croyant rend très difficile l'appréciation
objective des manifestations de la liberté de religion par une tierce
personne.
La jurisprudence de la Commission et celle de la Cour
européenne des droits de l'homme ne sont ni totalement satisfaisantes,
ni parfaitement éclairantes sur ce point. Pourtant avec l'affaire
Valsamis quelques interrogations sont apparues.
On a pu remarqué à plusieurs reprises,
l'insuffisante précisions des analyses auxquelles se livrent la
Commission et la Cour dés qu'elles se trouvent confrontées aux
phénomène religieux, leur propension à ne pas aller au
fond des choses de façon à tracer plus précisément
le contour des manifestations protégées, notamment le
prosélytisme non abusif qui se manifeste dans plusieurs aspects de la
liberté religieuse.
Il convient de souligner, que la Cour dans l'affaire
Kokkinakis, lie un droit qui ne saurait connaître de limitations, celui
de changer de religion, avec un droit relatif, qui peut être restreint au
sens de l'article 9-2, celui de manifester sa religion.
Le texte de l'article 9 de la Convention européenne des
droits de l'homme, comme celui de la Déclaration Universelle,
n'évoque que le droit de changer de religion.
Le prosélytisme non abusif constitue un support
formidable pour arriver à cet objectif.
En droit français, il semble que toute personne peut
faire du prosélytisme en vue de la conversion d'une personne et ceci
dans le cadre du libre choix de la religion, que tout citoyen peut
prétendre, avec pour limite `école. Ce n'est pas le cas du grec
comme nous l'avant vu précédemment. Ainsi il intéressant
d'examiner le principe du libre choix de sa religion (Section I), pour
s'intéresser au droit de changer de religion (Section II).
Section I- Le principe du libre choix de sa religion.
L'homme est rarement en mesure de choisir en toute
liberté sa religion originaire. Son engagement est
prédéterminé, c'est-à-dire qu'il est défini
par l'entrée en jeu d'instances supérieures, en
général ses parents, ce qui va conditionner son choix
religieux97(*).
En réalité, le choix de l'homme d'appartenir
à une religion est prédéterminé (§ I), et
ainsi le prosélytisme non abusif va être un formidable moyen
à la conversion de toute personne désirant changer de religion
(§ II).
§ I- Prédétermination de la religion
originaire de chaque homme.
Le lieu géographique de naissance et la religion des
parents vont influer considérablement sur le choix religieux de
l'enfant.
Cependant, le texte de la Convention contrairement aux autres
textes internationaux (qui n'affirment pas directement le droit de changer de
religion) consacre ce droit de changer de religion (A), mais il faut
également voir ce que recouvre ce droit (B)
A- Affirmation de ce droit par la Convention.
La deuxième phrase de l'article 18 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques énonce que le
droit à la liberté de religion implique « la
liberté d'avoir ou d'adopter une religion ». L'article
premier de la Déclaration sur l'élimination de toutes formes
d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la
conviction prévoit que le droit à la liberté de religion
implique « la liberté d'avoir une religion ou n'importe
quelle conviction de son choix ». Dans aucun de ces textes il
n'est fait mention de la liberté de changer de religion. Cette
formulation nouvelle par rapport au texte de la Déclaration Universelle,
repris par l'article 9 de la Convention européenne, résulte de la
volonté de contourner les réticences et oppositions de certains
Etats dont la religion dominante, parfois institutionnalisé comme la
Grèce par exemple, ne s'accommode pas d'abondons, ou de reniements
constitutifs du délit d'apostasie98(*). Grâce à cette rédaction la Pacte
a été adopté à l'unanimité et la
déclaration par consensus.
Toutefois le rapporteur de la sous-commission de la lutte
contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités
considère que ces dispositions tendent vers le même objectif,
à savoir que toute personne a « le droit d'abandonner une
religion ou une conviction et d'en adopter une autre ou de n'en professer
aucune »99(*), le débat qui a suivi l'exposé du
rapport montre que tous les Etats ne partagent pas ce point de vue.
Quant au libellé de l'article 18-1 du Pacte, il est
parfois présenté comme reflétant une approche positive de
la liberté de religion « car le droit d'avoir ou d'adopter
une religion n'est soumis à aucune limitation »100(*), mais tous les Etats n'ont
pas encore ratifié ce texte.
N'étant pas soumis aux mêmes contraintes
diplomatiques ni aux mêmes susceptibilités d'un rattachement
à des valeurs d'inspiration chrétienne que ne vient pas troubler
la Turquie laïque, le texte de la Convention peut proclamer le droit de
changer de religion.
B- Le contenu de ce droit.
Le seul droit de changer de religion doit bien sûr
être interprété comme garantissant le droit de
l'athée de se convertir à la croyance religieuse de son choix.
Le droit de changer de religion ou de conviction couvre ainsi
le passage de la liberté de pensée à celle de religion et,
bien évidemment, le cheminement inverse doit bénéficier de
la même garantie.
En vérité le choix originaire de la religion
n'est jamais libre car il s'effectue dès la prime enfance et
relève de la seule responsabilité des parents ou du responsable
légal.
C'est en fait l'article 2 du premier protocole qui
complète indirectement sur ce point l'article 9 de la Convention en
mettent l'accent semble t-il sur ce droit fondamental des parents qui s'efface
avant la majorité civile du mineur.
Il est évident, que ce droit de changer de religion est
une réponse à la prédétermination de la religion de
l'individu, mais si on prend le cas de la Grèce, il est assez rare de
voir des personnes quittant la religion orthodoxe vers une autre religion. Il
existe une pression sociale très forte sur la conscience des individus
et surtout une pression des institutions orthodoxe. IL ne faut pas perdre
d'esprit, que la religion était inscrit sur la carte d'identité,
cela démontre bien que la Grèce reste tout de même peu
tolérante avec les autres religions. En France, la situation est tout
autre, toute personne est libre de suivre la religion de son choix et peut si
il le souhaite changer de religion ou abandonner sa croyance initiale, en aucun
cas il existe cette pression sociale qui fait de l'individu un prisonnier des
croyances ou da la religion de la société dans laquelle il
vit.
§ II- Le droit de se convertir.
Un Etat signataire de la Convention se doit de favoriser le
pluralisme religieux ou, à tout le moins, de ne pas lui porter
d'atteintes injustifiées. Il ne peut, sous couvert de l'ordre public,
poursuivre en réalité l'objectif de « supprimer la
source d'une croyance non désirée et de démanteler le
groupe des fidèles »101(*) . Il faut noter que ce droit n'est pas
affirmé d'une manière expresse (A) et que certains Etats sont
réticent en pratique quant à l'effectivité de ce droit
(B).
A- Un droit implicite.
Bien que la Commission ne le dise pas expressément la
faculté d'exercer ce libre choix, et donc de se convertir, doit
être laissée aux croyants eux-mêmes sauf à
protéger les fidèles actuels et potentiels d'une exploitation
manifestement contraire à l'ordre public.
Les prisonniers conservent également le droit de
changer de religion à l'image de ce requérant orthodoxe russe au
moment de son incarcération, puis converti à la religion sikh et
enfin au bouddhisme Tao au moment de l'introduction de son recours102(*) . De même Mme Hoffmann
pouvait pâtir des conséquences de sa conversion à la
religion des Témoins de Jéhovah après son mariage dans le
règlement de son divorce et l'attribution de la garde des
enfants103(*). Tel
serait bien le cas si les juridictions nationales traitaient
défavorablement les adeptes de certaines religions du fait de leur seule
appartenance à ces églises.
Le droit de changer de religion serait indirectement
entravé par le traitement discriminatoire de ces groupements, les
difficultés rencontrées par certains de leurs adeptes face
à certaines situations de la vie courante pouvant jouer comme un frein
à de nouvelles conversions.
B- Une réticence du droit grec quant à
l'effectivité de ce droit.
Le phénomène de conversion ne crée plus,
en principe, de difficulté dans nos sociétés occidentales
si ce n'est le procédé de recrutement de certains nouveaux
groupements religieux.
Néanmoins, le droit de changer de religion ou le droit
de se convertir, mériterait de bénéficier d'une plus
grande protection lorsqu'il se heurte à des sociétés moins
libérales. Par exemple, l'examen de la situation d'un musulman converti
au catholicisme en passe d'être expulsé vers son pays d'origine,
Etat musulman, fasse l'objet d'une plus grande attention de la part de la
Commission sous l'angle de l'article 9-1 de la Convention et non du seul
article 3, tout en sachant que le droit islamique prévoit que toute
personne quittant la religion islamique encourt la peine de mort.
Le droit grec, il est vrai qu'en théorie respecte ce
droit, mais il ne faut pas oublier qu'il la Grèce est un Etat
confessionnel contrairement à la France qui est un Etat laïque,
ainsi le patriarche d'Athènes, Christodoulos, veille à ce que la
religion orthodoxe ne soit pas menacé par d'autres religion.
La population grecque n'est pas ouverte quant à la
possibilité de changer de religion, pour eux, changer de religion, c'est
quitter la vérité absolue pour le faux ou l'hérésie
(Erezia). Il faut noter, par ailleurs, que l'Eglise orthodoxe refuse tout
mariage qui porte sur des couples non orthodoxe. De plus, lorsqu'une personne
ait amené a se présenté à un concours
administratif, la religion de la personne est demandé, cela du point du
vue du droit français, c'est inadmissible.
Tous ces éléments rendent en pratique
très difficile l'exercice du droit de changer de religion et par voie de
conséquence le droit de se convertir.
Certes les instruments internationaux tendent à
garantir ce droit, mais la pression de l'Eglise orthodoxe est telle qu'il est
très difficile pour un grec de quitter la religion orthodoxe pour une
autre religion combien même il serait convaincu de sa non croyance aux
dogmes inculqué par la religion orthodoxe.
Section II- L'exercice du droit de changer de religion.
Le changement de religion est l'étape finale d'un
processus plus complexe de maturation d'idées neuves, d'interrogations
résolues, de remise en question, en d'autres termes c'est le
résultat d'une quête individuelle de l'homme insatisfait des
réponses qui lui ont été apportées ou
inculquées.
L'aide d'un tiers est souvent nécessaire, objet de la
quête ou en quête lui-même d'oreilles attentives au message
qu'il souhaite partager104(*).
De ce fait, toute personne doit être libre
d'accéder aux informations lui permettant de changer de religion (§
I), mais cela entraîne comme conséquence une neutralité de
l'Etat (§ II).
§ I- Liberté de tout homme d'accéder aux
informations lui permettant de changer de religion.
Si le chercheur de vérité ou d'une autre
vérité est libre de ses mouvements pour aller trouver de
nouvelles informations, plus difficile est le problème posé par
la démarche inverse qui pousse celui qui a trouvé la
vérité de la partager avec autrui.
Dans la déclaration sur la liberté religieuse
adoptée en 1961 à New Delhi par la troisième
Assemblée du Conseil oecuménique des églises, le point 7
prévoit que la liberté de pensée, de conscience et de
croyance, même considérée comme une liberté
intérieure, exige la liberté d'accès à une
information digne de confiance. Selon le point 8, la liberté de
témoigner de sa religion ou de sa croyance implique notamment
« la liberté d'enseigner (...) par le prédication
dans l'intention de répandre sa propre foi en persuadant autrui de
l'adopter »105(*).
L'origine de ce texte laisse donc entrevoir un consensus sur
l'instauration d'une concurrence réelle et loyale entre les tenants de
diverses professions de foi. Pourtant, il semble s'agir d'une liberté
à double vitesse. Profitant pleinement aux grands groupes religieux qui
aujourd'hui en usent fort peu, elle est refusée ou contestée aux
nouveaux groupements religieux.
Ainsi l'affaire Kokkinakis a donné l'occasion à
la Commission et à la Cour de se prononcer sur cette importante
question.
En effet, M. Kokkinakis né en 1919 dans l'île de
Crète est devenu Témoin de Jéhovah en 1936 et a
été, depuis, arrêté plus de soixante fois pour
prosélytisme. En 1986, sa femme et lui furent une nouvelle fois
arrêtés alors qu'ils étaient en discussion au domicile de
l'épouse d'un chantre de l'église orthodoxe. Poursuivis pour
infraction à l'article 4 d'une loi de 1936 réprimant le
prosélytisme, ils furent condamnés par le tribunal correctionnel
de Lassithi, décision confirmée pour partie par la Cour d'appel
de Crète à l'encontre de M. Kokkinakis seul, puis par la Cour de
Cassation.
Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de
l'homme fait un rapprochement intéressant entre certaines manifestations
de la liberté de religion et le droit de changer de religion. Selon
elle, « le témoignage en paroles et en actes se trouve
lié à l'existence de convictions religieuses » et
la liberté de manifester sa religion « comporte en
principe le droit d'essayer de convaincre son prochain, par exemple au moyen
d'un enseignement, sans quoi du reste la liberté de changer de religion
ou de conviction, consacrée par l'article 9, risqueraient de demeurer
lettre morte »106(*).
La Cour prend donc nettement parti pour la liberté
d'action du prédicateur dont l'objectif est de faire des disciples. Mais
pourquoi alors n'a-t-elle pas sanctionnée le fondement même de la
sanction pénale ? Peut-être s sont des considérations
politiques qui peuvent répondre à cette question.
§ II- La neutralité de l'Etat.
L'Etat ne peut user des prérogatives qu'il
détient notamment en matière d'enseignement public pour propager
des convictions religieuses ou philosophiques ainsi privilégiées
au détriment de convictions concurrentes ne bénéficiant
pas de la même publicité institutionnalisée. La Cour l'a
très nettement exposé dans son arrêt Kjeldsen et
autres107(*). Selon la
seconde phrase de l'article 2 du premier protocole implique que l'Etat
« en s'acquittant des fonctions des fonctions assumées par
lui en matière d'éducation et d'enseignement, veille à ce
que les informations ou connaissances figurant ou programme soient
diffusées de manière objective, critique et pluraliste. Elle lui
interdit de poursuivre un but d'endoctrinement qui puisse être
considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et
philosophiques des parents »108(*). De ce point de vue l'enseignement de
l'éducation sexuelle tel qu'organisé par la loi danoise
« ne constitue pas une tentative d'endoctrinement visant à
préconiser un comportement sexuel
déterminé »109(*). Bien entendu le cadre de ce raisonnement n'est pas
l'article 9 de la Convention, mais l'article 2 du protocole qui n'évoque
pas la question du changement de religion. Néanmoins comme l'a
souligné la Cour cet article doit être lu à la
lumière de l'article 9 (§ 52 de l'arrêt). L'Etat ne peut
donc, par le moyen de son système éducatif inciter les enfants
qui lui sont confiés à changer de religion ou, plus subtilement,
à délaisser les croyances qui leur sont inculquées par
leurs parents en tournant ces croyances en ridicule, en les présentant
comme erronées ou dépassées. La Commission, dans une
affaire relative à un refus de dispense d'instruction religieuse
opposé aux requérants athées, relève que
« l'article 9 protège contre l'endoctrinement religieux
par l'Etat » et que « l'enseignement qui ne
fournit que des informations ne saurait être considéré
comme contraire à la Convention ou à ses protocole : en
l'occurrence le fait que l'instruction religieuse soit axée sur le
christianisme dès le premier cycle scolaire ne signifie pas que (...) la
requérante ait fait l'objet d'un endoctrinement religieux contraire
à l'article 9 de la Convention »110(*). En d'autres termes, la
Commission considère que l'athéisme du requérant n'est pas
menacé par la diffusion d'informations relatives au christianisme en
général. Replacée dans son contexte, la conclusion n'est
pas satisfaisante. Certes la Commission a été
empêchée de se prononcer sur le fondement de l'article 2 du
Protocole en raison de la réserve suédoise. Mais sur le terrain
de l'article 9, après avoir fort justement souligné que cet
article protège contre l'endoctrinement religieux de l'Etat et que, de
ce point de vue, la réserve suédoise ne saurait en limiter la
portée qui pèse sur les Etats. La liberté de changer de
religion ou de convictions leur impose de ne pas s'immiscer de quelque
façon que ce soit dans ce choix.
Concernant la Grèce, on peut citer l'affaire Valsamis,
où les parents de l'écolière sanctionnée pour son
refus de participer au défilé commémoratif discernent dans
cette ingérence « une tentative d'endoctrinement contraire
à leurs convictions religieuses »111(*), opinion partagée par
huit membres de la Commission.
L'important est que la matière enseignée soit
présentée de façon telle qu'elle ne mette pas en cause les
convictions religieuses ou philosophiques inculquées par les parents
à leurs enfants. La même obligation devrait peser avec force,
lorsque l'Etat instructeur sort de son cadre strictement entendu de
l'enseignement et organise des manifestations publiques ou décide de la
participation des élèves dont il a la charge à de telles
manifestations112(*).
En somme, si la France et la Grèce se rejoignent quant
à la garantie de la liberté religieuse du for intérieur,
il n'en demeure pas moins que s'agissant de l'expression de cette
liberté religieuse par les différents moyens, dont le
prosélytisme non abusif, on constate une différence nette et sans
équivoque.
On peut affirmer sans guère risquer de se tromper, la
France constitue un modèle européen concernant la liberté
religieuse et sa garantie.
La Grèce est certes tributaire de la relation intime
qu'elle entretient avec l'Eglise orthodoxe, de ce fait il n'est pas surprenant
que cette dernière fait tout pour empêcher un pluralisme
réel concernant les croyances religieuse et en conséquence la
manifestation extérieure de la liberté religieuse se trouve
entravée. Il suffit, pour se convaincre d'analyser la jurisprudence en
la matière et d'écouter les déclarations publiques du
Patriarche d'Athènes qui estime que seul la religion orthodoxe peut se
manifester en public et que les autres religions doivent rester au stade de la
foi intérieur.
PARTIE II- Le prosélytisme comme menace à
la liberté religieuse.
Au cours des siècles, l'unité doctrinale et
institutionnelle des Eglises dominantes en Europe n'a cessé de
s'affirmer aux dépens d'une foule d'excommuniés, de schismatiques
et d'hérétiques. La structure manichéenne de certains
discours religieux a toujours convenu a merveille aux artifices simplificateurs
de la propagande113(*).
Tout s'est passé comme si la force d'impact d'un slogan religieux
était fonction de sa pauvreté intellectuelle en même temps
que de sa charge émotionnelle114(*) En invoquant une prédication fort
ethnocentrique du salut, Augustin a légué au Moyen Age une
redoutable formule. Si l'Eglise, selon lui, force les hérétiques
et les schismatiques à entrer dans son sein, « que ceux-ci
ne se plaignent pas d'être contraints, mais qu'ils considèrent
où on les pousse »115(*).
Par ailleurs, le prosélytisme non abusif n'est que la
conséquence de la liberté de religion. Une fois assuré le
sort de la liberté principale celui de la liberté
dérivé peut être considéré comme allant de
soi. Mais la liberté religieuse n'est pas absolue et ainsi l'article 9-2
de la Convention européenne des droits de l'homme énonce je
cite : « la liberté de manifester sa religion ou ses
convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui,
prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans
une société démocratique, à la
sécurité nationale, à la protection de l'ordre, de la
santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et
libertés d'autrui »116(*).
Ainsi la liberté religieuse et par voie de
conséquence le prosélytisme, doivent respecter plusieurs
exigences : d'une part, cette liberté religieuse et son corollaire
le prosélytisme, ne doivent pas remettre en cause ou menacer la
sécurité nationale ou l'ordre, la santé ou la morale
publique et d'autres part cette liberté ne doit en aucun cas porter
atteinte aux droits et libertés d'autrui.
Evidemment, le droit français et le droit grec se
rejoignent quant à ces limites pouvant être opposées
à l'exercice de la liberté religieuse (d'ailleurs ce sont les
mêmes limites dans les droits nationaux interne), mais c'est plutôt
concernant l'appréciation de certains fait s religieux que la
Grèce se distingue de la France, pour le droit grec ce qui ne
relève pas de la religion dominante peut être menacé
d'interdiction sous prétexte d'atteinte à l'ordre public ou aux
droits et libertés d'autrui.
Aussi, on va s'intéresser dans un premier temps aux
limites classiques du prosélytisme (Titre I), et ensuite nous
examinerons les nouveaux défis de l'Europe en matière religieuse
et surtout l'accroissement aussi bien en Grèce qu'en France d'un
prosélytisme abusif tendant à l'endoctrinement et l'exploitation
des personnes et cela au nom de Dieu (Titre II).
Titre I- Les limites classiques du
prosélytisme
Titre II- Les nouveaux défis de l'Europe en
matière religieuse
Titre I- Les limites classiques du prosélytisme.
Le concept même de liberté inclut à la
fois l'idée de garantie et de limite117(*). Selon Jean Rivero, « affirmer une
liberté, c'est nécessairement en définir les limites.
Toutes libertés s'exercent dans le cadre d'une société.
Elle ne peuvent pas ne pas tenir des exigences de la vie sociale, de la
liberté des autres, et des conflits qui peuvent naître de leur
existence »118(*)
L'idée selon laquelle la limite d'une liberté
serait inhérente à celle-ci est largement illustrée dans
les textes nationaux grec et français mais aussi internationaux
proclamant les libertés.
L'article 4 de la déclaration des Droits de l'Homme et
du citoyen du 26 août 1789 définit la liberté comme
consistant à « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas
à autrui ». Consacrant l'idée de limite imminente
à la notion de liberté, il dispose ensuite « ainsi,
l'exercice des droit naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui
assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces
droits ».
L'article 10 de la Déclaration proclame la
liberté d'opinion, notamment religieuse en conservant la dualité
énoncée par l'article 4 puisqu'il pose en premier lieu le
principe avant d'en préciser la limite en disposant :
« nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas
l'ordre public établi par la loi ».
Enfin, l'article premier de la loi du 9 décembre 1905,
de même que l'article 9 de la Convention européenne des droits de
l'homme et l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966 adoptent la même démarche
que l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
en énonçant dès après le principe de la
liberté religieuse, la limite attachée à cette
liberté.
Ainsi, à travers les limites classiques de la
liberté religieuse, nous examinerons la prohibition unanime du
prosélytisme dit « abusif », d'une part
(Chapitre I), et ensuite nous présenterons les sanctions pénales
face à l'exercice abusif de cette liberté, d'autre part (Chapitre
II).
Chapitre I- Prohibition unanime d'un
prosélytisme abusif
Chapitre II- Les sanctions d'un prosélytisme
abusif
Chapitre I- Prohibition unanime d'un prosélytisme
abusif.
Les impératifs de la vie collective constituant la
limite à la liberté religieuse et par voie de conséquence
au prosélytisme sont regroupés généralement sous la
notion d'ordre public.
Plus précis est l'article 9 de la Convention qui
énonce limitativement les valeurs fondant les restrictions de la
liberté de manifester sa religion comme la sécurité
publique, la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale
publiques ainsi que la protection des droits et libertés d'autrui.
A l'exception de la moralité publique qui n'a
jusqu'alors jamais été invoquée pour justifier une
ingérence étatique dans la liberté de manifester sa
religion119(*),
l'énumération de l'article 9 semble correspondre à la
notion française et grecque de l'ordre public.
Pour présenter les nombreuses limitations
justifiées par le maintien de l'ordre public qui s'imposent à la
liberté religieuse dans son expression, on peut distinguer deux formes
d'ordre public qui sont fonction de leur contenu. L'ordre public objectif
s'impose en raison de la logique même de la liberté et des droits
de l'homme. Il renvoie ainsi à tout ce qui est nécessaire
à l'existence de la liberté elle-même : le maintien du
bon ordre en général, le respect de la liberté d'autrui et
le respect de l'Etat nécessaire à l'existence des droits de
l'homme. L'ordre public subjectif concerne essentiellement des valeurs autres
que les seuls droits de l'homme ou les valeurs de liberté. Il s'agit
souvent de valeurs morales variables d'un pays à l'autre et d'une
époque à l'autre qui représentent à un moment
donné des valeurs que la société se sent en droit
d'imposer à tous comme fondamentales.
Concernant le prosélytisme abusif, qui d'après
la Cour, serait le fait de proposer des avantages matériels et sociaux,
de pratiquer des pressions abusives sur des personnes affaiblies, le fait
d'utiliser la violence ou le lavage de cerveau et plus
généralement le fait de ne pas respecter la liberté de
conscience. Ce type de prosélytisme est prohibé aussi bien en
droit français qu'en droit grec, d'ailleurs la loi hellénique
n 1363/1938 le pénalise.
Aussi, nous allons nous intéresser, dans un premier
temps, aux limites relatives aux exigences de la stabilité de la vie
sociale (Section I) et dans un second point, présenter les exigences
quant à une harmonie des rapports sociaux (Section II).
Section I- Le prosélytisme ne peut porter atteinte
aux exigences de la stabilité de
vie sociale.
Les impératifs garantissant la stabilité sociale
correspondent à la conception traditionnelle de l'ordre public en ce
qu'ils visent au maintien de l'ordre social d'une part (§ I) et à
la protection de la sécurité, de la tranquillité et de la
salubrité publiques d'autre part (§ II).
§ I- Le maintien de l'ordre.
Le motif de sécurité, entendu au sens strict, a
pu justifier plusieurs atteintes, réelles ou apparentes, à la
liberté de manifester sa religion. L'interdiction d'un ouvrage de
spiritualité orientale demandé par un prisonnier est suffisamment
motivée par le fait qu'un chapitre sur les arts martiaux peut
entraîner dans le contexte d'une prison des dangers pour les
tiers.120(*). Il en va
de même du non-renouvellement du titre de séjour d'un ministre du
culte musulman : à supposer même qu'il y ait eu un lien entre
ses fonctions religieuse et le refus, les motifs d'ordre public sont
suffisants.
Un étudiant peut parfaitement être soumis au
respect des règles disciplinaires dans l'université même si
celles-ci par leur laïcité contreviennent à certaines
pratiques religieuses. La Commission estime que « les
universités laïques, lorsqu'elles établissent des
règles disciplinaires concernant la tenue vestimentaire des
étudiants, peut veiller à ce que certains courants
fondamentalistes religieux ne troublent pas l'ordre public dans l'enseignement
supérieur »121(*).
La protection de la sécurité publique justifie
le retrait de l'autorisation d'exploitation d'une agence de
sécurité dès lors que son directeur, par son appartenance
à une secte, n'offre plus la garantie d'honorabilité
exigée par la loi suisse. La Cour a estimé qu'il n'y avait pas
d'atteinte à la liberté religieuse car la décision
n'était pas motivée par les objections sur ses convictions
religieuses mais bien par les risques encourus pour l'ordre public dans une
profession particulière. Au demeurant, comme la Cour le fait souvent
remarquer, le requérant n'a pas été obligé
d'abandonner ses convictions ou sa pratique dans la secte.
Pour la France, le prosélytisme religieux ne peut
troubler ni la sûreté intérieure ni la sûreté
extérieure de l'Etat. Cette interdiction est pénalement
sanctionnée par les titres I et II du Code pénal relatifs aux
atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et au
terrorisme.
§ II-- L'hygiène et la santé
publique.
L'hygiène publique est caractérisée par
l'absence de maladies ou de menace de maladies. Elément de l'ordre
public, elle s'impose, comme la sécurité et la
tranquillité au fait religieux.
C'est la nécessité de protéger
l'intérêt général contre « des
abatages sauvages pratiqués dans des conditions d'hygiène
douteuse » qui justifie l'obligation de le faire dans les
abattoirs contrôlés par l'autorité publique et induit par
voie de conséquence la mise en place d'un mécanisme
d'agrément.122(*). Les restrictions qui pèsent sur
l'association requérante sont justifiées par la protection de la
santé et de l'ordre public123(*). Mais fallait-il pour autant réserver
l'agrément aux sacrificateurs désignés par la
majorité de la communauté religieuse concernée ? La
limitation du pluralisme en cette matière peut se justifier par des
motifs techniques d'hygiène publique. Encore faut-il que le juge ne
renonce pas de fait par un contrôle trop restreint à
vérifier la réalité du motif invoqué par
l'administration.
On peut noter que la Commission n'a pas utilisé un
motif d'hygiène publique à propos du refus d'autoriser la
dispersion des cendres d'un défunt sur sa propriété mais
très nombreux autres motifs d'ordre public (repos paisible, respect de
l'aménagement urbain...).
Le respect de la santé publique autorise la vaccination
obligatoire quelle que soit la religion ou la conviction personnelle des
individus. Le souci de la santé de l'enfant est un motif légitime
qui permet au tribunal, sans qu'il y ait discrimination, de prendre en compte
les convictions religieuses de l'un des parents pour déterminer la garde
de l'enfant124(*). Le
port obligatoire d'un casque relève de la protection de la santé
et permet de passer outre certaines prescriptions religieuses comme le port du
turban pour les sikhs125(*).
Notons, que le Comité des droits de l'homme des
Nations-Unies a considéré de même que l'obligation de
porter un casque de sécurité pouvait être
considéré aussi bien comme une restriction justifiée
à la liberté de religion que comme une discrimination de fait
raisonnable.
Enfin, un sujet qui a fait l'actualité, en effet les
organes européens se sont montrés sensibles à la question
du refus de la transfusion sanguine par les Témoins de Jéhovah.
Sans qu'il y ait eu de décision sur ce sujet, on peut relever que la
Cour et la Commission ont pris soin de noter par deux fois le renoncement d'un
parent voire d'une association, à exiger ce refus de transfusion.
Le droit grec et le droit français sont convergent, si
une personne refuse, fusse t-elle Témoins de Jéhovah, de se faire
transfuser alors que sa vie est en danger, dans ce cas le médecin doit
passer outre ce refus et accomplir les actes médicaux nécessaires
à la survie ou à la guérison de la personne.
Section II- Le prosélytisme doit respecter
l'harmonie des rapports sociaux.
Le respect des droits d'autrui est un principe fondamental de
limitation de la liberté religieuse et de la même du
prosélytisme. Dans l'hypothèse où ce dernier ne
respecterai pas cette exigence, on est donc en présence du
prosélytisme abusif, celui-ci est prohibé aussi bien en droit
franco-grec que par l'article 9-2 de la Convention.
Ainsi, si la liberté de religion doit être
considéré comme une liberté fondamentale, la question
concrète est de savoir comment peut se faire l'harmonisation avec
d'autres libertés concurrente ? La Cour a pu considérer
comme légitimes les sanctions prises contre des officiers pour
prosélytisme envers des soldats sous leurs ordres parce qu'il s'agissait
« de protéger les droits et libertés
d'autrui »126(*).
Le principe de respect des droits et libertés d'autrui
connaît deux terrains d'élection : le respect des rapports
familiaux et des convictions d'autrui, qu'elles soient d'essence religieuse ou
non (§ I) et surtout le respect des droits de l'homme ou plus
précisément il s'agira de montrer que le prosélytisme dans
sa forme la plus radicale porte atteinte aux droits de l'homme (§ II).
§ I- Le respect des droits et libertés
d'autrui.
Il s'agit d'examiner le respect des droits et libertés
d'autrui dans le cadre des rapports familiaux (A), mais également le
respect des convictions d'autrui qu'elles sont religieuse ou pas (B).
A- Le respect des droits et libertés d'autrui dans
les rapports familiaux.
A l'intérieur de la famille et en matière de
liberté religieuse, les principaux problèmes concrets se situent
autour de la question du changement de religion. Comme nous avons pu voir que
ce soit la Convention ou le droit français, toute personne est libre de
changer de religion. Certes, le droit grec semble le reconnaître en
théorie, mais en pratique il ne le rend pas effectif.
En l'espèce, il peut s'agir de celui d'un des parents
qui cherche à entraîner ses enfants contre le gré de
l'autre parent ou de la volonté de l'enfant qui s'oppose à celle
de ses parents.
L'autre source de difficulté provient du conflit
éventuel entre le droit de transmettre ses convictions et les autres
droits de l'enfant.
Le droit de transmettre ses convictions à ses enfants
est fortement garanti à l'article 2 du Protocole n 1 de la
Convention européenne sous la forme d'un droit des parents d'assurer
l'enseignement des enfants conformément à leurs convictions
religieuse et philosophiques.
L'article 18 alinéa 4 du Pacte est encore plus
explicite en proclamant la liberté des parents de faire assurer
l'éducation morale et religieuse de leurs enfants conformément
à leurs propres convictions.
Ce droit n'est pourtant pas absolu. On a déjà vu
qu'il pouvait céder devant des objectifs de santé publique par
exemple (affaire Kjeldsen). Les droits de l'enfant peuvent aussi entrer en
ligne de compte.
Une jurisprudence précise de la Commission et de la
Cour européenne a clairement affirmé que l'Etat a le devoir de
veiller à ce que les enfants puissent exercer leur droit à
l'instruction et que lorsqu'au lieu de le conforter, le droit des parents au
respect de leurs convictions religieuses entre en conflit avec le droit de
l'enfant à l'instruction, les intérêts de l'enfant
priment
Dans l'affaire Zénon Bernard, la Commission avait
affirmé que la conviction des parents ne peut aller à l'encontre
du droit fondamental de l'enfant à l'instruction127(*).
Ainsi des parents ne peuvent s'opposer, dès lors qu'il
n'y a pas d'endoctrinement, à un cours de formation morale et sociale
dont on ne peut se dispenser que par une appartenance à une croyance
religieuse. Même lorsqu'il n'y a pas de conflit véritable.
L'Etat a le droit de faire prévaloir les
intérêts de l'enfant sur les voeux des parents lorsqu'il faut
rechercher des solutions concrètes les plus conformes aux
intérêts de l'enfant : il est possible de placer un enfant
handicapé dans une école qui ne correspond pas aux convictions
des parents dès lors que l'éducation de l'enfant y est efficace
et qu'elle ne pratique pas l'endoctrinement128(*).
La Commission s'est appuyée sur la protection des
droits d'autrui pour écarter l'argument d'un père naturel
invoquant ses convictions religieuses contre l'avortement de la mère de
l'enfant.
Elle considère qu'il faut en cette matière tenir
des droits de la mère puisque c'est elle qui supporte la grossesse. Il
n'y a pas eu d'ingérence dans les droits du père parce que ce qui
a été fait était nécessaire à la protection
des droits d'autrui.
Concernant le droit français, le droit des mineurs fait
l'objet d'un chapitre particulier au sein du livre II du Code pénal en
raison de la spécificité du régime des mineurs qui doivent
être protégés non seulement dans leur vie, dans leur
intégrité physique et psychique, mais également dans leur
santé, sécurité et éducation. La liberté de
manifester sa religion et plus précisément la transmission de ces
croyances religieuses à l'enfant est très contrôlée.
La protection des mineurs est également assurée
par le droit civil, le plus souvent appliqué pour protéger les
enfants des dangers constitués par les pratiques religieuses de leurs
parents. C'est d'ailleurs cette matière qui a donné une
illustration récente de la limite de la liberté de transmettre sa
religion ou sa conviction religieuse résultant de la sauvegarde des
intérêts des mineurs.
La première chambre civile de la Cour de cassation a en
effet rejeté le pourvoi contre un arrêt qui avait interdit
à une mère de mettre ses enfants en contact avec des membres du
mouvement raëlien auquel elle appartenait129(*). La Cour a donc
approuvé les juges d'appel en relevant que la liberté de
manifester sa religion, pouvait aux termes de l'article 9 de la Convention
européenne des droits de l'homme, être l'objet de limitations
dès lors que celles-ci sont « prévues par la loi et
nécessaires dans une société démocratique à
la poursuite des buts légitimes énoncés par cet
article ».
Constatant que l'arrêt attaqué n'avait pas
porté une atteinte directe à la liberté de pratiquer sa
religion, mais s'était borné à restreindre son exerce dans
le seul intérêt des enfants, la première chambre civile a
rejeté le pourvoi dont elle était saisie. Elle a ainsi admis la
conventionalité de la limitation contestée en affirmant non
seulement que celle-ci était fondée sur l'intérêt
des enfants mais qu'elle répondait aux exigences de prévision et
de nécessité posées dans l'article 9 alinéa 2 de la
Convention.
La Cour de cassation a donc approuvé la limite
apportée à la liberté de la mère de manifester sa
religion par la Cour d'appel tant dans son principe que de ses conditions. Car,
si la faculté de restreindre cette liberté est admise sur le
fondement de la protection des droits d'autrui, cette limitation doit
également obéir à certaines conditions dans sa mise en
oeuvre.
Le droit grec fait également prévaloir les
intérêts de l'enfant sur celui des parents en matière de
liberté religieuse.
La jurisprudence et la doctrine sont unanime pour dire, que si
l'exercice de la liberté religieuse des parents nuit à l'enfant
ou peut mettre en danger l'équilibre psychique ou physique de l'enfant,
l'Eta doit intervenir pour limiter la liberté religieuse des parents et
de ce fait préserver l'enfant de toute nuisance.
Par contre, un problème plus délicat peut se
rencontrer, c'est l'hypothèse où il y aurait un conflit entre les
parents concernant la religion a inculqué à l'enfant. Imaginons
que le père est orthodoxe et la mère Témoins de
Jéhovah, il me semble d'après la jurisprudence des tribunaux
grecs en la matière, que le père pourrait imposer sa religion
à l'enfant au détriment de la religion de la mère.
B- Le respect des convictions d'autrui.
Le respect du pluralisme dont la Cour a proclamé le
caractère fondamental pour une société
démocratique, vaut tout particulièrement en matière
religieuse. Il vrai que le prosélytisme permet ce pluralisme religieux
mais il ne doit pas aussi déboucher sur une intolérance à
l'égard des autres religions ou courants religieux.
Ce respect prend une double forme qui peut conduire à
des conflits en droits réciproques. Il désigne à la fois
le droit de se voir respecter dans ses convictions mais aussi celui de
respecter la conviction des autres. Ceci implique, entre autres
conséquences, que tous ont un égal droit d'exprimer leurs
convictions et de les manifester. De telles manifestations ou expressions
peuvent être perçues comme un manque de respect par d'autres. Un
des moyens de résoudre le problème pourrait être de
neutraliser tout l'espace public et de le vider de ce type de manifestation.
C'est ce que semble reconnaître la Commission à l'égard de
la laïcité turque. La réglementation dans une
université laïque peut « soumettre la liberté
des étudiants de manifester leur religion à des limitations de
lieu et de forme destinées à assurer la mixité des
étudiants de croyance diverses ». Il s'agit en
particulier de protéger la minorité non-croyante contre les
pressions que la majorité religieuse du pays peut exercer sue elle.
130(*). Il est vrai que
la Commission envisage implicitement l'existence parallèle
d'université religieuse et que la liberté religieuse est
suffisamment assurée par la possibilité de ce choix. Dans
l'arrêt Dahlab131(*), la Cour a eu à trancher pour la
première fois le problème du port de signes extérieurs
d'appartenance religieuse dans le cadre de l'enseignement laïc. Elle a
clairement consacré pour l'enseignement l'obligation de
neutralité qui résulte du respect de la conscience d'autrui,
notamment s'agissant de jeunes enfants « plus facilement
influençable que d'autres élèves se trouvant dans un
âge plus avancé ». La position de la Cour est assez
pragmatique dans la mesure où elle rapporte l'obligation de
neutralité aux conditions concrètes du respect de la conscience
d'autrui qui, à l'évidence, varie selon de nombreux
paramètres. Il vrai qu'elle introduit une considération
supplémentaire de caractère idéologique qui ne
paraît pas aller dans le sens du plus grand pluralisme puisqu'il lui
paraît « difficile de concilier le port du foulard
islamique avec le message de tolérance, de respect d'autrui et surtout
d'égalité et de non discrimination que dans une démocratie
tout enseignant doit transmettre ». La Cour semble donc admettre
qu'on exige un conformisme idéologique des enseignants à
l'égard des principes de la démocratie qui ne serait pas exigible
des autres citoyens.
Quant au prosélytisme, c'est la question de la
contradiction entre la liberté d'expression ou de manifester sa
liberté religieuse par la parole ou l'acte et l'obligation de respecter
les obligations d'autrui. Il est clair qu'à partir du moment où
le prosélytisme porte atteinte aux droits et libertés d'autrui,
celui-ci doit être interdit.
Dans ce dernier cas, la Grèce a prévu une loi
incriminant ces agissements et en France c'est les délits comme la
diffamation ou l'interdiction de la discrimination... Il faut rappeler que le
prosélytisme est une notion qui concerne essentiellement la religion et
qui ne s'applique pas en matière politique, philosophique. Elle exprime
une certaine peur, soit de la religion, soit de la propagande religieuse, comme
si celle-ci pouvait déclencher des réactions plus grandes ou plus
graves que n'importe quelle autre forme de propagande, politique,
philosophique... Avec l'affaire Kokkinakis la Cour a eu l'occasion d'aborder ce
sujet d'une façon trop prudente et conformiste par rapport à la
loi grecque. La Cour a accepté sans problème la
possibilité de réprimer le prosélytisme en se fondant sur
la protection des droits et libertés d'autrui, mais dans ce cas on est
en présence d'un prosélytisme abusif (§ 44 de
l'arrêt). On ne saurait oublier que, dans le contexte grec, la lutte
contre le prosélytisme revient à protéger la religion
dominante.
Dans les deux affaires Kokkinakis et Larissis, la Grèce
fut condamnée parce que les tribunaux n'avaient pas motivés
l'existence du prosélytisme autrement que par une
référence abstraite à la loi.
Comme le fait remarquer F. Rigaux, cette attitude des
tribunaux grecs revenaient à sanctionner un véritable
délit d'opinion incompatible avec la Convention. Cette acceptation de la
notion très floue difficile qui la condamne si elle veut rester
fidèle au libéralisme de la Convention à n'entendre que le
caractère abusif du prosélytisme que de façon très
stricte.
La jurisprudence internationale a surtout eu à examiner
des plaintes pour violation du respect dû à une croyance ou une
conviction.
De l'existence de ce pluralisme tellement fondamental dans la
conception de la démocratie défendue par la Convention
européenne, la Cour a déduit une position de principe
équilibrée dans sa jurisprudence Otto-Preminger et Wingrove. Elle
tient en deux propositions complémentaires : le pluralisme implique
inévitablement la critique dans la manière dont elle est
effectuée peut appeler une intervention de l'Etat pour protéger
la jouissance paisible des droits reconnus par l'article 9.
« Ceux qui choisissent d'exercer la liberté de manifester
leur religion, qu'ils appartiennent à une majorité ou une
minorité religieuse, ne peuvent raisonnablement s'attendre à le
faire à l'abri de toute critique. Ils doivent tolérer et accepter
le rejet par autrui de doctrines hostiles à leur
foi »132(*). Pour l'essentiel ces critiques viendront d'autres
groupes au sein de la société. Qu'une association
française attaque vivement comme secte dangereuse les Témoins de
Jéhovah, ne suffit pas à faire considérer que l'Etat qui a
reconnu l'utilité publique de l'association, est responsable. Un Etat
peut classer une association comme secte en vue de combattre certaines
conduites jugées incompatibles avec la liberté de pensée,
de conscience et de religion sans porter atteinte à la liberté
religieuse.
Mais, dès l'arrêt Kokkinakis, la Cour a
affirmé le devoir pour l'Etat d' « assurer le respect des
convictions de chacun » dans une société
pluraliste. Elle avait eu auparavant l'occasion de souligner que
« la manière dont les croyances et doctrines religieuses
font l'objet d'une opposition ou d'une dénégation est une
question qui peut engager la responsabilité de l'Etat, notamment celle
d'assurer à ceux qui professent ces croyances et doctrines la paisible
jouissance du droit garanti par l'article 9 »133(*).
Devant l'existence d'une liberté d'expression
particulièrement protégée et l'obligation de faire
respecter l'égale protection due à toutes les convictions, la
justification et l'ampleur de l'intervention protectrice de l'Etat est
commandée dans la jurisprudence européenne par une double
distinction. Il ne peut être question de sanctionner des opinions en
fonction de leur contenu, seule la manière de les exprimer peut
permettre une ingérence étatique. La seconde distinction porte
sur le contenu de l'opinion exprimée.
En droit interne français ainsi qu'en droit grec, la
manifestation religieuse ne doit pas porter atteinte au repos du sentiment
religieux134(*). Il peut
donc être saisi par les incriminations d'injure et de diffamation
religieuse et de provocation à la discrimination religieuse.
Enfin, la liberté religieuse et ses manifestations
doivent respecter la liberté religieuse d'autrui. Le fait religieux ne
peut porter atteinte à l'exercice par autrui de sa propre liberté
religieuse. Cette liberté est protégée par le droit
pénal par le biais des incriminations contenues dans les articles 31 et
32 de la loi de Séparation de 1905 qui la mettent à l'abri des
contraintes et des troubles, mais aussi par des incriminations diverses
saisissant certains aspects de l'extériorisation du sentiment
religieux.
§ II- Le prosélytisme abusif : une
atteinte aux droits de l'homme.
Le prosélytisme est abusif car il fait appelle aux
techniques d'endoctrinement et de manipulations mentale (A), mais il est source
d'incitation à la haine et à la provocation religieuse (B).
A- L'endoctrinement et la manipulation mentale.
La précaution adoptée par la Cour
européenne des droits de l'homme dans son arrêt Kokkinakis
reflète une prudence satisfaisante.
En effet, la Cour distingue le témoignage
chrétien du prosélytisme abusif. Le premier correspond à
la mission d'évangélisation qu'un rapport élaboré
en 1956, dans le cadre du Conseil oecuménique des Eglises, qualifie de
mission essentielle et de la responsabilité de chaque chrétien et
de chaque église. Le second correspond à la corruption ou la
déformation. Il peut revêtir la forme d'activités offrant
des avantages matériels ou sociaux en vue d'obtenir des rattachements
à une église ou exerçant une pression abusive sur des
personnes en situation de détresse ou de besoin voire impliquer le
recours à la violence ou au lavage de cerveau.
Rappelons, que dans son opinion partiellement concordante, le
juge européen Pettiti explique que « les seules limites
à l'exercice de la liberté de religion sont celles correspondant
au respect des droits d'autrui dans la mesure où il y aurait tentative
de forcer le consentement de la personne ou d'user de procédés de
manipulation ». Il dénonce le lavage de cerveau, les
atteintes au droit du travail, à la santé publique, l'incitation
à la débauche. Or, il existe bien des mouvements qui, sous
couverts de religiosité, utilisent un tel matériel
méthodologique pour recruter des adeptes. Leurs sources d'inspiration
sont diverse : ésotérisme, para-psychologie,
science-fiction, psychologie transpersonnelle mais aussi le
christianisme135(*).
Par ailleurs le prosélytisme ne doit pas s'exercer par
une contrainte imposée, c'est-à-dire sans le consentement du
converti, par des moyens déloyaux en abusant des mineurs, ou frauduleux
en tirant bénéfice des circonstances économiques d'autrui.
Sont ici visés, notamment les objectifs financiers de certains
mouvements qui usent de pressions intellectuelle ou morale sur des individus
attirés par l'espérance d'un meilleur équilibre personnel.
Cependant, qu'est ce que la contrainte morale extérieure ? Le
premier contact de celui qui dialogue avec un représentant religieux,
dans la rue ou à son domicile, reste un acte libre, consenti, sans
contrainte. Pour être irrésistible, la contrainte abusive doit
supprimer dans l'esprit du récepteur les facultés de libre
décision. La suggestion collective n'annihile pas cette faculté
d'agir. La crainte qui en découle, même accompagné de
menaces de sanctions spirituelles, ne fait pas ipso facto
disparaître la volonté et la liberté de penser et de
réagir.
La conversion forcée et contrainte obéit
à des mécanismes sociaux et psychologiques complexes. Elle met en
péril l'individu, considéré comme libre et responsable. Ne
pourrait-on pas mesurer l'existence de ces abus en se référant
aux possibilités de quitter le mouvement136(*).
Enfin, où faut-il placer les méthodes des
associations dites anti-sectes qui, sous couvert de vouloir protéger
l'individu, victimes de manipulations mentales véhiculées par des
mouvements religieux ou pseudo-religieux, recourent à leur tour à
la psychothérapie137(*) ? Les techniques qualifiées de
deprogramming sont-elles adaptées à ces
situations138(*) ?
Le risque est grand de voir se constituer en Europe une croisade, entreprise au
nom de la sauvegarde des individus, qui bafouerait à son tour les droits
élémentaires de la personne humaine.
B- Le prosélytisme abusif support de la haine et de
la provocation religieuse.
La montée de l'intégrisme religieux en Europe
représente un enjeu culturel et politique.
En France l'affaire dite du foulard islamique a mis en
lumière la difficile intégration de la religion musulmane dans
ses formes traditionnelles d'expression et de représentation. Les faits
étaient d'une extrême simplicité : trois
élèves refusèrent en 1989 d'enlever en classe le hijeb
(foulard islamique), en vertu des prescriptions coranique (Sourate 33,
verset 59). Les jeunes filles seront finalement exclues du collège sur
le fondement d'une disposition du règlement intérieur interdisant
le port du foulard islamique. Le 2 novembre 1992, le Conseil d'Etat a
considéré que cette exclusion était illégale :
le port d'un foulard qualifié de signe d'appartenance religieuse par les
jeunes élèves n'avait pas le caractère d'un acte de
pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande139(*). Cette affaire
s'insère dans le cadre de la revendication légitime des
mouvements religieux, mais pose la question des modes de régulation de
l'expression des croyances religieuses (des vêtements à la
parole).
Mais comment le port d'un foulard, d'une étoile
à six branches, d'une croix, peuvent-ils être des actes de
propagande140(*) ?
L'extériorisation de la croyance religieuse peut présenter
cependant, et trop souvent, un caractère volontairement militant et
revendicatif qui en fait un acte de militantisme et de prosélytisme
religieux.
Cependant, à travers cette affaire, on mesure toute le
difficulté à qualifier ce qui relève d'un comportement de
prosélytisme (nous développerons cette problématique dans
le titre II de cette seconde partie).
Cela dit, il y a des blessures faites aux convictions d'autrui
qui sont inadmissibles et condamnables ; en particulier, si elles reposent
sur une contrainte incontournable, positive (obligation juridique ou politique)
ou négative (interdiction). C'est le cas lorsque la violence de l'Etat,
d'un groupe ou d'un individu contraint autrui a des actes qui contredisent ses
propres croyances ou, à l'inverse, lui interdit des actes que sa
conviction appelle. Voici quelques exemples : contraindre un protestant ou
un juif à se convertir au catholicisme romain ou orthodoxe, la fermeture
autoritaire de mosquée, d'église, de synagogue ou de
temple141(*).
Chapitre II- Les sanctions pénales d'un
prosélytisme abusif.
Au préalable, nous devons préciser, que par le
terme de fait religieux, on entend tous les actes religieux (parole, rituel ou
prédication...), découlant de la liberté de manifester sa
religion et par voie de conséquence tout acte de prosélytisme.
Poser les limites d'une liberté implique
nécessairement de sanctionner la méconnaissance de ces limites.
Si la seule proclamation du respect nécessaire des
exigences de la vie collective permet de circonscrire la liberté
religieuse et ses manifestations extérieures, le droit pénal
vient punir l'exercice de cette liberté qui violerait les doits et
impératifs ainsi proclamés.
La liberté religieuse est pénalement
sanctionnée en ce que le fait religieux qui méconnaîtrait
les exigences de la vie collective est condamnable.
Celui-ci n'est, en effet, exclusif ni de la
responsabilité pénale (Section I), ni de sanction pénale
(Section II).
Notons enfin, qu'il existe une parfaite ressemblance entre le
droit franco-hellénique en matière de responsabilité
pénale, à la seule différence bien sur de l'existence
d'une loi spéciale interdisant le prosélytisme en Grèce et
les peines pénales qui varient entre les deux pays. Mais les principes
de base de la responsabilité restent identiques.
Section I- Le prosélytisme abusif, non exclusif de
responsabilité pénale.
La responsabilité pénale est
« l'aptitude à répondre de ses fautes
pénales »142(*). Elle implique deux opérations successives.
La première est le mécanisme d'imputation qui consiste à
mettre un acte au compte d'un agent. La seconde réside dans la
constatation de la criminalité de l'acte mis au compte de la
personne.
Certaines circonstances sont exclusives de la
responsabilité pénale en ce qu'elles font obstacle à
l'imputation d'un acte à une personne. D'autres circonstances excluent
la criminalité d'un acte en rendant « exceptionnellement
légal un fait qui, sans elles, eût été constitutif
d'une infraction »143(*). Il s'agit de faits justificatifs.
Le fait religieux ne constitue pas, en effet, un obstacle
à la responsabilité pénale puisqu'il n'est ni une cause de
non-imputabilité, ni un fait justificatif. Le fondement religieux d'un
acte ne lui ôte ni son imputabilité (§ I), ni sa
criminalité (§ II).
§ I- L'imputabilité du prosélytisme
abusif.
Les circonstances exclusives de l'imputabilité
recouvrent des hypothèses où la personne est privée des
facultés nécessaires à sa responsabilité
pénale. Elles résultent donc, soit du défaut de
discernement de l'individu qui est « l'aptitude à
percevoir exactement le monde qui l'environne et les conséquences de ses
actes »144(*), soit du défaut de la liberté de
choisir son comportement. Or, le caractère religieux d'un acte ne
constitue pas une cause de non-imputabilité en ce que la religion n'est
ni privative de lucidité (A), ni privative de liberté (B).
A- La religion, non privative de lucidité.
Deux causes de non-imputabilité sont fondées sur
le défaut de lucidité : la minorité et le trouble
psychique ou neuropsychique.
Par ailleurs la religion est, par essence, de nature à
modifier la perception du monde qui nous entoure. Selon Monsieur Moulin en
effet, « ...les religions, fournissent une explication globale du
monde, prétendent généralement exercer une emprise totale
sur leurs adeptes, en modelant leur pensée, mais aussi en guidant leur
comportement sociaux »145(*). Ainsi, l'adhésion à une doctrine
religieuse fondée sur des préceptes divins auxquels est
attachée une autorité suprême influe indubitablement sur
l'entendement de chacun.
Néanmoins, ce façonnement, propre à la
religion, ne peut que modifier le discernement, sans pour autant l'abolir
complètement. Or, aux termes de l'article 122-1 du Code pénal, le
trouble psychique ou neuropsychique ne supprime la responsabilité
pénale autant qu'il abolisse pleinement le discernement. L'alinéa
2 de ce même article envisage cependant l'hypothèse d'une
altération du discernement en précisant que cette
altération n'est pas un obstacle à la responsabilité
pénale de la personne qu'elle atteint, mais constitue seulement une
circonstance dont la juridiction tiendra compte lors du prononcé de la
peine.
On peut dire en résumé, que la croyance
religieuse qui a commandé un acte répréhensible
pénalement n'est nullement une cause d'abolition de son discernement.
B- La religion, non privative de liberté.
La religion ne supprime pas la liberté de la personne.
En effet, la cause de non imputabilité fondée sur l'absence de
liberté est la contrainte, visée par l'article 122-2 du Code
pénal. Celui-ci dispose : « N'est pas
pénalement responsable la personne qui a agi sous l'emprise d'une force
ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu
résister ».
La contrainte est définie comme une circonstance
caractérisée par l'impuissance ou la détermination de la
volonté, soit par la perte totale de la liberté ou l'absence de
spontanéité de l'acte146(*). Cette définition amène à se
poser la question si la nécessité religieuse qui
caractérise le fait religieux peut constituer une forme de contrainte
exonératoire de responsabilité pénale. La réponse
est négative et cela pour deux raisons : d'une part, même si
l'impératif religieux constitue une contrainte morale interne, cela
n'entraîne pas l'effet exonératoire de la responsabilité
pénale. D'autre part, l'impératif religieux est
dénué de toute contrainte morale et de ce fait ; il n'est
exempt de la responsabilité pénale
Enfin, on ne peut nier que certaines techniques de persuasion
agissent sur le psychisme, demeure le délicat problème de
l'administration de la preuve de l'usage de ces procédés et de
leur résultat sur la liberté de l'individu qui en a fait
l'objet.
.
§ II- la criminalité du prosélytisme
abusif.
Si la responsabilité pénale exige en premier
lieu que l'acte soit imputable à l'individu, elle implique
également qu'il constitue une faute pénale. Certaines
circonstances sont exclusives de la criminalité d'un acte. Ce sont les
faits justificatifs, rendant légal un acte ordinairement
punissable147(*).
Le fondement religieux d'un acte de prosélytisme abusif
n'est pas constitutifs d'aucun des faits justificatifs énoncés
aux articles 122-4 et suivants du Code pénale puisque ni l'ordre (A), ni
la nécessité (B) d'origine religieuse ne peuvent justifier une
action contraire à la loi pénale.
A- L'ordre religieux, non justificatif148(*).
L'article 122-4 du Code pénal prévoit deux types
de faits justificatifs fondés sur l'obéissance à un
ordre : l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité
légitime. Ainsi ni la loi divine, ni le commandement d'une
autorité religieuse n'ont d'effet justificatif.
Concernant tout d'abord la loi divine, cette dernière
ne constitue pas une loi au sens de l'article 122-4 puisqu'elle n'est pas un
texte de droit français.
L'Etat français est un état laïc dans
lequel la religion est cantonnée à la sphère
privée. Quant à la Grèce, même si elle est un
état confessionnel, la loi divine ne saurait être invoquée
pour justifier un acte.
Un autre argument a pu être avancé en faveur de
la justification du fait religieux, fondé sur la coutume religieuse. Cet
argument doit être écarté, car une coutume contra
legem c'est-à-dire non conforme au droit positif, ne peut justifier
un acte contraire à la loi pénale149(*).
Quant au commandement d'une autorité religieuse, pour
que ce motif exonératoire de responsabilité pénale joue,
il faudrait que l'autorité religieuse soit investie d'un pouvoir de
commandement au nom de la puissance publique. Cependant, une nuance doit
être apportée, nous savons que la Grèce se distingue de la
France, par le fait notamment que l'Eglise orthodoxe jouit d'un rapport
privilégié avec l'Etat hellénique, peut-on dire pour
autant que l'Eglise est investie d'un commandement de la puissance
publique ?, la réponse semble être négative, mais il
serait intéressant de voir quelles seraient la position des tribunaux
grecs, dans l'hypothèse où un représentant de
l'église orthodoxe commettrait un acte répréhensible du
point de vue du droit pénal mais commandé par une autorité
religieuse .
Finalement, selon René Garraud, « la
subordination spirituelle ne peut avoir aucun effet, dans l'Etat moderne, en
dehors du champ de la conscience, sur lequel la loi positive est sans
empire »150(*).
B- La nécessité religieuse, exclusive de
justification151(*).
Il convient ici de se demander si la nécessité
religieuse peut constituer un cas de nécessité propre à
justifier un acte ordinairement punissable.
Avant même d'examiner les conditions de la
nécessité telle que définie par l'article 122-7 du Code
pénal français, il est nécessaire de vérifier si
l'action commise sous l'influence d'une nécessité exige que la
personne ne soit pas privé de sa liberté, ce qui la distingue de
la contrainte, caractérisée par l'abolition totale de la
liberté. La nécessité religieuse n'entre pas dans le
domaine de la nécessité de l'article 122-7 qui si le fait
religieux qu'elle engendre résulte d'un choix librement
opéré.
C'est en matière d'objection de conscience que la
question de l'état de nécessité tiré du devoir
religieux s'est, le plus souvent, posée. Pourtant aussi bien la
jurisprudence grecque que française n'a reconnu que la
nécessité religieuse caractérise ce fait justificatif.
L'état de nécessité suppose le libre
choix de la personne et le caractère nécessaire de son acte. En
matière religieuse, la nécessité reviendrait à
faire prévaloir les prescriptions religieuses sur l'intérêt
protégé par la loi pénale, non seulement pour
échapper à la sanction religieuse de la
désobéissance à un commandement divin mais
également dans le but de rester fidèle à ses convictions
religieuse. Peut reconnaître là un état de
nécessité152(*) ?
Plus que la jurisprudence, qui ne s'est pas aventuré
sur ce terrain, c'est la doctrine qui s'est interrogé à propos de
savoir si la nécessité religieuse remplissait les conditions de
l'état de nécessité. Elle a unanimement conclut par la
négative.
Les conditions de l'état de nécessité
posées par l'article 122-7 du Code pénal, confirmant
lui-même les solutions prétoriennes antérieures, tiennent
à la fois au danger que la personne a voulu éviter et à la
réaction suscitée par ce danger.
On peut affirmer que l'acte accompli par la
nécessité religieuse ne remplit pas les conditions de
l'état de nécessité posées par l'article 122-7 du
Code pénal tant quant au danger menaçant le croyant que quant
à la mesure exigée entre la réaction suscitée et ce
danger.
Ce constat va s'appliquer non seulement pur le cas des
objections de conscience mais s'étend également à tous les
actes positifs contraires à la loi pénale et commis en
conformité avec les commandements religieux.
L'impossibilité de justifier un fait religieux sur le
fondement de l'état de nécessité est donc également
opposable à tous les agissements délictueux, positifs ou
négatifs, commis par certains mouvements religieux au nom de leurs
convictions tels que les agressions sexuelles, enlèvement ou atteintes
aux mineurs.
En conséquence, si le caractère religieux d'une
action n'ôte ni l'aptitude à répondre de ses fautes
pénales, ni la criminalité de cette action, il n'est pas non plus
exclusif de sanction pénale en ce qu'il ne s'oppose en rien à
l'application d'une peine à son auteur153(*).
Section II- Le prosélytisme abusif, non exclusif de
sanction pénale.
Le caractère religieux d'un acte ne fait pas obstacle
à la sanction pénale en ce qu'il ne s'oppose na à la
qualification pénale de l'acte (§ I) ni à la
répression de son auteur (§ II).
§ I- La qualification pénale du
prosélytisme abusif.
La qualification pénale est
« l'opération intellectuelle consistant à
déterminer le texte pénal s'appliquant éventuellement
à un comportement »154(*). Elle exige de caractériser, dans le
comportement examiné, chacun des éléments constitutifs
décrits dans le texte d'incrimination.
Deux arguments sont souvent avancés pour combattre la
qualification pénale du fait religieux. Ceux-ci reposent d'une part sur
la sincérité des croyances et d'autres part le consentement du
fidèle, lorsque la victime du comportement punissable est lui-même
un adepte de la doctrine religieuse qui est à l'origine de cet acte. La
sincérité des croyances s'opposerait à la qualification
pénale en ce qu'elle ferait disparaître l'élément
moral de l'infraction. Le consentement de la victime ferait également
disparaître le caractère délictueux de l'infraction, en
supprimant un de ces éléments matériels.
L'examen de ces deux circonstances amène pourtant
à constater que ni la sincérité des croyances ni le
consentement apparent du croyant ne font obstacle à la qualification
pénale du fait religieux.
La sincérité des croyances est souvent
invoquée comme un moyen de défense tendant à combattre la
qualification pénale du fait religieux en ce qu'elle exclurait une
intention coupable. Respectueuse de cette sincérité, la
jurisprudence a parfois admis ce moyen de défense, avec nuance
cependant. La sincérité des croyances religieuses, exclusive
d'intention de nuire, n'est pourtant pas un obstacle général
à la qualification pénale d'un fait religieux car la
présomption dont elle résulte peut être combattue par la
preuve d'une intention de nuire, couvrant ainsi la faculté de qualifier
le fait religieux155(*).
Selon cet argument, le fait religieux n'est pas accompli dans
le but de nuire à autrui mais dans celui d'obéir à un
commandement religieux, exclusif de toute volonté de blesser son
prochain. Il ne peut donc être saisi par les incriminations exigeant une
volonté tendue vers la réalisation d'un dommage.
Néanmoins ; ce moyen de défense est rejeté.
Le droit grec, quant à l'appréciation de ces
moyens de défense, ne diffère pas du droit français.
En effet, les juges helléniques ont toujours refusaient
les moyens de défense portant sur la sincérité de l'auteur
de l'infraction ou alors son intention de ne pas nuire, ceci bien
évidemment dans le dessein de faire échec à
l'élément moral de l'infraction.
Enfin, n'est pas un obstacle de principe à la
répression pénale. Ainsi le prouvent certaines condamnations
pénales fondées sur des infractions exigeant un vice de
consentement de la victime telles que l'escroquerie156(*)
§ II- La répression pénale du
prosélytisme abusif.
La répression est l'application d'une peine à un
comportement pénalement qualifié. Elle implique l'existence d'un
procès pénal d'une part, et le choix d'une peine d'autre part. Le
caractère religieux de l'acte punissable engendre des
spécificités dans ces deux aspects de la répression
pénale.
Ainsi on peut constater une sorte d'inaction des victimes de
faits religieux (A) ce qui n'empêche pas le prononcé de peine
pénale (B) contre les auteurs de faits religieux délictueux comme
par exemple prosélytisme en Grèce.
A- L'inaction des victimes de faits religieux.
Le nombre de plaintes émanant de victimes de pratiques
religieuses punissables est faible. Des raisons psychologiques,
financières et juridiques expliquent cette inaction.
S'agissant des raisons psychologiques, le désir
d'occulter l'expérience douloureuse des agressions subies ou la
priorité donnée à d'autres exutoires tels que la
thérapeutique psychiatrique ou la reconstruction d'une vie sociale
expliquent largement la faible mobilisation judiciaire des victimes157(*). Par ailleurs, la peur du
ridicule ressentie après la prise de conscience de l'endoctrinement
religieux, mais aussi la crainte de représailles exercées par le
groupement religieux dissuadent parfois les victimes de se constituer partie
civile158(*). Enfin
l'idée d'une inefficacité de la Justice face aux infractions
imputées aux nouveaux mouvements religieux constitue également un
facteur de l'inaction des victimes.
Les raisons financières au défaut d'initiative
des victimes, voire à leur désistements résident dans les
proportions d'indemnisation de l'ancien adepte par le mouvement religieux
lui-même, soucieux d'éviter des démêlés
judiciaires159(*).
Enfin, une difficulté juridique apparaît,
susceptible également d'expliquer le faible nombre de plaintes
émanant des victimes. La prise de conscience, par l'adepte, de son
endoctrinement religieux et de sa qualité de victime est souvent longue
car l'emprise religieuse ne disparaît pas immédiatement dans son
esprit. La sortie définitive de l'adepte du groupe religieux n'est pas
immédiate. Partant, les plaintes et dénonciations sont souvent
déposées tardivement et il est possible que la prescription
d'infractions instantanées soit acquise. Les agressions sexuelles
pratiquées par certains groupes religieux, peuvent par exemple, ne
remplir qu'une fonction d'initiation et ne pas être renouvelées
sur les adeptes déjà initiés.
Ainsi, la commission de l'infraction pourra remonter à
plusieurs années lorsque l'adepte quittera le mouvement, et être
couverte par la prescription.
Une proposition peut être faite, destinée
à surmonter cet obstacle juridique à la poursuite des agissements
religieux délictueux. Elle tend à prévoir un report du
délai de prescription à partir du moment où la personne a
été capable d'appréhender la réalité des
faits sans manipulation de son discernement. Une tendance actuelle se dessine
en faveur de la fixation du point de départ du délai de
prescription au moment où, concrètement la victime a
été en mesure de déclencher la poursuite du fait
répréhensible160(*). Cette tendance pourrait être appliquée
en matière d'infractions religieuses, lorsqu'il est établi que la
victime ne disposait pas d'un discernement éclairé lui permettant
de prendre conscience de l'infraction dont elle était victime. Elle
tiendrait à reporter le point de départ du délai de
prescription au jour où la victime serait en mesure de prendre
connaissance des infractions, c'est-à-dire le jour où la
captation du consentement prendrait fin.
Cette proposition n'est pas envisageable pour des raisons
probatoires et juridiques. Une autre solution a été
proposée pour pallier à l'inaction pénale des victimes de
faits religieux punissable. Elle tend à donner aux associations de lutte
contre les activités punissables des mouvements religieux l'initiative
de la poursuite de ces activités.
Cependant, une limite doit être soulevée,
Monsieur Garay appelle également à une grande prudence à
l'égard de la stratégie militante des associations dites
« anti-sectes » qui, selon lui, « manifeste
parfois un sectarisme identique à celui qu'elles prétendent
combattre en prenant le risque de susciter un climat de chasse aux
sorcières »161(*).
Sans doute conscients du péril pour la liberté
de religion que constituerait la privatisation de l'action publique au profit
de ces associations, les parlementaires ont subordonné la faculté
d'exercer les droits de la partie civile à la reconnaissance
d'utilité publique162(*).
B- La peine du fait religieux délictueux.
Si la peine du fait religieux doit être prononcée
à l'égard de l'auteur de l'acte punissable en application du
principe de la responsabilité du fait personnel, elle pourra
également, lorsque le fait religieux aura été commis pour
le compte d'un groupement religieux, frapper ce groupement en vertu de la
responsabilité pénale des personnes morales.
Lorsque le fait religieux est un fait imputé à
une personne isolée, sans que soit relevée de participation
collective ou d'instigation émanant d'une autre personne, le fondement
religieux du comportement punissable est, de façon exceptionnelle, pris
en considération pour le prononcé de la sanction pénale.
Si en effet, le mobile religieux n'est pas pris en compte s'agissant de la
culpabilité, il peut l'être en ce qui concerne la fixation de la
peine.
Le caractère religieux de l'acte punissable peut ainsi
donner lieu à une certaine clémence, fondée sur la
sincérité des croyances et l'humilité de la justice des
hommes devant la croyance religieuse.
Ainsi, en 1953, le tribunal de Dunkerque a
déclaré les parents, qui s'étaient abstenus de faire appel
à un médecin pour soigner leur enfant gravement malade, coupables
d'homicide par imprudence malgré la sincérité de leur
croyance. Il a cependant pris en considération cette
sincérité pour assortir la peine d'emprisonnement
prononcée à leur encontre avec sursis163(*). De même, en
matière d'exercice illégal de la médecine, si la
sincérité de la croyance et la gratuité de l'intervention
d'une guérisseuse ne font pas obstacle à la déclaration de
sa culpabilité, elles n'en sont pas moins prises en compte dans le choix
de la peine164(*).
Enfin, le fait religieux peut être
appréhendé comme l'agissement d'un groupement.
Il ne résulte plus de la seule obéissance d'un
fidèle à des préceptes religieux mais d'une volonté
collective attachée à un ensemble de personnes. La peine
prononcée en raison du fait religieux punissable ne doit alors plus
toucher le seul individu qui a commis l'infraction, mais également le
groupement qui en a permis ou causé la commission.
La plupart des religions sont organisées sous la forme
de personnes morales. Si les religions traditionnelles sont
généralement constituées sous des formes
spécifiquement religieuse165(*), les nouveaux mouvements religieux prennent le plus
souvent la forme d'associations de droit commun régies par la loi du
1er juillet 1901.
Notons pour finir, les personnes morales susceptibles
d'être rendues responsables sont toutes les personnes morales, de droit
privé ou de droit public. Dès lors, toutes associations abritant
un mouvement religieux, de droit commun ou régies par les dispositions
de la loi du 9 décembre 1905, peuvent voir leur responsabilité
pénale engagée. Pour le droit grec, la situation est identique,
tout mouvement religieux coupable de prosélytisme au sen s de la loi
hellénique encourt la dissolution de l'association et des peines de
prison tres sévère car contrairement à la France, les
juges grecs n'ont pas autant de compréhension que les juges
français.
Titre II- Les nouveaux défis de l'Europe en
matière religieuse.
Comme nous l'avons vu tout au long de notre analyse, le
prosélytisme a vraiment un caractère ambivalent qui fait de lui
une notion difficile à cerner et à encadrer.
Cependant à travers le prosélytisme, c'est
finalement le degré de liberté de manifester sa religion ou sa
conviction qui est examiné. On s'aperçoit qu'il existe des
différences notables entre la Grèce et la France.
Néanmoins lorsque le fait religieux porte atteinte par exemple à
la liberté d'autrui, le droit franco-hellénique se rejoint pour
réprimer ces agissements.
Actuellement le religieux occupe une place de plus en plus
importante dans nos sociétés, mais malheureusement c'est
plutôt le côté néfaste et problématique de la
religion qui se développe.
L'espace européen est incontestablement une zone de
liberté ou toute religion peut s'épanouir en toute
quiétude, exception faite de la Grèce où certains cultes
sont peu appréciés par les autorités politiques et
religieuses (l'exemple des Témoins de Jéhovah ou alors les
Pentecôtistes).Seulement, la France par exemple se trouve confronter
à des manifestations religieuses qui menacent le régime
laïque, la Grèce quant elle ne rencontre pas trop cette
difficulté (Chapitre I), mais plus grave encore c'est le
développement des sectes qui au nom de la liberté religieuse
s'adonnent à des pratiques qui dans certains cas sont criminelles
(Chapitre II).
Face à cela, il faut impérativement
réagir, car outre le fait que ces événements menacent la
société, ils portent également atteinte à la
liberté religieuse elle-même.
Chapitre I- La problématique de l'expression de
la liberté religieuse par le biais de signes religieux
Chapitre II- Les sectes : un
phénomène transnational
Chapitre I- La problématique de l'expression de la
liberté religieuse par le biais
de signes religieux.
Il s'agit pour l'essentiel de la question du port du voile
islamique. En effet ce problème se rencontre essentiellement en France,
la Grèce quant à elle, n'a pas rencontré cette
revendication du port du voile islamique comme forme de manifestation de la
religion
En effet, en Grèce la communauté musulmane se
trouve en Thrace, elle est composée pour une grande partie de personnes
d'origine turque. Cette population dispose d'écoles aux seins desquelles
ils apprennent le turc mais suivent également des cours de
théologie (cours relatifs à l'islam). Dans le reste du territoire
grec, il est vrai que le problème du port de signe religieux ne se pose
pas, d'autant plus qu'en termes de signes religieux, en Grèce
contrairement à la France, ils sont partout, dans tout les lieux publics
ou privés et la population grecque porte des signes religieux rappelant
leur attachement à l'Eglise orthodoxe. En d'autres termes, l'approche
hellénique des signes religieux est diamétralement opposée
à celle de la France.
Cependant, ces revendication s'intègre dans un courant
religieux de type intégriste menaçant de ce fait l'exercice d'une
liberté religieuse respectueuse des droits et libertés d'autrui.
En réalité, ce nouveau courant use de cette revendication dans un
but caché qui est celui de la propagande destinée à
infiltrer le système éducatif pour peut être recruter le
cas échéant de nouveaux adeptes avec des conceptions dures de
l'islam et du rapport avec les autres religions ou convictions.
Aussi, dans un dessein de préserver la
laïcité de l'éducation nationale, l'Etat se devait
d'interdire le port de signe religieux et plus spécifiquement le foulard
islamique (Section I) sans pour autant négliger le contrôle du
juge administratif (Section II).
Section I- L'interdiction du port de signes religieux par
les élèves.
Le foulard islamique semble véhiculer beaucoup de
crainte surtout avec les événements tragiques de ces
dernières années. Il est toujours assimilé à
l'intégrisme ou au terrorisme, cependant cela est loin de correspondre
à la réalité du monde islamique.
Néanmoins, ce tissu posé sur le tête des
jeunes musulmanes suscita des réactions multiples et passionnées.
De ce fait, il est intéressant d'examiner la notion de signe religieux
(§ I), pour constater que ce dernier est dorénavant interdit dans
l'enceinte de l'école (§ II).
§ I- La notion de signe religieux.
Aux termes de l'avis du Conseil d'Etat rendu le 27 novembre
1989, la liberté pour les élèves de manifester leurs
croyances religieuses au sein des établissements scolaires :
« ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes
d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans
lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou
par leur caractère ostentatoire ou revendicatif constitueraient un acte
de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande,
porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté
de l'élève ou d'autres membres de la communauté
éducative, compromettraient leur santé ou leur
sécurité,perturberaient le déroulement des
activités d'enseignement et le rôle éducatif des
enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le
fonctionnement normal du service public ».
Les limites posées à la liberté des
élèves sont ainsi de deux ordres. Les unes tiennent au
comportement général des élèves, les autres au port
même des signes religieux166(*). La circulaire Jospin a repris cette distinction,
précisant que « les élèves doivent se garder de
toute marque ostentatoire, vestimentaire ou autre, tendant à promouvoir
une croyance religieuse »
« Le caractère démonstratif des
vêtements ou des signes portés peut notamment s'apprécier
en fonction de l'attitude et des propos des élèves et des
parents. ». Ainsi, le caractère ostentatoire ou
démonstratif peut investir prioritairement la tenue vestimentaire
(visant ici spécifiquement le foulard islamique) et donc à
travers elle, le signe d'appartenance religieuse.
Les premières décisions rendues par le Conseil
d'Etat n'ont pas précisé la notion de « signes
ostentatoire »167(*). A la rentrée 1994, au plus fort de la
polémique entourant les « affaires du foulard islamique
», dans un climat entretenant la peur de l'intégrisme,
où le foulard était assimilé à «
l'uniforme islamique, marque d'un engagement complet dans un courant de
pensée militant »168(*) perçu comme « un test sur la
capacité pour un courant islamique de se répandre dans un
état étranger donné, un moyen d'évaluer la
qualité de riposte de l'Etat d'accueil »169(*), le ministre de l'Education
nationale a tenté de préciser la notion en prenant une circulaire
le 20 septembre 1994 qui, selon certains auteurs, aurait marqué un
durcissement de la position administrative 170(*). Cette circulaire comporte une proposition d'article
destiné à être inséré dans le
règlement intérieur des établissements. Cette proposition
est ensuite suivie de l'exposé des motifs du ministre. La modification
proposait ainsi d'interdire le port de signes, « si ostentatoires que
leur signification est précisément de séparer certains
élèves des règles de vie commune de l'école
». Cependant la circulaire recommande de tolérer le port de
« signes discrets ». Pour le ministre, si les « signes
discrets » manifestant un attachement à des convictions
religieuses sont admis, en revanche, sont prohibés les signes
ostentatoires.
En associant le caractère ostentatoire au port d'un
signe tel que le foulard, extériorisant une croyance religieuse, la
circulaire entendait-elle prohiber le port des signes les moins discrets
indépendamment du comportement de l'élève ? Indirectement,
la circulaire Bayrou 171(*) incitait les établissements à modifier
leur règlement intérieur afin de pouvoir exclure les
élèves sur la base du seul port ostentatoire du signe
religieux172(*) ce qui
revenait à interdire aux jeunes filles voilées de
fréquenter les établissements scolaires173(*).
Mais encore fallait-il que les chefs d'établissement
procèdent à une modification des règlements
intérieurs en ce sens. Ainsi, c'est à eux que revenait le soin de
distinguer le discret de l'ostentatoire.
Le foulard islamique est matériellement plus visible
que les autres signes, et c'est pour cette raison que l'on a pu avancer qu'il
était le seul signe d'appartenance religieuse à être de
facto assimilable à un signe ostentatoire au sens de la circulaire
Bayrou.
Dès lors, celle-ci établissait bien une
distinction entre le foulard et les autres signes d'appartenance, pouvant le
cas échant aboutir à une discrimination entre les religions, en
particulier dans les trois départements concordataires de l'Est de la
France (où la législation a instauré un régime de
coopération entre les religions et l'Etat, et où existe une
distinction entre cultes reconnus, tels les cultes catholique, protestant et
israélite et non reconnus comme en l'occurrence le culte musulman)
174(*). Comme le
rappelait Rivero, « aucune règle vestimentaire ne s'impose aux
chrétiens. Croix ou médailles suspendues à une
chaîne (...) ne sont qu'un ornement qui n'entend pas traduire une
appartenance religieuse. » 175(*)
A partir de quelles dimensions un signe cesse t- il
d'être discret pour devenir ostentatoire ? Un foulard
déposé sur les cheveux est- il, en lui-même, ostentatoire
?
Autant de questions auxquelles les tribunaux, puis le Conseil
d'Etat ont été successivement conduits à répondre.
Suite à la modification du règlement intérieur de
plusieurs établissements, précisant dorénavant que
« le port par les élèves de signes discrets, manifestant
leur attachement personnel à des convictions notamment religieuses, est
admis dans l'établissement. Mais les signes ostentatoires, qui
constituent en eux-mêmes des éléments de
prosélytisme ou de discrimination, sont interdits » 176(*)et suite à l'exclusion
sur cette base de jeunes filles voilées, plusieurs recours en annulation
de décisions prononcées ont été formés.
Par un jugement du 3 mai 1995, le tribunal administratif de
Strasbourg177(*) a
retenu que les dispositions du règlement intérieur
attaquées : « n'ont pas eu pour effet de proscrire le port de
signes religieux à raison de leur seul caractère ostentatoire,
mais se sont bornées à rappeler les principes applicables en
matière de laïcité. Elles n'ont pas édicté
d'interdiction générale et absolue du port du foulard islamique
au sein de l'établissement, qui demeure licite dès lors qu'il ne
s'accompagne pas d'actes prosélytique ou discriminatoire. L'exception
tirée de leur illégalité à l'appui du recours
dirigé contre une décision d'exclusion définitive de l'une
des élèves du lycée n'est donc pas fondée.
». Retenant que la décision d'exclusion définitive de
la requérante n'était en réalité fondée que
sur le port d'un foulard considéré comme étant par nature
un signe religieux ostentatoire sans que soit démontré
l'existence d'un acte prosélytique ou de discrimination, le tribunal
à annulé la décision d'exclusion.
Comme le soulignait le Commissaire du gouvernement Martinez
dans ses conclusions sous un jugement rendu le même jour et se rapportant
à des faits identiques178(*), « on ne voit guère que le port du
signe puisse par lui-même constituer un acte de prosélytisme. Le
prosélytisme implique des propos, une comportement, une attitude. »
Le Conseil d'Etat, le 10 juillet 1995, a retenu que le port du foulard
islamique n'avait pas obligatoirement un caractère ostentatoire ou
prosélyte179(*).
Dans ses conclusions, le Commissaire du gouvernement Schwartz avait
avancé une question jusqu'alors jamais abordée. Le port collectif
pouvait- il revêtir le caractère d'acte ostentatoire ou de
provocation ? Une partie de la doctrine avait très tôt
remarqué que la distinction par le signe risquait de n'être plus
d'ordre « individuel » mais bien d'ordre « collectif
»180(*).
Ainsi le Commissaire du gouvernement Schwartz retenait que
« le port du foulard par la jeune Saglamer n'avait peut-être pas
revêtu un caractère ostentatoire, mais c'est collectivement que le
port du foulard s'est posé dans le lycée (à la
rentrée 94/95, quarante cinq jeunes filles étaient
voilées). Et c'est collectivement que le port du signe a pu
revêtir un caractère ostentatoire ». Le Conseil d'Etat
n'a jamais suivi cette opinion, réaffirmant depuis que le foulard
:« ne saurait être regardé comme un signe
présentant par sa nature un caractère ostentatoire ou
revendicatif et dont le port constituerait dans tous les cas un acte de
pression ou de prosélytisme. » 181(*).
Cependant en 1996 et 1997, le Conseil d'Etat a
simultanément pris soin de préciser que si le règlement
intérieur des établissements, modifié conformément
aux dispositions de la circulaire Bayrou, sanctionne le port de signes
ostentatoires, il ne constitue pour autant pas une interdiction
générale et absolue. Ainsi, si le règlement
intérieur : « interdit le port des signes ostentatoires
constitutifs d'éléments de prosélytisme ou de
discrimination, il n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire de
manière générale et absolue le port de signes
d'appartenance religieuse dans l'établissement ; qu'ainsi, les
requérants ne sont pas fondés à soutenir que les
décisions attaquées du recteur de l'académie de Lille
auraient été prises en application d'un règlement
illégal. »182(*)
La jurisprudence administrative considérant
traditionnellement les mesures« générales et absolues
», comme illégales, qu'adviendrait- il d'une mesure n'interdisant
le port de signes d'appartenance religieuse qu'à certaines heures et que
dans certains endroits de l'établissement scolaire ?
La nature d'un signe religieux ne peut transformer celui-ci en
un « acte de propagande » et puisque son port est
compatible avec le principe de laïcité de l'enseignement public, le
Conseil d'Etat, a dès lors privilégié
l'appréhension de l'attitude des élèves, pouvant le cas
échéant concourir à l'ostentation ou au
prosélytisme. Le signe n'étant pas par lui-même
ostentatoire, on appréhendera le comportement des élèves.
C'est ainsi que le port par nature licite du foulard peut occasionnellement
s'accompagner de manifestations illicites.
Cependant en 1996 et 1997, le Conseil d'Etat a
simultanément pris soin de préciser que si le règlement
intérieur des établissements, modifié conformément
aux dispositions de la circulaire Bayrou, sanctionne le port de signes
ostentatoires, il ne constitue pour autant pas une interdiction
générale et absolue. Ainsi, si le règlement
intérieur : « interdit le port des signes ostentatoires
constitutifs d'éléments de prosélytisme ou de
discrimination, il n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire de
manière générale et absolue le port de signes
d'appartenance religieuse dans l'établissement ; qu'ainsi, les
requérants ne sont pas fondés à soutenir que les
décisions attaquées du recteur de l'académie de Lille
auraient été prises en application d'un règlement
illégal. »183(*) .
La jurisprudence administrative considérant
traditionnellement les mesure « générales et absolues
», comme illégales, qu'adviendrait- il d'une mesure
n'interdisant le port de signes d'appartenance religieuse qu'à certaines
heures et que dans certains endroits de l'établissement scolaire ?
La nature d'un signe religieux ne peut transformer celui-ci en
un « acte de propagande » et puisque son port est compatible
avec le principe de laïcité de l'enseignement public, le Conseil
d'Etat, a dès lors privilégié l'appréhension de
l'attitude des élèves, pouvant le cas échéant
concourir à l'ostentation ou au prosélytisme. Le signe
n'étant pas par lui-même ostentatoire, on appréhendera le
comportement des élèves.
C'est ainsi que le port par nature licite du foulard peut
occasionnellement s'accompagner de manifestations illicites.
§ II- Interdiction du signe religieux.
Le juge administratif a donc affiné, au cas par cas,
les limites contentieuses du port de signes d'appartenance religieuse.
Contrairement au port du signe religieux, le comportement de
l'élève peut quant à lui être
prosélytique.
Partant, le Conseil d'Etat a sanctionné le comportement
d'un groupe d'élèves ayant troublé le fonctionnement
normal de l'établissement en participant à des mouvements de
protestation, soutenus par des personnes extérieurs à
l'établissement : « Considérant toutefois
qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est au demeurant pas
contesté par les requérants, que les dix-sept
élèves en cause ont participé,notamment le 3 octobre 1994,
à des mouvements de protestation ayant gravement troublé le
fonctionnement normal de l'établissement, et ayant au surplus
été soutenus par des éléments extérieurs
à celui-ci ; que ces élèves ont ainsi excédé
les limites du droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses
à l'intérieur des établissements scolaires ; que la
sanction de l'exclusion définitive qui a été
infligée à ces dix-sept élèves était
légalement justifiée par les faits ainsi relevés à
leur encontre ;qu'à supposer que les autres motifs retenus par le
recteur soient erronés en droit ou en fait, il résulte de
l'instruction que le recteur de l'académie de Lille aurait pris la
même décision s'il s'était fondé sur les seuls
motifs tirés des perturbations que ces élève savaient
apportées au fonctionnement de
l'établissement ».
Le Conseil d'Etat a par ailleurs eu l'occasion de confirmer le
renvoi définitif de quatre élèves ayant notamment fait
signer des pétitions à l'entrée de leur
établissement et participé à des mouvements de
protestation, tout en reconnaissant que l'une d'entre elles n'avait pas fait
oeuvre de pression ou de prosélytisme.
Enfin, la Haute juridiction administrative a sanctionné
simultanément le comportement actif et passif d'une élève
ayant participé à des mouvements de protestation, mais ayant
aussi accumulé les absences injustifiées aux cours de natation
Selon le Conseil d'Etat, les troubles occasionnés par
le refus d'ôter le foulard constituant non pas un acte de
prosélytisme mais plutôt ce qu'il faudrait désigner comme
étant un acte de provocation, étaient aggravés par les
manifestations auxquelles l'un des parents des élèves avait
participé.
Le Conseil d'Etat n'a pas, semble-t- il, distingué
l'instigateur du trouble. A priori, le comportement du père des deux
jeunes filles aurait conduit à leur renvoi bien qu'elles
n'étaient pas responsables des agissements de celui-ci. Une sanction
disciplinaire, telle l'exclusion définitive d'une élève,
ne peut être motivée que pour les fautes effectivement commises
par cette élève184(*). Pour le Commissaire du gouvernement
Aguila185(*) , les
parents des jeunes filles avaient « fermement opté pour une
position radicale dans une affaire dont la presse locale s'est emparée
», ce qui de toute évidence constituait tout à la fois
un acte de provocation et de prosélytisme.
Cependant, avant de conclure à la confirmation de la
décision de renvoi des deux élèves, le Commissaire du
gouvernement souligna que le refus d'ôter leur foulard en cours
d'éducation physique faisait courir aux deux élèves un
risque pour leur sécurité, et que, dans de telles circonstances,
refuser de l'ôter était dors et déjà fautif. Suivant
les conclusions du Commissaire du gouvernement Aguila, le Conseil d'Etat a donc
précisé que : « le port de ce foulard est incompatible
avec le bon déroulement des cours d'éducation physique.
»
Les jeunes filles portant le foulard ne pouvant se dispenser
de suivre les enseignements obligatoires, le contentieux s'est ainsi
très vite recentré autour de l'impératif de
sécurité englobant celui tenant à la santé. Cet
impératif répond à l'exigence pour le service public
d'appréhender les risques et dangers que certains comportements peuvent
faire courir aux autres comme à ceux qui les adoptent186(*).
Toutes les disciplines dispensées au sein des
établissements scolaires ne sont pas concernées. Ne sont ainsi
visés que les cours d'éducation physique, de technologie et de
physique chimie (essentiellement durant les enseignements pratiques).
Dans une série d'arrêts rendus le 27 novembre
1996, le Conseil d'Etat a confirmé plusieurs exclusions
définitives. C'est ainsi que dans sa décision Wissaadane et
autres, le Conseil d'Etat a constaté, selon avis du médecin
scolaire, qu'ayant refusé sans motif valable de participer aux cours
d'éducation physique, les jeunes élèves avaient
manqué à l'obligation d'assiduité :
Section II- Le contrôle juridictionnel.
Les mesures d'ordres intérieurs prise par les chefs
d'établissements vont constituer des instruments permettant d'exclure
les élèves ne voulant pas se conformer au règlement
intérieur de l'établissement scolaire (§ I).
Les décisions d'exclussions définitives
prononcées à l'encontre d'élèves voilées
constituent des mesures susceptibles de recours pour excès de pouvoir.
Les juridictions administratives doivent ainsi se livrer à une
appréciation des situations au cas par cas afin d'entériner ou
d'annuler la sanction (§ II).
§ I- Les mesures d'ordre intérieur, support de
la prohibition.
Les mesures d'ordre intérieur visent toutes les mesures
insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. Dans un sens plus
large, il s'agit des mesures prises au sein du service, par son chef (ou ses
délégués), et qui ont pour objet de régir l'ordre
interne, l'organisation, le fonctionnement et la discipline du service, en
s'adressant aux personnes se trouvant en relation directe avec cet ordre
juridique, à savoir ses agents mais aussi les usagers.
Le Conseil d'Etat en donne une définition plus
étroite, limitant la notion aux mesures prises au sein du service qui
échappent au contrôle juridictionnel et qui quelquefois ne
concernent que certains services publics, par exemple pénitentiaire ou
de l'enseignement, au sein desquels les exigences d'ordre et de discipline
apparaissent plus rigoureuses. Néanmoins, certaines mesures prises en
vue de régir l'organisation interne d'un service peuvent faire l'objet
d'un recours en annulation alors même qu'elles constituent bien des
mesures d'ordre intérieur. Ces mesures ayant une portée
immédiate et directe sur les droits de leurs destinataires, devaient
pouvoir être attaquées devant le juge de l'excès de
pouvoir. Par conséquent, l'irrecevabilité d'un recours
dirigé contre une telle mesure ne saurait être exclusivement
motivée eu égard à sa nature. Car, c'est bien l'objet et
non la nature d'une mesure qui doit effectivement permettre de la
désigner comme étant d'ordre intérieur.
Jusqu'à l'arrêt Kherouaa, les mesures prises dans
le cadre du service public de l'enseignement et fixant la tenue des
élèves, bien que pouvant affecter la liberté d'opinions
des intéressés lorsqu'elles interdisent le port d'insignes
politiques, étaient insusceptibles de recours. Le juge administratif
préférait privilégier de cette façon
l'autorité du chef d'établissement plutôt que la
liberté des élèves.
En rendant en 1985 sa décision dans l'affaire Rudent,
le juge accepta d'examiner le recours dirigé contre une décision
d'un chef d'établissement réglementant les conditions dans
lesquelles les élèves pourraient organiser des réunions
politiques au sein du lycée.
En 1989, le Conseil d'Etat dans sa formation consultative
confirma sa position, confiant au juge le contrôle juridictionnel des
règlements intérieurs des établissements scolaires
:« Il appartient aux autorités détentrices du pouvoir
disciplinaire d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif,
si le port par un élève, à l'intérieur d'un
établissement scolaire public ou dans tout autre lieu ou s'exerce
l'enseignement, d'un signe d'appartenance religieuse qui
méconnaîtrait l'une des conditions énoncées au 1 du
présent avis ou la réglementation intérieure de
l'établissement, constitue une faute de nature à justifier la
mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et l'application,
après respect des garanties instituées par cette procédure
et des droits de la défense,de l'une des sanctions prévues par
les textes applicables, au nombre desquelles peut figurer l'exclusion de
l'établissement. »
Mais toutes les mesures d'ordre intérieur ne font pas
grief. Il est facile d'imaginer qu'une simple retenue, puisse faire l'objet
d'un recours juridictionnel. Cependant, le Conseil d'Etat a pu estimer qu'une
exclusion temporaire, pouvait être contestée devant
unejuridiction1. Ce faisant, la sanction de l'exclusion définitive d'un
établissement scolaire constituait bien un acte faisant grief.
Une seconde difficulté est apparue en 1994. La
circulaire Bayrou du 20 septembre 1994137 ajoutait-elle quelque chose vis
à vis de la circulaire Jospin de 1989 au point de faire grief et de
rendre recevable toute action tendant à son annulation ? Le 10 juillet
1995, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur ce point en deux temps, par
deux arrêts.
Saisi d'une part d'un recours intenté par une
association138 réclamant l'annulation de la circulaire Bayrou, le
Conseil rappelle que :« par sa circulaire du 20 septembre 1994 le
ministre de l'Education nationale s'est borné, après avoir
donné son interprétation du principe de laïcité,
à demander aux chefs d'établissements destinataires de ladite
circulaire de proposer aux conseils d'administration de leurs
établissements une modification des règlements intérieurs
conforme à cette interprétation ; qu'une telle instruction ne
contient, par elle-même,aucune disposition directement opposable aux
administrés susceptible d'être discutée par la voie du
recours pour excès de pouvoir, que les conclusions de la requête
sont dès lors irrecevables ; »
Pour le Conseil d'Etat suivant les conclusions de son
Commissaire du gouvernement et niant tout ajout, la circulaire n'était
donc qu'une instruction. Pour le Commissaire du gouvernement Schwartz, en
demandant que soient explicitement interdits les signes ostentatoires, le
ministre de l'Education nationale se serait borné à reprendre la
teneur de l'avis du 27 novembre 1989, qui effectivement faisait allusion aux
« signes d'appartenance religieuse qui (...) par leur caractère
ostentatoire, constitueraient un acte de pression, de provocation, de
prosélytisme ou de Propagande (...) »187(*).
Cependant et d'autre part, toujours le même jour, dans
une seconde espèce, le Conseil d'Etat a rejeté les conclusions du
ministre de l'Education nationale tendant à ce que soit ordonné
le sursis à exécution d'un jugement du tribunal administratif de
Strasbourg du 3 mai1995 ayant quelques mois auparavant sanctionné le
renvoi d'une élève dont le foulard islamique avait
été considéré par nature comme un signe religieux
ostentatoire.
Le Conseil d'Etat a, implicitement en 1995 mais explicitement
à partir de cette date, retenu que le foulard islamique ne pouvait
être assimilé à un signe ostentatoire et être
interdit pour ce seul motif. Il démontrait ainsi que la circula ire
Bayrou n'ajoutait rien par rapport au contenu de la circulaire Jospin, sauf
pour le ministre à donner une interprétation personnelle du
principe de laïcité.
Ainsi, le contrôle exercé sur la mesure a conduit
le juge à apprécier, au cas par cas, le bien fondé d'un
acte en mettant en balance la valeur de la liberté en cause et la
légitimité des motifs fondant la restriction.
§ II- L'appréciation des situations au cas par
cas et ses limites.
En rendant son avis le 27 novembre 1989, le Conseil d'Etat
préconisait une étude « au cas par cas ». Cette
démarche individualiste demeure notamment justifiée à la
fois par le pluralisme religieux et surtout par l'individualisation de la
pratique religieuse188(*).
Afin de garantir l'intégrité du droit au respect
des croyances, le juge doit aussi demeurer attentif à toutes les
circonstances entourant l'affaire, aussi bien à
l'événement qui a déclenché des incidents
qu'à leur ampleur et à l'attitude des familles concernées
189(*).
Pour Claude Durand-Prinborgne, le raisonnement du juge
s'articulerait en deux temps, deux « constats »190(*). Le juge vérifierait
tout d'abord « l'existence d'effets condamnables ».
Ensuite, les confirmations de décisions d'exclusion
seraient « toutes intervenues au sujet d'affaires dans lesquelles la
motivation était précise, explicite et crédible et
à l'inverse les rejets d'appels contre des jugements annulant des
sanctions concerneraient des affaires pour lesquelles les motifs des
décisions étaient imprécis, mal formulés, douteux.
»191(*)
Plus précisément, le juge détermine tout
d'abord après examen des pièces du dossier si les
élèves visées par une mesure d'exclusion définitive
ont, par leur comportement, perturbé le fonctionnement normal de leur
établissement si le cas échéant il y a eu acte pression
et/ou de prosélytisme sur d'autres camarades. Dans cette
hypothèse, le juge confirme automatiquement la sanction
prononcée192(*).
En l'absence de comportement prosélytique de la part de
l'élève, le juge administratif examine la disposition litigieuse
contenue dans le règlement intérieur afin d'en déceler une
interdiction générale et absolue du port de signes d'appartenance
religieuse. En présence d'une telle interdiction, il ne peut qu'annuler
la sanction193(*).
Enfin, en l'absence à la fois d'un comportement
prosélytique de l'élève et d'une interdiction
générale d'extérioriser ses convictions religieuses, le
juge administratif recherche alors si l'exclusion peut être
justifiée au regard d'autres dispositions du règlement
intérieur.
Ainsi, les élèves refusant dans la grande
majorité des cas d'ôter leur foulard en cours d'éducation
physique et de technologie, le juge confirme le renvoi définitif au nom
du manquement aux obligations d'assiduité et de
sécurité194(*).
Ce raisonnement par cercles concentriques est a priori le gage
pour le requérant d'un examen in concreto de sa situation.
Corrélativement, il constitue aussi à terme un risque
d'enfermement du contentieux dans une logique « systématique
». Les décisions les plus récentes rendues par les
juges de première instance, d'appel ou de cassation confirment les
exclusions prononcées suite au refus par les jeunes filles d'ôter
leur foulard en cours d'éducation physique et de technologie.
La Cour administrative d'appel de Paris a ainsi
confirmé en 1998, au regard de manquements répétés
à l'obligation d'assiduité ou suite à une absence de
participation aux cours de d'éducation physique ainsi qu'aux travaux
pratiques de technologie, l'exclusion définitive de deux
élèves :
« Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort
des pièces du dossier que Sabrina et Mériem Moueddene ont
refusé, lors des enseignements d'éducation physique et, en cequi
concerne Sabrina, lors des travaux pratiques de technologie, d'ôter le
foulard qu'elles portaient en signe d'appartenance religieuse, comme le leur
demandaient les enseignants, pour des raisons de sécurité ; que
Mériem Moueddene n'a plus assisté par la suite au cours
d'éducation physique, tandis que sa soeur Sabrina faisait acte de
présence à ce cours, ainsi qu'aux travaux pratiques de
technologie, sans cependant participer aux activités et aux
enseignements dispensés ; que du fait de leurs manquements
répétés à l'obligation d'assiduité et de
leur absence de participation,dans ces deux matières, aux
activités d'enseignement, la sanction de l'exclusion
définitive qui leur a été infligée
était légalement justifiée par les faits
relevés à leu rencontre » 195(*).
En 1999, la Cour administrative d'appel de Lyon, a
également confirmé le renvoi de deux élèves pour
des motifs similaires, précisant en l'espèce que les cours de
sciences présentaient par leur objet même des risques
incompatibles avec le port du foulard : « Considérant
que par deux décisions du 22 novembre 1995, le recteur de
l'académie de Dijon a exclu définitivement du lycée Jules
Renard d'Auxerre Mlles Khansa et Ala Mahmoud en retenant notamment comme motif
le refus persistant de ces deux élèves de quitter leur foulard
pour assister aux cours d'éducation physique, alors qu'elles ne
soutenaient pas présenter de contre indications médicales
à cet enseignement, et aux cours de sciences présentant pourtant
par leur objet même des risques incompatibles avec le port de ce foulard
; qu'un tel comportement était à lui seul de nature à
justifier leur exclusion définitive du lycée ; qu'ainsi c'est
à tort que pour annuler les décisions susmentionnées, le
tribunal administratif a retenu qu'elles étaient entachées d'une
erreur manifeste d'appréciation ; »196(*)
Enfin en 2000, la Cour administrative d'appel de Nantes a une
fois encore confirmé l'exclusion de Mlle Nimet Yilmaz,
élève portant le foulard en classe de B.E.P.
« matériaux souples » (impliquant que la majeure
partie de l'enseignement soit dispensé en atelier) pour le seul motif du
non respect des règles de sécurité :
« Considérant qu'il est constant que la requérante,
en gardant sur elle son foulard, a effectivement refusé de se plier aux
règles de sécurité et de se conformer aux consignes en ce
sens données par l'enseignante du cours pratique de montage fabrication
de matériaux souples ; que la sanction d'exclusion définitive
dont elle a fait l'objet est, dès lors,justifiée par ces faits
relevés à son encontre ; que si le second motif tiré du
refus de Mlle Yilmaz d'ôter également ledit foulard en cours
d'éducation physique et sportive ne pouvait être retenu dans la
mesure où il ne lui avait pas été communiqué en
temps utile, il résulte de l'instruction que le recteur de
l'académie de Nantes aurait pris la même décision à
son égard s'il s'était fondé sur le seul motif
légal sus rappelé ; »197(*).
Ainsi, pour leur propre sécurité mais aussi pour
celle des autres, les élèves se voient désormais
contraintes d'ôter leur voile en cours de technologie, de science et
d'éducation physique et sportive. L'argument est aussi incontestable
qu'incontournable.
Le juge administratif reconnaît aux chefs
d'établissement mais aussi, fait nouveau, au personnel enseignant le
droit de réclamer de la part des élèves une tenue
correcte, compatible avec le bon déroulement d'un enseignement. Outre la
place ainsi laissée à l'arbitraire, le juge soumet la
liberté religieuse à l'aléa que constitue la
volonté de l'enseignant198(*). L'importance de la liberté religieuse
n'est-elle pas susceptible de justifier une dérogation ? Le juge
administratif ne semble actuellement pas y être favorable.
Finalement, un projet de loi est en cours actuellement et dont
l'objet est d'interdire tous les signes religieux en primaire, au
collège et au lycée.
Il est cependant regrettable que ce soit par une loi que doit
se régler le problème du foulard islamique. Mais, il faut faire
extrêmement attention que ces futures dispositions législatives
n'excluent pas de la société les jeunes filles qui portent le
voile, car la lutte contre le hijab est destinée à
sauvegarder la laïcité de l'éducation nationale mais aussi
d'éviter que des groupes se forment et que de ce fait cela se transforme
en un communautarisme extrême. Il ne faut jamais perdre de l'esprit que
les revendications de libertés et de droits des communautés
menacent directement les droits et libertés individuelles.
Chapitre II- Les sectes : un phénomène
transnational.
Pour définir le terme de secte, il faut se
référer au dictionnaire Robert français qui propose deux
définitions suivant lesquelles la secte est soit « une groupe
organisé de personnes qui ont une même doctrine au sein d'une
religion », soit « un groupe d'inspiration religieuse ou un
mystique dont les adeptes vivent en communauté sous l'influence
psychologique d'une ou plusieurs personnes ».
Le phénomène des sectes devient très
inquiétant, nous avons pu voir par exemple la secte du temple solaire et
son mode de fonctionnement. Cette dernière portait atteinte aux droits
les plus fondamentaux, notamment la dignité humaine.
Ces nouveaux courants pseudo-religieux se fondent sur la
liberté religieuse pour recruter et former leurs adeptes.
La législation grecque et française commence
à prendre au sérieux ce nouveau fléau, en la
matière il faut réagir rapidement pour neutraliser ces groupes
qui ont pour caractéristique essentielle, la destruction psychologique
et quelques fois physiques de ces adeptes.
Les sectes constituent un défi pour la France et la
Grèce voire pour l'Europe. La problématique des sectes tourne
autour de la question de l'adoption d'une législation spécifique
à leur égard (Section I). La jurisprudence de la Commission et de
la Cour ne permet pas pour l'heure de répondre clairement à la
question d'une compatibilité d'une telle législation avec les
dispositions de la Convention (Section II).
Section I- Nécessité d'adopter une
législation relative aux sectes.
Le débat relatif à la qualification des
mouvements dits sectaires trouve son origine dans la volonté de lutter
contre les pratiques dangereuses de certains de ces mouvements parsemant
l'actualité judiciaire et médiatique française et
étrangère (notamment l'arrestation d'un mouvement religieux
sectaire qui avait pour adoration Satan ou dialo).
Ainsi, il faut voir tout d'abord le caractère religieux
de ces mouvements sectaires (§ I), pour analyser ensuite les mesures
juridiques destinées à enrayer ces mouvements (§ II).
§ I- Les mouvements dits sectaires : mouvements
religieux.
Dés lors qu'ils font apparaître
l'élément objectif d'une communauté d'individus et
l'élément subjectif d'une croyance divine, les sectes sont des
mouvements religieux et théoriquement doivent bénéficier
d'une protection comme tout autre religion.
Cependant, les activités quelques fois criminelles de
ces groupes, ont conduit tant les pouvoirs publics que l'opinion à une
méfiance. Ainsi, a germé l'idée d'une distinction entre
les nouveaux mouvements religieux et les religions traditionnelles. De ce fait,
sans remettre expressément en cause le caractère religieux de ces
mouvements et leur bénéfice de la liberté religieuse,
d'ailleurs de nombreux documents internationaux et nationaux ont tenté
de les isoler des religions traditionnelles199(*).
Ces sectes, en général, s'inspirent des
religions existantes pour développer leur dogme, leurs règles de
fonctionnement et les rituels à accomplir.
Généralement il y a un gourou ou un chef
spirituel que les adeptes lui portent une adoration absolue allant même
dans certain cas, à se sacrifier pour lui.
Ces mouvements sectaires sont une menace pour la
liberté religieuse mais aussi pour les religions traditionnelles. Ces
groupes ne peuvent avoir le droit de faire du prosélytisme en vertu du
droit de manifester sa religion, dans leur cas, ça ne peut être
qu'un prosélytisme abusif dont l'objectif est seulement l'endoctrinement
et le lavage de cerveaux des victimes en vue tout simplement de tirer le
maximum d'avantages matériels
Bien qu'au départ, l'idée de créer une
législation spécifique aux nouveaux mouvements religieux, sans
nul doute en raison de la conscience du risque d'une telle
réglementation ferait courir à la liberté de conscience et
de religion. En effet, la recommandation 1178 adoptée par
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 5 février
1992, a ainsi précisé dans son article 5, que « la
liberté de conscience et de religion garantie à l'article 9 de la
Convention européenne des droits de l'homme rend inopportun le recours
à une législations majeure pour les sectes, qui risquerait de
porter atteinte à ce droit fondamental et aux religions
traditionnelles ».
Néanmoins, les préoccupations gouvernementales
à propos des mouvements dits sectaires ont été rapidement
relayées par des mesures législatives destinées à
la prévention qu'à la répression des activités
dangereuses de certains nouveaux mouvements religieux.
§ II- Les mesures législatives luttant contre
les sectes.
On peut citer en premier lieu, la loi du 18 décembre
1998 200(*)
« tendant à renforcer le contrôle de l'obligation
scolaire » fut notamment votée dans l'intention
déclarée de soustraire les enfants instruits dans leur famille
à une emprise excessive de l'influence
« sectaire » de leurs parents. Elle instaure un
contrôle de la compatibilité de l'instruction donnée avec
l'état de santé de l'enfant et sur le contenu des connaissances
requises de l'élève. Conformément au voeu de ne point
créer une législation spécifique aux nouveaux mouvements
religieux, la loi ne visait pas expressément ceux-ci.
A l'inverse, la loi votée le 15 juin 2000201(*), renforçant la
présomption d'innocence et les droits des victimes a introduit, dans son
article 105, une disposition procédurale visant exclusivement la
poursuite des agissements délictueux des mouvements dits sectaires
qu'elle définit comme des mouvements ou organisations ayant pour but ou
pour effet de créer ou d'exploiter une dépendance psychologique
ou physique. Insérant un nouvel alinéa à l'article 2 du
Code de procédure pénale, elle a conféré aux
associations de luttes contre ces mouvements les droits reconnus à la
partie civile pour exercer l'action civile lorsque l'action publique a
été mise en mouvement par le ministère public ou la partie
lésée202(*).
Quelques jours plus tard, le 22 juin 2000, l'Assemblée
nationale a adopté à l'unanimité une proposition de loi
intitulée « Prévention et répression
à l'encontre des groupements à caractère
sectaire » contenant diverses dispositions relatives aux
mouvements dits sectaires, au nombre des quelles l'incrimination nouvelle de la
manipulation mentale et l'institution d'une procédure judiciaire de
dissolution de ces groupements.
La démarche gouvernementale et parlementaire
dénote manifestement une volonté de distinguer les mouvements
dits sectaires des religions traditionnelles.
Cependant, cette distinction entre secte et religion
traditionnelle n'est pas convaincante.
En effet, l'excentricité de la croyance ne peut
justifier une distinction en ce qu'elle constitue un critère
exclusivement subjectif qui amènerait nos magistrats à
s'ériger en juge de la respectabilité des croyances. Le petit
nombre des adeptes et la nouveauté de la doctrine sont par ailleurs
évolutifs. Il faudrait alors envisager qu'un mouvement religieux,
qualifié en un temps de secte, puisse revendiquer plus tard, le statut
de religion traditionnelle.
Une partie de la doctrine souligne à cet égard
que la plupart des grandes religions actuelles ont été, à
leur origine, des sectes à l'instar de la religion chrétienne,
considérée dans les premiers siècles par les Romains comme
une secte dangereuse corruptrice et sacrificatrice203(*). On peut résumer
cette idée d'après les mots de Monsieur Robert, qu'une religion
ne serait « qu'une secte qui a réussi ».
Section II- La position de la Commission et de la Cour
face à ces nouveaux
mouvements religieux.
Dans les travaux préparatoires de la Convention le
problème des sectes n'avait pas été évoqué.
En Europe, il n'était pas encore d'actualité. Bien que l'action
de certains de ces nouveaux mouvements s'y manifestât déjà,
c'était encore à trop petite échelle pour passer pour
autre chose que de la curiosité.
Ainsi, la Cour a toujours traité sur le même pied
d'égalité les religions traditionnelles et les nouveaux
groupements religieux (§ I). De ce fait se pose la problématique de
la conformité à la Convention d'une législation nationale
spécifique à ces groupements (§ II).
§ I- Absence de distinction entre religion
traditionnelle et nouveaux groupements religieux.
La multiplication de ces groupements, en nombre et en adeptes,
suscita dans les années soixante-dix une inquiétude croissante
dans certains milieux : la famille d'abord, les parents se montrant
soucieux de voir leur descendance suivre leurs propres choix, inquiétude
bien naturelle mais débordant du cadre des seules convictions
religieuses ; les pouvoirs publics ensuite, confrontés à un
phénomène nouveau, porteur d'une délinquance
avérée ou potentielle difficile à appréhender.
Pourtant, apparemment à contre-courant de ces interrogations, la
Commission en ouvrant le droit de saisine sur le fondement de l'article 9 de la
Convention aux organes ecclésiaux, donnait aux nouveaux mouvements
religieux le moyen de contenir les ingérences étatiques trop
fréquentes. Elle se donnait aussi le moyen de contrôler
indirectement l'activité de ces organismes. Par ailleurs, le recours
individuels des membres de ces groupements ont permis à la Commission et
à la Cour d'exprimer également leur point de vue sur l'attitude
des Etats membres par rapport aux adeptes eux-mêmes ainsi que, plus
largement, à leur groupe d'appartenance.
Depuis 1979, rares sont les églises traditionnelles
à avoir utilisé la possibilité de saisir la Commission.
Les quelques cas recensés, bien que se rattachant à des courants
traditionnels, concernent des églises en situation minoritaire dans le
pays auquel elles reprochent une ingérence étatique, tel que par
exemple de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du
9 décembre 1994 où les Saints Monastères agissaient contre
la Grèce. En réalité, ce sont les nouveaux groupements
religieux qui ont utilisé cette nouvelle possibilité, tel que par
exemple la Divine Light Zentrum ou encore l'Associazione Spirituale per
l'Unificazione del mundo cristiano.
Quant au vocabulaire employé, la Commission n'utilise
jamais le terme secte lorsqu'elle est saisie par un organe ecclésial.
Elle parle d'association à but religieux ou philosophique, d'Eglise ou
groupement religieux ou tout simplement d'association.
Le druidisme lui-même est considéré a
priori comme une religion204(*)
A l'inverse, saisie par un adepte, il lui est arrivé
d'employer dans ses décisions le terme secte pour désigner le
groupement des Témoins de Jéhovah 205(*) ou l'Eglise du
révérend Moon206(*). Au moins dans le premier cas l'emploi du mot secte
était lié à l'objet de la requête intentée
par un objecteur de conscience suédois qui reprochait à la loi
d'exemption totale de service militaire et civil de profiter aux seuls
« membres de la secte des témoins de
Jéhovah ». D'ailleurs dans sa décision sur
l'affaire Hoffmann, la Commission parlera de la
« Communauté des Témoins de
Jéhovah ».
Enfin dans l'arrêt Kokkinakis elle fait
référence au « mouvement des Témoins de
Jéhovah » et, reprenant les conclusions des arrêts
du Conseil d'Etat grec, qui lui parle de « religion
connue »207(*).
La ligne générale de cette jurisprudence est
donc que religions traditionnelles et nouveaux groupements religieux soient
traités sur un pied d'égalité. Que penser dés lors
d'une législation spécifique à ces derniers208(*).
§ II- Conformité des législations
nationales spécifiques aux nouveaux groupement au regard de la
Commission et de la jurisprudence de la Cour.
La Commission et la cour ne se sont jamais prononcées
sur cette question de conformité. Cela dépendrait sans doute du
contenu de la loi.
Par ailleurs, cette loi devra répondre à une
triple exigence, d'être prévue par la loi de façon
suffisamment claire, de poursuivre un but légitime et d'être
nécessaire dans une société démocratique. Le
premier obstacle est l'adoption d'une définition précise du terme
secte ; le but légitime invoqué pourrait être la
protection des droits et libertés d'autrui ou la recherche d'une
certaine transparence ; mais il y aurait beaucoup de difficulté
à démontrer le caractère proportionné de la mesure.
De plus la compatibilité avec d'autres dispositions de la Convention
comme l'article 11 relatif à la liberté d'association pourrait
poser problème.
L'adoption de législations spéciales concernant
une activité en particulier, un comportement, se heurte aux mêmes
difficultés. Dans ce cas toutefois le problème de la
définition du terme secte n'est pas indispensable. La Commission a admis
qu'une loi suédoise sur la conscription posant certaines conditions pour
ne pas être appelé sous les drapeaux pouvait sans violer l'article
14 ne s'appliquer de fait qu'aux Témoins de Jéhovah du moment
qu'elle n'exclut pas une application à d'autres groupements
religieux « professant des opinions
analogues »209(*).
Tous les groupements religieux et leurs adeptes
bénéficient d'une égale garantie au regard de la
Convention et jusqu'ici aucun Etat partie ne s'est hasardé a adopter une
législation spécifique aux plus nouveaux de ces groupements. Que
l'un d'eux bascule dans la malice, l'escroquerie, la fraude ou pire la
manipulation mentale, dans ces cas, il doit être lui ou ses dirigeants,
mis hors la loi et poursuivi et puni.
Les moyens ne manques au civil comme au pénal. Encore
faut-il la volonté de les utiliser, choisir le moment opportun et ne pas
se tromper d'objectif.
Le plus souvent « l'impression prédomine
que les actes répréhensibles des uns ne sont que prétextes
à un déchaînement, non pas à l'égard du seul
coupable, mais de tous ceux qui, de prés ou de loin, lui ressemblent
seulement par le nombre, l'originalité ou parce que la rumeur publique
en a décidé ainsi. Alors que l'attention est focalisée sue
quelques grands groupements d'autres, plus insignifiants par le nombre, mais
dont la dangerosité est avérée, profitent de cette
confusion. Comme l'attestent quelques affaires dramatiques parmi les plus
récente, l'autorité publique elle-même se trouve, de ce
fait, plongée dans une coupable confusion » 210(*).
A titre d'exemple, on peut citer la dramatique affaire de
l'Ordre du Temple Solaire (OTS). Après avoir vainement tenté, en
1980, de prendre le contrôle de l'Ordre Réformé du Temple,
Luc Jouret fonde en 1984 ce qui deviendra l'Ordre du Temple Solaire. Lorsque le
5 octobre 1994, sont découverts en Suisse et au Canada 53 adeptes
victimes de mort violente, on apprend que le fondateur de l'OTS et le
« grand maître » trésorier, tous deux
parmi les victimes ; étaient impliqué dans affaires
d'escroquerie et de trafic d'armes. A la suite de ce drame la justice suisse
avait enquêté et plusieurs adeptes avaient ouvertement
regretté devant le juge d'instruction, de ne pas avoir participé
au « grand voyage ». L'inaction des
autorités leur permettra d'être parmi les participants du second
qui conduisit à la découverte, le 23 décembre 1995, de 16
autres victimes dans le Vercors, en France.
En réalité , alors que certains groupements sont
la cibles toutes désignés du discours globalisant et
simplificateur sur les sectes, certains groupuscules dont la dangerosité
est nettement plus importante, bénéficient paradoxalement de la
retenue des autorités publiques abusivement justifiée par le
respect de la liberté religieuse 211(*).
Conclusion
Un nouveau paysage religieux se dessine qui se
caractérise par la juxtaposition, parfois le mélange, de
différentes églises et religion. Il se crée ainsi une
sorte de marché aux croyances et religions, lié à la
mobilité sociale et à la culture qui favorise les échanges
et la réciprocité.
La liberté religieuse sur laquelle est fondée le
prosélytisme non abusif, ne doit pas devenir un instrument de
manipulation et d'endoctrinement.
Par ailleurs, la France, doit mettre en place une
définition claire du prosélytisme et encadrer avec plus de
rigueur certaines activités religieuses, car tout abus en la
matière jetterai le discrédit sur des organisations religieuses
ayant des objectifs louables.
En Grèce, deux tendances opposées se dessinent
progressivement : celle qui trouve rien à changer à
l'état de chose actuel si ce n'est pour le consolider en présence
de dangers que l'on voit toujours se dessiner à l'horizon et ceux qui
réclament l'abandon de la relation intime Etat-Eglise et l'inauguration
d'une liberté religieuse sans obstacle ni réticences. Parmi ceux
qui représentent ce second courant, la plupart pensent que la
réforme passe par une séparation entre l'Eglise et l'Etat.
D'autres pensent que, sans aller jusqu'à la séparation ou sans
parler d'elle, on peut très bien débarrasser la Constitution
grecque et la législation de tout ce qui est venu s'agglutiner à
la notion d'Eglise prépondérante.
On peut regretter le fait que, la Cour européenne des
droits de l'homme, a eu plusieurs fois l'occasions (arrêts Kokkinakis et
larissis et autres par exemple) de demander à la Grèce
l'abrogation pure et simple de sa législation relative au
prosélytisme, mais cela ne fut jamais fait.
Par ailleurs, la Grèce tente de protéger sa
religion dominante par l'existence de ce délit de prosélytisme,
mais elle dispose d'un arsenal pénal et civil suffisamment important
pour réprimer des actes considéraient comme étant du
prosélytisme dit abusif, ne serait-il pas plus favorable pour un Etat
démocratique, telle que la Grèce, de recourir aux dispositions
pénales ou civiles au lieu de dresser une loi qui sanctionne simplement
l'exercice de la liberté religieuse ?
Les pouvoirs publics aussi bien français que grecs
doivent trouver le point d'équilibre afin de préserver la
liberté religieuse des individus tout en restant vigilant fasse à
de nouveaux courants extrémistes et dont le prosélytisme qui peut
se traduire par la parole et des actes constituent le principal moyen pour
véhiculer leurs idées dangereuse, d'ailleurs ces dernières
sont une menace directe à la démocratie.
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Åëåõèåñßá
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ÕðåñÜóðéóç,
1997, óåë.241.
-ÐÁÑÏÕËÁ
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,ÅÅÅÄ(., RHDE), 2001,
óåë. 785.
-MARINOS: " La notion du Prosélytisme
religieux selon la Constitution", RHDI 1994, p.372.
-C. Morviducci, « la protezione della
liberta religiosa del sistema del consiglio d'europa », in la tutella
della liberta di religione, Padova, 1988.
-S.C Neff «An evoling international legal
norm of religious freedom: problems and prospects», California Western
International Law Journal, 1997, number 3.
-D.J Sullivan, Advancing the freedom of religion
or belief through the United Nations
Déclaration on the élimination of religious
intolérance and discrimination, 1988.
C- Jurisprudences
-ÁÐ 1304/82:
ÐïéíéêÜ
×ñïíéêÜ Ë',
óåë.502.
-ÁÐ 728/83:
ÐïéíéêÜ
×ñïíéêÜ Ë',
óåë. 937.
-ÁÐ 840/86:
ÐïéíéêÜ
×ñïíéêÜ ËÓÔ',
óåë.767.
-ÁÐ 704/88: ÔïÓ 1989,
óåë.307.
-ÁÐ 480/92:
ÅëëçíéêÞ
Äéêáéïóýíç,
1992, óåë.1573.
Nb : ÁÐ:
Áñåéïò
ÐÜãïò= Cour de Cassation
IV- Jurisprudences européennes
-Décision de la Commission, 11 octobre
1984, N c/ Suède, D.R. 40, p.203.
-Décision de la Commission, 15 octobre
1981, D.R. 21, p. 96.
-Décision de la Commission, 11 octobre
1984, N c/ Suède, D.R. 40, p.213.
-Décision de la Commission, 12 juillet
1978, X c/ Royaume-Uni, D.R. 14, pp. 236-237.
-Décision de la Commission, 8 septembre
1993, Z. Bernard c/ Luxembourg, , D.R. 75, p 57.
-Décision de la Commission, 5
février 1990, Graeme c/ Royaume-Uni, , D.R. 64, pp. 174-175.
-Décision de la Commission, , 18 mai
1976, X c/ Royaume-Uni, D.R. 5, p.102.
-Décision de la Commission, 8 mars 1976,
X c/ Danemark, D.R. 51, p. 160.
-Décision de la Commission, 8 septembre
1988, Jan Ake Karlsson c/ Suède, D.R. 57, p. 178.
-Décision de la Commission, 5 Mars 1976,
X c/ Royaume-Uni, D.R. 5, p. 8.
-Décision de la Commission, 15
février 1965, ACEDH, T. VIII ; p. 175.
-Décision de la Commission, 5 Mars 1976,
X c/ Royaume-Uni, D.R. 5, p. 8.
-Décision de la Commission, 15
février 1965, ACEDH, T. VIII ; p. 175.
-Décision de la Commission, 19 mars 1981,
DLZ, D.R. 25, p. 135 § 6.
-Décision de la Commission, 3
décembre 1982, Lena et Anna-Nina Angelini c/ Suède, D.R. 51, pp.
57-59.
-Décision de la Commission, 18 mai 1976,
X c/ Royaume-Uni, D.R. 5, p. 100.
-Décision de la Commission.
Européenne, requête n 7805/77, Eglise de
scientologie c/ la Suède, 5 mai 1977, Ann. Tome 22, p. 244.
-Décision de la Commission, 12 juillet
1976, X c/ Royaume-Uni, D.R 14, p. 236.
-Décision de la Commission, 14
décembre 1962, X c/ Pays-Bas, ACEDH, Tome 5, p.279.
-Décision de la Commission, 8 septembre
1993, Bernard et autres c/ Luxembourg.
-Décision de la Commission, 30 juin 1993,
Berno et Signhild Nilsson c/ Suède, Requête 17678/91.
-Décision de la Commission, 14 juillet
1987, Chappel c/ Royaume-Uni, D.R. 53, p. 248.
-Décision de la Commission, 6
décembre 1983, D c/ France, D.R. 35, p. 201.
-Décision de la Commission, 7 octobre
1987, Requête n 12902/87, Daratsakis c/ Grèce.
-Décision de la Commission, 13 mai 1988,
Requête n 13271/87, Polyzos et autres c/ Grèce.
-Cour européennes des droits de l'homme,
arrêt du 24 avril 1990, Kruslin et Huving c/ France, Série A
n 116, p. 24 §35 et p.56 §34.
-Cour européenne des droits de l'homme,
27 octobre 1978, arrêt Sunday Times,Série A n 30 §49.
-Cour européenne des droits de l'homme,
arrêt du 23 juillet 1968, Série A n 6, pp. 30-32.
-Cour européenne des droits de l'homme,
arrêt du 18 décembre 1996, Petros Efstration c/ Grèce,
Requête 24095/94.
-Cour européenne des droits de l'homme,
arrêt du 7 décembre 1976, Kjeldsen, § 53.
-Rapport de la Commission, 25 mai 1995, Titos
Manoussakis et autres c/ Grèce, requête
n 18748/91.
-Rapport de la Commission, 14 janvier 1993, Les
Saints Monastères c/ Grèce, requête 13092/87 et 13984/88,
CEDH, 9 décembre 1994, Série A, n 301-A.
V- Autres documents
-Loi n 2000-516 du 15 juin 2000,
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes, JCP G 2000, III, 20301.
-Circulaire du 29 Septembre 1994. DIR/CAB/
N° 1649. Bulletin officiel du ministère de
l'Education nationale, p.2528.
-Article 11 de la proposition adoptée
le 22 juin 2000, Assemblée nationale, texte
adopté n 546.
-Matt, 24 : 14, Les Saintes
écritures, Traduction du monde nouveau.
-Les Témoins de Jéhovah :
prédicateurs du Royaume de Dieu, précité, p. 555.
-Les Témoins de Jéhovah :
prédicateurs du Royaume de Dieu, précité, p. 556.
-La tour de Garde, 1er mars 1965, pp.
159-160.
-Résolution adoptée par le
Parlement européen « sur une action commune des Etats membres
de la Communauté européenne à la suite de diverses
violations de la loi commises par de nouvelles organisations oeuvrant sous le
couvert de la liberté religieuse », 22 mai
1984, J.O.C.E. 2 juillet 1984, n C 172/41.
-Rapport Hunt « sur les sectes et les
nouveaux mouvements religieux », 1991, Doc. Ass. Parlementaires du
conseil de l'Europe, n 6535
-Avis et rapports sur les activités
illégales des sectes de l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe, Doc. Ass. parlementaire du Conseil de l'Europe, n 8373, 8379,
8383 et la recommandation 1412 votée par l'Assemblée le 22 juin
1999.
* 1 Gérard Gonzalez, la
Convention européenne des droits de l'homme et la liberté des
religions, Centre d'Etudes et de Recherches Internationale et Communautaires,
Université d'Aix-Marseille III, éd. Economica, Paris, 1997,
p.5.
* 2 A. Amor, Rapporteur
spécial, rapport sur « l'application de la Déclaration
sur l'élimination de toutes les formes d'intolérances et de
discriminations fondées sur la religion ou la conviction »,
N.U ; doc. E/CN.4/1997/91, § 85.
* 3 Arrêt de la Cour
d'appel de Lyon, 28 juillet 1997, JCP G 1998, II, 10025, note M.R Renard.
* 4 Paroula Peraki, la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative a la
protection de la liberté religieuse en Grèce, in Revue
hellénique de droit européen, octobre-décembre 1999,
p.790.
* 5 J.F. Collange, la
liberté de croyance dans la pensée religieuse, in Publications de
l'institut des droits de l'homme, la protection internationale de la
liberté religieuse, éd. Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 1-2.
* 6 Charalambos Papastathis,
Etat et Eglise en Grèce, in Etat et Eglises dans l'Union
européenne, Nomos Verlagsgesellschaft (Baden-Baden), 1997, p.90.
* 7 Le préambule se
réfère expressément à la déclaration des
Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et au préambule de la
Constitution de 1946 garantissant la liberté de conscience.
L'article 2 prévoit que la
république « ... assure l'égalité devant
la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine de race ou de religion.
Elle respecte toutes les croyances ».
* 8 J.Robert, la liberté
religieuse et le régime des cultes, éd. PUF, Paris, 1997, p 17
* 9 Charalambos Papastathis,
Etat et Eglise en Grèce, précité, p. 93.
* 10 Charalambos Papastathis,
précité, p. 94.
* 11 . Charalambos Papastathis,
précité, p. 93.
* 12 Alban Doudelet, les
orthodoxes grecs, éd. Brepols, Paris, 1996, p. 119.
* 13 Alain Garay,
liberté religieuse et prosélytisme : l'expérience
européenne, Revue trimestrielle des droits de l'homme, numéro 17,
1 janvier 1994, éd. Bruylant, Bruxelles, p.8
* 14 Garay Alain,
précité, p. 8.
* 15 S.C Neff «An
evoling international legal norm of religious freedom: problems and
prospects», California Western International Law Journal, 1997, number 3.
* 16 J-C Ricci,
laïcité, vieux débat ou question nouvelle? Les rapports
Eglise-Etat en France, RRJ, 1989-3, p.712.
* 17 R.Garraud, Traité
théorique et pratique du droit pénal français, Tome IV,
3e édition, Sirey, Paris, 1922, p.673, n 1738.
* 18 Article 260 du Code
pénale de 1810 : « Tout particulier qui, par des voies de
fait ou des menaces, aura contraint ou empêché une ou plusieurs
personnes d'exercer l'un des cultes autorisés, d'assister à
l'exercice de ce culte, de célébrer certaines fêtes,
d'observer certains de repos et, en conséquence, d'ouvrir ou de fermer
leurs ateliers, boutiques, et de faire ou quitter certains travaux, sera puni,
pour ce seul fait, d'une amende de 16 à 200 francs, et d'un
emprisonnement de six jours à deux mois ».
L'article 261 du Code pénal : « Ceux qui
auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un
culte par des troubles ou désordres causés dans le temple ou
autre lieu destiné ou servant actuellement à ces exercices,
seront punis d'une amende de 16 francs à 300 francs, et d'un
emprisonnement de six jours à trois mois ».
* 19 E.Garçon, Droit
pénal annoté, Tome I, éd.Sirey, Paris, 1952, p.928.
* 20 A.Vitu, sous Trib. Corr.
Bar-le-Duc, R.S.C, 1983, p.76.
* 21 R.Garraud, Traité
théorique et pratique du droit pénal français;
précité, p.675.
* 22 Poitiers, 20 novembre
1901, D.P. 1902, 2, p.81, note G.Le Poittevin.
* 23 Cass. crim, 22 octobre
1936, Bull. crim. n 97.
* 24 D. Imbert et E. Millard,
la liberté de religion en droit international, in Religions, Eglises et
droit, Publication de l'université de Saint-Etienne, 1990, p.279.
* 25 Gérard Gonzalez, la
Convention européenne des droits de l'homme et la liberté
religieuse, précité, p.7.
* 26 C. Morviducci,
« la protezione della liberta religiosa del sistema del consiglio
d'europa », in la tutella della liberta di religione, Padova,
1988.
* 27 Ne relève pas de ce
droit la publicité commerciale qui accompagne la vente
considérée comme lucrative d'objets qualifiés de
religieux, Commission. Européenne, requête n 7805/77, Eglise
de scientologie c/ la Suède, 5 mai 1977, Ann. Tome 22, p. 244.
* 28 F. Rigaux, l'incrimination
de prosélytisme face à la liberté d'expression :
observations sous arrêt Kokkinakis c/ Grèce, Revue Trimestrielle
des Droits de l'Homme, éd. Bruylant, Bruxelles, 1994, pp. 146-147.
* 29P.Tavernier, Larissis et
autres c/ Grèce, Cour européenne des droit s de l'homme,
arrêt du 24 février 1998, Journal du droit international,
éd. Clunet, Paris, n 1du 1 janvier 1999, p.226.
* 30 P Tavernier, larissis et
autres c/ Grèce, précité, p. 228.
* 31 P. Tavernier, larissis et
autres c/ Grèce, précité, p. 229.
* 32 Gérard Gonzalez,
précité, p.66.
* 33 Gérard Gonzalez,
précité, p.67.
* 34 Gérard Gonzalez,
précité, p.67
* 35 Gérard Gonzalez,
précité, p.70.
* 36 Rapport de la Commission,
14 janvier 1993, Les Saints Monastères c/ Grèce, requête
13092/87 et 13984/88, CEDH, 9 décembre 1994, Série A,
n 301-A.
* 37 Rapport de la Commission,
14 janvier 1993, précité, § 92.
* 38 Rapport de la Commission,
14 janvier 1993, précité, § 93
* 39 Rapport de la Commission,
14 janvier 1993, précité, § 94
* 40 N. Quoc, P. Daillier et A.
Pellet, Droit international Public, 4e éd., LGDJ, Paris,
1994, p. 344.
* 41 P. Guggenheim,
Traité de Droit international public, Tome I, Genève, 1953, p. 91
note 2.
* 42 Vedel et P.
Delvolvé, Droit administratif, PUF, Paris, 1990, Tome II, p. 324.
* 43 D. Lagasse, l'erreur
manifeste d'appréciation en droit administratif, Bruylant, Bruxelles,
1986, pp. 297-315.
* 44 M. Schockweiller, la
notion d'abus de détournement de pouvoir en droit communautaire, AJDA,
1990, p. 437.
* 45 F. Sudre, Droit
international et européen des droits de l'homme, PUF, Paris, 1995, p.
317.
* 46 Gérard Gonzalez,
précité, p.98.
* 47 Cour européennes
des droits de l'homme, arrêt du 24 avril 1990, Kruslin et Huving c/
France, Série A n 116, p. 24 §35 et p.56 §34.
* 48 Cour européenne des
droits de l'homme, arrêt Sunday Times du 27 octobre 1978, Série A
n 30 §49.
* 49 François Rigaux,
arrêt Kokkinakis, précité, § 40, p. 141.
* 50 Cour européenne des
droits de l'homme, arrêt du 23 juillet 1968, Série A n 6,
pp. 30-32.
* 51 Requête 17187/90,
décision de la Commission, 8 septembre 1993, Bernard et autres c/
Luxembourg
* 52 François Rigaux,
arrêt Kokkinakis, précité, §53, p.143.
* 53 François Rigaux,
arrêt Kokkinakis, précité, §53, p.143.
* 54 Requête 6886/75
décision de la Commission, 18 Mai 1976, X c/ Royaume-Uni, D.R 5,
p.102.
* 55 Décision de la
Commission, 12 juillet 1976, X c/ Royaume-Uni, D.R 14, p. 236, il s'agissait
dans cette décision le port du casque.
* 56 Décision de la
Commission, 14 décembre 1962, X c/ Pays-Bas, ACEDH, Tome 5, p.279.
* 57 Cour européenne des
droits de l'homme, arrêt du 7 décembre 1976, Kjeldsen, §
53.
* 58 Requête 17678/91,
décision de la Commission, 30 juin 1993, Berno et Signhild Nilsson c/
Suède.
* 59 Cour européenne des
droits de l'homme, arrêt du 18 décembre 1996, Petros Efstration c/
Grèce, Requête 24095/94.
* 60 François Rigaux,
Arrêt Kokkinakis, précité, § 31, p. 139.
* 61 Gérard Gonzalez,
précité, p. 104.
* 62.Gérard Gonzalez,
précité, p. 104.
* 63 Gérard Gonzalez,
précité, p. 105.
* 64 Gérard Gonzalez,
précité, p. 105.
* 65 Décision du 14
juillet 1987, Chappel c/ Royaume-Uni, D.R. 53, p. 248.
* 66 Décision de la
Commission, 6 décembre 1983, D c/ France, D.R. 35, p. 201.
* 67 Requête n
12902/87, décision de la Commission, 7 octobre 1987, Daratsakis c/
Grèce.
* 68 Décision de la
Commission, 5 Mars 1976, X c/ Royaume-Uni, D.R. 5, p. 8.
* 69 Décision de la
Commission, 15 février 1965, ACEDH, T. VIII ; p. 175.
* 70 Requête n
16278/90, décision de la Commission, 3 Mai 1993, Karaduman c/
Turquie.
* 71 Décision de la
Commission, 8 mars 1976, X c/ Danemark, D.R. 51, p. 160.
* 72 Décision de la
Commission, 8 septembre 1988, Jan Ake Karlsson c/ Suède, D.R. 57, p.
178.
* 73 Décision de la
Commission, 7 octobre 1987, Daratsakis, précité.
* 74 Décision de la
Commission, 12 Mars 1981, précitée, D.R. 22, p. 45 § 4.
* 75 Décision de la
Commission, 12 mars 1981, précitée, p. 45 § 5.
* 76 Requête n
13271/87, décision de la Commission, 13 mai 1988, Polyzos et autres c/
Grèce.
* 77 Rapport de la Commission,
25 mai 1995, Titos Manoussakis et autres c/ Grèce, requête
n 18748/91 et, même affaire, Cour européenne des droits de
l'homme, arrêt du 26 septembre 1996.
* 78 François Rigaux,
arrêt Kokkinakis, précité, § 38, p. 140.
* 79 § 47 du rapport
déposée le 23 juin 1983, la demande d'autorisation était
toujours sans réponse lorsque des poursuites ont été
engagées contre les requérants en 1986.
En décembre 1984, suite à une nouvelle
sollicitation de leur part, le Ministre de l'Education nationale et des Cultes
avait répondu que leur demande était toujours en cours d'examen.
* 80Stavros Stefanos, o
proslilitsmos kai to dikaioma sti friskevtiki elevferia, Moinika Xpovina, 1993,
p.966.
* 81 Stavros Stefanos,
précitée, p. 967.
* 82 Gérard Gonzalez,
précité, p 115.
* 83 Gérard Gonzalez,
précité, p 115..et voir également Stavros Stefanos,
précité, p.966.
* 84 La tour de Garde,
1er mars 1965, pp. 159-160.
* 85 J.C Murray et autres, la
liberté religieuse, exigence spirituelle et problème politique,
p. 51
* 86 Publié en 1993,
Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania, p. 186.
* 87 Watch Tower Bible and
Tract Society of Pennsylvania, précité, p. 478.
* 88 Décision de la
Commission, 11 octobre 1984, N c/ Suède, D.R. 40, p. 213.
* 89 Gérard Gonzalez,
précité, p 118.
* 90 François Rigaux,
précitée, § 29, p. 138.
* 91 François Rigaux,
§ 31-2, p. 139.
* 92 François Rigaux,
§ 36, p. 140.
* 93 Matt, 24 : 14, Les
Saintes écritures, Traduction du monde nouveau.
* 94 Les Témoins de
Jéhovah : prédicateurs du Royaume de Dieu,
précité, p. 555.
* 95 Les Témoins de
Jéhovah : prédicateurs du Royaume de Dieu,
précité, p. 556.
* 96 Kelly, Harbison, Belz, The
American Constitution, Its origins and deveopment, 7ème
éditions, Volume II, Norton &Cie, New-York, 1991, p. 527.
* 97 Gérard Gonzalez,
précité, p. 91.
* 98 D.J Sullivan, Advancing
the freedom of religion or belief through the United Nations Déclaration
on the élimination of religious intolérance and discrimination,
1988, pp. 487-520.
* 99 Rapport de Mme Odio
Benito, Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de
la protection des minorités, Doc. E/CN.4/sub.2/1987/26, Nations-Unies,
§ 21.
* 100 K.J Partish, Les
principes de base des droits de l'homme, in Les dimensions internationales des
droits de l'homme, K. Vasak éd., UNESCO, Paris, 1978, p. 94.
* 101 Décision de la
Commission, 19 mars 1981, DLZ, D.R. 25, p. 135 § 6.
* 102 Requête n
68886/75, décision de la Commission, 18 mai 1976, X c/ Royaume-Uni, D.R.
5, p. 100.
* 103 Arrêt du 23 juin
1993, précité.
* 104 Gérard Gonzalez,
précité, p.95.
* 105 J.C Murray, F.
Schilleheeckx, A.F Carillo de Albornoz, P.A Liège, la liberté
religieuse, éxigence spirituelle et problème politiques, Ed. Du
Centurion, 1965, pp. 219-222.
* 106 Arrêt du 25 mai
1993, précité, p. 17 § 31.
* 107 Arrêt du 7
décembre 1970, précité, série A n 23.
* 108 Arrêt du 7
décembre 1970, précité, § 53, p. 26.
* 109 Arrêt du 7
décembre 1970, précité, § 54, p 27.
* 110 Décision de la
Commission, 3 décembre 1982, Lena et Anna-Nina Angelini c/ Suède,
D.R. 51, pp. 57-59.
* 111 Elias, Maria et Victoria
Valsamis c/ Grèce, requête n 2178/93,
précité.
* 112 Gérard Gonzalez,
précité, p. 97.
* 113 Alain Garay,
précité, p.21.
* 114 J. Ellul, Propagandes,
éd. Armand Collin, Paris, 1962.
* 115 Alain Garay,
précité, p.21.
* 116 L.E Pettiti, E. Decaux
et P.H Imbert, la Convention européenne des droits de l'homme,
commentaire article par article, éd. Economica, Paris, 1995.
* 117 F. Luchaire, la
protection constitutionnelle des droits et libertés, éd.
Economica, Paris, 1987, p. 367. Selon lui « garanties et limites sont
indissociables car la limitation ne doit pas excéder ce qui est
nécessaire à garantir l'exercice d'une
liberté ».
* 118 J. Rivero,
laïcité scolaire et signes d'appartenance religieuse, R.F.D.A,
1990, p.1.
* 119 Gérard Gonzalez
relève fort utilement que la protection de la morale publique n'a jamais
été invoquée pour justifier une ingérence
étatique dans la liberté de manifester sa religion in La
convention européenne des droits de l'homme et la liberté des
religions, précité, p. 185.
* 120 Commission, X c/
Royaume-Uni, 18 mai 1976, D.R. 5, p.102.
* 121 Commission, Senay
Karaduman, 3 mai 1993, note J.F Flauss, les Petites Affiches, 26 novembre 1993,
pp. 11-13.
* 122 Cour européenne
des droits de l'homme, Cha'are Schalom V tsedek, 27 juin 2000, obs. J.F Flauss,
Revue trimestrielle des droits de l'homme, 2001, pp. 195-197.
* 123 Cha'are Schalom V
tsedek, 27 juin 2000, précité, §§ 77et 84.
* 124 CEDH, Hoffmann, 23 juin
1993, précité, § 34.
* 125 Commission,X c/
Royaume-Uni, 12 juillet 1978, D.R. 14, pp. 236-237.
* 126 CEDH, Larissis et
autres, 24 février 1998, précité, § 44.
* 127 Commission, Z. Bernard
c/ Luxembourg, 8 septembre 1993, D.R. 75, p 57.
* 128 Commission, D. Graeme
c/ Royaume-Uni, 5 février 1990, D.R. 64, pp. 174-175.
* 129 Cass. Civ.
1ére , 22 février 2000, D. 2000, I.R, p. 86, p. 273,
Obs. A. Lepage, D. 2001, p. 398, note C. Courtin.
* 130 Commission, S.
Karaduman, précité, p. 7.
* 131 C.E.D.H, Dahlab c/
Suisse, 15 février 2001, note J.F Flauss, A.J.D.A 2001, pp. 482-484.
* 132 Otto-Preminger,
précité, § 47.
* 133 Otto-Preminger,
précité, § 47.
* 134 Line Teillot,
précité, p. 396.
* 135 Alain Garay,
précité, p.25.
* 136 L. Landau,
« Comment entre-t-on dans le judaïsme ? Peut-on le
quitter ? », Praxis juridique et religion, 2, 1985, pp.16-26.
D.L Thompson, « De chaque côté de la
porte : l'entrée et la sortie de l'Eglise Mormon »,
Praxis juridique et religion, 2, 1985, pp. 7-15.
* 137 Alain Garay,
précité, p.27.
* 138 F. Messner,
« La répression des déviances religieuses
aujourd'hui : le cas de la deprogramming aux U.S.A », Praxis
juridique et religion, 2, 1985, pp. 53-73.
* 139 Affaire Kherouaa et
autres, D., 1993, p. 108, note G. Koubi.
* 140 Pour G. Koubi,
« un signe n'a de sens religieux qu'en tant que celui qui l'expose le
lui donne ; et pourtant, parfois la situation est l'inverse, et la
qualité religieuse du signe dépend du regard de
l'autre », « De la laïcité à la
liberté de conscience », Les Petites Affiches, 5 janvier 1990,
p.10.
* 141 Alain Garay,
précité, p. 28.
* 142 M.L Rassat, J.-CL
Pénal Code, Troubles psychique ou neuropsychique, 1998, n 4.
* 143 A. Decocq, Droit
pénal Général, éd. Armand Colin, Paris, 1971, p.
300.
* 144 J.H Robert, Droit
pénal général, P.U.F, Coll. Thémis, 4éme
éd., Paris, 1999, p. 272.
* 145 R. Moulin, Service
public et convictions religieuses : une neutralité illusoire ?
, Mélanges Goy, Du droit interne au droit administratif : le
facteur religieux et l'existence des droits de l'homme, Publications de
l'université de Rouen, p. 285.
* 146 M.L Rassat, Trouble
psychique ou neuropsychique et contrainte, Jurisclasseur pénal, 1998,
n 65.
* 147 J.H Robert,
précité, p. 246.
* 148 Line Teillot,
précité, p.427.
* 149 Cass. crim, 5 janvier
1973, Bull. crim, n 7, D. 1973, p. 541.
* 150 René Garraud,
précité, p. 60.
* 151 Line Teillot,
précité, p. 429.
* 152 Line Teillot,
précité, p. 431.
* 153 Line Teillot,
précité, p. 435.
* 154 Vocabulaire juridique,
sous la direction de G. Cornu, Association Henri Capitant, P.U.F.,
4émé éd., Paris, qualification pénale.
* 155 Line Teillot,
précité, p.437.
* 156 Lyon, 28 juillet 1997,
Gaz. Pal. 1997, chr crim, p. 182, Obs. J.P Doucet.
* 157 S. Orsel, Les sectes et
le droit pénal, mémoire D.E.A. droit pénal et sciences
pénales, Paris II, 1998, p. 50.
* 158 E. Campos, Le
phénomène sectaire et le droit pénal, Problèmes
actuels de la science criminelle, volume X., Presses Universitaires
Aix-Marseille, 1997, p. 135.
* 159 Rapport Sénat
n 131, sur la proposition de loi tendant à renforcer le dispositif
pénal à l'encontre des associations ou groupements à
caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements
délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur
pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat,
présenté par Nicolas About, Annexe au procès-verbal de la
séance du 14 décembre 1999, p. 11. Voir également Rapport
« Les sectes et l'argent », Assemblée nationale, 10
juin 1999, n 1687, p. 210.
* 160 Cette faculté de
mettre en mouvement l'action publique est dépendante à la fois de
la connaissance du fait délictueux et de la capacité a agir en
justice. Le report du point de départ de la prescription a donc
été opéré d'une part à propos des
infractions dites clandestines afin de permettre la connaissance du
caractère délictueux du fait et d'autre part en faveur des
victimes mineures afin qu'elles puissent elles-mêmes déclencher
les poursuites dès leur accession à la capacité d'ester en
justice. Ce report a été opéré tant par la
jurisprudence en matière d'infractions clandestines (Voir M.
Véron, clandestinité et prescription, Droit pénal, 1998,
chron. 16) que par le législateur en ce qui concerne les mineurs (Loi
n 89-487 du 10 juillet 1989, loi 98-468 du 17 juin 1989, voir article 7
du Code de procédure pénale).
* 161 Pour une étude de
la stratégie militante des associations dites anti-sectes,
caractérisée par un monopole du discours médiatique et une
large influence sur les pouvoirs publics, Alain Garay, Réflexions sur
les lobbies associatifs : le cas des associations dites anti-sectes, Gaz.
Pal. 1996, doctr, p. 443.
* 162 Article 11 de la
proposition adoptée le 22 juin 2000, Assemblée nationale, texte
adopté n 546.
* 163 Trib. corr., Dunkerque,
30 octobre 1953, D. 1954, p. 270, JCP 1954, II, 8095, Obs. Pageaud.
Egalement, Trib. Douala, Penant, 1951, I, p. 60, note H.D
Cosnard. Le tribunal de première instance de Douala a également,
sur le fondement de la bonne foi, accordé le bénéfice du
sursis au complice d'un délit de pratiques de sorcellerie ayant
troublé l'ordre public (incrimination particulière au droit du
Cameroun) en raison de sa participation de bonne foi à la commission du
délit, avec la croyance sincère dans la réalité du
pouvoir mystérieux du sorcier.
* 164 Paris, 28 janvier 1957,
JCP 1958, II, 10416, Obs. M.J Gisser-Pierrard. La Cour a confirmé la
décision de condamnation tout en réduisant cependant la peine.
* 165 La religion catholique
est principalement composée d'associations cultuelles
diocésaines. Le Consistoire central israélite de France et
d'Algérie est également une association régie par la loi
de 1905. En revanche, le Fédération protestante de France est une
association de droit commun regroupant des associations cultuelles
régies par la loi du 9 décembre 1905 mais aussi des mouvements et
associations de la loi de 1901.
* 166 Denis Mardesson,
note sous CE 2 novembre 1992 Kherouaa. Gaz. Pal., 25 novembre 1993 p. 8.
* 167 CE 2 novembre 1992 M.
Kherouaa et Mme Kachour, M. Balo et Mme Kizic N° 130.394 et CE 14 mars
1994.Mlles Neslinur et Zehranur Yilmaz N° 145.656.
* 168 Claude Botems, « A
Dieu foulard... islamique ! ». Revue administrative 1993 p. 583-588.
* 169 Claude Botems, «
A Dieu foulard... islamique ! ». Revue administrative 1993 p. 583-588
* 170 Yves Madiot, « Le
juge et la laïcité ». Pouvoirs n°75 1995 p. 73-84.
* 171 Circulaire du 29
Septembre 1994. DIR/CAB/ N° 1649. Bulletin officiel du
ministère de l'Education nationale, p.2528.
* 172 Arnaud de Lajartre,
« Le port ostentatoire des signes religieux à l'école
». DA, Février 1996, p. 1-4.
* 173 Berengère
Legros, note sous arrêt CE 14 mars 1994 Yilmaz. D. 1995 Somm Com p.
135-136.
* 174 Francis Messner,
« Voiles islamiques et droit local de l'éducation ». RDL 1995
n°15.
* 175 Jean Rivero, «
Laïcité scolaire et signes d'appartenance religieuse ». RFDA
janvier-février 1990, pp. 1-7.
* 176 TA Strasbourg, 3 mai
1995, Saglamer.
* 177 TA Strasbourg, 3 mai
1995, Saglamer.
* 178 Conclusions du
Commissaire du gouvernement Martinez, sous TA Strasbourg 3 mai 1995 Aksirin.
RDP1995, p. 1349-1369.
* 179 CE, 10 juillet 1995,
Saglamer. AJDA 1995, p. 647 concl. R Schwartz, p. 644.
* 180 Geneviève
Koubi Note sous arrêt CE 2 novembre 1992 Kherouaa. D 1993 jurisprudence
p. 108-111.
* 181 CE, 27 novembre 1996,
précité, Mlle Saglamer n° 169522.
* 182 CE 27 novembre 1996,
M. et Mme Wissaadane M. et Mme Hossein Chedouane n° 170209 et CE M. et Mme
Ait Maskour et autres 15 janvier 1997 n° 172937.
* 183 CE 27 novembre 1996,
M. et Mme Wissaadane M. et Mme Hossein Chedouane n° 170209 et CE M. et Mme
Ait Maskour et autres 15 janvier 1997 n° 172937.
* 184 Conclusions du
Commissaire du gouvernement Bouleau sous arrêt TA Paris 10 juillet 1996
Kherouaa. LPA1997 n°106 p. 12-18.
* 185 AJDA 1995, p.
332-335.
* 186 Gilles J. Guglielmi
et Geneviève Koubi : « Le port du foulard et le principe de
sécurité », note de
jurisprudence sous arrêt CE 20 octobre 1999 Min. de
l'Education national, de la recherche et de la technologie c/Epx Ait Ahmad. JCP
G 2000 II 10306 p. 862-865.
* 187 CE, 10 juillet 1995,
Association « Un sysiphe » : AJDA 1995, p. 644, concl. R.
Schwartz.
* 188 Zarah Anseur «
Le couple laïcité-liberté religieuse : de l'union à
la rupture ? Réflexions à partir de l'affaire Ait Ahmad ».
RTDH 1-2001 p. 77-94.
* 189 Patrick Wachsmann :
« Libertés publiques ». Dalloz 3eme édition 2000 p.
490.
* 190 Claude
Durand-Prinborgne « Le port des signes extérieurs de convictions
religieuses à l'école : une
jurisprudence affirmée..., une jurisprudence
contestée ». RFDA 1997 p. 151-172.
* 191 Claude
Durand-Prinborgne, précité, p. 151-172.
* 192 CE 2 avril 1997 Epoux
Mehila et autres n° 173103
* 193 CE 26 juillet 1996
Université de Lille II, n° 170106.
* 194 CE 20 octobre 1999 M. et
Mme Ait Ahmad n° 181486.
* 195 CAA Paris 22 janvier
1998 M. et Mme Moueddene n° 96PA00645.
* 196 CAA Lyon 15 juillet 1999
Mlles Ala et Khansa Mahmoud n° 97LY22089.
* 197 CAA Nantes 27 avril
2000 Mlle Nimet Yilmaz.
* 198 Olivier Carton,
« Les limites à la liberté d'expression religieuse : entre
fermeté et errements du Conseil d'Etat ». RRJ 2000-4 p.
1561-1575.
* 199 Voir la
résolution adoptée par le Parlement européen
« sur une action commune des Etats membres de la Communauté
européenne à la suite de diverses violations de la loi commises
par de nouvelles organisations oeuvrant sous le couvert de la liberté
religieuse », 22 mai 1984, J.O.C.E. 2 juillet 1984, n C 172/41.
Egalement, le rapport Hunt « sur les sectes et les
nouveaux mouvements religieux », 1991, Doc. Ass. Parlementaires du
conseil de l'Europe, n 6535. Et les avis et rapports sur les
activités illégales des sectes de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, Doc. Ass. parlementaire du Conseil de
l'Europe, n 8373, 8379, 8383 et la recommandation 1412 votée par
l'Assemblée le 22 juin 1999.
Enfin, le rapport parlementaire français, « les
sectes en France : expression de la liberté morale ou facteurs de
manipulations ? La documentation française, 1985.
* 200 Line Teillot,
précité, pp. 34-35.
* 201 Line Teillot,
précité, p. 35.
* 202 Loi n 2000-516 du
15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes, JCP G 2000, III, 20301.
* 203 P. Gast, Les sectes et
la démocratie, L.P.A. 1994, n 125, p. 14.
* 204 Décision de la
Commission, 14 juillet 1987, précité.
* 205 Décision de la
Commission, 11 octobre 1984, N c/ Suède, D.R. 40, p.203.
* 206Décision de la
Commission, 15 octobre 1981, D.R. 21, p. 96.
* 207 Arrêt Kokkinakis,
précité, §§. 22-32.
* 208 Gérard Gonzalez,
précité, p. 79.
* 209 Décision de la
Commission, 11 octobre 1984, N c/ Suède, D.R. 40, p.213.
* 210 Gérard Gonzalez,
précité, p. 81.
* 211 Gérard Gonzalez,
précité, p. 81, voir bas de page.
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