i
Université de Cergy-Pontoise
Faculté de droit
M.Vivien MANANGOU Romain
LES EVOLUTIONS RECENTES DELA
JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE
DU CONGO:
Une analyse du rapport remis le 09 juin 2008 par la
commission politique, administrative et judiciaire
de
l'assemblée nationale.
Mémoire pour le Master 2 de Droit Public,
Transformation de l'Etat Session de juin 2009
ii
L'université de Cergy-Pontoise n'entend
donner
aucune approbation ni improbation aux
opinions
émises dans ce mémoire ; ces opinions
doivent être
considérées comme propres à leur
auteur .
|
iii
REMERCIEMENTS
Je remercie Romain Ramos, sans qui tout espoir
était perdu.
Je remercie ramy et ravie-micheyle pour leur soutien et
leur affection.
Je remercie les enseignants du Master 2 de droit
public et particulièrement madame la professeur CALVES pour sa
disponibilité, son soutien et ses encouragements tout au long de la
rédaction de ce mémoire.
Je remercie Cédric, Pierre et Chaffik, pour cette
année exceptionnelle.
« Le respect de la constitution est non un risque mais un
devoir »
Pierre MAZEAUD en Février 2008
SIGLES ET ABREVIATIONS
A.N Assemblée Nationale
C;C Conseil Constitutionnel
C.E Conseil d'Etat
C.J.C.E Cour de justice des communautés
européennes
C.E.N.I Commission électorale nationale
indépendante
C.S.A.C Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de
la communication
C.P.A.J Commission Politique, Administrative et
Judiciaire
C.S.M Conseil supérieur de la
Magistrature
C.I.J Cour Internationale de Justice
D.D.H.C Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen
L.O Loi Organique
M.L.C Mouvement pour la libération du
Congo
M.P.R Mouvement populaire pour la
Révolution
O.N.U Organisation des nations unies
R.C.A République de Centrafrique
R.D.C République Démocratique du
Congo
T.C.E Traité sur les communautés
européennes
U.A Union Africaine
vi
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE- I : L'ORGANISATION ATYPIQUE DE LA
COUR CONSTITUTIONNELLE PROPOSEE PAR LE RAPPORT DU 9 JUIN 2008
SECTION-1: Une composition innovante mais discutable
Paragraphe-1: Le choix des membres
Paragraphe-2 : Les compétences élargies du
président
Paragraphe-3: Un statut garantissant
l'impartialité et l'indépendance des juges
SECTION -2: Les trois catégories de magistrats
constitutionnels Paragraphe-1: Les magistrats du parquet, l'oeil du pouvoir
exécutif
Paragraphe-2: Des conseillers Référendaires
: innovation ou mimétisme 2
Paragraphe-3 : Une diversité des magistrats
pourquoi faire ? CHAPITRE- II: UNE COUR SUPREME BIS
?
SECTION-1: UNE COUR CONSTITUTIONNELLE AUX
COMPETENCES
HETEROGENES
Paragraphe-1 : Le juge du contentieux des normes .
Paragraphe-2 : Le juge des conflits de compétences .
Paragraphe-3: La compétence du juge constitutionnel
vis-à-vis du président de la république.
SECTION-2: LE JUGE CONSTITUTIONNEL :JUGE PENAL DE
L'EXECUTIF
Paragraphe-1 : Une conception assez large des infractions
pénales du pouvoir exécutif.
Paragraphe-2: Une procédure pénale assez
complexe.
Paragraphe-3: Le régime de la responsabilité
pénale de l'exécutif en RDC , confronté aux autres
régimes .
CHAPITRE-III: LA PROTECTION DES DROITS CITOYENS AU
COEUR
DE L'ACTION DE LA FUTURE COUR .
SECTION-1: UN DROIT DE SAISINE LARGEMENT OUVERT
Paragraphe-1: La saisine du juge constitutionnel par les
citoyens .
Paragraphe-2 : Le ministère public , garant de la
défense des droits et libertés fondamentaux des citoyens .
SECTION-2: LA MISE EN PLACE D'UN VERITABLE PROCES
Paragraphe-1: Le juge constitutionnel, acteur d'un
procès assez original
Paragraphe-2: Procès constitutionnel :
spécificité ou confusion ?
INTRODUCTION
Chaque jour qui passe nous offre la possibilité
d'être au fait de l'importance de plus en plus manifeste que prenne les
juges constitutionnels tant en Europe , qu'en Afrique .
Or si la justice constitutionnelle est, de nos jours,
majoritairement reconnue et acceptée, son enracinement en Afrique n'en
reste pas moins récent.
· Mimétisme constitutionnel ou
Adaptation structurelle ?
Il est cependant indéniable, que la Ve
république a eu une influence de premier plan sur les systèmes
politiques Africains francophones. Cette influence s'explique par le processus
d'accession à l'indépendance des anciennes colonies
françaises, loin d'être freiné par la création , en
1958 , de la communauté , comme on aurait pu a priori le penser , s'est
accéléré avec la mise en place des nouvelles institutions
. Il s'est en fait engagé dès le début de 1960 avec la
proclamation de l'indépendance de la fédération du Mali
1
Les liens avec la France restant très forte, la culture
politique et juridique des nouveaux dirigeants étant avant tout
française , tout concourt à expliquer que les premières
constitutions furent plus souvent , à des variantes près , un
simple décalque du texte de 1958;
Ainsi , au lendemain des indépendance , à l'image
du conseil constitutionnel français récemment crée ,
les Etat africains ont repris l'idée d' une chambre constitutionnelle
, composante parmi d'autre de la cour suprême2; Cette
formule témoignait certes d'une reprise
1 A.BOURGI « La réalité du nouveau
constitutionnalisme africain » Colloque du 40e anniversaire de
la 5e république
2 mais surtout d'une adaptation structurelle dictée par
la nécessité d'intégrer des contraintes indigènes
inconnues en métropole . 3
Toutefois, les dirigeants africains, contrairement à ce
qu'on put dire les observateurs n'ont pas reproduis le système
français par simple mimétisme constitutionnel .
En effet , le système mis en place en France ,
convenait parfaitement aux nouveaux présidents africains qui se voyaient
ainsi , en toute légitimité successorale , investis de pouvoirs
très importants , leur permettant , entre autres , de canaliser le
travail des jeunes assemblées parlementaires .
Il fallait en fait rechercher dans l'Afrique profonde , les
raisons de cet amour pour un pouvoir exécutif fort , souvent très
fort .
En effet, le chef africain , s'il ne cesse de s'entourer des
conseils , s'il use et abuse de la palabre , s'efforçant ainsi à
parvenir au consensus le plus large , ne se soumet à personne : en
définitive, c'est lui et lui seul qui décide . Cette affirmation
est bien résumé par la phrase du feu ancien président
Léopold Sedar SENGHOR « IL n'y a pas de place pour
deux caïmans dans un même marigot » ;
Mais comment envisager , l'effectivité voire
l'efficacité d'une justice constitutionnelle dans un système
marqué par l'existence d'un pouvoir fort et surtout un chef d'Etat
omnipotent ?
Cette situation paradoxale rendait la justice constitutionnelle
en Afrique plus symbolique que réelle.
2 Les solutions adoptées ici et là étaient
variées . Par exemple , au Zaïre c'est une cour constitutionnelle
à l'image de celle existante en Belgique, en Côte-d'Ivoire c'est
une chambre constitutionnelle qui a été crée au sein de la
cour suprême , au Sénégal, celle-ci qui , en matière
constitutionnelle, statue toutes sections réunies , c a d en section
plénière .
3 A.B.FALL « le juge constitutionnel , artisan de la
démocratie en Afrique ? »
· Le processus de démocratisation des
années 1990
Depuis le début des années 1990 , c'est dans la
force du droit que les acteurs politiques engagés dans le processus de
démocratisation ont tenté de trouver les voies et les moyens
d'introduire de véritables changements .
Ce nouveau contexte a entraîné une fondation de
la justice constitutionnelle : dans la plupart des pays , le nouveaux cours ou
conseils , détachés de l'appareil juridictionnel ordinaire , ont
été dotés d'attributions non seulement plus
concrètes mais plus large que celle du conseil constitutionnel
français4 .
Cependant , quelle place occupe cette justice constitutionnelle
refondée dans la marche contemporaine à la démocratie ?
Telle est la question qu'il faut se poser aujourd'hui .
La réponse n'est pas forcement affirmative , car en
dehors de certains Etats dont le Bénin est le principal modèle ,
ou la démocratie fonctionne et L'Etat de droit se consolide après
chaque alternance . D'autres situations sont plus inquiétantes.
Il est vrai , que l'on a remarqué , un ralentissement
ou une perversion des régimes démocratiques par la
réautoritarisation de certains ou l'illicite croissante de l'usage de la
puissance publique . Ce qui met en relief, la vanité des agencements
constitutionnels.
L' on peut citer à titre d'exemple la
Côte-d'Ivoire et la RCA ou deux coups d'Etat ont été
tentés ; réussi en RCA , avec l'instauration d'un
régime militaire et l'organisation d'une parodie d'élection
5.
En Côte-d'Ivoire , la situation est beaucoup plus
complexe , car ce pays avait longtemps vécu sous un semblant de
démocratie, parfaitement mené par l'ancien feu président
F.HOUPHOUET-BOIGNY. Remplacé par H.kONAN
-BEDIE , qui fut chassé par un coup d'Etat .
Depuis, L. GBAGBO au pouvoir ,victime d'un coup
d'Etat avorté en 2005 est toujours au pouvoir et essaie de remettre le
pays sur les rails de la democratie6.
Ce dernier exemple , est intéressant à bien des
égards , car l'histoire de la cote d'ivoire ressemble à bien des
points à celle du Congo .
· L'histoire politique du Congo à la RDC
en passant par le Zaïre
La RDC est le troisième plus vaste pays d'Afrique
derrière le Soudan et l'Algérie et le plus peuplé de
l'Afrique centrale et de la francophonie avec une population estimée
à plus de 65 millions d'habitants .
Ces frontières ont été reconnues à
l'issue de la conférence de Berlin , en 1885 . le 1er Août 1885 ,
Léopold II de Belgique accepta la souveraineté sur l'Etat
indépendant du Congo mais en 1908 , l'Etat belge reprit l'exploitation
de la colonie .
L'indépendance intervint en 1960 . En 1965 ,
Joseph Désiré MOBUTU prît le pouvoir et
transforma la république en dictature . Par souci d'authenticité
Africaine, le pays a été rebaptisé
5 François BOZIZE est arrivé au pouvoir
après un coup d'Etat contre le président élu A.F. PATASSE
le 15 mars 2003
6 Après 4 ans de guerre civile, un gouvernement de
coalition est en place et des élections générales seront
organisées en novembre 2009.
5 ZAIRE de 1971 à 1997 . En 1997 , une coalition
dirigée par Laurent -Désiré KABILA
renverse Mobutu .
Mais les coalisés se brouillent quelques années
après , plongeant le pays dans un des conflits les plus meurtriers
depuis la seconde guerre mondiale .
Le 16 janvier 2001 , le président Kabila est
assassiné , remplacé par son fils joseph
KABILA7.
Suite aux accords de paix, le dialogue
intercongolais8 qui met fin à la deuxième guerre de la
RDC , un gouvernement de transition est mis en place et comporte les chefs des
principaux belligérants ; ce qui explique la présence de quatre
vice président dans ce gouvernement9.
Une constitution de transition est mise en place avec un
caractère consensuel. En effet, elle est la traduction juridique de la
convergence politique intervenue entre les différents groupes
politico-militaires qui se livraient une guerre sans merci depuis 1998.
Elle permet de projeter l'accord de pacification sur l'espace
public pour en faire une véritable norme 10.
Le 18 décembre 2005 , le peuple congolais approuve
à une large majorité l'adoption d'une nouvelle constitution . Qui
sera promulguée le 18 février 2006 .
A la suite des élections présidentielles de juillet
2006 , le président Joseph Kabila est élu11
président de la république , devenant le premier président
démocratiquement élu de ce pays.
7 Il est désigné par les proches de son père
pour lui succéder
8 Des accords signés en Afrique du sud le 6 mars 2003
9 Il s'agit de: Abdoulay NDOMBASSI YERODIA pour le pouvoir,
Azarias RUBERWA, Jean Pierre BEMBA pour l'opposition et Arthur Z'AHIDI
NGOMA.
10 J. N. VUDISA, le droit constitutionnel face à la
réalité en RDC : un regard sur la constitution de la transition
et ses perspectives.
11 Large victoire de Kabila avec 58,05% contre 48,95% pour
Bemba
· Consolider la démocratie par la mise en
place de la cour constitutionnelle
Pondérée en tout , la constitution du 18
février 2006 traduit la paix des braves scellant ainsi la fin d'une
crise multidimensionnelle dont les effets néfastes se font encore
ressentir12 .
Comment ne pas soutenir que l'installation de la cour
constitutionnelle devient une nécessité , tant les ennemis
devenus partenaires par la force des élections ne peuvent tolérer
aucun empiétement .
Seule la cour constitutionnelle, véritable
église au milieu du village13, peut protéger la
constitution , et par ricochet les droits et les libertés des citoyens ,
tout en assurant la séparation des pouvoirs .
· Une initiative originale
La reconfiguration du pouvoir juridictionnel en RDC est donc
au coeur des préoccupations des acteurs de la constitution de 2006 .
Dans cette perspective, le député d'opposition Mohamed
BULLE a déposée au bureau de l'assemblée
nationale le 30 octobre 2007 , une proposition de loi organique sur
l'organisation et le fonctionnement de la cour constitutionnelle .
La démarche est doublement innovant :
D'abord, le texte est d'origine parlementaire ,et non
gouvernementale . A l'heure où l'ensemble des textes d'importance
majeure sont d'origine exécutive , ce choix n'est pas anodin .
7 Ensuite, le texte est une proposition de loi d'un
député d'opposition , certes ceci ne présage en rien du
contenu du texte et même de son avenir , mais cela démontre que
sur des questions majeures , l'intérêt national peut transcender
les clivages même en RDC .
Ainsi le 15 avril 2008 l'assemblée nationale par sa
commission politique, administrative et judiciaire a commencée
l'étude de cette proposition pour aboutir le 9 juin de la même
année à un texte qui reprend certes les traits essentiels d'une
puissante cour constitutionnelle dessinés par les articles 157 à
169 de la constitution de 2006 , mais ajoute ou écarte certaines
dispositions.
Il revient désormais au législateur organique de se
prononcer sur ce texte issu du travail purement parlementaire .
Comme son titre l'indique, l'ambition de ce mémoire est
triple . Il s'agit tout d'abord de donner au lecteur une vision
générale de la cour constitutionnelle congolaise telle qu' issue
de la proposition de loi organique , notamment en abordant les questions
liées à son organisation, sa composition et sa structure . C'est
l'objet de notre premier chapitre .
Il s'agit ensuite , d'étudier de façon
substantielle ses ressemblances avec la cour suprême de justice et
notamment en ce qui concerne ses compétences , c'est l'objet de notre
deuxième chapitre .
Enfin, notre troisième chapitre sera consacré aux
différents éléments qui poussent à conclure que la
future cour sera une véritable protectrice des droits et libertés
des citoyens .
8 Tel est l'objet des trois chapitres qui suivent et qui
traitent successivement des trois questions principales que pose l'institution
d'une telle cour : quelle sera l'organisation de la future cour ? Quelles
seront ses domaines de compétences ? Dans quelle mesure sera t-elle une
protectrice des droits et libertés des citoyens ?
9
CHAPITRE .I : L'ORGANISATION ATYPIQUE DE LA
COUR CONSTITUTIONNELLE PROPOSEE PAR LE RAPPORT DU 9 JUIN
2008
Lorsque la loi organique prévue par l'article 169 de la
constitution de 2006 portant sur l'organisation et le fonctionnement de la cour
constitutionnelle sera votée et promulguée. L'institution qui en
résultera sera empreinte d'une originalité sans
précédent.
Certes, un certain nombre de points sont inspirés par
la constitution française de 1958 et la loi spéciale sur la cour
d'arbitrage belge ce qui peut s'expliquer d'une part : par la documentation
utilisée par la commission d'origine essentiellement occidentale, on
peut citer : « le contrôle de l'activité du pouvoir
exécutif par le juge constitutionnel : les exemples français,
allemand, espagnol »14 ou encore« le contentieux
constitutionnel français »15 D'autre part
l'histoire coloniale de ce vaste pays explique cette tendance à
s'inspirer du constitutionnalisme occidental (voir introduction).
Il n'en demeure pas moins que le texte innove à bien des
égards, de quoi tordre le coup à toute présomption de
mimétisme aveugle.16
L'organisation atypique de la future cour est donc le produit
de ces différents éléments innovants mais aussi
discutables(I) par exemple, l'existence de trois
catégories de magistrats constitutionnels (II) .Ce qui
soulève un certain nombre de questions auxquelles, le juge organique
devrait répondre.
Section 1 : UNE COMPOSITION INNOVANTE MAIS DISCUTABLE
Si les nominations des membres de la cour constitutionnelles
sont politiques comme c'est le cas dans des nombreux pays africains et
occidentaux, les conditions requises pour le choix des membres est
totalement innovant (1) .En outre le président de la
future cour constitutionnelle
14 F.RUEDA .L.G.D.G 2000
15 G.. DRAGO. 2e édition 2006
16 S.BOLLE « vers une cour constitutionnelle
à la congolaise »
www.la-constitution-en-afrique.org
10 sera détenteur d'importantes prérogatives
(2) par ailleurs une série d'éléments
contribue à garantir l'impartialité et l'indépendance des
futurs juges constitutionnels (3).
Paragraphe 1 : Le choix des membres
Conformément à l'article 158 de la constitution
congolaise, repris tel quel par l'article deux de la proposition de loi
organique : la cour constitutionnelle sera composé de neuf membres.
Comme c'est le cas pour la plupart des cours et conseils constitutionnels
étrangers , les membres de la cour constitutionnelle sont
désignés par des personnalités politiques .Cette forme de
désignation est d'origine française , en effet l'article 56 de la
constitution française de 1958 pose le principe d'une nomination
politique des membres du conseil constitutionnel repartis entre le
président de la république, le président de
l'assemblée nationale et le président du sénat qui nomment
chacun trois membres .On retrouve ce mode de désignation un peu partout
en Afrique , la tendance générale est de valoriser le rôle
du chef de l'État dans ces nominations . Trois constitutions africaines
se sont inspirées des proportions imaginées par le constituant
français : les exemples les plus nets sont ceux du Gabon et du Tchad
avec trois membres désignés par le président
République, trois par le président de l'assemblée
nationale et trois par celui du sénat .Il est cependant vrai que ce
choix est toujours limité par une série d'autres
conditions17.
La proposition de loi organique congolaise s'inscrit dans ce sens
(A), mais va au delà des seules désignations
politiques (B).
A) Une désignation partagée
La désignation des membres de la future cour
constitutionnelle prévue par l'article 2 de la
17 A.CABANIS et M.LOUIS-MARTIN « Les
constitutions d'Afrique Francophone Ȏdition Karthala, P .163
11 proposition de loi organique , fait du président
l'autorité de nomination des membres de la future cour constitutionnelle
mais cela étant dit il faut prendre soin de préciser qu'il s'agit
en réalité d'un pouvoir partagé,
En pratique le président de la république ne
nomme que trois juges constitutionnels par sa seule initiative, les six autres
membres sont nommés par le parlement réunis en congrès et
par le conseil supérieur de la magistrature.
La nomination des membres de la future cour constitutionnelle par
les parlementaires réunis en congrès n'est pas une invention
congolaise.
Dans la matière, le modèle est sans aucun doute
le royaume d'Espagne .L'article 159 de la constitution espagnole de 1978
stipule que les membres du tribunal constitutionnel sont nommés par le
roi dont quatre sur proposition du congrès et quatre autres sur
proposition du sénat, à chaque fois à la majorité
de trois cinquième.
Il est vrai que la présente proposition de loi
organique ne va pas aussi loin mais, néanmoins l'idée de confier
au congrès le choix de la désignation de trois membres de la cour
constitutionnelle à la place d'une désignation relevant du
pouvoir discrétionnaire des présidents des chambres
parlementaires est en soi une avancée considérable.
Il convient tout de même de souligner ,qu'en Espagne le
congrès des députés et le sénat désignent
chacun de leur coté les membres du tribunal constitutionnel. La
désignation des membres de la cour constitutionnelle à un autre
avantage, c'est celui de favoriser un consensus autour des membres de la cour
désignés par le parlement on peut rêver d'une entente entre
les principales formations politique composant le parlement pour aboutir
à des nominations partagées ou en tous cas représentatives
des principales tendances politiques représentées dans le
parlement .
En l'espèce l'articulation de l'article deux de la
proposition de loi organique ne va pas aussi loin que l'article 159 de la
constitution espagnole de 1978 en l'absence d'une obligation de
majorité
12 qualifiée de désignation , l'on peut penser
que la volonté de la majorité parlementaire l'emportera sur
l'opposition. Ainsi avec la concordance des majorités et l'influence du
président de la République, les juges ainsi
désignés seront choisis par ce dernier ou au mieux il faudra pour
la majorité recueillir l'avis favorable du président de la
République avant de valider une quelconque désignation.
En France avec la reforme du 23 juillet 2008, les articles 13
et 56 de la constitution sont modifiés, le pouvoir de nomination du
président de la République s'exerce après avis public de
la commission permanente compétente de chaque assemblée, le
président de la République ne peut procéder à une
nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission
représente au moins les trois cinquième des suffrages
exprimés au sein de deux commissions18 Toutefois l'avis est
public et non les auditions .Dans la mesure où la majorité
parlementaire qui est soumise au président par la dissolution et est
également majoritaire dans ces commissions, ce droit de veto n'aura
certainement qu'une incidence marginale sur les nominations.
Cette problématique de la majorité parlementaire en
l'absence d'une majorité d'adoption qui va au delà de la
majorité simple ne permet pas le pluralisme de l'institution.
L'article deux de la proposition de loi confie la
désignation du tiers des membres restant au conseil supérieur de
la magistrature.
Cette participation du conseil supérieur de la
magistrature dans la désignation des membres de la cour
constitutionnelle est aussi une avancée, même si il ne s'agit pas
là encore d'une innovation du législateur organique congolais
.L'article 159 de la constitution espagnole de 1978 prévoit une
désignation de deux membre sur proposition du conseil
général du pouvoir judiciaire, qui est en fait
l'équivalent du conseil supérieur de la magistrature. Cette
désignation d'une partie des membres de la cour constitutionnelle par le
conseil supérieur de la magistrature est aussi un procédé
assez largement partagé en Afrique ; l'article 7 de la loi portant
fonctionnement du conseil constitutionnel au Cameroun prévoit la
désignation de deux membres du conseil
13 constitutionnel sur proposition du conseil supérieur
de la magistrature de même la constitution de Madagascar met en place ce
mécanisme qui permet au conseil supérieur de la magistrature de
proposer à la nomination des juges constitutionnels ; des juges issus en
son sein . Toutefois cette désignation par le conseil supérieur
de la magistrature est certes saluée mais pour autant constitue t-elle
une réelle manifestation du pluralisme ?
Dans le cas du Congo, la question mérite d'être
posée ? La question se pose d'autant plus qu'une proposition de
révision constitutionnelle initiée par le député
TSHIBANGOU KALALA 19et soutenue par les
députés de la majorité. Avait été
déposée sous forme de pétition à l'assemblée
nationale le 5 novembre 2007.
Cette proposition visait entre autre, la révision de
l'article 152 de la constitution de 2006 relatif à la composition et au
fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature. L'objectif de
cette proposition était de modifier cet article en son alinéa
deux afin de revoir à la baisse les effectifs du conseil
supérieur de la magistrature d'une part et d'autre part d'inclure au
sein de cette institution non seulement le président de la
république mais aussi le ministre de la justice et des
personnalités indépendantes issues de la société
civile.
Cette proposition avait soulevée une levée de
bouclier de l'opposition voyant dans cet acte une manoeuvre pour la
majorité et le président de la République de
contrôler le conseil supérieur de la magistrature. Devant cette
opposition farouche, le président de la République avait
été obligé de taire cette polémique en
renonçant à cette révision20.
On le voit la désignation partagée mise en en
place par la proposition de loi organique ne permet pas le pluralisme au sein
de la future cour constitutionnelle de même la désignation par les
membres du conseil supérieur de la magistrature en l'état ne
constitue pas une garantie pour ceux qui réclame une cour
constitutionnelle totalement indépendante et impartiale.
Ce mode de recrutement peut prêter à des
critiques et à des spéculations qui auront des
conséquences sur la portée des arrêts que la cour sera
amenée à rendre ; à l'image du conseil
14 constitutionnel français , dont certain ont
estimé qu'il n'était pas composé de manière
à présenter les garanties que doit offrir une haute juridiction
.
Cependant, l'on peut penser que même en présence
d'un mode de désignation discuté, la crédibilité de
la future cour constitutionnelle résultera de l'indépendance
d'esprit de ses membres, à leur compétence et à la haute
conscience qu'ils auront de leur mission qu'aux dispositions relatives à
son recrutement.
Il convient de noter que la proposition de loi organique, fait
preuve d'une d'originalité en assurant au sein de la cour
constitutionnelle une représentation équilibrée des trois
pouvoirs distingués par Montesquieu.
Par ailleurs un certain nombre de dispositions ont
étés posés visant à rendre le choix des membres
plus adéquat et plus sélectif.
B) Une désignation
encadrée
La désignation des membres de la cour constitutionnelle
est non seulement partagée, elle aussi encadrée.
En effet conformément à l'article 159 de la
constitution congolaise de 2002 repris dans l'article trois de la proposition
de loi organique, un certain nombre des conditions sont requises pour devenir
juge constitutionnel.
En dehors de la condition de nationalité qui est une
condition obligatoire et de bon sens, l'article trois fixe deux autres
conditions :
D'abord pour être nommé membre de la cour
constitutionnelle, il faut justifier d'une expérience de quinze ans dans
le domaine juridique ou politique ; ensuite l'article pose une interdiction aux
parents ou alliés jusqu'au troisième degré de
siéger à la cour en même temps,
a) Une expérience juridique ou politique de
quinze ans
Il s'agit du premier principe que pose l'article trois de la
proposition de loi organique, sans être une innovation car l'article 159
de la constitution espagnole de 1978 prévoit une obligation similaire,
mais dans le continent Africain peu de constitutions exigent une
expérience politique ou juridique pour devenir juge constitutionnel.
Si la recherche de l'expérience peut être un gage
d'efficacité pour le futur juge constitutionnel, la rédaction de
l'article reste très vague pour appréhender la portée de
ce principe.
En effet un certain nombre de question se posent car la
formulation de l'article reste très générale : à
partir de quel moment faut-il prendre en considération le
décompte de cette expérience?
Si le décompte de l'expérience juridique ne pose
pas de problème particulier, car il suffira de prendre en compte le
début d'une fonction juridique quelconque ; La réponse est moins
aisée pour le décompte de l'expérience politique.
Autant la fonction juridique peut aisément être
déterminée autant la fonction politique est plus difficilement
déterminable. Il semble que les auteurs de la proposition de loi
organique aient souhaités que l'expérience tant juridique que
politique soit appréhender de la manière la plus large, alors
l'expérience politique s'entend elle au sens de l'exercice d'un mandat
politique dans une structure d'État, des provinces ou partisane?
La proposition de loi est muette sur le sujet alors que la
question est loin d'être anodine. Un responsable local d'un parti
politique depuis plus de vingt ans sans aucune connaissance juridique peut il
devenir juge constitutionnel ? Il reviendra au législateur organique de
nous éclairer et de répondre à ces interrogations.
Mais il nous semble qu'il soit essentiel de limiter ce
principe de l'expérience politique en précisant la fonction
politique requise pour devenir juge constitutionnel; car si un mandat
électif permet d'acquérir une connaissance du fonctionnement des
pouvoirs publics, il est plus
contestable qu'une responsabilité partisane locale
renforce cette connaissance. b) Une interdiction pour
éviter le clientélisme constitutionnel
Le troisième alinéa de l'article trois de la
proposition de loi organique pose un principe tout à fait innovant qui
ne se retrouve nulle part ailleurs.
En effet cet alinéa prévoit l'interdiction des
parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus
d'être en même temps membre de la cour constitutionnelle ,il est
justifié par la volonté des auteurs du texte de renforcer
l'indépendance de la cour en la mettant à l'abri du tribalisme,
du clientélisme et du népotisme .
Dans aucune constitution occidentale l'on peut retrouver cette
interdiction , d'ailleurs l'on peut dans une fiction, considérer que le
députe louis GISCARD-D'ESTAING peut être
nommé membre du conseil constitutionnel et ainsi siéger au
coté de son père qui lui est membre de droit en vertu de
l'article 56 de la constitution de 1958 , il n'est donc pas impossible que deux
parents ou alliés puissent siéger en même temps dans la
future cour constitutionnelle .
Il est certes vrai, que les questions du tribalisme et du
clientélisme minent la société africaine et par voie de
conséquences ces institutions, il est cependant plus contestable de
démontrer que la cour sera exposée à ces maux si deux
parents ou alliés siégeaient en même temps .
Croire que cela est possible c'est manqué de confiance
à l'intégrité des personnalités qui seront
nommées. Par ailleurs en écartant les parents ou alliés de
la cour, en écarte pas pour autant les maux .
Le tribalisme repose il est vrai sur la parenté mais
aussi sur la tribu et le clientélisme peut être favorisé
par l'appartenance partisane ; ainsi des juges nommés par la même
majorité peuvent très bien s'entendre pour orienter les
décisions de la cour ;de même des juges de la même tribu
peuvent s'entendre sur des bases tribales .
17 Mais l'on ne peut penser à priori que les
personnalités désignées comme juges constitutionnels , ne
pourront dépasser leur appartenance partisane ou ethnique pour se
concentrer sur le seul objectif qui compte c'est-à-dire le respect de la
constitution .
C'est pourquoi il semble que ce principe loin de lutter contre le
tribalisme, le clientélisme ou le népotisme, introduit une
inégalité.
Pourquoi deux éminents juristes fussent-ils frères
ne pourront ils siéger en même temps dans la future cour
constitutionnelle ?
En outre, un argument évoqué par le
professeur Stéphane BOLLE mérite
d'être souligné .
Ce dernier pose la question de la constitutionnalité
d'une telle mesure au regard de l'article 169 de la constitution de 2006 qui
habilite le législateur organique à fixer l'organisation et le
fonctionnement de la cour constitutionnelle. En rappelant qu'une loi organique
complète ou précise la constitution et à l'instar de tout
texte d'application ne peut que la prolonger, alors qu'en l'espèce la
commission s'affranchit de cette règle.
c) Des juristes au coeur de la future cour
constitutionnelle
Le conseil constitutionnelle rend la justice .Elle dit le
droit au nom de l'Etat (Marcel Waline) .Ses
décisions sont revêtues de l'autorité absolues de chose
jugée (Jean Rivero) .A ce titre, elle s'impose à
l'Etat, aux pouvoirs publics. Il est donc essentiel que les membres d'une cour
ou d'un conseil constitutionnel aient des connaissances juridiques importantes,
pour développer une véritable jurisprudence permettant la
garantie des libertés et la régulation des pouvoirs publics.
Atteindre cet objectif, suppose d'accorder une place de choix aux
juristes dans ces instances . Déjà dans les années 1920,
Hans Kelsen développait l'idée de juristes
nécessairement professionnel : « il est de la plus grande
importance d'accorder dans la composition de la
18 justice constitutionnelle une place adéquate aux
juristes de profession ». Toutefois, cela n'est pas la règle
pour toutes les cours constitutionnelles.
En Europe occidentale, le principe est la nomination des juristes
ou des professionnels du droit, les deux exemples les plus importants
étant L'Allemagne et L'Espagne.
En Allemagne, les articles 93 et 94 de la loi fondamentale
complétée par la loi du 12 mars 1951 sur le statut et le
fonctionnement de la cour constitutionnelle posent : que les juges
constitutionnels sont au nombre de seize .Il sont recrutés parmi les
juristes qui ont fait des longues études de droit leur permettant de
devenir, avocat ou haut fonctionnaire .D'ailleurs six des seize membres doivent
être issus de la cour de cassation21.
En Espagne, le principe est posé de manière plus
forte. En effet, l'article 159 alinéa un, précise que le tribunal
constitutionnel espagnol est composé de douze membres .Les magistrats du
tribunal constitutionnel sont tous des professionnel du droit.
Néanmoins, toutes les démocraties ne vont pas
dans ce sens .En France l'article 56 de la constitution de 1958 ne pose aucune
obligation quant à la qualité des membres .Toutefois, il convient
de souligner qu'en pratique, on constate que les membres du conseil sont des
hommes politiques ou des juristes parfois les deux à la fois, ce qui a
permis d'atteindre un certain équilibre entre les compétences et
les opinions.
En Afrique, la plupart des constitutions souvent
inspirées par la constitution française de 1958, ne pose aucune
condition sur la qualité et l'origine professionnelle des magistrats
constitutionnels. En effet ni au Bénin, ou l'article 115 de la
constitution de 1990 fixe simplement une obligation de compétence
professionnelle sans évoquer le domaine .Même si dans la pratique
les différents membres sont souvent des juristes ; ni au Cameroun ou
l'article 7 de la loi du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement
du conseil constitutionnel fait abstraction de l'obligation d'une participation
des juristes au conseil constitutionnel ; ni au Congo Brazzaville ou l'article
144 de la constitution de 2002 relatif la procédure de nomination
19 des membres du conseil constitutionnel, on retrouve une
obligation de nomination des juristes . Il existe cependant quelques exceptions
à cette règle :
d'abord l'article 150 de la constitution de mars 1992 du
Burundi pose expressément dans son deuxième alinéa,
l'obligation de recruter les membres de la cour constitutionnelle parmi les
juristes de haut niveau.
Ensuite, l'article 89 de la constitution gabonaise de mars 1991
exige que la cour constitutionnelle gabonaise soit composée au deux
tiers par des juristes.
En s'orientant dans ce sens, la proposition de loi organique des
députés de la république démocratique du Congo est
une véritable avancée.
En effet le deuxième alinéa de l'article 158 de
la constitution congolaise de 2006 stipule que le deux tiers des membres de la
cour constitutionnelle doit être des juristes, issus du barreau ou de
l'enseignement universitaire. Ainsi pour atteindre cet objectif
constitutionnel, la proposition de loi organique propose que deux membres parmi
les trois désignés par le président de la
République et un membre désigné par le parlement doivent
être des juristes issus du barreau et de l'enseignement universitaire.
Cette proposition certainement inspirée par le tribunal
constitutionnel Espagnol est important à bien d'égard :
En premier lieu , elle permet aux juristes d'être au coeur
de la cour constitutionnelle ensuite elle est la garantie de
l'efficacité ou du moins de la compétence des magistrats.
En second lieu , cette proposition permet d'encadrer les
désignations présidentielle .En effet , le président
pourra nommer qui il veut, simplement dans deux cas sur trois ils devront
être des juristes .
Enfin le conseil supérieur de la magistrature devra
designer les trois magistrats constitutionnels au sein du pouvoir judiciaire ce
qui est déjà en soi, la garantie d'une participation de
magistrats compétents.
20
Paragraphe 2 : Les compétences élargies
du président
« Une institution est, sans doute, une histoire, une
idée faite corps, des intérêts contraires coagulés,
mais aussi des hommes ; et pour celui qui la dirige, le souci de l'institution
se confond nécessairement avec le souci de soi »22.
Cette affirmation de Dominique ROUSSEAU est
d'autant plus vraie qu'aux USA, la cour suprême s'identifie toujours
à son président : cour Marshall, cour Warren... de même au
Bénin la tendance est à cette personnalisation de l'institution
constitutionnelle : cour Dossou23.
Certes, il n'est pas dans la tradition française de
donner à une juridiction le nom de la personne qui la préside,
néanmoins les noms des présidents qui ont marqué
l'histoire du conseil constitutionnel par leur reformes comme Roger
FREY24 président du conseil constitutionnel pendant
l'ouverture de la saisine aux parlementaires en 1974 ou encore la
présidence de Robert BADINTER 25marqueront
à jamais l'histoire de la justice constitutionnelle française.
Ainsi, la notoriété et la compétence du
président d'une cour qui plus est constitutionnelle est indispensable au
bon fonctionnement de l'institution mais surtout elles permettent de mieux
faire accepter les décisions de cette cour à l'opinion publique
et politique .C'est pourquoi, les prérogatives du président de la
cour et la manière dont il est désigné sont deux
éléments essentiels.
La proposition de loi organique de la commission politique
administrative et judiciaire de l'assemblée nationale congolaise fait un
double choix : d'abord celle d'une élection du président par ses
pairs (A) .Ensuite d'une extension des pouvoirs de celui-ci
(B)
A) Un Qrésident élu
22 D.ROUSSEAU « la doctrine Badinter et l
démocratie » P.1 1
23 Maître R.DOSSOU est président de la
cour constitutionnelle Béninoise depuis le 6 juin 2008
24 R.FREY fut président du conseil
constitutionnel français de 1974 à 1983
25 R.BADINTER fut président du conseil
constitutionnel français de 1986 à 1995
21 L'article 7 de la proposition de loi organique stipule que
le président de la cour constitutionnelle est élu au scrutin
majoritaire à deux tours à bulletin secret par ses pairs pour une
durée de trois ans renouvelable une seule fois.
La question de l'élection du président de la
cour constitutionnelle par ses pairs est un choix démocratique qui
mérite d'être signalé .Il est vrai qu'un certain nombre
d'Etats africains comme le Congo Brazzaville ou le Cameroun ont fait le choix
inverse c'est-à-dire, celui de la nomination du président de la
cour ou du conseil constitutionnel par le président de la
république.
Ce choix inspiré par le modèle français
est tout aussi contestable que le mode de nomination des membres de la cour ou
du conseil, essentiellement politique. Il est vrai qu'en France, certains
présidents de cette institution furent des grands juristes comme Robert
BADINTER, d'autres durent d'avantage cette fonction à leur rapports
personnels avec le président c'est la cas de MM MAZEAUD et DEBRE qui
étaient des vieux amis du président CHIRAC , cela peut conduire
à douter de l'objectivité et de l'efficacité du
conseil.
Ainsi contrairement aux autres constitutions
européennes qui associent toujours le parlement à la nomination
des membres des cours constitutionnelles d'une part et d'autre part laisse le
choix du président de ces institutions aux pairs ; le système
français importé dans des nombreux Etats africains est source de
vives polémiques en Afrique et en France.
A titre d'exemple, la nomination de monsieur
Gérard BINTSOUNDOU26 à la tête
du conseil constitutionnel au Congo Brazzaville avait suscité une vive
réaction de l'opposition congolaise. Ce monsieur étant l'un des
plus proches collaborateurs du président de la république du
Congo M SASSOU .Pour l'opposition il s'agissait d'une part, de contrôler
la cour constitutionnelle pour peser sur le contentieux électoral qui
est la principale mission la cour au Congo.
Par ailleurs, M BINTSINDOU étant entendu comme
témoin assisté en France sur l'affaire des disparus du Beach du
fleuve Congo27.
22 Cette nomination lui permettait de bénéficier
de l'immunité juridictionnelle dont bénéficie les juges
constitutionnels au Congo Brazzaville.
La proposition de loi organique de la commission fait le choix
d'une démocratisation de la cour constitutionnelle en donnant la
possibilité aux juges constitutionnels d'élire leur
président. Cependant, un certain nombre d'interrogations subsistent, et
la proposition de loi organique de la commission n'y répond point.
D'abord la question de la durée du mandat du
président élu : celui-ci est de trois ans renouvelable une fois
selon l'article 7 de la proposition de loi organique .l'article 5 de la
même proposition de loi précise que le mandat des juges
constitutionnels est de neuf ans. La combinaison des articles 7 et 5 de la
proposition de loi organique nous permet de nous interroger sur la pertinence
de la réduction du mandat présidentiel qui est de trois ans et en
cas de deux mandats de six ans. Il y'a comme une interdiction tacite de pouvoir
présider la cour constitutionnelle pendant neuf ans, pourquoi ?
L'efficacité du mandat ne serait elle pas mieux préservée
en fixant un mandat correspondant au mandat des juges constitutionnels
c'est-à-dire neuf ans ? La question du renouvellement ne se poserait pas
puisque résolue par la coïncidence des mandats.
Ensuite, se pose la question de la composition du corps
électoral. Cette question ne se pose pas pour les autres
démocraties occidentales notamment parce qu'il y'a un statut unique des
juges constitutionnels .
Dans le cas de la cour constitutionnelle en République
démocratique du Congo, la diversité de magistrats
constitutionnels nous permet de nous interroger sur ceux qui auront le droit de
participer à l'élection du président de la cour. Car outre
les neuf membres de la cour constitutionnelle, celle-ci est composé des
magistrats du parquet et des conseillers référendaires, dont le
statut n'est pas clairement définis , sont-ils des juges ? Auquel cas,
ils doivent participer à l'élection du président de la
cour.
23 Mais il semble que sans être très clair,
l'article 7 réserve l'élection du président de la cour aux
seuls membres désignés selon la procédure prévue
par l'article 2 de la proposition de loi organique.
Ainsi il reviendra au législateur organique de
régler ces ambiguïtés en précisant le statut des
autres magistrats de la cour constitutionnelle.
B) Les prérogatives du président de la
cour constitutionnelle
« ...chaque président transmet au conseil, une
part de lui-même, une part de ses convictions, de sa philosophie ...
»28 cette affirmation de Dominique Rousseau n'est valable que
lorsque le texte organisant le fonctionnement et l'organisation de la cour ou
du conseil constitutionnel, donne un certain nombre de pouvoirs au
président de ladite cour .
En France, ni la constitution de 1958, ni la loi organique
N°58-1067 sur le conseil constitutionnel ne précisent les pouvoirs
du président du conseil constitutionnel et notamment sur
l'administration du conseil, seul l'article 16 de la loi organique pose que le
président du conseil est l'ordonnateur du budget .
Cette absence d'attributions précises du
président du conseil français contraste avec les pouvoirs dont
disposent les présidents des autres cours constitutionnelles
européennes .Cela s'explique sans doute aussi par le budget, les moyens
matériels et en personnel qui reste très faible en France par
rapport aux autres cours constitutionnelles, qui ont, il est vrai des
compétences plus importantes.
La proposition de loi organique de la commission politique,
administrative et judiciaire (C.P.A.J) de l'assemblée nationale de la
RDC fais le choix inverse du conseil constitutionnel français.
Le président de la future cour constitutionnelle
congolaise, disposera d'un ensemble de pouvoirs
28 D.ROUSSEAU .OC. P 19
24 assez variés et sera à ce titre un acteur
incontournable à la fois dans l'administration de la cour mais
également tout au long de la procédure du procès
constitutionnel.
On retrouve dans la plupart des Etats africains, des
présidents des cours ou conseils constitutionnels aux pouvoirs
réduits ou quasi-inexistants. C'est le cas au Cameroun, ou le
président du conseil constitutionnel, n'a presque aucun pouvoir
administratif et d'ailleurs, le secrétariat général du
conseil constitutionnel camerounais est presque lié au président
de la République Camerounaise qui en fixe par un décret les
modalités de fonctionnement et choisi de façon
discrétionnaire celui qui on aura la charge, c'est ce qui résulte
des alinéas 1 et 2 de l'article 10 de la loi du 21 avril 2004 portant
organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel Camerounais .
Toutefois, la proposition de loi organique de la C.P.A.J de la
RDC s'inspire des quelques Etats africains qui accordent une place majeure au
président de la cour. L'exemple le plus probant venant du Bénin.
En effet dans ce pays , pionnier et exemple de la démocratie
constitutionnelle en Afrique , la loi organique N°3 1--009 portant
organisation de la cour constitutionnelle , fait du président de ladite
cour , le principal acteur de l'organisation administrative de la cour
constitutionnelle en lui accordant le pouvoir de nomination de l'ensemble des
services rattachés à la cour ; c'est ce qui résulte de la
combinaison des articles 2,39,12,16,17,19,20.Par ailleurs ,il dispose d'un
pouvoir de proposition de nomination du secrétaire général
de la cour constitutionnelle qui est du reste nommé par décret
pris en conseil des ministres .
C'est dans ce sens que s'oriente la proposition de la C.P.A.J de
l'assemblée nationale de la RDC .
Il convient à cet effet de distinguer les pouvoirs qui
relèvent de l'administration générale de la cour ; et ceux
relevant de la participation du président dans la procédure du
procès constitutionnel.
25
a)Un président
administrateur
D'après les alinéas 3 et 4 de l'article 7 de la
proposition de loi organique, « le président de la cour est
chargé de l'administration de la cour » « il dirige le
personnel mis à la disposition de la cour ». Ces deux
alinéas font du président de la cour le maillon essentiel quant
au fonctionnement administratif de celle-ci. Par ailleurs pour le permettre de
bien accomplir sa tache administrative, le président est assisté
d'une part d'un greffe, c'est ce qui ressort de la lecture de l'article 16 de
la proposition de loi organique ; et d'autre part, des conseillers
référendaires avec des attributions assez imprécises mais
placé sous l'autorité du président de la cour comme le
stipule l'article 19 de la même proposition de loi.
Comme c'est le cas dans l'ensemble des cours et conseils
constitutionnels, c'est le président de la cour qui réunit la
cour comme le précise l'article 34 et c'est également à
lui qu'est notifié la démission d'un membre, cependant, il doit
informer, le président de la République, le président du
sénat le président de l'assemblée nationale et le
président du CSM de la démission du membre ; c'est ce qui
résulte de l'article 30 de la proposition de loi organique.
Le président est aussi l'ordonnateur du budget de la
cour. L'article 8 de la proposition de loi ajoute que le projet de budget de la
cour est transmis au CSM qui à son tour le transmet au gouvernement. Le
2e alinéa de cet article semble poser une limite au projet du
budget de la cour, car il précise que l'inscription au budget
général de l'Etat ne se réalisera que si le projet de
budget de la cour respecte les équilibres imposés par la loi de
finance. Cet alinéa soulève au moins deux interrogations :
pourquoi la cour constitutionnelle ne pourrait elle pas faire parvenir
directement son projet de budget au gouvernement au lieu de passer par un
intermédiaire ? Est ce un moyen d'affirmer l'autorité du CSM sur
la cour ?
Ensuite, pourquoi ne confie t-on pas de manière
explicite au président de la cour la compétence de proposer le
budget ? Puisque l'on sait qui lui reviendra d'arbitrer sur les
priorités
26 budgétaires .Lui confier ce rôle, devrait
contribuer à affirmer un peu plus son autorité sur l'ensemble de
la cour.
A ce propos, le législateur organique congolais,
pourrait s'inspirer du modèle Béninois, dans lequel l'article 18
de la loi organique portant sur l'organisation et le fonctionnement de la cour
constitutionnelle, fait du président de la cour constitutionnelle,
à la fois l'auteur du projet de budget de la cour et l'ordonnateur des
dépenses. Une t-elle précision parait mieux adaptée que la
formule congolaise qui fait de l'ensemble de la cour constitutionnelle l'auteur
du projet du budget en droit alors qu'en fait c'est le président qui en
sera le principal auteur .
Au delà des compétences administratives du
président, celui -ci joue un rôle non négligeable tout au
long de la procédure du procès constitutionnel. Il convient de
souligner qu'il ressort de la LO N°08/013 portant organisation et
fonctionnement du
CSM, que le président de la cour constitutionnelle est de
droit président du CSM.
b) Le président : principal acteur du
procès constitutionnel
La proposition de loi organique fait du président et de
ces services des vrais remparts contre des recours de complaisance. En effet
après réception du dossier par le greffe, celui-ci le fait
parvenir au président de la cour, qui dans ces conditions devient, un
véritable filtre. L'article 36 de la proposition de loi lui permet
d'examiner préliminairement le dossier et si ce dernier constate que le
dossier et soit irrecevable , soit infondé ou encore si il juge que la
cour est incompétente à statuer , il peut communiquer le dossier
à la chambre restreinte pour un nouvel examen .
Il joue dans ces conditions le rôle d'un verrou
difficilement contournable ou presque incontournable puisque c'est lui qui doit
fixer d'après l'alinéa 5 du même article la date de
l'audience .
27 Il revient donc au président soit de constater la
pertinence du dossier et de fixer au plus vite la date de l'audience soit d'en
douter auquel cas il le transmet à la chambre restreinte pour un nouvel
examen.
L'un des acteurs essentiels sinon indispensables du
procès constitutionnel est le juge rapporteur .En effet le rapporteur
d'une affaire doit briller par sa connaissance du dossier, une
virtuosité argumentative et un pragmatisme, il doit faire en sorte que
son rapport soit accepté par l'ensemble des membres de la cour.
Le rôle du juge rapporteur est essentiel, même
dans des pays comme la France ou les opinions dissidentes ne sont pas rendues
publiques et la recherche du consensus toujours espéré, ce
rôle reste de premier plan, c'est pourquoi la désignation du juge
rapporteur est loin d'être un pouvoir honorifique ou symbolique.
L'article 38 alinéa 5 de la proposition de loi
organique confie cette compétence ou président de la cour, qui
devra choisir, sans doute en fonction des compétences de ses
collègues par rapport à chaque affaires mais, sans doute aussi en
fonction de son intime conviction quant à la capacité du juge
choisi de défendre un sujet ou un autre.
Enfin en vertu de l'article 41 de la proposition de loi
organique, la voix du président est prépondérante en cas
de partage de voix, cette prérogative n'est pas non plus anodine. Il
peut arriver, que dans les grands sujets qui divisent l'opinion, la cour soit
elle-même divisée en deux bloc égaux auquel cas toute
l'importance de ce pouvoir que l'article 41 accorde au président de la
cour prendra sens. Toutefois, s'il est vrai que la proposition de loi organique
accorde des pouvoirs élargis au président de la cour
constitutionnelle, elle ne va aussi loin que dans d'autre pays .Ici encore
l'exemple du bénin est édifiant.
Contrairement à la plupart des pays africains
inspiré par l'article 7alinéa 4 de la constitution
française de 1958 qui confie l'intérim de la présidence de
la république, au président du sénat en cas de vacance du
pouvoir.
28 Tirant les leçons de l'importance majeure de la cour
constitutionnelle dans le fonctionnement régulier des pouvoirs publics
et dans la protection des libertés, Le constituant Béninois ne
laisse donc pas à la cour la seule possibilité de constater la
vacance du pouvoir comme en France, mais fait du président de la cour
constitutionnelle l'intérimaire du président en cas de vacance du
pouvoir et ce sur le fondement de l'article 50 de la constitution de 1990.
Certes , la proposition de la C.P.A.J ,élargie les
pouvoirs du président de la cour pour en faire un véritable
manager , elle est à certains égard pas assez ambitieuse qu'au
Bénin et par ailleurs un certain nombre d'élément
contribuant à affirmer l'autorité du président de la cour
et à faciliter sa gestion administrative doivent être clairement
précisé par le législateur organique nous pouvons à
titre d'exemple citer le corps des conseillers référendaires dont
le rôle n'est pas précisé dans la loi mais aussi le
rôle exact du président lors de la conception du budget de la cour
.
Paragraphe 3 : un statut garantissant
l'impartialité et l'independance des juges
Comme nous l'avons vu dans les paragraphes
précédents, les nominations des membres de la future cour
constitutionnelle congolaise sont politiques même l'intervention du CSM
ne garantie le pluralisme.
La question de la politisation des cours ou conseils
constitutionnels s'est toujours posée partout : en France ou le mode de
désignation porte à critique mais aussi dans les Etats comme
l'Espagne ou l'Allemagne ou pourtant le système de désignation
est censé être plus démocratique .
Comme il est difficile de lutter contre la politisation, l'une
des meilleurs garanties d'indépendance et d'impartialité est le
statut des juges et leur situations une fois nommés.
Selon Esmein « l'indépendance
est la condition , sinon suffisante du moins nécessaire de
l'impartialité , celle qui fera non pas que les juges soient impartiaux
mais qu'ils ne soient pas
29 empêchés de l'êtres
».Cette obligation d'un statut garantissant indépendance et
impartialité est pris en compte dans la proposition de loi de la C.P.A.J
de l'assemblée Nationale (AN) de la RDC .
Ainsi, « la où il n'y a pas de magistrats
indépendants, il n'y a que des délégués du pouvoir
»cette opinion de Royer-Collard ne peut, à
l'évidence, s'appliquer aux membres de la cour constitutionnelle, qui
disposent en contrepartie de leur obligation de réserve, des moyens
d'accomplir leur missions en toute liberté29 .
L'indépendance des membres de la cour devrait
être d'abord assurée par leur mandat long et non renouvelable
(A), ensuite, une série d'incompatibilités
garantira à la fois l'indépendance et
l'impartialité(B).
A)Un mandat long et non renouvelable : gage
d'indépendance
Le mandat long et non renouvelable est un élément
essentiel pour une cour constitutionnelle pour au moins deux raisons :
d'abord elle permet aux juges constitutionnels de travailler
sereinement dans la durée et ainsi de forger des techniques de travail
acceptable par tous .
Ensuite , elle permet aux juges d'être à l'abri des
invectives du responsable ou du camp politique auquel ils doivent leurs
nominations.
D'après l'article 5, al,1er LO de la C.P.A.J
de le l'AN de la RDC , les juges constitutionnels sont nommés pour un
mandat de neuf ans non renouvelable .Il ne peuvent être
révoqués et comme ils ne peuvent aussi être
renouvelés, il bénéficient de ce qu'on appelle
l'inamovibilité : définit par Esmein comme étant : «
le fait de ne plus rien à craindre ni à attendre de
l'autorité de nomination » il s'agit d' un véritable
gage d'indépendance .
La longueur du mandat (neuf ans) est une durée assez
normale dans une cour constitutionnelle
29 J et J-E. GICQUEL « Droit constitutionnel et
institutions politiques » 22e édition P.741
30 et le fait que le mandat soit non renouvelable, est
indispensable pour qu'ils ne cherchent pas à plaire à ceux qui
les ont désignés30.
L'alinéa 2 du même article précise que la
cour constitutionnelle est renouvelable par tiers tous les trois ans .Il s'agit
d'éviter une rupture de méthodes et de jurisprudence
consécutive à l'alternance.
La proposition de loi organique s'oriente dans le sens des
grandes démocraties occidentales en accordant aux juges constitutionnels
un mandat long pour faire leur travail de façon stable et non
renouvelable pour mieux échapper aux pressions politiques.
C' est le cas en Allemagne où le mandat est encore plus
long (douze ans) et à longueur du mandat, il convient d'ajouter la
condition d'âge à l'entrée (40 ans minimum et 68
maximum).
En Espagne, le système est similaire, le mandat est de
neuf ans, le tribunal constitutionnel est renouvelé par tiers tous les
trois ans mais il y'a la possibilité d'être reconduit au tribunal
mais pas immédiatement.
En Afrique subsaharienne , le principe des mandats long et non
renouvelable pour les juges constitutionnel est presque acquis .Dans la plupart
des pays c'est ce système qui prévaut : au Cameroun l'article 7
de la loi N°2004/004 pose le principe d'un mandat de neuf ans non
renouvelable pour les conseillers constitutionnels ; au Burkina Faso, l'on
retrouve dans les articles 2,3 et 4 de la loi organique N°01 1-2000/AN du
27 avril 2000 portant composition , attributions et fonctionnement du conseil
constitutionnel d'une part , le mandat unique de neuf ans et d'autre part
l'inamovibilité des conseillers constitutionnels .
Il convient de souligner que dans deux pays si le principe est
aussi clairement affirmé, il n'en demeure pas moins qu'il existe deux
petites différences : d'abord à Madagascar ou le principe
posé par l'article 89 alinéa 2 de l'ordonnance N°2001-003 du
18 novembre 2001 portant loi organique relative à la haute cour
constitutionnelle , accorde un mandat de six ans non renouvelable aux juges
constitutionnels et au Bénin ou l'article 115 de la constitution de
1990
31 stipule que le mandat du juge constitutionnel est de cinq
ans , mais ce mandat de cinq ans est renouvelable une fois, pour autant la cour
béninoise est l'une des meilleures en Afrique à la fois par
rapport à sa jurisprudence et à son indépendance
vis-à-vis du pouvoir politique quelque soit par ailleurs les
alternances.
Le non renouvellement de mandat se présente ,
objectivement comme , un gage d'indépendance par rapport à
l'autorité de nomination .Toutefois , en cas de vacance,
consécutive à la démission , prévue par l'article
30 de la proposition de loi organique ou en cas d'incompatibilité
politique (articles 24) , une personne est nommée par l'autorité
intéressée .Elle achève le mandat commencé .A
l'expiration du terme normal, ce membre peut être renouvelé pour
un mandat entier de neuf ans si le remplacement a été
inférieur à trois ans .c'est ce qui ressort de la lecture de
l'article 33 de la proposition de loi organique .
Cette disposition peut encourir la suspicion, au cas où la
même autorité de nomination ne se résoudrait à la
reconduction de celui-ci.
Seule la pratique nous révélera si nos
interrogations sont fondées dans une telle circonstance.
Il est évident qu'en ce qui concerne le mandat, la C.P.A.J
n'innove pas mais choisit la sécurité en optant pour ce qui
existe et fonctionne bien en Afrique comme ailleurs .
Cependant, une interrogation mérite d'êtres
soulevée :
La question de la révocabilité des juges
constitutionnels est loin d'être aussi claire qu'elle y parait. Sont-ils
révocables ? Et si oui par qui ? L'on a évoqué
l'inamovibilité mais c'est simplement que l'on présume qu'ils
sont irrévocables pendant l'exercice de leur mandat.
comme en France ou aucun article de la loi organique sur le
conseil constitutionnel ni le texte même de la constitution ne
prévoit, l'irrévocabilité, seule l'absence de
désignation d'une autorité compétente pour révoquer
un conseiller constitutionnel, permet de dire qu'ils sont irrévocables.
Cette présomption en France n'a jamais été violée,
parce que la France est une vieille démocratie ou la culture des contres
pouvoirs est admise, même si la légitimité du conseil a
32
parfois été remise en cause.
Dans un pays comme la RDC où la justice
constitutionnelle et la démocratie sont des nouveautés, il aurait
fallut que cette question soit tranchée par un article prévoyant
cette irrévocabilité. C'est d'ailleurs déjà le cas
au Burkina Faso ou l'article 3 de la loi organique sur le conseil
constitutionnel pose l'impossibilité de révocation des
conseillers constitutionnels et au bénin ou l'article 115 pose le
même principe.
B) Réserves et Incompatibilités gage
d'indépendance et d'impartialité
Comme le mandat long et non renouvelable, l'obligation de
réserve et le régime d'incompatibilité est un
élément qui garantie l'indépendance des juges
constitutionnels.
De ce point de vue, la plupart des constitutions modernes
déterminent un régime d'incompatibilité et de
réserve pour d'une part, lutter contre la confusion de pouvoirs et des
intérêts et d'autre part, permettre au juge d'être
totalement dévoué à sa fonction.
La proposition de loi organique de la C.P.A.J de l'AN de la RDC
va dans ce sens .
Toutefois, il convient de souligner l'absence d'une prestation
de serment pour les juges constitutionnels congolais. Cette absence est assez
étonnante pour un pays ou la justice brille par sa dépendance au
pouvoir politique est d'autant plus contestable que dans la plupart des pays en
occident ou Afrique , la prestation de serment existe.
La prestation de serment est un acte par lequel ,les futurs
juges constitutionnels s'engagent à exercer leurs fonctions en toute
impartialité et indépendance .A titre d'exemple , en France
l'article 3 de la organique sur le conseil constitutionnel prévoit
qu'avant leurs entrées en fonction , les membres du conseil
constitutionnel jurent de remplir fidèlement leurs fonctions et de
garder secret les délibérations et les votes ; au Mali , c'est
l'article 2 de le loi organique portant organisation et fonctionnement de la
cour constitutionnelle qui stipule que les membres
33 de la cour constitutionnelle prêtent serment lors
d'une cérémonie solennelle devant le président de la
république enfin l'article 12 de la loi organique portant organisation
et fonctionnement du conseil constitutionnel au Burkina Faso prévoit
aussi une prestation de serment .
Pourquoi la proposition de loi organique de la C.P.A.J de l'AN
de la RDC ignore cette prestation ? Et pourtant à l'origine, la
proposition de loi organique initiée par l'honorable
député Mohamed BULE GBANGOLO BASABE
31 déposée le 30 octobre 2007 à l'AN ;
prévoyait dans son article 7 une prestation de serment des membres de la
cour constitutionnelle devant le président de la république,
l'assemblée nationale et le sénat. Pourquoi cette proposition
n'a-t-elle pas été retenue par la C.P.A.J ? Peut être que
cette prestation n'étant une obligation constitutionnelle ne pouvait
être retenue ? Mais la C.P.A.J a pris certaine liberté par rapport
à la constitution sur d'autres sujets, pourquoi ne pouvait-elle
s'affranchir encore une fois, même si l'objectif de notre propos n'est
pas d'encourager ce genre d'entorse à la jeune constitution congolaise
mais néanmoins toutes ces questions restent sans réponses.
Ainsi, si les juges constitutionnels congolais ne sont pas
astreints à prêter serment devant le président de la
république, ils ont tout de même une obligation de réserve
qui pèse sur eux.
a) Une obligation de
réserve
D'après l'article 24 de la proposition de loi
organique, pour préserver leur indépendance et leur
dignité, les juges constitutionnels ont une obligation
générale de réserve dans l'exercice de leurs fonctions.
Cette obligation de réserve se manifeste concrètement par une
absence de prise de position publique sur des questions ayant fait ou
susceptibles de faire l'objet des décisions de la cour .Cette obligation
s'impose aussi pour les membres de la cour constitutionnelle qui exerceraient
en même temps des fonctions de professeurs d'universités. Ils ne
peuvent être
31 M.M.BULLE GBANGOLO BASSABE est député
d'opposition membre du mouvement pour la libération du Congo ,
34 consultés sur les mêmes questions relevant des
prérogatives de la constitutionnelle, c'est ce qui résulte de la
lecture de l'article 25 de la même proposition de loi.
Le 3e alinéa du même article interdit aux juges
constitutionnels d'adopter des attitudes ou comportements tendant à
démontrer leur appartenance politique ou syndicale en participant
à des manifestations politiques partisanes ou syndicales. L'obligation
de réserve est un principe assez partagé par la plupart des
systèmes constitutionnels .En France, en Allemagne, en Espagne mais
aussi en Afrique ou des pays comme le Bénin, le Congo Brazzaville...
prévoit une obligation de réserve pour les membres du conseil ou
de la cour constitutionnelle.
Il s'agit d'un principe indispensable, car comment imaginer
une cour constitutionnelle censée trancher, en faisant respecter la
constitution, être constitué des personnalités
exerçant par ailleurs, une totale liberté quant à leurs
interventions publiques au risque de contredire les décisions de la cour
constitutionnelle .Il en va à la fois de la crédibilité de
l'institution, de son efficacité et de son indépendance.
Cette indépendance doit encore être garantie par des
incompatibilités
b) Le régime des
incompatibilités
Ces incompatibilités visent à assurer
l'indépendance de la cour constitutionnelle, et, par suite, à
renforcer l'autorité de l'institution32
Conformément à l'article 17 de la proposition de
loi organique, il est interdit aux membres de la cour constitutionnelle
d'exercer d'autres fonctions publiques, l'alinéa 2 du même article
précise cette interdiction en nommant les administrations
concernées.
Par fonctions publiques, la proposition de loi entend :
des fonctions gouvernementales, et des entreprises d'Etats
.Dans cet alinéa, la proposition de loi innove en maintenant
l'interdiction jusqu'à deux ans après la sortie de la cour
constitutionnelle
32 S.LOUIS FERMERY « la constitution
commentée article par article « 12e édition .P
122
35 .Cette interdiction prolongée peut s'expliquer par
le souci d'éviter des démissions d'opportunités ou encore
des arrêts de complaisance en faveur du pouvoir politique dans le but
d'obtenir un poste à la sortie de la cour.
De même, l'article 28 pose expressément les
fonctions qui sont incompatibles avec la fonction de juge constitutionnel : en
sus des fonctions posées par l'article 26 , est ajouté l'exercice
de tout emploi public, civil ou militaire ; est également incompatible ,
l'exercice d'un mandat électoral. L'article 29 semble admettre qu'un
juge constitutionnel puisse exercer un service public si cela est prévu
par la loi .
Cette disposition assez controversée pousse à
s'interroger sur la distinction que font les auteurs de la proposition de loi
entre les fonctions publiques et le service public ? L'alinéa 2 du
même article pose l'interdiction de l'exercice d'une quelconque
activité professionnelle ou commerciale et ce, même par personnes
interposées.
Reste la question des sanctions en cas
d'incompatibilité, c'est l'article 31 qui prévoit la sanction .En
effet la cour constitutionnelle constate d'office la démission de ses
membres qui accepterait exercer une fonction ou une activité
incompatible avec le statut de juge constitutionnel .Cette sanction s'appliquer
aussi en présence de la perte de droits civiques et politiques ou de
l'empêchement définitif par suite d'incapacité physique.
Le régime des incompatibilités parce qu'il
favorise l'impartialité et l'indépendance des juges a
été repris par l'ensemble des pays qui ont une cour
constitutionnelle et notamment en Afrique. Toutefois, ce régime tel que
fixé par la proposition de loi garantie t-elle pour autant
l'indépendance ?
Il semble que la rédaction de certaines
incompatibilités prêtent à la confusion c'est le cas nous
l'avons évoqué de la différence entre le service public et
les fonctions publiques par ailleurs les juges constitutionnels ne
bénéficient pas d'une immunité fonctionnelle.
Il est vrai qu'en France les conseillers constitutionnels ne
bénéficient pas d'une immunité
36 personnelle, c'est ce qui ressort notamment de l'affaire
DUMAS mais ils ont un statut assez protecteur.
Or la proposition de loi fixe un grand nombre d'obligation aux
juges constitutionnel sans leurs accorder la protection nécessaires
.Dans la proposition de l'honorable Bulle , l'article 8 faisait des membres de
la cour constitutionnelle des justiciables , en premier et dernier ressort
devant la cour de cassation .
Cette proposition non retenue ne répond pas à la
question, même si il est vrai qu'un début de réponse
était donnée dans la mesure où le juge compétent
pour connaître des litiges contres les membres du conseil était
désigné .en l'espèce , il s'agit de déterminer les
garanties Judiciaires que le statut de juge constitutionnel accorde et le texte
nous dit rien ou presque . L'expérience nous dira si les
députés congolais ont eu raison d'accorder aucune protection
fonctionnelle pour les juges, mais une autre solution était possible
.
En regardant ce qui se fait dans la matière dans le
continent , nous avons des nombreux exemples , nous allons en prendre deux :
d'abord au Mali ou l'article 7 de la loi organique portant
organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle pose le principe
selon lequel , les membres de la cour constitutionnelle peuvent être
poursuivis, détenus ou jugés en matière pénale
qu'après avis de la cour constitutionnelle elle-même .En pratique
, il s'agit d'un vrai filet protecteur qui permet au juge d'échapper
à toutes pressions judiciaire fantaisiste ou simplement relevant de sa
vie privée ; ce filet de protection peut être utile notamment ,
lorsqu'un juge constitutionnel est désigné comme rapporteur d'une
affaire et en même temps est sous la menace d'une procédure
judiciaire , la cour peut mettre en attente son avis pour laisser le temps au
juge de finaliser son dossier sereinement ;ce qui contribuera sans doute
à empêcher un travail bâclé sous la pression .Ce
principe à toutefois une limite , il s'agit d'un cas de flagrant
délit dans ces conditions , l'avis de la cour constitutionnelle avant le
déclenchement d'une procédure n'est plus requise .
37 Ensuite au Burkina Faso, où l'article 5 de la loi du
27 avril 2000 pose le même principe avec la même exception, sauf
que cet article ajoute une obligation d'information du président de la
cour dans les quarante huit heures en présence d'un cas de flagrant
délit .
Ces deux protections spécifiques n'existent pas pour le
juge constitutionnel congolais.
Dans le silence des textes, c'est le régime exorbitant
de droit commun des magistrats qui s'applique mais le juge constitutionnel
n'est un magistrat commun, ni dans son statut ni dans sa fonction.
Toutefois, ni l'obligation de réserve, ni le régime
des incompatibilités sont véritablement des remparts contre les
excès de certains juges ou conseillers constitutionnel :
en France ,V GISCARD D'ESTAING n'a pas toujours
respecté cette obligation de réserve de même, Mme
Simone VEIL s'est placée en congé du conseil
pour soutenir le oui au referendum sur la constitution européenne.
En définitive, la compatibilité sera
appréciée au regard de l'obligation générale des
conseillers de s'abstenir de tout ce qui pourrait compromettre
l'indépendance et la dignité de leurs fonctions33. Un
juge constitutionnel relève d'abord et souvent de sa propre conscience
plus que d'un statut.
Tableau 1 : Tableau récapitulatif
1
Membres nommés (Art 158 de la constitution de 2006
et Art 2 de la proposition de loi)
|
|
Autorités de Nomination
|
|
Président de la République : il
nomme les neuf membres de la cour constitutionnelle
|
doivent être
(art
|
dont trois de sa propre initiative .Deux membres sur trois,
désignés par lui des juristes, issus du barreau, de
l'enseignement universitaire ou de la magistrature 4 de la proposition
de loi organique).
|
Parlement réunis en congrès :
désigne trois membres .Un des trois membres
|
doit être (art 4 de la
|
|
juriste issu du barreau, de l'enseignement universitaire ou de la
magistrature proposition de loi)
|
Conseil supérieur de la magistrature : il
désigne trois membres qui
|
sont issus du
|
pouvoir judiciaire (art 4 de la proposition de
loi)
|
Le président de la cour
constitutionnelle est élu par ses pairs, il à voix
prépondérante en cas de partage. IL a en charge l'administration
de la cour et est l'ordonnateur du budget (art 7 et 8 de la proposition
de loi organique).
|
Tableau 2 : Tableau
Récapitulatif 2
Mandat long de 9 ans non renouvelable. (art 5)
Inamovibilité sauf démission volontaire (art30) ou d'office
prononcée par la CC (art 30 a 2).
Les juges sont soumis à une obligation de :
réserve (art 24), neutralité (art 25 a 2) et
d'impartialité
(art 25a 3).
|
Incompatibilités
Incompatibilités Politiques (art27et28)
Incompatibilités Professionnelles (art29)
Membre du Gouv, même deux ans après sa sortie de
la cour ; mandat électoral
; appartenance à un parti politique.
Aucune activité professionnelle ou commerciale
même par personne interposée.
|
Section 2 : LES TROIS CATEGORIES DE MAGISTRATS
CONTITUTION N ELS
L'une des principales innovations de la proposition de loi
organique de la C.P.A.J de l'AN de la RDC est la diversité des
magistrats constitutionnels qui officierons dans la cour .
Il parait donc essentiel de distinguer à coté
des juges constitutionnels proprement dits, d'une part : des magistrats du
parquet (1) et d'autre part des conseillers
référendaires (2). Toutefois, la question de
l'efficacité de cette diversité se pose (3)
Paragraphe 1 : Les magistrats du parquet, l'oeil du
pouvoir exécutif ?
Selon une loi classique de la science administrative, toute
institution tend naturellement à développer ses
compétences, ses moyens, son personnel, son influence33 On
est presque tenté de dire que la future cour constitutionnelle
congolaise ne dérogera pas à cette loi.
Parmi les trois sortes de magistrats qui y officieront, les
magistrats du parquet constituent une catégorie assez originale.
En effet, la juridiction constitutionnelle, n'étant pas
une juridiction comme les autres ; l'institution du parquet
général près la cour constitutionnelle exerçant les
fonctions de ministère public peut paraître
incongrue34.
Il faut par ailleurs observer que ce choix, sauf erreur, n'a
été fait par aucun des pays se rattachant au modèle
kelsenien de la justice constitutionnelle.
Toutefois la proposition de loi organique de l'AN de la RDC,
n'invente pas cette catégorie, elle ne fait que retranscrire une
invention du constituant congolais qui en 2006 prévoyait
dans l'article 149, al, 1er de la constitution :que la cour
constitutionnelle, composante du pouvoir
33 G.DRAGO « reformer le conseil constitutionnel
» le CC N·°105 chez pouvoir P.77
34 S.BOLLE. AC.P. 8
41 judiciaire à ce titre indépendant du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif. Est dotée, à
l'instar des autres juridictions d'un parquet.
Il revenait au législateur organique de déterminer
le statut de ses membres(A) et de circonscrire leur
fonction(B).
C'est à la lumière des propositions de la C.P.A.J
sur ces deux points que va porter ce paragraphe.
A) Composition et Statut des magistrats du
parquet
Le ministère public ou le parquet est l'autorité
qui peut exercer l'action publique pour les infractions causant un trouble
à l'ordre public et qui représente les intérêts les
plus généraux devant toutes les juridictions de l'ordre
judiciaire.
Ainsi reprenant l'article 149 alinéas 1 de la
constitution de 2006, l'article 11 de la proposition de loi organique, institue
un parquet général près la cour constitutionnelle qui
exerce les fonctions de ministère public. Les magistrats du parquet sont
placés sous l'autorité d'un procureur général de la
république près la cour constitutionnelle.
Ce parquet est doté d'un secrétariat
dirigé par un premier secrétaire nommé par une ordonnance
du président de la république. Mais curieusement le texte est
silencieux quant à l'identité de l'autorité qui sera
chargée de proposer un nom pour ce poste, doit on déduire de ce
silence que la nomination du premier secrétaire du parquet relève
d'un pouvoir discrétionnaire du président de la république
? Si la réponse est affirmative cela pourrait être une entorse au
principe d'indépendance de cette institution.
conformément à l'article 13 de la proposition de
loi organique , le parquet général est composé d'un
procureur général, d'un premier avocat général et
de deux avocats généraux près la cour constitutionnelle
.
42 Pour ce qui est du statut de ces magistrats,
l'alinéa 2 de l'article 11, précise qu'ils ont le statut des
magistrats et sont nommés pour un mandat de six ans par ordonnance du
président de la république, sur proposition du conseil
supérieur de la magistrature, Ladite proposition est limitée par
une obligation de quinze ans d'expérience. Au regard de cet article, les
magistrats du parquet ont les mêmes droits et devoirs statutaires que les
autres magistrats ; est ce compatible avec leur éminente position
institutionnelle ? Est-il recommandable que, conformément à la
loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006, ils puissent, par exemple faire
l'objet de poursuites disciplinaires et êtres, le cas
échéant révoqués ?
En sommes , il convient de s'interroger sur
l'indépendance du parquet général près la cour
constitutionnelle et sur les raisons qui ont conduit à envisager qu'ils
ne bénéficient pas des garanties exorbitantes du droit commun
reconnues aux membres de la cour constitutionnelle 36 .Et pourtant , le
régime des incompatibilités , tel que prévu par l'article
28 de la proposition de loi organique ; interdit une série des fonctions
politiques et publiques qui sont à la fois incompatible pour les
magistrats du parquet et pour les juges constitutionnels proprement dits .
Pourquoi poser plus d'obligation que de droit aux magistrats du parquet ?
B) quel rôle pour le parquet ?
Certes, d'après l'article 11 alinéas 3 de la
proposition de loi organique ; un décret délibéré
en conseil des ministres sur proposition de la cour fixera l'organisation le
fonctionnement et les avantages du parquet près la cour
constitutionnelle.
En l'état actuel du droit, nous nous contenterons de
quelques indices que nous donne la proposition de loi.
Le rôle du parquet doit être bien compris .Sans
être un membre de la cour, il apporte une aide précieuse à
cette dernière.
43 En effet son rôle sera tout à fait
significatif dans le règlement du contentieux constitutionnel. Il
ressort de l'article 36 de la proposition de loi, que le ministère
public recevra communication du dossier de procédure en vue de formuler,
dans un délai de 15 jours francs, un avis -écrit après la
conclusion des parties et avant l'intervention du rapporteur. D'autre part
c'est après avis du ministère public que le président de
la cour constitutionnelle confiera le dossier à un membre de la cour
pour rapport, c'est ce qui est prévu dans l'article 38 de la proposition
de loi. On le voit, le parquet à un rôle considérable
à la fois dans le procès constitutionnel mais aussi dans
l'organisation de la cour constitutionnelle.
Cette position du parquet permet de s'interroger sur son
indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Le danger d'un parquet au service du gouvernement n'est pas
à écarter ; ce qui constituerait une dérive face aux
préconisations qu'a faites naguère Hans Kelsen :
« Une institution tout à fait nouvelle mais
qui mériterait la plus précieuse considération serait
celle d'un défenseur de la constitution auprès du tribunal
constitutionnel qui, à l'instar du ministère public dans la
procédure pénale , aurait à introduire d'office la
procédure du contrôle des actes irréguliers qu'il
estimerait irréguliers .Il va de soi que le titulaire d'une semblable
fonction devrait être revêtu de toutes les garanties imaginables
d'indépendance vis à vis tant du gouvernement que du parlement
»37.
Le véritable rôle du parquet reste difficile
à déterminer .Ni le statut, ni le rôle très
important de ce dernier, permet de déterminer sa principale mission. Si
il vrai que l'influence du parquet est loin d'être négligeable
devant la cour constitutionnelle ; cette reconnaissance, loin de faire taire la
polémique l'accentue. Cette polémique sur l'existence d'un
parquet représentant un « agent » du pouvoir
exécutif est d'autant plus renforcé que ce système sera
une totale innovation ; car en Afrique comme en Europe , un parquet
rattaché à la cour constitutionnelle n'existe pas .
44 Paragraphe 2 : Des conseillers
Référendaires : Innovation ou mimétisme ?
« ...Le nombre de membres du conseil constitutionnel
nuit objectivement, malgré la grande qualité de ses membres,
à la recherche d'une information qu'il faut complète dans un
temps limité... mieux vaudrait y associer des assistants de justice et
des collaborateurs plus nombreux et plus stables, ainsi que des
référendaires attachés directement à chaque membre
du conseil ... »38 ,cette affirmation de guillaume Drago,
peut justifier , la création d'un corps de conseillers
référendaires au sein de la future cour constitutionnelle
congolaise .
Il ressort de l'article 19 de la proposition de loi organique,
qu'un corps des conseillers référendaires est créé
.Ces conseillers sont placé sous l'autorité du président
du président de la cour constitutionnelle.
Avant d'évoquer la nécessité de ce corps
supplémentaire(B), il convient de voir, d'abord le
statut des futurs conseillers refendaires (A) .
A) Conseillers référendaires :
Assistants ou juges ?
La proposition de loi organique, recommande la mise en place
au sein de la cour constitutionnelle sans définir un statut pour ce
corps .il ressort tout juste de l'article 21 du texte que les conseillers
seront recrutés par concours réservés aux porteurs d'un
diplôme de licence. Certes, le texte ne précise pas si un
licencié en mathématiques ou en lettres peut se présenter
au concours ; néanmoins, il fixe un quota de trois quarts de conseillers
référendaires qui doivent être des juristes justifiant
d'une expérience de quinze ans.
Cette rédaction imprécise pourra poser des
problèmes d'interprétations d'abord parce que le texte ne
précise pas l'origine professionnelle du quart restant des conseillers
.Pourront ils êtres
38 G..DRAGO. « reformer le conseil
constitutionnel ».Conseil constitutionnel N°105 chez pouvoir P78
45 recrutés en dehors des juristes ? Quelle valeur
ajoutée pour une bonne administration de la justice constitutionnelle
peut-elle être attendue de non juristes ? 39Cette
interrogation est d'autant plus justifiée, que le critère de
l'origine professionnelle (juriste) peut empêcher le recrutement sur des
critères tribaux, régionaux ou politiques. Par ailleurs se pose
la question des épreuves d'examens de recrutement, car ils ne peuvent
êtres les mêmes si les non juristes sont autorisés à
participer. Le texte est aussi silencieux sur la composition du jury qui sera
appelé à départager les candidats, sur quel
critères seront-ils choisis ? En définitif quel statut pour ce
corps ? À toutes ces questions le texte ne rapporte aucune
réponse précise.
Ce silence est d'autant plus étonnant que le texte du
député Mohamed BULLE proposait dans son article 11 un corps de
conseillers référendaires réservé aux juristes
ayant des compétences « éprouvées » .Ce
même article proposait un double moyen de recrutement : d'une part un
concours réservé aux juristes et organisé par la cour
constitutionnelle et d'autre part une possibilité de recrutement sur les
mérites des juristes notamment par rapport à leurs publications.
Pourquoi avoir abandonné cet article qui sans être parfait
était beaucoup plus clair que celui du texte de la C.P.A.J ? Le texte
d'origine prévoyait également que le statut des conseillers sera
fixé par le règlement intérieur de la cour
constitutionnelle, qu'en sera-t-il maintenant que la proposition de loi ne dit
rien sur un éventuel statut ? seule certitude, le nombre de conseillers
référendaires ne pourra dépasser soixante (60) membres
c'est ce qui ressort de l'alinéa 2 de l'article 19, mais là
aussi, seul le seuil est fixé le nombre exact des membres reste
inconnu.
En l'absence d'un statut définis, nous ne pouvons
savoir si les conseillers référendaires seront des juges
constitutionnelles ou des assistants ? Même si la réponse semble
être plus proche de la deuxième hypothèse, c'est au texte
de dire « expressis verbis ».
B) Un corps de conseillers, avec quel rôle ?
39 S.BOLLE.OC . P . 78
46
La proposition de L.O est totalement silencieuse sur le
rôle que joueront les conseillers référendaires à la
cour. La seule certitude, c'est qu'ils seront rattachés au
président de la cour comme le stipule l'alinéa 1er de
l'article 19 mais cela ne répond nullement à la question.
Alors pourquoi ce nouveau corps ? En l'absence d'une
réponse textuelle claire, nous pouvons déplorer que la C.P.A.J
n'ait pas retenue l'article 11 du texte de l'honorable BULLE qui
définissait le rôle des conseillers, je cite «ils ont
pour tâche d'assister les magistrats de la cour à
l'accomplissement de leur mission » .Cet article avait un double
mérite : d'abord, il précisait le rôle des conseillers puis
il justifiait leur présence. Or, à la lecture de la proposition
de LO, nul ne peut dire quel sera le rôle exact de ce corps des
conseillers .Ce manque de clarté est d'autant plus regrettable que leur
intervention éventuelle, à un stade quelconque de la
procédure devant la cour constitutionnelle, n'est mentionnée
nulle part40. A quoi serviront les 60 conseillers
référendaires ?
Seront-ils des assistants rattachés aux membres de la
cour, à l'instar des assistants parlementaires, ou des juges
constitutionnels de second rang, délestant les membres de la cour des
tâches fastidieuses ? Voila autant des questions que se pose M BOLLE.
Il nous semble que la difficulté de définition
du rôle exact des conseillers référendaires s'explique par
le fait que les députés de la C.P.A.J, ont fait le choix de
s'inspirer de la loi spéciale sur la cour d'arbitrage
belge41.
En effet, il existe auprès des juges constitutionnels
vingt quatre référendaires qui sont chargés de les
assister. Même si le rôle d'assistant n'est pas dévolu aux
conseillers référendaires
congolais, deux points nous confortent dans notre analyses :
d'une part la procédure de recrutement qui est comme en Belgique par
voie de concours et d'autre part la condition de possession d'une licence ou
d'un doctorat en droit .
47 Pourquoi les députés congolais ne sont-ils
aller au bout de cette inspiration en reprenant le statut des
référendaires belge pour l'adapter aux réalités
locales ?.
Tel qu'il est présenté dans le texte, le corps des
conseillers référendaires congolais relève plus d'un
mimétisme juridique que d'une innovation.
Paragraphe 3 : Une diversité des magistrats
pourquoi faire ?
Il y'aura donc trois catégories de magistrats à
la cour constitutionnelle congolaise .Cette diversité est
véritablement une innovation. Toutefois, la question de
l'efficacité de cette diversité se pose (A) , par ailleurs
à ce niveau du mémoire , il convient de schématiser les
compétences
de la cour constitutionnelle (B)
A) Trois magistrats, pour quelle efficacité ?
L'efficacité du choix des députés
congolais est à bien des égards contestables car si le nombre
trop limité des collaborateurs d'une cour peut nuire objectivement au
bon fonctionnement de cette dernière .Le trop plein de collaborateurs
créant une confusion de rôle et de compétence peut
empiéter sur les exigences d'efficacité. Certes le rôle des
magistrats du parquet et notamment du procureur général est
essentiel dans la procédure mais des nombreuses questions se posent
.Pourquoi créer un parquet, sachant que le statut du parquet favorise
une certaine dépendance dans les faits au pouvoir exécutif.
Qu'apporterons t-il de plus ? Dans une cour constitutionnelle classique,
à coté des services qui existent c'est le secrétariat
général qui assure le rôle administratif, que feront les
conseillers Référendaires ? Sachant que l'article 18 de la
48 proposition de LO prévoit l'existence d'un greffe
dirigé par un greffier en chef qui à rang de secrétaire
général de l'administration .Ce greffe rattaché au
président de la cour assurera les travaux administratifs et autres
taches.
Par ailleurs, l'article 96 prévoit expressément
une expertise nationale ou internationale selon les enjeux, l'assistance
technique des conseillers référendaires sera auquel cas
anecdotique. En définitif, pourquoi cette diversité, puisqu'en
pratiques des cours constitutionnelles comme celle du Bénin qui est de
loin par sa Jurisprudence, la meilleure d'Afrique subsaharienne avec une
organisation réduite fonctionne bien .
l'on peut aussi citer le tribunal constitutionnel Espagnol
dans lequel on ne retrouve cette diversité mais reste un modèle
d'instrument de droit au service de la démocratie et de la protection
des libertés. L'exemple le plus épatant est sans doute le conseil
constitutionnel français : en effet le décret du 13 novembre 1959
prévoit simplement un trésorier nommé par le
président , responsable devant ce dernier ,pour payer les mandats que
signe le président , ou sur sa délégation le
secrétaire général .Pour le reste , il dispose que le
président, dans la limite de ses crédits , recrute soit
directement , soit par voie du détachement , le personnel
nécessaire au fonctionnement du conseil42.
Il est vrai que depuis le conseil constitutionnel
français à un personnel plus important mais beaucoup moins que
les autres cours constitutionnelles européennes , ce qui ne l'a pas
empêché de monter en puissance 43 et de devenir le
principal régulateur de la vie politique mais surtout le
défenseur des libertés fondamentales .
La diversité de magistrats constitutionnels n'est pas le
gage d'une efficacité dans le fonctionnement d'une cour en
l'espèce, constitutionnelle.
49
B) Tableau Récapitulatif des collaborateurs de
la cour constitutionnelle La cour constitutionnelle
Membres nommés et présidence de la cour
constitutionnelle. Art 2 et 7 LO
Autres catégories de magistrats
Le parquet général :
Ministère public
Statut de magistrat.
Composé d'un procureur général qui dirige le
parquet, d'un 1er avocat général et de deux avocats
généraux
Art 11 et 13 LO
Les collaborateurs de la cour
constitutionnelle
Les conseillers référendaires
Fonction non précisée. Placée sous
l'autorité du président de la cour.
60 conseillers au maximum. Accès par concours et titulaire
d'une licence. Art 19 à 21 LO
Possibilité de
recourir à
l'expertise nationale ou internationale. Art 22
LO
|
Le greffe
Dirigé par un greffe en chef nommé par
ordonnance du PR .Art18 LO
|
50
CHAPITRE .II : UNE COUR SUPREME DE JUSTICE BIS ?
La cour suprême de justice instituée par
l'ordonnance loi 82-0 17 44était détentrice de
l'essentiel des prérogatives juridictionnelle de
L'Etat.
Dans le système du Zaïre 45 il `y'avait
un seul chef, qui était le détenteur des pouvoirs. La
séparation des pouvoirs n'existant point, le président du parti
MPR46 était aussi le maître du pouvoir judiciaire,
d'ailleurs la constitution faisait de lui, la seule autorité
individuellement compétente pour saisir la cour suprême.
Ces dernières années, la cour suprême de
justice s'est décrédibilisée auprès des
différents acteurs politiques ainsi qu'aux yeux de la population
congolaise. Plusieurs arrêts rendus par la cour au cours des ces derniers
mois ont été jugés partiaux47 par l'opinion
congolaise, relayée par les médias. A plusieurs reprises, cette
cour a été considérée comme une cour partisane et
comme une caisse de résonance du pouvoir
exécutif48.
De ce point de vue, la cour constitutionnelle constitue une
véritable hantise dans l'évolution constitutionnelle de la RDC.
Pour le constituant de 2006, il faut une cour constitutionnelle pour que le
contrôle de la constitutionnalité des lois garantisse le respect
des droits et libertés des citoyens .Il faut une cour constitutionnelle
pour que chaque institution fonctionne dans les limites que lui a
assignées le constituant. Il faut une cour constitutionnelle pour
éviter la fraude à la constitution en passe de devenir un
véritable culte sinon une vertu pour nombre des gouvernants
africains.
44 Ordonnance Loi du 31 mars 1982 relative à la
procédure devant la cour suprême de justice
45 Ancienne appellation de la RDC de 1971 à
1997
46 Mouvement populaire pour la Révolution parti
unique au Zaïre sous M MOBUTU
47 À titre d'exemple décision du 24
février 2006 MLC contre KAMITATU
48 Evariste BOSHAB « les dispositions
transitoires relatives à la cour constitutionnelle de la RDC »
CC
51 Cette volonté de comparaison manifestée
à l'occasion de l'édiction des nouvelles normes
constitutionnelles se transforme parfois en comparaison avec l'institution
à laquelle se rattachait ces compétences.
C'est donc sur l'angle des prérogatives que la future cour
constitutionnelle ressemblera à l'ancienne cour suprême, tant il
est vrai, qu'elle disposera des prérogatives assez variées
(I).
Par ailleurs, le constituant de 2006 innove en confiant au juge
constitutionnel la responsabilité, combien lourde, de juger
pénalement les deux têtes de l'exécutif
(II). Ce qui est une véritable
révolution au regard de l'ancien régime ou seul le
président du parti unique et donc de la république pouvait
intenter une action similaire.
Section 1- UNE COUR CONSTITUTIONNELLE AUX
COMPETENCES
HETEROGENES
D'âpres Ernst FRIESENHAHN « la
justice constitutionnelle » serait un terme générique
recouvrant une réalité jurisprudentielle multiforme ; si, en
effet l'univocité du but de la justice constitutionnelle, qui est de
garantir le fonctionnement de l'Etat conformément à la
constitution, existe bel et bien, l'étude des tribunaux constitutionnels
montre en revanche que ces derniers sont dotés de formes et de
compétences fort diverses. Il en va de même pour la cour
constitutionnelle congolaise, il parait donc délicat de présenter
les attributions de la cour. Toutefois, à coté du contentieux
pénale de l'exécutif qui fera l'objet d'une deuxième
section, il convient de distinguer comme le fit jadis JM
BEGUIN,pour classifier les compétences du tribunal
constitutionnel allemand : le contentieux électoral que nous
n'étudierons, car la proposition de LO l'aborde à peine .Ce qui
se justifie par la présence d'un autre acteur dans ce
contentieux qui est la CENI ;
le contentieux des normes (1), concerne pour
l'essentiel le contrôle abstrait qui permet à la cour
de contrôler en dehors de tout litige préexistant
d'où le qualificatif abstrait la conformité, d'une norme
à la loi fondamentale ; le contentieux des litiges entre organes
constitutionnels (2),concerne les litiges d'une part entre
les provinces et l'Etat et d'autre part entre les différents
ordres juridictionnels(3).
Cependant nous ne traiterons pas dans cette section, tous les
éléments qui relèvent de la compétence de la cour
et dont la saisine est ouverte aux citoyens, car cela fera l'objet d'un autre
chapitre.
Paragraphe 1 : Le juge du contentieux des normes
Le contentieux normatif, exercé exclusivement par la
cour constitutionnelle congolaise regroupe le contrôle de la
légalité des règlements (Art 112 et120 de la
constitution), le contrôle de la constitutionnalité des lois (Art
124,3 et 160, al 2) et enfin le contrôle de la conformité des
traités au droit . Quelque soit le caractère de la norme qui est
soumis au contrôle de la cour, plusieurs questions doivent être
abordées, qui sont l'objet du contrôle, la norme de
référence du contrôle, les autorités
habilités à saisir la cour, la procédure du
contrôle, l'arrêt de la cour et enfin les effets de juridiques de
l'arrêt prononcé.
Ainsi, est organisé un contrôle préventif
des normes (A). En outre, le juge constitutionnel est le
régulateur des compétences entre le
législatif et l'exécutif (B).
a) Le contrôle de constitutionnalité des
lois
En vertu de l'article 160, alinéa 1er, de la
constitution, « la cour constitutionnelle est chargée du
contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force
de loi ». la première catégorie d'acte ainsi soumis au
contrôle, est celle des lois, c'est-à-dire des actes
adoptés par le parlement. Il convient de distinguer deux sortes de lois
: les lois ordinaires et les lois organiques.
· les lois organiques
En vertu de l'article 48 de la proposition de LO, «
les lois auxquelles la constitution confère le caractère de
loi organique ne peuvent être promulgués qu'après la
déclaration par la cour constitutionnelle obligatoirement saisie par le
par le président de la république, de leur conformité
à la constitution dans un délai de quinze jours ».
Qu'entend -on par lois organiques ? L'article 124 de la
constitution y répond : il s'agit des lois adoptées selon la
procédure dudit article 124 et promulguées qu'après avoir
été déclarées conforme à la constitution par
la cour constitutionnelle (Art 124,3 et 160, al.2). Le contrôle est donc
obligatoire .Le président de la république est seul titulaire du
droit de saisine qu'il doit exercer dans un délai de quinze jours
· les lois ordinaires.
Pour les lois ordinaires, le contrôle est facultatif,
elles peuvent être déférées avant leur promulgation
par certaines autorités politiques et des parlementaires. En vertu des
articles 139 de la constitution et 48, al, 2 de la LO.
La cour peut être saisie d'un recours émanant du
président de la république, du premier ministre, du
président de l'assemblée nationale, du président du
sénat ou du dixième des députés ou des
sénateurs. Cet article est à lire en combinaison avec l'article
160, al. 3. Il en résulte que le pouvoir de saisine du gouvernement est
exercé par le premier ministre.
54 L'expérience française laisse prévoir
que les autorités politiques ne feront que rarement usage de leur droit
de saisir la juridiction constitutionnelle .Environ 93% du contentieux
préventif français est dû à une initiative des
minorités parlementaires : elles se tournent régulièrement
vers le conseil pour obtenir sur le terrain juridique ce qu'elle n'ont pu
obtenir sur le terrain politique49.Au Congo aussi , on peut
s'attendre à ce qu'il s'agira d'un contentieux hautement politique , ou
l'opposition essaiera d'obtenir de la cour constitutionnelle qu'elle bloque
certaines initiatives de la majorité50. Les articles 160, al.
1er de la constitution et 47 de la LO, parlent d'une part des lois et d'autre
part des actes ayant force de loi : qu'en est il exactement ?
· les ordonnances-loi : c'est la
première catégorie des actes ayant force de loi, prise par le
gouvernement en vertu d'une autorisation spéciale accordée par le
législateur. Conformément à l'article 129 de la
constitution, le gouvernement peut demander de tels pouvoirs spéciaux
pour prendre des mesures pour l'exécution urgente de son programme
d'action. Les ordonnances-lois produisent immédiatement leurs effets,
mais elles sont soumises à la ratification par le législateur.
· les ordonnances : la deuxième
catégorie d'actes ayant force de loi est celle des
ordonnances prévues par l'article 145, al.2 de la
constitution et l'article 52 LO. Elles
sont prises par le président de la république en
cas d'état de siège, pour faire face à la
situation. Il s'agit d'un régime proche de l'article 16
de la constitution française de 1958
.L'alinéa 2 de l'article 52 LO prévoit
expressément que ces ordonnances sont obligatoirement soumises à
la cour constitutionnelle.
Le contrôle de constitutionnalité des lois, mis
en place par le constituant congolais de 2006 et repris dans la loi
organique, est un contrôle préventif, parce qu'il a lieu à
un moment où la norme contestée , à l'examen de la cour
constitutionnelle n'est pas encore définitive, en d'autre
49 Paul LEMMENS « contrôle
préventif de constitutionnalité par la cour constitutionnelle du
Congo »
www.populus.ulg-ac.be
50 P.JAN. « l'accès au juge
constitutionnel français : modalités et procédure »
RDP, 2001 cité par P .Lemmens
terme, c'est un contrôle qui permet d'éviter
qu'un acte inconstitutionnel rentre dans l'ordre juridique. Imaginé par
le constituant français de 1958, ce système a fait recette en
Afrique, ou l'ensemble des Etats qui ont opté pour une justice
constitutionnelle ont fait ce choix.
C'est ainsi qu'en Algérie, le contrôle de
constitutionnalité est réservé exclusivement au
président de la république, au président de
l'assemblée populaire nationale et au président du conseil de la
nation51.
Le champ de contrôle est vaste et englobe l'ensemble des
normes .La saisine dite facultative comme en RDC pour les lois ordinaires peut
être indistinctement activée par l'une des trois autorités
politique, il en est autrement de la saisine obligatoire. Car comme en France
et en RDC, la saisine à un caractère obligatoire dès qu'il
s'agit des lois organiques, des règlements de l'une ou l'autre des
chambres parlementaires .Celle-ci est mise en mouvement par le président
de la république exclusivement. Mais contrairement à la France
depuis la reforme de juillet 2008 52et la RDC, le constituant
Algérien a relativement limité le droit de saisine aux trois
autorités nationales susvisées. Il a adopté un
système assez original voire complexe, combinant le contrôle a
priori sanctionné par un avis si le texte soumis au
contrôle n'est pas encore rendu exécutoire et le contrôle
à posteriori, sanctionné par une décision si le
texte soumis au contrôle est déjà rendu
exécutoire53.
Ainsi , en RDC , en Algérie et en Afrique en
général , l'affirmation de l'Etat de droit aujourd'hui n'a
guère de signification sans une implicite hiérarchie des normes
postulant la subordination des pouvoirs , législatif en particulier , et
le contrôle de leurs actions par une cour ou un conseil constitutionnel
indépendant aux compétences relativement étendues.
b) Le contrôle des règlements des
assemblées parlementaires
51 Equivalent de la 2e chambre
parlementaire (Sénat)
52 Réforme constitutionnelle de juillet 2008,
qui institue l'exception d'inconstitutionnalité en droit français
.
53 K.DHINA. « Les méthodes de travail du
conseil constitutionnel Algérien en matière de contrôle de
constitutionnalité des normes »ACCPUF-BULLETIN 57 du 8 novembre
2007
56 En vertu de l'article 112 de la constitution de 2006,
l'assemblée nationale et le sénat adoptent leurs
règlements .Les deux chambres siégeant en congrès adoptent
également un règlement intérieur conformément
à l'article 120 de la constitution. Ces règlements sont en
réalité comme leurs noms l'indiquent que des normes
intérieures aux assemblées, pourquoi la cour doit elle exercer un
contrôle de constitutionnalité sur des normes de fonctionnement
interne ? Mais avant de répondre à cette question, il convient de
se demander pourquoi les assemblées parlementaires, ont-elles besoin
d'un règlement intérieur ? À cette deuxième
interrogation, M RIVERO apporte une réponse .En effet,
il considère « le règlement intérieur est la
traduction de cette vérité d'évidence que là
où des hommes sont réunis pour délibérer, il est
impossible qu'une loi ne vienne pas diriger cette délibération ;
loi qui peut difficilement en pratique, leur être imposée du
dehors, et dont l'autorité sera nécessairement accrue si elle est
l'oeuvre de l'assemblée elle-même »54 cette
constatation , illustre l'obligation pour une assemblée de se doter d'un
règlement définit comme la loi interne de l'assemblée ,un
ensemble de dispositions par voie générale déterminant
l'ordre et la méthode des travaux de chaque chambres 55 . La
cour doit exercer un contrôle sur les règlements intérieurs
des assemblées parlementaires car ils peuvent être un instrument
redoutable aux mains des parties de la majorité56. Par
ailleurs , le règlement d'une assemblée parlementaire
apparaît comme l'instrument susceptible de favoriser les chambres face au
pouvoir exécutif ,parfois , en dépit de ce que prévoit la
norme fondamentale 57 .A titre d'exemple, en France sous le
directoire alors même que les assemblées n'étaient pas
maîtresse de leur règlement .Puisque la constitution , dans son
article 67, interdisait au conseil des anciens et au conseil des cinq cents de
créer des commissions permanentes. Pourtant, les deux assemblées
instituèrent plusieurs commissions permanentes et notamment une
commission des finances destinée à accélérer
l'exécution des mesures économiques et à
54 J.RIVERO « Les mesures d'ordre
intérieur administratives » Paris, Sirey .P 177
55 L. DUGUIT « Droit constitutionnel »,
Paris, édition E.de Boccard. Tome IV. 2e édition,
1924, P126
56 E. PIERRE, cité par CHAMPUSSY «
présentation du conseil constitutionnel à la fin de
l'année 2007 disponible sur le site
www.conseil-constitutionnel.fr/divers/documents/ena2007
57 S. CACQUERAY « Le conseil constitutionnel et
les règlements des assemblées »collection droit public
positif, Economica
57 compléter l'édifice de la Législation
58 .La mise en place de ces commissions facilitait le contrôle
sur le pouvoir exécutif et assurait une meilleure communication entre
les deux assemblées, en violation de la norme fondamentale.
Si l'adoption de l'article 61, alinéa 1er
de la constitution française de 1 95859, qui instaure pour la
première fois , un contrôle de constitutionnalité des
règlements des assemblées , est la résultante de
l'histoire constitutionnelle et parlementaire française . Ce n'est pas
le cas en RDC , ou l'organisation de l'État , fondé sous le
régime du parti unique jusqu'en 1997 ne laissait pas de place à
un parlement libre .C'est pourquoi avec l'émergence de la
démocratie , le constituant congolais de 2006 à confié
à la cour constitutionnelle le soin d'examiner les règlements des
assemblées parlementaires afin de vérifier d'une part si
l'assemblée ne s'empare effectivement des pouvoirs que la constitution
ne lui accorde pas et d'autre part , si elle respecte bien les droits
constitutionnels des minorités parlementaires .
Ainsi l'article 50 de la proposition de LO prévoit
avant leurs promulgations, les règlements intérieurs des
assemblées parlementaires sont transmis par le président du
bureau provisoire de ladite chambre à la cour qui se prononce sur sa
conformité à la constitution dans un délais de quinze
jours. Si il est aisé d'accepter le contrôle de
constitutionnalité des règlements des deux chambres
parlementaires, il est moins pertinent d'approuver le contrôle du
règlement du congrès .Puisque l'article 50 LO reprenant l'article
112 de la constitution de 2006 exige un tel contrôle pour le
congrès .
Il convient de se demander si, le congrès est une
assemblée parlementaire ? Pour François LUCHAIRE, les principales
missions des chambres parlementaires étant d'une part le contrôle
du gouvernement et d'autre part le vote de la loi, le congrès ne saurait
être une chambre parlementaire puisque sa mission sa seule mission est la
modification de la constitution.
58 R .BONNARD « Les règlements des
assemblées législatives de la France depuis 1789 » p.183
cité par Sophie de CACQUERAY.
59 « Les règlements des assemblées
parlementaires, avant leur mise en application doivent être soumis au
conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la
constitution »
58 En RDC, la question se présente
différemment, en effet l'article 129 de la constitution prévoit
quatre cas dans lesquels le congrès et amené à se
réunir :
D'abord pour procéder à la révision
constitutionnelle prévues aux articles 218 à 220 de la
constitution.
Ensuite, pour l'autorisation de la proclamation de l'état
d'urgence ou de l'état de siège, de la déclaration de
guerre conformément aux articles 85 et 86.
Par ailleurs, le congrès peut aussi se réunir pour
l'audition du discours du président de la république sur
l'état de la nation , conformément à l'article 77 .
Enfin, le congrès se réunît pour la
désignation des trois membres de la cour constitutionnelle,
conformément aux dispositions de l'article 158.
Cette diversité des missions assignées au
congrès de la RDC par le constituant de 2006 suffit- elle à
expliquer l'obligation d'un règlement intérieur pour le
congrès qui est par sa nature une instance non permanente et de
circonstance ?
A coté des deux chambres du parlement et du
congrès, la constitution de 2006 prévoit aussi un contrôle
de constitutionnalité pour les règlements intérieurs de
certains organismes.
c) Le contrôle des règlements des
institutions d'appui à la démocratie
La RDC est un pays dont l'histoire est entravée par des
guerres civiles à répétition et une instabilité
politique depuis 199760.
Le retour à la démocratie avec l'adoption d'une
constitution en 2006 et l'organisation des élections
générales supervisées par l'ONU et l'UA a permis de
rentrer dans une nouvelle phase dite de la « démocratie par la
constitution »ce concept n'a pas la même signification selon
que les pouvoirs encadrés par la constitution ont ou non une origine
électorale 61 .C'est pourquoi, le constituant a mis en place
ces deux institutions :
60 A la chute du président MOBUTU qui a
dirigé le pays de 1965 à 1997 sous le régime du parti
unique, avant d'être renversé par LD KABILA lui-même
assassiné en 2001 .D'âpres un rapport de l'ONU paru en 2003, la
guerre civile aurait fait 3,8 millions de morts.
61 D.ROUSSEAU « constitutionnalisme et
démocratie »
www.laviedesidees.fr, 19
septembre 2008
59 D'une part la commission électorale nationale
indépendante (C.E.N.I) en vertu de l'article 211 de la constitution pour
garantir une organisation libre et transparente des élections ; qui sont
souvent en Afrique à l'origine des crises politiques qui
débouchent souvent sur des conflits armés .
D'autre part le conseil supérieur de l'audiovisuel et
de la communication (CSAC) en vertu de l'article 212, la liberté
d'expression étant une condition sine qua non d'une démocratie,
la CSAC aura pour mission d'assurer la diversité de l'expression.
En vertu de l'article 50 LO, comme c'est le cas des
règlements des assemblées parlementaires : la cour
constitutionnelle devra contrôler la constitutionnalité des
règlements de ces institutions âpres que les président des
bureaux provisoires de ces instances auront transmis le projet de
règlement à la cour.
Toutefois contrairement aux règlements des chambres
parlementaires, la cour se limitera à un contrôle de
conformité à la constitution en vertu de l'article 160, al.2
.Même si l`organisation et le fonctionnement des ses deux institutions
feront l'objet des lois organiques conformément aux articles 211 et 212
de la constitution , il ne reviendra pas à la cour d'en vérifier
la conformité à la constitution 62 .
Pourquoi la cour n'a t elle pas de compétence de
contrôle générale sur ces instituions ? est-il normal
qu'une catégorie de lois organiques échappe au contrôle de
la cour alors que l'article 124 de la constitution affirme le contraire
63, le constituant sans faire attention institue t-il un
régime d'exception pour les lois organiques régissant les
institutions d'appui à la démocratie ? le législateur
organique pourra t-il corriger cette entorse sans qu'une révision
constitutionnelle soit effectuée ? Autant des questions que seul
l'avenir pourra apporter des réponses.
d) Le contrôle de constitutionnalité des
traités et accords internationaux
62 P.LEMMENS « contrôle préventif
de constitutionnalité par la cour constitutionnelle de la
RDC »
www.populus.ulg.ac.be, P52
63 En vertu de cet article : les lois auxquelles on
confère le caractère d'organique sont obligatoirement soumises au
contrôle de la cour constitutionnelle avant leur promulgation.
60
Les traités et les accords internationaux constituent
une autre catégorie des normes soumises au contrôle de la cour
constitutionnelle congolaise. Pour autant, la proposition de LO est assez
silencieuse dans le domaine .Seul l'article 59 LO dispose : « les
recours en inconstitutionnalité en tout ou en partie d'une loi
d'approbation d'un traité ou d'un quelconque accord international, n'est
recevable que s 'il est introduit dans les soixante jours qui suivent la
publication de cette loi dans le journal officiel ».Cet article nous
éclaire simplement sur le délai de la saisine de la cour ,mais
elle est muette à la fois sur les autorités de saisine et sur la
procédure .C'est dans la constitution et notamment au titre VI
consacré aux traités et accords internationaux que le
régime du contrôle de constitutionnalité en la
matière est déterminé.
Les traités et accords internationaux ont une
autorité supérieure à celle des lois conformément
à l'article 215 de la constitution .pour éviter les conflits
entre un traité ou un accord et la constitution , l'article 216
prévoit un contrôle préventif de la
constitutionnalité qui porte sur tous les traités et accords
internationaux c'est-à-dire aussi bien sur ceux qui sont soumis à
l'approbation parlementaire avant leur ratification , conformément
à l'article 214 ,al.1er ; que sur ceux qui peuvent être
ratifiés sans l'approbation parlementaire, en vertu de l'article 213,
al,264.
Le contrôle est à la fois préventif et
facultatif :
il est préventif , lorsque la cour constitutionnelle est
consultée avant l'approbation parlementaire ou avant la ratification
;
Il est facultatif, lorsqu'il n'y a aucune obligation de
soumettre le traité ou l'accord à la cour .En ce qui concerne la
saisine , elle est réservée au président de la
république , au premier ministre, au président de
l'assemblée nationale, au président du sénat , à un
dixième des députés ou un dixième des
sénateurs, en vertu de l'article 216 de la constitution .
L'expérience française montre que ce sont
surtout le président de la république et le premier ministre
qui font usage de cette possibilité de faire contrôler la
compatibilité d'un engagement international à la constitution.
Lorsqu'ils aperçoivent une difficulté, il en saisissent le
conseil
61 constitutionnel avant même le dépôt du
projet de loi d'approbation aux assemblées .Les parlementaires pour leur
part ne saisissent que rarement le conseil65 .
Il est cependant vrai, que la difficulté qui se pose
en France et qui divise la doctrine sur la question de savoir si le
contrôle qu'exerce le juge constitutionnel français sur les
traités ou accords internationaux est un contrôle de
constitutionnalité ? Ne se posera pas en RDC.
En France , la question se pose parce que , si on se place du
point de vue interne , il s'agit d'un contrôle de
constitutionnalité , puisque le traité soumis, ne peut être
adopté que s'il n'est pas contraire à la constitution .Cependant
si l'on se place du point de vue du droit communautaire ou international , la
constitution est placée dans la hiérarchie des normes à un
niveau inférieur au droit international ou communautaire , ou au moins ,
pour certains , elle procède d'un ordre juridique différent .
Les auteurs qui se placent de ce point de vue refusent donc de
parler d'un contrôle de constitutionnalité des engagements
internationaux 66.
Or, la question ne se posera pas tout suite à cause de
l'absence d'une part d'un équivalent du droit communautaire au niveau
africain et d'autre part, de la minimisation de l'activité
diplomatique.
B) Le juge de la délimitation des
compétences entre l'exécutif et le
législatif
L'une des raisons qui justifie la création du conseil
constitutionnel français , est le règlement des conflits qui
peuvent apparaître entre les domaines réglementaires et
législatif tant la frontière est étroite entre les deux
domaines et les empiétements ne sont à écartée .
Des l'instant que désormais , le législateur ne
pourrait plus être appelé à tout faire, qu'il
se trouvait limité aux seules compétences de l'article 34
67de la constitution de 1958 qui l'enserrait
65 P.JAN. OC. P 48
66 Marie-Anne COHENDET.OC. P11. pour éviter de
choisir entre ces deux thèses, parle de contrôle de
compatibilité.
67 L'article 34 de la constitution française
de 1958 fixe les domaines réservés à la loi
62 dans le carcan étroit de la fixation bien
précises des principes et règles concernant un nombre strictement
déterminé de secteurs de l'activité nationale , des
l'instant , surtout que la compétence de droit commun se trouvait
revenir au seul gouvernement, le législateur n'étant doté
que de compétences d'attributions .Il s'avérait indispensable que
soit institué un organisme spécifiquement chargé du
respect de ces deux champs de compétences68 .
Ainsi comme en France , le constituant a voulu que la cour
constitutionnelle fasse respecter l'équilibre , entre le parlement et le
gouvernement .Veiller à ce que la constitution ne soit point
violé par l'empiétement d'un des deux pouvoirs 69
.Pour réaliser cet objectif , le constituant a fait du contrôle
des initiatives parlementaires , l'un des piliers de l'édifice
constitutionnel assignant et réservant la loi et le règlement des
domaines différents 70.
En effet, l'article 122 de la constitution
énumère quinze matières régies par la loi .De
même l'article 123, énumère seize matières dont les
principes fondamentaux, doivent être déterminés par la loi
.Quant à l'article 128, al,1er , il dispose que le pouvoir
résiduaire c'est-à-dire les autres domaines qui ne
relèvent pas de la loi appartiennent au règlement .
Cette idée dans sa structure est reprise de la
distinction des articles 34 et 3771 imaginée par le
constituant français de 1958. Dont François Luchaire jugeait pour
le conseil constitutionnel, qu'il avait pour objectif de faciliter la tache du
gouvernement en élargissant un domaine par lequel il pouvait intervenir
de façon autonome, par voie de décret.72
La proposition de LO va dans ce sens, en donnant la
possibilité dans son article 61 au président de la
république, aux présidents des chambres parlementaires, au
premier ministre, à un dixième des députés ou des
sénateurs nationaux de faire constater selon les cas à la cour
constitutionnelle : un acte législatif ou réglementaire pris en
violation des dispositions des articles 122,123 et 128 alinéa
1er de la constitution.
68 J .ROBERT « le juge constitutionnel, juge des
libertés » Montchrestien, édition 2007, Introduction P. 1
69 Idem
70 J et J.E .GICQUEL .OC .P 27
71 L'article 37de la constitution détermine le
pouvoir résiduaire
72 François LUCHAIRE , le conseil
constitutionnel, 2e édition refondue.
63 La saisine est réservée aux élus
nationaux et aux autorités politiques .Il semble logique que le
contentieux de la détermination du caractère de la norme ne soit
ouvert qu'aux acteurs politiques, car il s'agit avant tous d'un combat pour le
pouvoir et non pour la protection des libertés 73 .
La cour doit se prononcer par un arrêt motivé
sur le caractère réglementaire ou législatif de la norme
contestée ; il ne s'agit donc pas d'un blanc seing accordé au
juge constitutionnel qui peut répondre par un « oui il a un
caractère réglementaire » ou « non, il relève de
la loi ».Le juge doit démontrer pourquoi selon lui, la norme
est -elle réglementaire ou législative ou inversement, c'est ce
qui ressort de l'article 35, al, 2 LO.
Une fois que le juge a déterminé le domaine de
compétence de la norme contestée, il doit ensuite lorsqu'il se
prononce pour le caractère réglementaire de la norme en conflit,
déterminer à l'intérieur du domaine réglementaire,
les matières qui relèvent du président et celle qui
relèvent du premier ministre, ainsi que la procédure de
délibération. Cette disposition inscrite à l'alinéa
3 de l'article 63 LO, pose une distinction entre le pouvoir créateur du
président , créateur des mesures générales et
impersonnelles à caractère exécutoire74 .C'est
notamment le cas des ordonnances de l'article 78 alinéa 1er
de la constitution de 2006. Et le pouvoir réglementaire du premier
ministre en vertu de l'article 98 de la constitution , qui fait de lui le
détenteur du pouvoir réglementaire sous réserve des
prérogatives dévolues au président de la république
.
A cet égard, le pouvoir réglementaire comme en
France est partagé entre le premier ministre qui dispose de la
compétence de droit commun75 et le président de la
république qui dispose d'une compétence
d'attribution76. C'est ce système qui a inspiré le
constituant congolais de 2006. Cette inspiration ne se limite pas seulement sur
l'énumération limitative du domaine de la loi ou encore sur le
partage du pouvoir réglementaire entre les deux têtes de
l'exécutif .En effet, les
73 N.MAMPUYA NKUNKU « la saisine du juge
constitutionnel par les citoyens » article paru au journal le
progrès N°52 du 15 décembre 2008
74 F.LUCHAIRE .OC.P60
75 Art.21 de la constitution française de 1958
dispose : « ...il exerce le pouvoir réglementaire... ».
76 Art. 13 de la constitution française de
1958 accorde au président de la république le pouvoir de signer
l'ordonnance en conseil des ministres et de nommer à des emplois civils
et militaires.
64 alinéas 2 et 3 de l'article 63 LO prévoit
une procédure qui est en France dénommée « le
déclassement préventif »77 .
Qu'est ce que donc le déclassement de la loi ? Il
s'agit d'une procédure imaginée par le constituant
française de 1958, qui permet le déclassement de dispositions
réglementaires égarées dans la loi, par décret pris
âpres avis du CE .Pour ceux des textes qui rentreront en vigueur
âpres l'adoption de la constitution de 1958, le déclassement ne
pourra se faire qu'une fois le conseil constitutionnel aura constaté le
caractère réglementaire de la norme en cause.
C'est par cette voie, que le gouvernement français
avait apporté des modifications sur la loi d'orientations et de
programmes pour l'avenir de l'école, âpres une décision du
conseil constitutionnel . 78
La proposition de LO de la C.P.A.J de l'AN de la RDC adopte
une procédure similaire .En effet à la demande du gouvernement,
si la cour constitutionnelle constate le caractère réglementaire
d'une disposition contenue dans une loi cette dernière peut être
modifiée par un décret du CE .Cette procédure est issue de
la combinaison des articles 63, al.2 et 63, al.3 de la LO.
Imaginé par le constituant français de 1958
pour mettre le gouvernement à l'abri des attaques du parlement
79 et ainsi sortir définitivement du « spectre
parlementaire »des républiques précédentes .Il
convient de se souvenir des conditions dans lesquelles furent
élaborées la constitution de la Ve République et surtout
les objectifs que celle-ci se proposait en premier lieu d'atteindre.
il s'agissait avant tout , à l'époque , de
palier , dans le texte nouveau , les lacunes , les insuffisances et les
dérives des deux régimes politiques précédentes ,
ceux des IIIe et IVe République 80.
A l'instar de la RDC, le système a été
largement repris dans les jeunes démocraties africaines , issues des
conférences nationales des années 1 99081.C'est ainsi
qu'au Bénin , la constitution de
77 Art.37, al.2 de la constitution de 1958
78 .N°2005-512DC du 25 avril 2005
79 J et J.E .GICQUEL.OC.P 27
80 J.ROBERT.OC.P.59
65
1990 établie une liste énumérative du
domaine de la loi 82et accorde le pouvoir résiduaire au
domaine réglementaire 83 , par ailleurs, une disposition
prévoit la modification d'un texte législatif , intervenu dans le
domaine réglementaire âpres avis de la cour constitutionnelle
84 .
Au Congo -Brazzaville, une procédure similaire est
organisée d'abord une énumération limitative du domaine de
la loi85 .Ensuite, le pouvoir réglementaire concerne
l'ensemble des domaines non énumérés parmi ceux concernant
la loi. A coté de ces deux pays, l'on peut aussi évoquer le cas
du Mali 86 ou encore Madagascar ou la même séparation
des domaines législatifs et exécutifs existe. Cependant, au
delà de cette « importation constitutionnelle ».
Il convient de se poser la question de l'efficacité du
système. Les deux pouvoirs restent-ils confinés aux domaines
fixés par le texte ? Le système étant d'origine
française, il est intéressant de voir comment il a
évolué en France. François Luchaire fait remarquer que le
système avait été critiqué dès son origine
par Marcel Waline, qui regrettait que le parlement soit totalement
écarté de tout droit dans le domaine, d'autant plus ajoutait-il,
que le parlement représente la souveraineté nationale .
Il est vrai que le système mis en place en 1958, est un
face à face entre le conseil constitutionnel et le gouvernement. En
effet, ce dernier dispose de plusieurs armes :
d'abord de l'article 41 de la constitution , qui lui permet
de s'opposer à la discutions qui n'est pas du domaine de la loi ou est
contraire à une délégation accordée au gouvernement
en vertu de l'article 38 .
81 En 1990, après le discours de
François MITTERAND à la BAULE .Les pays d'Afrique francophones
notamment le Bénin, le Congo-Brazzaville, le Gabon, le
Mali ...organisent des conférences nationales qui se transforment en
constituant et rédigent des constitutions de tendance libérale
qui seront adoptées par les peuples des différents pays ouvrant
la voie à la démocratie.
82 Art 98 et 100 de la constitution Béninoise
de 1990
83 Art. 100 de la constitution Béninoise de
1990
84 Art100, al.2
85 Art .111, 112,113 de la constitution Congolaise de
2002
86 Loi N°97-010 du 11 février 1997
66 Par ailleurs, la distinction des articles 34 et 37 de la
constitution parait bien lézardée, depuis que le conseil
constitutionnel a jugé qu'une loi qui empiétait sur le domaine
réglementaire n'était pas de ce seul fait contraire à la
constitution 87 .
En effet, à la question de savoir, s'il fallait
déclarer contraire à la constitution une loi qui empiète
sur le domaine réglementaire ? Le CC a répondu par la
négative .Il a affirmé, qu'il n'avais pas lieu de sanctionner le
législateur, si l'autorité réglementaire était
consentante.
La répartition des domaines des articles 34 et 37 de
la constitution de 1958 n'est pas rigide .Elle a seulement pour objet de
reconnaître à l'autorité réglementaire son domaine
propre, à coté du domaine réservé à la loi
.Par conséquent , puisqu'il n'y'a pas de motif
d'inconstitutionnalité , la procédure de l'article 61
88devient inopérante pour sanctionner directement le
législateur 89.
Ainsi, à la séparation tranchée des
domaines, le juge constitutionnel substitue une séparation
indéterminée , laisse en définitive , la seule
appréciation du gouvernement .
De cette décision capitale , il résulte tout
d'abord :
Que la loi peut à nouveau s'étendre à
l'infini , mais en accord avec le gouvernement à partir du moment
où le législateur ne possède plus la compétence de
sa compétence depuis 1 95890 .Par conséquent , la
distinction ou la limitation du domaine de la loi en France comme en RDC n'est
aussi radicale que le laisse apparaître les textes .Au contraire la loi
et le règlement demeurent dans une relation de
complémentarité favorisée par le fait majoritaire .
- La saisine de la cour constitutionnelle dans le cadre
du contrôle préventif de constitutionnalité.
Comme le conseil constitutionnel, la cour constitutionnelle du
Congo ne peut se saisir d'office, il y'a donc une nécessité
qu'une personne extérieure à la juridiction le fasse . La
règle est valable autant pour les recours facultatifs (lois
ordinaires), mais elle s'applique aussi au cas où
87 Décision N°82-143DC .loi sur les prix
et les revenus
88 Art.61 de la constitution organise le
régime de la saisine du conseil par les hautes autorités
politiques plus les parlementaires.
89 Arnaud HAQUET « la loi et le règlement
» L.G.D.J P.81
90 François LUCHAIRE .OC.P60
67 le contrôle est obligatoire. Ce qui veut dire qu'une
personne doit prendre l'initiative pour assurer l'exécution d'une
obligation constitutionnelle. 91
En ce qui concerne le contrôle préventif, le
délai pour saisir la cour constitutionnelle est variable. Cela
dépend de la nature de la norme déférée et de
l'autorité saisissante :
En vertu des articles 124, al 3, de la constitution de 2006,
repris par l'article 48 de la proposition de LO. Le président de la
République doit saisir la cour constitutionnelle pour lui faire
constater la constitutionnalité des lois organiques dans un délai
de quinze jours suivant leur transmission. En matière des lois
ordinaires, l'article 48 LO, ne fais aucune distinction quant au délai
de la saisine par le Président de la République, le premier
ministre et les minorités parlementaires. Alors que, dans la
constitution, une légère différence existe.
En effet, les deux têtes de l'exécutif doivent
saisir la cour constitutionnelle dans un délai de quinze jours qui
suivent la transmission de la loi définitivement adoptée,
conformément aux articles 139, al. 1er, 1.et 2. Pour les
minorités parlementaires, il y'a également un délai de
quinze jours, mais il commence à courir déjà le jour de
l'adoption définitive de la loi, en vertu de l'article 139 al 3.
Pour ce qui est des présidents des assemblées
parlementaires, aucun délai n'est prévu, mais il va de soi que la
saisine éventuelle doit avoir lieu dans le délai de six jours
suivant l'adoption définitive, prévu pour la transmission de la
loi au président de la république et au premier ministre tel que
prévu par l'article 13692.
Pour les règlements intérieurs des
assemblées, du congrès et des institutions d'appui à la
démocratie, aucun délai de saisine n'est prévu. L'article
50 LO, fixe tout juste le délai par lequel la cour constitutionnelle est
appelée à se prononcer sur la conformité du
règlement déféré. Ce délai est de quinze
jours, passé, le test est réputé conforme à la
constitution.
La constitution et la proposition de LO sont muettes pour ce
qui est des traités et des accords internationaux. Aucun délai
n'est prévu, il convient toutefois de distinguer selon que la cour
doit
68 être saisie avant la ratification ou, dans les cas
où une approbation parlementaire est requise, avant cette
approbation.
La saisine de la cour constitutionnelle par les hautes
autorités politiques et les minorités parlementaires produit un
double effet :
D'une part, les effets sur la juridiction de la cour
constitutionnelle, il s'agit notamment de l'étendue de la saisine de
celle-ci.
Et d'autre part, les effets sur l'acte
déféré notamment sa mise en oeuvre ou la suspension de son
exécution.
Le constituant de 2006 n'avait rien prévu au sujet de
l'étendue de la saisine. Toutefois, pour le contrôle obligatoire,
il est naturel que le contrôle s'exerce sur la totalité du texte
soumis à la cour constitutionnelle. En ce qui concerne les lois
ordinaires, le texte constitutionnel est aussi muet dans la mesure où la
question se pose de savoir si les requérants peuvent limiter
l'étendue de la saisine à des dispositions bien
déterminées, ou si la cour saisie, ici aussi, de l'ensemble du
texte ? L'article 39 al 2 LO apporte une réponse à cette
interrogation. En effet il dispose « si la cour constate une violation
de la constitution qui n 'a pas été évoquée par les
requérants, elle la soulève d'office ». Il s'agit
là d'un système qu'utilise le juge constitutionnel
français. En France, le conseil constitutionnel estime qu'une fois
saisie, il est et demeure saisie de l'ensemble de la loi attaquée. Il
n'est donc pas lié par les termes de la requête, et il peut
exercer son contrôle sur les dispositions qui ne sont pas
critiquées93. Il peut donc invoquer d'office les moyens que
les requérants n'ont pas invoqués. Il ne tient pas compte d'un
désistement94.
Toutefois, l'article 50 de la proposition LO accorde la
possibilité au juge constitutionnel congolais d'invoquer des moyens
d'office qu'en présence d'une violation constitutionnelle non
invoquée par les requérants. Ce qui conduira comme en France
à un usage prudente de ce mécanisme.
69 La proposition de LO ne dit rien sur la suspension de
l'exécution ou de la mise en oeuvre de l'acte
déféré. C'est l'article 140 de la constitution qui en fixe
le régime.
Lorsque la cour constitutionnelle est saisie pour les recours
facultatifs et aussi longtemps que le délai pour la prononciation de son
arrêt court, il y'a un nombre d'effets suspensifs:
D'abord, les lois ne peuvent pas être
promulguées, le délai de promulgation est donc suspendu. Un
mécanisme similaire existe en France95. Pour ce qui est de
l'exécution des règlements intérieurs des
assemblées et du congrès, elle est suspendue. Cette suspension
est aussi valable pour l'exécution des règlements
intérieurs des institutions d'appui à la démocratie.
Le régime est le même pour les traités et
accords, qui certes ne peuvent être suspendus, ils ne peuvent
néanmoins ni être approuvés ou ratifiés.
La cour constitutionnelle est aussi appelée à
statuer sur les conflits de compétences entre diverses
autorités.
Paragraphe 2 : Le juge des conflits de
compétences
Il y'a conflit de compétence, lorsque deux ou
plusieurs autorités prétendent avoir compétence pour la
même affaire, il s'agit dans ce cas d'un conflit positif. Ou au contraire
décline leur compétence pour une affaire, il s'agit d'un conflit
négatif car dans ce cas, l'une des autorités réclame ou
décline à tort sa compétence96.
Les conflits de compétence que la cour
constitutionnelle congolaise sera amenée résoudre, jouant
ainsi le rôle d'un tribunal de conflit à la française,
concernera : d'une part le conflit de compétence entre l'Etat et les
provinces (A) et d'autre part les conflits de
compétence entre les
différents ordres suprêmes
juridictionnels(B).
A) Juge des conflits de compétence entre
l'Etat et les provinces
95 Art, 61, al 4. Constitution de 1958
96 S. PEYROU-PISTOULEY. La cour constitutionnelle
Autrichienne et le contrôle des lois en Autriche ,collection droit
positif, economica, 2001, introduction.
70 La répartition des compétences entre l'Etat
et les provinces fait l'objet d'une réglementation
détaillée dans les articles 202 à 205 de la constitution
de 2006. Il s'agit du même procédé utilisé pour la
loi et le règlement. En effet l'article 202 énumère une
liste des matières qui relève de la compétence exclusive
du pouvoir central. Quant à l'article 204, il établit la liste
des compétences qui sont exclusives des provinces. Cependant plusieurs
de ces compétences doivent être exercées dans le respect de
la conformité à la législation nationale. Le respect de
cette condition est une question de compétence jugée par la cour
constitutionnelle.
En effet, c'est l'article 64 de la proposition de LO qui
donne compétence à la cour constitutionnelle de connaître
des conflits entre l'Etat et les provinces. Il est cependant vrai que le
constituant en répartissant précisément les
compétences entre les différentes entités publiques dans
les articles 202 à 205 de la constitution; facilite le travail de la
cour qui devra simplement sanctionnée les empiétements des uns et
des autres dans les différents domaines de compétences
exclusives.
Toutefois, qui peut saisir la cour? Le recours contre un acte
législatif ou réglementaire qui sera pris en violation des
domaines de compétences étatiques ou provinciaux, ne peut
être intenté que par le Président de la République,
le Président de l'assemblée nationale, le Président du
sénat, le gouvernement, un dixième des membres de chacune des
chambres parlementaires et ce qui est logique eu égard à leur
qualité; les présidents des assemblées provinciales, les
gouverneurs des provinces ou un dixième des parlementaires des
assemblées de provinces; c'est ce qui ressort de la lecture de l'article
65, al 2 de la proposition LO.
A côté des compétences exclusive, la
constitution de 2006 établie une liste des compétences
concurrentes c'est à dire les compétences qui ne sont
réservées ni à l'Etat ni aux provinces.
Ce type d'organisation est souvent de mise dans les Etats
fédéraux, c'est aussi ce système qui prévaut au
sein de l'union européenne97.
71 C'est donc l'article 203 de la constitution qui
prévoit ses matières concurrentes. Quant à l'article 66 al
1er LO, il reprend mot à mot la constitution en précisant
toutefois que dans ces matières, tout édit
provincial98 incompatible avec les lois et règlements
d'exécution nationaux est nul ou abrogé de plein droit. Il s'agit
d'une sanction de plein droit qui ne s'applique qu'en présence d'une
incompatibilité de la norme provinciale avec la norme nationale.
Les alinéas 2 et 3 du même article,
décrivent la procédure pour faire constater cette
incompatibilité.
D'abord, il faut une notification à la province pour lui
faire remarquer la nature de l'incompatibilité de son édit.
Ensuite, le Président de la République, le
Président du Sénat, le Président de l'assemblée
nationale, le premier ministre, un dixième de député ou un
dixième de sénateurs pourront saisir la cour constitutionnelle
pour faire constater l'incompatibilité.
On le voit, le juge constitutionnel congolais aura à
concilier deux éléments en apparence inconciliable:
En premier lieu, l'impératif unité du droit sur
l'ensemble du territoire congolais, c'est la conséquence du
caractère unitaire de l'Etat mise en place par la constitution de
2006.
Même s'il est vrai que l'organisation étatique
congolaise est plus proche d'un Etat régionaliste99 comme
l'Italie que d'un Etat décentralisé mais à forte
concentration administrative comme la France. D'ailleurs dans ce dernier cas,
le conseil constitutionnel a dû réaffirmer à plusieurs
reprises l'obligation de l'unicité du droit sur l'ensemble du territoire
national. Ce qui passe notamment par le caractère unique du peuple
français, réfutant par la même occasion la notion de «
peuple corse » 100 . Cette obligation de la recherche sans cesse de
l'unité du droit pèsera de manière plus forte sur le juge
constitutionnel qui à cause des prérogatives importantes des
assemblées parlementaires des provinces, devra veiller pour maintenir
cette unité juridique.
98 Un édit est un acte législatif ou
réglementaire adopté par les assemblées parlementaires des
provinces ou pris par un gouverneur de province
99 . MELMOTH « RDC, décentralisation et
sortie de crise » parle d'une décentralisation régionaliste.
Www.cairn.info
72
En second lieu , elle devra garantir aux assemblées de
provinces, l'autonomie que leur accorde la constitution et notamment en ce qui
concerne les compétences exclusives de l'article 204.
Au demeurant se pose la question de cette garantie, pourquoi
les élus provinciaux ne pourront- ils saisir la cour constitutionnelle
d'une part pour faire constater, qu'une mesure nationale viole l'autonomie des
provinces? Et d'autre part, l'on pourrait imaginer qu'un édit provincial
viole une disposition nationale et que le gouverneur d'une province autre que
l'auteur de l'édit saisisse la cour pour faire constater cette
violation. En l'état actuel du droit, cet hypothèse, n'est pas
envisageable puisque les autorités provinciales n'ont le droit le saisir
la cour pour faire constater une telle violation.
En outre, la constitution congolaise de 2006, contrairement
à d'autres constitutions fédérales ou régionales ne
se prononcent pas sur le pouvoir résiduaire puisqu'il est peut probable
que les trois listes de compétence comprennent toutes les
matières, la question devra être résolu par la cour
constitutionnelle en prenant en compte le fait que les prérogatives des
provinces ne peuvent être réduites.
Enfin, il semble que la loi organique ne règle les
conséquences d'un arrêt de la cour constitutionnel annulant une
norme nationale ou provinciale pour excès de compétence. Pour les
raisons de sécurité juridique et d'unité du droit pour
l'instant la loi organique se borne à reprendre la formule de l'article
205 de la constitution « annule ou abroge » qui plaide pour une
annulation sans effet retroactif101.
À l'instar du tribunal des conflits français, la
cour constitutionnelle congolaise aura aussi pour charge de résoudre les
conflits de compétences entre la cour de cassation et le conseil
d'Etat.
B) Juge des conflits de compétences entre
ordres suprêmes juridictionnels
L'éclatement de l'ancienne cour suprême
congolaise a donné naissance comme en France99
à trois ordres juridictionnels distincts. Alors que sous le
régime de l'ordonnance de mars 1982
101 A. ALEN « contrôle de constitutionnalité
des lois et d'autres actes après leur adoption »
www.popups.ulg.ac.be 99Dans le
système français il existe trois ordres suprêmes: le
conseil constitutionnel, le conseil d'Etat et la cour de cassation.
73 relative au fonctionnement et à l'organisation de
la cour suprême de justice, tout le contentieux était réuni
dans les différentes sections de cette cour suprême aux
compétences hétérogènes. Désormais avec la
constitution de 2006: l'ordre judiciaire est placé sous
l'autorité de la cour de cassation qui est à ce titre la cour
suprême des juridictions judiciaires; le conseil d'Etat est à la
tête de toutes les juridictions administratives et enfin la cour
constitutionnelle qui est entre autre chargée de régler les
éventuels conflits de compétences qui surviendront forcement
entre les ordres juridictionnels précédemment cités. Il
existe aussi une haute cour militaire mais, elle n'est pas concernée par
le conflit de compétence de l'article 161 de la constitution.
Cette dualité des ordres juridictionnels pose un
certain nombre de problème, il y'a lieu de mettre en place des
instruments de manière à éviter les empiétements de
l'un sur l'autre. Il faut aussi éviter qu'un litige ne puisse être
tranché par aucune juridiction des deux autres. En effet, contrairement
à un pays comme la France où il existe un organe
spécifique dénommé tribunal de conflits100 dont
la mission est de trancher les litiges entre les deux ordres de juridiction. Et
qui est Composé de façon paritaire, avec autant de conseillers
d'Etat que des conseillers de la cour de cassation est dirigé par le
garde des sceaux.
Le constituant congolais de 2006 a choisi de confier à
la haute autorité constitutionnelle, le soin de trancher les
contestations qui s'élèveront entre le conseil d'Etat et la cour
de cassation. Cette démarche lui permet de régler les conflits
d'attributions indépendantes des ordres juridictionnels en cause sans
pour autant créer une juridiction spécifiquement
dédié à ce type de problème101.
L'article 161, al. 4 et 5 de la constitution de 2006 confie
cette compétence à la cour constitutionnelle .L'article 67 LO
reprend cet article qui semble dégager deux points au moins : Le premier
est issu de l'alinéa 4 qui dispose « la cour constitutionnelle
connaît des recours contre les arrêts rendus par la cour de
cassation et le conseil d'Etat, uniquement entant qu'ils se prononcent sur
l'attribution du litige aux juridictions de l'ordre judiciaire et
administratif. »
74 Au regard de cet article, la compétence
dévolue à la cour constitutionnelle n'est pas
générale , il s'agit d'une compétence d'attribution qui ne
s'applique que dans le cas spécifique d'une attribution de
compétence entre les deux juridictions suprêmes .
La conséquence de cette affirmation se retrouve dans
l'alinéa 5 qui dispose « Le recours n'est recevable que si un
déclinatoire de compétence est soulève par ou devant la
cour de cassation ou le conseil d'Etat » Il s'agit d'une limite de
procédure destinée a empêcher l'usage d'un tel recours
à des fins dilatoires .
Cette mesure de précaution ne nécessite pas
directement de mesure d'exécution . La saisine de la cour
constitutionnelle est ouverte à toute personne intéressée,
la seule condition étant de respecter le délai de deux mois
suivant la signification de la décision.
Par ailleurs, l'alinéa 3 ouvre la possibilité au
ministère public de saisir la cour constitutionnelle directement de son
propre initiative ou indirectement, à la demande de toute personne
intéressée par le conflit d'attribution entre les deux ordres.
Dans cette matière, les deux parties, forcement le
conseil d'Etat et la cour de cassation doivent motiver leurs avis, avant que la
cour constitutionnelle ne statue. L'arrêt de règlement lie
l'ensemble des ordres juridictionnels sur l'attribution de compétence ;
cette disposition est issue de l'article 70 alinéa 3 mais dans la
constitution de 2006, l'article 161 est encore plus claire puisqu'il dispose
que l'arrêt de règlement par lequel, la cour attribue la
compétence à l'une ou l'autre juridiction a un caractère
d'ordre public.
Dans l'ancien régime, régis par l'ordonnance
-loi 82-0 17102, le titre VI, chapitre 1er prévoyait comme
c'est le cas en France un double conflit d'attribution de compétence au
regard de l'article 124103 . En outre, la procédure
était assez complexe pour différentes raisons mais surtout du
fait que la compétence des compétences revenait à la cour
suprême de justice en section réunie.
1 02Ordonnance relative au fonctionnement et à
l'organisation de la cour suprême de justice.
103 Il y'a conflit d'attribution, lorsqu'une section judiciaire
et une section administrative se déclarent pour une même demande,
mue entre les mêmes parties, à la fois compétentes ou
incompétentes. L'exception
d'incompétence soulevée devant une section
judiciaire ou devant ou section administrative sur le motif que la demande
relève en tout ou en partie de l'autre section doit être
tranchée par décision séparée.
75 Dans le système issu de l'article 67 LO, la cour de
cassation et le conseil d'Etat sont deux juridictions différentes et non
deux sections d'une « super-juridiction » par ailleurs, seul le
conflit d'attribution négatif semble être organisé,
puisqu'un déclinatoire de compétence est exigé avant la
saisine de la cour. Or, un déclinatoire de compétence, implique
que les parties se rejettent la compétence.
En 2006, le constituant congolais a mis en place un
système ou le président de la république est la clef de
voûte des institutions, mais en même temps, il a crée un
organe juridictionnel, détenteur d'importants pouvoirs pour
réguler l'activité des pouvoirs publics. En
réalité, il a mis en place un véritable face à face
entre le président de la république et la cour
constitutionnelle,
Paragraphe 3: La compétence du juge
constitutionnel vis-à-vis du président de la République
Il y'a quelques temps maintenant, Louis FAVOREU
affirmait: « lorsque le 4 octobre 1958, la constitution est
promulguée, c'est bien la fin de la toute puissance du parlement qui
retient d'abord l'attention, les fonctions présidentielles et
juridictionnelles, étant les conséquences de cet
abaissement.»104 Cette affirmation, n'est pas valable pour
le système mis en place en RDC en 2006, puisque sous le régime du
Mobutisme105 il ne s'agissait non pas de la toute puissance du
parlement mais, de la toute puissance du parti unique et de son chef. Mais il
est vrai, que le régime mis en place en RDC en 2006 comme celui de la
France de 1958 repose sur l'établissement d'un chef de l'Etat
doté des pouvoirs discrétionnaires dignes d'un régime
présidentiel et sur l'instauration d'un organe juridictionnel de tout
premier plan.
Le président de la république et la cour
constitutionnelle sont nés de cette originalité, pour
des raisons certes différentes mais finalement pour le même
objectif: la stabilité du regime106.Ainsi
104 L. FAVOREU « Le conseil constitutionnel
régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics «,
RDP, 1967 P. 13.
105 A propos du régime du feu maréchal MOBUTU,
président du Zaïre de 1965 à 1997.
106 I. RICHIR « le président de la république
et le conseil constitutionnel »Puf, introduction générale, P
5
76 la mise en place d'un surveillant de la loi , symbolisant
l'instauration de l'Etat de droit 107, était associé
à un régime avec une tendance présidentialiste .
Même si la constitution de la 3e République en
RDC, instaure un bicéphalisme, comme en France, il s'agit en
réalité d'un régime ou le président de la
république est le principal dépositaire du pouvoir
exécutif.
Ce système a pour conséquence, l'accroissement
du rôle du juge constitutionnel dans ces rapports avec le
président de la république. En effet, en présence d'un
« monarque constitutionnel »108 qui ne craint plus le
parlement puisque doublement soumis, à la fois par le fait majoritaire
et la dissolution ; l'existence d'un organe indépendant
représentant le principal contre-pouvoir est indispensable.
Toutefois, nous n'évoquerons pas la compétence
pénale du juge constitutionnel vis-à-vis du président de
la république et du premier ministre. Cette compétence importante
de la cour fera l'objet de la deuxième section du chapitre II.
Les compétences de la cour dans ce paragraphe
concerneront essentiellement le contentieux de l'élection
présidentielle (A) et le rôle de la cour
constitutionnelle en cas de vacance de pouvoir
(B). Ces missions assignées au juge
constitutionnel, lui permet de se positionner en garant de la fonction
présidentielle et donc de la démocratie 109.
A) Juge de l'élection présidentielle
aux compétences réduites
Des textes relatifs aux prérogatives de la cour
constitutionnelle, celui relatif à l'élection
présidentielle est sans aucun doute celui dont le contenu est le plus
pauvre dans la proposition de LO. En effet, c'est l'article 161 alinéa 2
de la constitution qui dispose : « elle est juge du contentieux de
l'élection présidentielle et législative ainsi que du
référendum ».
107 Voir L, COHEN-TANUGUI « La métamorphose de la
démocratie française, de l'Etat jacobin à l'Etat de droit
« cité par I.RICHIR.
1 08L. JOFFRIN avait ainsi qualifié la présidence
de Nicolas Sarkosy lors des voeux de ce dernier à la presse en 2008
77 Et pourtant, dans la proposition de LO, aucune
procédure spécifique n'est prévue pour l'élection
présidentielle. Le régime est donc celui fixé par la
constitution. Cela peut s'expliquer par le fait que l'élection
présidentielle est organisée par la commission électorale
nationale indépendante (C.E.N.I) conformément à l'article
73 de la constitution. Il y'a donc, comme un doublon de responsabilité
entre la CENI et la cour constitutionnelle.
Dans ces conditions quel est le rôle exact de la cour
constitutionnelle ?
D'après le texte, l'on peut citer au moins deux
domaines, où la cour joue un rôle manifeste. D'abord,
conformément à la combinaison des articles 74 de la constitution
et 88 de la proposition de LO :
C'est la cour constitutionnelle qui reçoit et donne
acte de la prestation de serment du président de la république
élu. En effet la procédure de l'article 74 prévoit cette
prestation de serment dans les dix jours qui suivent la proclamation des
résultats définitifs. En faisant de la cour constitutionnelle,
l'autorité qui reçoit et donne acte de prestation de serment du
président de la république, le constituant confirme le rôle
prestigieux qu'il entend accorder à la cour dans le fonctionnement des
pouvoirs publics.
Toutefois se pose la question de la cour constitutionnelle
comme étant membre du pouvoir judiciaire. Ce faisant, la cour
constitutionnelle est hiérarchiquement au dessous du CSM que dirige par
ailleurs le président de la cour constitutionnelle.
C'est pourquoi à notre avis c'est devant le CSM que le
président de la république devrait prêter serment car le
CSM mieux que la cour constitutionnelle représente l'ensemble des corps
juridiques de l'Etat.
Ensuite, l'autre point essentiel est la déclaration du
patrimoine familial du président de la république qui est
d'ailleurs valable pour le reste des membres du gouvernement. Cette
déclaration doit être communiquée à l'administration
fiscale, la LO ne fixe aucun délai pour cette communication. Mais la
combinaison des articles 89 et 90 LO laisse penser que le délai est
78
de quatre vingt jours.
La possibilité d'une saisine est ouverte au
ministère public où à un dixième de
députés ou sénateurs. Avec pour objectif de faire
constater à la cour constitutionnelle la démission d'office du
Président de la République ou d'un autre membre du gouvernement
qui n'aura pas déposé sa déclaration de patrimoine
familial dans les trente jours suivants son investiture; c'est ce qui ressort
de l'article 90 LO. L'on peut s'interroger sur le caractère restreint de
cette saisine. Le contribuable congolais n'a t-il pas d'autant
d'intérêt de faire constater à la cour la non
déclaration du patrimoine du Président de la République,
les ministres que des parlementaires? Les récentes
plaintes110 sur les dirigeants africains en France peuvent justifier
l'ouverture de la saisine aux citoyens. Dans un pays où le recours
individuel d'inconstitutionnalité est inexistant, une telle restriction
se comprendrait, mais dans le cas de RDC c'est plus contestable.
Cependant il est vrai, que les deux points que nous venons d'
aborder ne relèvent pas directement du contentieux électoral,
cette difficulté s'explique par la présence de la CENI qui est
chargée d'organiser les élections et le rôle de la cour
étant de les contrôler.
B) Le rôle du juge constitutionnel en cas de
vacances de pouvoir
La nécessaire continuité de la fonction
présidentielle qui, jusque là, relevait de la clause de style,
n'a pas échappé, pour d'évidentes raisons à
l'attention des constituants111. L e régime de la vacance du
pouvoir est prévu par les articles 75 et 76 de la constitution.
L'article 92 LO ne fait que reprendre les termes de ces deux articles en
disposant: « la cour est saisie en cas de vacance de la présidence
par le gouvernement » qu'est ce que donc la vacance de pouvoir?
110 A ce propos dans libération du 8 mai 2009, un
article est consacré sur la plainte de l'avocat William BOURDON pour
l'association transparence internationale contre les Présidents
SASSOU-NGUESSO (CONGO), BONGO (GABON), OBIANG (GUINEE EQUATORIALE)
111 F. LUCHAIRE et G. CONAC (les constitutions de la
République française cité par TSIBANGOU KALALA)
79 Il s'agit d'une situation par laquelle le président
de la république est empêché de manière
définitive d'exercer ces fonctions. Il peut s'agir d'un
décès, d'une démission ou de toute autre cause.
Dans ce cas, la cour saisie par le gouvernement
déclare la vacance du pouvoir dans les soixante douze heures de sa
saisine et ouvre l'intérim de la présidence conformément
à l'article 93 LO. Cet intérim est assuré par le
Président du Sénat en vertu de l'article 75 de la
constitution.
La cour constitutionnelle a un rôle essentiel dans
cette procédure, puisque c'est elle qui d'une part constate
l'empêchement et d'autre part, ce qui est plus important, c'est elle
aussi qui doit le déclaré définitif ou non. Et c'est
seulement lorsque le juge constitutionnel se prononce sur le caractère
définitif de l'empêchement, que la CENI convoque l'élection
du nouveau Président de la République, dans un délai que
l'article 76 de la constitution fixe entre soixante et quatre vingt jours. Pour
ce faire, il faut que la cour constitutionnelle ait été saisie
préalablement par la CENI.
On le voit, en ce qui concerne le contentieux de
l'élection présidentielle, il faut sans cesse concilier les
prérogatives importantes de la cour constitutionnelle avec les
prérogatives non moins importantes de la CENI. Cette bivalence est
porteuse d'un certain nombre de difficultés qui sont accentuées
par le fait que ni la constitution de 2006, ni la proposition de LO, ne
définisse de façon claire les prérogatives de ces deux
instances. Pourquoi le constituant congolais n' a t-il confié
l'intégralité du contentieux de l'élection
présidentielle à la cour? L'histoire politique trouble de ce pays
peut expliquer la nécessité d'une commission
indépendante112. Comme partout en Afrique cela relève
d'une garantie accordée aux opposants qui font plus confiance à
des organismes indépendants qu'aux organes de l'Etat
constitutionnellement habilités.
Il existe des nombreuses interférences entre les deux
fonctions. La question qui convient de se poser est de savoir s'il est
possible de faire coexister un arbitre politique actif et un juge
112 A ce propos en RDC comme dans un grand nombre d' Etats
Africains, les élections lorsqu'elles sont organisées par l'Etat,
sont contestées systématiquement c'est le cas en Côte
d'Ivoire en 2001 et au Congo Brazzaville en 2002.
80 constitutionnel sans qu'il y'ait domination,
rivalités ou concurrences113? Seule la pratique nous
révélera si ce couple inédit dans l'histoire
constitutionnelle à rebondissement de ce pays fonctionnera dans le sens
de l'édification d'un Etat de droit.
L'une des nouveautés de la constitution de 2006 est le
rôle du juge quant à la responsabilité pénale des
deux têtes de l'exécutif.
Section 2 - LE JUGE CONSTITUTIONNEL : JUGE PENAL
DE
L'EXECUTIF
La question de la responsabilité pénale du chef
de l'Etat et des autorités politiques de premier plan
général, est toujours un véritable « casse tête
» pour les juristes dans toutes les démocraties. En France,
longtemps négligé par la doctrine constitutionnelle, le
thème de la responsabilité pénale du président de
la république connaît depuis quelques années un
véritable regain d'intérêt. Plusieurs questions se posait
et se posent encore : le chef de l'Etat jouit-il d'une immunité
complète pour les actes accomplis en dehors de l'exercice de ses
fonctions ? Est-ce justifiable dans un Etat de droit moderne1 14? A
toutes ces questions , le conseil constitutionnel 115 et la cour de
cassation116 ont apportés des réponses mais qui du
reste soulevaient des interrogations sur leurs compatibilités et sur la
pertinence des solutions applicables 117.C'est, bien entendu ,
lorsque se pose la question du statut pénal du chef de l'Etat , des
membres du gouvernement et des parlementaires , que l'on trouve le plus grand
nombre de références explicites aux dispositions
constitutionnelles et un plein contrôle de la bonne application de ces
règles parfois susceptibles de déboucher sur une
interprétation différente de celle donné par les deux
juridictions 118.
Finalement, un projet de loi constitutionnel a
été adopté en 2007119 pour mettre tout le monde
d'accord. Y est-il parvenu ? Certain estime que, vis-à-vis des principes
de responsabilité pénale applicable au président de la
république, cette vision n'apporte rien par rapport à l'Etat du
droit
1 14C. GUETTIER et A.LEDIVELLEC « La responsabilité
pénale du président de la République »L'harmattan
2003, introduction.
1 15N°98-408DC du 22 janvier 1999
1 16Ass, Plénière de la cour de cassation du 10
octobre 2001
1 17C. GUETTIER et A.LEDIVELLEC .OC.
118 D.COMMARET. »L'application de la constitution par la
cour de cassation, perspectives de droit pénal » paru dans
l'ouvrage intitulé : L'application de la constitution par les cours
suprêmes. Chez Dalloz 2007. p 75
119 Projet de loi constitutionnelle sur la responsabilité
pénale du président de la république adopté par le
congrès le 19 février 2007.
antérieur puisque les contours avaient été
fixés par les deux décisions du conseil constitutionnel de 1999
et de la cour de cassation de 2001120 que nous avons
précédemment évoqués.
Cette complexité à aborder ces questions est
encore plus vraie dans un Etat comme la RDC ou la démocratie est en
pleine construction et l'Etat de droit embryonnaire. Pourtant , le constituant
congolais de 2006 a fait preuve d'une originalité sans
précédent en accordant dans les articles 163 à 167 de la
constitution de 2006 à la cour constitutionnelle le soin de juger le
président de la République et le premier ministre pour les actes
qu'ils auront commis dans l'exercice de leurs fonctions . Ce faisant, le
constituant de 2006 n'a pas créé un organe spécifique
à l'image de la haute cour française.
Toutefois, en confiant cette lourde responsabilité
à la cour constitutionnelle, il a pris soin de définir,
l'ensemble des actes par lesquels, le président de la république
et le premier ministre pouvaient être passibles d'une poursuite
pénale.
Le législateur organique ne fera donc que reprendre les
termes de la constitution, qui du reste consacre une conception assez
ouverte des infractions pénales (1). Par ailleurs, si
le constituant
a défini lui-même les délits passibles de
poursuite, il a laissé le soin au législateur organique d'en
déterminer la procédure applicable devant la cour. C'est ce qui
fait l'objet d'une section de la proposition de LO. Il convient de noter que
cette proposition de procédure n'est pas très simple
(2). Enfin, confrontant le nouveau régime mis en place en RDC
avec du droit comparé (3).
Paragraphe 1 :Une conception assez large des
infractions pénales du pouvoir exécutif
Le juge constitutionnel, investie de la compétence
pénale à l'égard du président de la
république et du premier ministre, ne dispose pas d'une
compétence générale. Il s'agit d'une compétence
120 G.J.GUGLIELMI. « la responsabilité pénale
du président de la république » Article paru sur le site
Internet :
www.drole-den-droit .fr le
19 février 2007.
83 d'attribution dont la constitution (Art.163 à 167)
et la proposition de LO (Art.71à 86) définissent les contours
(A) et déterminent les limites (B).
A) La définition des actes relevant de la
compétence pénale de la cour
L'ensemble des délits susceptibles d'engager la
responsabilité pénale des deux têtes de l'exécutif
étant définit par la constitution, la LO ne fait que reprendre
ces différentes définitions :
La haute trahison (Art. 73 LO)
Elle s'applique dans deux cas :
D'abord, lorsque le président de la république
et le premier ministre viole intentionnellement la constitution. Ensuite,
lorsqu'ils sont reconnus, auteurs, co-auteurs ou complices de violation grave
et caractérisée de droit de l'homme, de cession du territoire ou
d'enrichissement illicite. La haute trahison est une notion difficile à
définir, il n'existe pas de définition juridique comme telle.
Toutefois, elle peut être définie comme un crime qui consiste en
une extrême déloyauté à l'égard don pays
121 . D'ailleurs, en France la notion de « haute
trahison » considérée comme antique et belle formule
122 a été remplacée par la formule «
Manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice
de son mandat » 123 . En l'absence de véritable
définition, selon les Etats, on énumère une liste
limitative des actes qui rentrent dans cette catégorie. Cette technique
est aussi employée par le constituant congolais qui retient trois
éléments : la violation caractérisée de droit de
l'homme, la cession d'une partie du territoire et l'enrichissement illicite.
Peu importe par ailleurs que l'autorité politique ait participé
directement ou indirectement. Il n'en demeure pas moins, que comme dans tous
les Etats ou cette notion existe, elle est difficilement applicable.
121 Définition disponible sur le site Internet
.wikepedia.fr .
122 A.M.LEPOURHIET. A propos du traité de Lisbonne sur le
site Internet : www.marianne2.FR Le 05 octobre 20007.
123 L'article 68 de la constitution de 1958 a
été modifié à l'occasion de la réforme
constitutionnelle de février 2007.
84 Déjà, dans la loi constitutionnelle du 25
février 1875, le président de la république en France
n'était responsable qu'en cas de haute trahison. La notion ne date donc
pas d'aujourd'hui mais elle suscite toujours autant de controverses.
Dans un pays comme la RDC, ou les questions
térritoriales124 et celle de droit de l'homme125
ont une résonance particulière, il serait intéressant de
voir comment les poursuites pourraient être engagées contre le
président de la république ou le premier ministre dans ces
matières . L'atteinte à l'honneur ou à la
probité
Prévue par l'article 74 LO, elle désigne le
comportement personnel du président de la république et du
premier ministre qui , est contraire aux bonnes moeurs, soit reconnus auteurs
ou co-auteurs ou complices de malversations de corruption ou d'enrichissement
illicite. La encore, il s'agit d'une définition assez vague
difficilement rétranscriptible sur un terrain pratique.
En France, dans une affaire consécutive à la
loi d'amnistie de 2002126, le conseil d'Etat avait annulé
l'arrêt de la cour d'appel qui avait considérée que des
propos injurieux relevait « d'une atteinte à l'honneur,
à la probité et aux bonnes moeurs »127. Il
y'avait donc divergence d'interprétation entre les juridictions
administratives. Cet exemple illustre toute la difficulté que le juge
constitutionnel congolais rencontrera pour déterminer des actes relevant
de cette catégorie.
Délit d'initié
L'article 75 LO prévoit ce délit, lorsque le
président de la république ou le premier ministre effectue des
opérations sur valeur immobilière ou sur marchandises à
l'égard desquelles il possède des informations
privilégiées et dont ils tirent profit.
124 A propos du Kivu, une zone frontalière entre la RDC
et le RWANDA. Situé à l'EST de la RDC est le Théâtre
des nombreux affrontements entre les deux Etats.
125 A titre d'exemple, la présumée extermination
des BANYAMULENGE par le feu président J. KABILA à la fin des
années 1990.
126 Loi N° 2002-1062 du 6 août 2002 portant
amnistie
127 CE 11 Février 2008.
Ce type de délit relève plus des acteurs
économiques que des acteurs politiques puisqu'il est défini comme
: un délit boursier que commet une personne qui vend ou achète
des valeurs immobilières en se basant sur des informations dont ne
disposent pas les autres128.
C'est donc l'utilisation ou la communication
d'éléments privilégiés pouvant permettre des gains
illicites lors des transactions boursières, qui sont interdits par la
réglementation de contrôle des marchés financiers.
En pleine crise économique, ce cas peut trouver un
écho au près des populations mais sa raison d'être est
contestable. En effet, il n'existe pas de marché financier (Bourse) en
RDC, par ailleurs, les transactions immobilières restent très
artisanales; il sera donc difficile d'engager la responsabilité du
président de la république ou du premier ministre sur ce
délit d'autant plus que les hommes politiques Africains réalisent
ses opérations en occident. hors ni la LO, ni la constitution ne
prévoit la possibilité d'engager leur responsabilités pour
une transaction immobilière effectuée à l'étranger,
dans une telle situation qu'en sera t-il ?
L'outrage au parlement
Il ressort de l'article 76 LO, qu'il y'a outrage au
parlement, lorsque sur des questions posées par l'une ou l'autre chambre
sur l'activité gouvernementale, le premier ministre ne fournit aucune
réponse dans un délai de trente jours. L'outrage au parlement
formulé de cette manière semble être une innovation. A
titre d'exemple :
Au Canada, l'outrage au parlement revêt une double
signification :
D'abord, il est considéré comme un mensonge ou
un faux témoignage contre la législation adoptée. A titre
d'exemple, une haute autorité de la gendarmerie royale a commis un
outrage au parlement parce qu'il avait porté un faux témoignage
sur les problèmes concernant le fond de retraite des policiers
129 . En deuxième lieu, la loi constitutionnelle canadienne
de 1967, prévoit
128 Cour de droit bancaire et bourse de madame MURVILLE en M1
droit des affaires .2008-2009
129 A propos de l'affaire concernant la commissaire adjointe
Barbara Georges paru dans la presse canadienne édition du 11 avril
2008.
une disposition qui en présence d'une divulgation d'un
projet de loi au public par le pouvoir exécutif avant le débat
à la chambre des communes 130es t un outrage au parlement
.
Récemment, le président de l'assemblée
nationale canadienne131 avait reçu une plainte
déposée par les députés du parti
québécois contre la ministre des transports132. La
ministre était accusée d'outrage au parlement pour avoir rendu
public son projet de loi sur la sécurité routière avant de
le présenter au parlement133.
Par ailleurs, les articles 25 à 27 de la loi du
parlement canadien prévoit un délit d'outrage au parlement pour
les députés eux mêmes. C'ainsi que le député
néo-démocrate Ian WADDDELL est le seul
député à avoir été reconnu coupable
d'outrage au parlement pour avoir tenté de s'emparé de la masse
cérémonielle des communes durant un débat
animé134.
Les conséquences sont nébuleuse mais en
théorie, dans le premier cas il y'a des sanctions allant d'une amende
à une peine de prison. Pour les députés reconnus coupable
d'outrage, l'article 27 de la loi du parlement au Canada, prévoit une
expulsion.
Si la notion de délit d'outrage, n'est pas une
invention congolaise, puisque à l'instar du canada , il existe aussi au
Royaume-Uni , le contenu semble bien être une invention congolaise
135. Mais il est difficile de considérer que la
responsabilité pénale des deux têtes de l'exécutif
puisse être engagée pour un tel délit, car comme au Canada,
il n'y a jamais eu véritablement un cas d'une personnalité
politique où du moins de l'exécutif reconnue coupable d'un tel
délit.
En définitif, les délits susceptibles d'engager
la responsabilité pénale du président de la
république et du premier ministre en RDC sont, soit très vagues
pour faire l'objet d'une véritable poursuite (haute trahison), soit
relevant d'un domaine ou il n'est pas certain que l'engagement d'une telle
responsabilité puisse aboutir (délit initié) .
B) Les limites de la compétence pénale
du juge constitutionnel
130 Il s'agit de l'équivalent de l'assemblée
nationale.
131 M Michel BISSONET.
132 Mme. j. BOULET.
134 Information disponible sur le site :
www.ledevoir.com .
135 Art.30 du règlement de la chambre des lords relatif
aux affaires publiques.
87 L'article 71 LO dispose : « la cour
constitutionnelle est la juridiction pénale du chef de l'Etat et du
premier ministre pour les infractions commises dans l'exercice ou l'occasion de
l'exercice de leurs fonctions ».
D'abord, il convient de remarquer qu'il ne revient pas au
juge constitutionnel de connaître de connaître en premier et
dernier ressort les infractions commises par les autres hautes autorités
politiques. En effet, en vertu de l'article 153 al, 2 de la constitution, c'est
la cour de cassation qui est compétente en présence des telles
plaintes.
Outre, sa compétence pénale sur le
président de la république et le premier ministre, le juge
constitutionnel est aussi compétente pour juger leurs co-auteurs et
complices. Il y'a donc une limite à l'exercice de cette
responsabilité pénale, par ailleurs cette limite n'est pas la
seule puisque l'alinéa 3 du même article précise que seules
les infractions commises dans l'exercice des fonctions présidentielles
et primo-ministérielles relèvent de la compétence de la
cour constitutionnelle. Cette limite est très importante puisqu'elle
consacre une immunité juridictionnelle temporaire du président de
la république et du premier ministre.
En effet , comme l'avait affirmé le juge de cassation
en France a propos du statut pénal du président de la
république 136tirant les conséquences de l'article 3
du titre II de la constitution de 1958 , le juge de cassation a estimé
que le président de la république étant élu
directement par le peuple pour assurer notamment le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat
ne pouvait pendant l'exercice de son mandat être mis en examen ou
même entendu comme témoin assisté 137.
La proposition de LO s'oriente dans ce sens, puisqu'en vertu
de l'article 73 LO, les poursuites en dehors de l'exercice de leurs fonctions
sont suspendues jusqu'à l'expiration du mandat et le délai de
prescription arrête de courir. Cette conception du statut pénal du
chef de l'Etat et du premier ministre au Congo est assez extensive. Qu'en sera
t-il si un chef d'Etat commet un acte grave mais détachable de sa
fonction ? Un premier ministre qui tue son épouse par jalousie, aura
t-il
88 l'autorité morale et politique nécessaire
pour continuer à assumer sa tache ? Ne s'agit-il pas d'une validation de
l'impunité au sommet ? Il aurait été juridiquement plus
louable de faire une distinction entre les actes commis pendant l'exercice de
ses fonctions et détachable de celle-ci qu'un juge de droit commun
pouvait juger.
Peut aussi se poser la question d'une telle protection
juridictionnelle pour le premier ministre, car l'on ne peut évoquer la
légitimité populaire de celui-ci puisque n'étant pas
élu. Par ailleurs, à quel moment l'on pourra considérer
que les poursuites pénales contre ce dernier sont possibles ? Car si
cela est aisé pour le président, élu pour un mandat de
sept ans, le premier ministre ne dispose pas d'un mandat, il peut être
révoqué par le président à tout moment .Le
législateur organique devra faire une distinction entre les deux
responsabilités, car la nature des deux fonctions est à bien des
égards distincts.
Enfin, la principale limite à l'exercice de la
compétence pénale du juge constitutionnel est sans aucun doute
politique. Car en vertu de l'article 77, al. 1er : « les
décisions de poursuites ainsi que la mise en accusation du
président de la république et du 1er ministre sont votées
à la majorité de deux tiers des membres du parlement composant le
congrès suivant la procédure prévue par le
règlement ».
La conséquence de cet article, c'est la restriction
stricte de la saisine de la cour constitutionnelle pour engage une telle
responsabilité. Il s'agit d'un véritable verrou parlementaire,
difficilement atteignable. Il est cependant vrai, qu'en France un tel
dispositif existe 138mais une fois encore la « vieille
» démocratie française, n'est pas comparable à
la « naissante » démocratie congolaise , D'ailleurs
dans les Etats ou cette obligation parlementaire dans la matière existe
, la procédure n'aboutit presque jamais .
Aux USA, où la constitution autorise le congrès
fédéral à destituer et juger le président,
vice- président et tous les fonctionnaires civils, les
présidents n'ont jamais été destitués
139 . L'exemple de B.CLINTON en 1998 dont les
sénateurs avaient refusés de confirmer la destitution est une
138 Art. 68 de la constitution de 1958 prévoit un
mécanisme similaire.
139 A ce propos, trois président de la république
ont été inquiétés par cette procédure ; A.
JOHNSON en 1868, R.NIXON en 1974 avait démissionné avant que le
congrès ne se prononce et B.CLINTON en 1998.
89 parfaite illustration, car les sénateurs
démocrates avaient voté contre et une majorité des
républicains avaient voté pour.
Au final, il semble donc difficile, qu'en présence
d'une concordance des majorités mais surtout en Afrique, d'un
système clientéliste, qu'un chef d'Etat succombe à cette
accusation. Il aurait fallut organiser une relation entre les citoyens pouvant
saisir les institutions d'appui à la démocratie et eux jouant le
rôle de filtre avant de saisir la cour constitutionnelle qui en dernier
ressort allait décider s'il elle pouvait ou pas engager des
poursuites.
A coté des limites à la compétence
pénale du juge, la proposition de LO met en place une procédure
qui est loin d'être simple.
Paragraphe 2 : Une procédure pénale
assez complexe
Pour ce qui est de la procédure applicable, la
proposition de LO, prévoit expressément l'applicabilité
des règles du droit commun. Il s'agit des règles ordinaires de la
procédure applicable devant la cour constitutionnelle pour tout ce qui
concerne l'instruction, l'audience et l'exécution de l'arrêt comme
le dispose l'article 84 de la proposition de LO. Nous n'évoquerons donc
pas ces règles de procédures ordinaires devant la cour
constitutionnelle que nous avons déjà évoquées
partiellement et nous aurons l'occasion de les aborder de nouveau lors du
dernier chapitre.
Le préalable à la procédure est bien
entendu, la saisine de la cour dans les conditions exceptionnelles
précédemment évoqué.
Nous allons dans ce paragraphe d'une part voir le rôle
essentiel du procureur de la république près la cour
constitutionnelle qui est le principal acteur de la procédure(A)
, ensuite nous
parlerons du rôle des officiers de police judiciaire et
des effets de la poursuite pénale (B) contre
90
le président de la république et le premier
ministre .
A) Une procédure concentrée entre les
mains du procureur général
Si la constitution de 2006 a elle même définie
les actes susceptibles d'entraîner des poursuites pénales contre
les deux têtes de l'exécutif, elle a laissée le choix au
législateur organique d'en définir la procédure. C'est
l'objet des articles 78 à 86 de la proposition de LO.
L'acteur essentiel dans cette procédure, c'est le
procureur près la cour constitutionnelle. C'est lui en vertu de
l'article 78 LO, qui assure l'exercice de l'action publique dans les actes
d'instruction et de procédure pour les infractions commises par le
président de la république ou le premier ministre dans l'exercice
de leurs fonctions ou à l'occasion de celle-ci, ainsi que les coauteurs
ou complices. Il ressort de cet article que ce magistrat du parquet est le
dépositaire de la procédure pénale devant la cour
constitutionnelle.
En effet, il a pour mission de recevoir les plaintes, les
dénonciations et de réunir tous les éléments
probatoires. En outre, il doit entendre toute personne susceptible de
contribuer à la manifestation de la vérité âpres les
investigations qu'il aura lui même menée. Si il estime que les
faits reprochés au président de la république ou au
premier ministre sont établis ; il adresse un réquisitoire aux
présidents de l'assemblée nationale et du sénat, aux fins
d'obtenir la décision de poursuite en vertu de l'article 81 LO.
Si les parlementaires sont convaincus par le
réquisitoire du procureur général, ils adoptent la
poursuite aux termes prévus par l'article 77 LO. A la suite de cet
accord, le procureur général près la cour
constitutionnelle peut prendre des mesures coercitives notamment l'audition de
l'intéressé ou son arrestation éventuelle.
Dans un second temps , la fin de l'instruction
préparatoire , si le procureur estime devoir traduire le prévenu
devant la cour constitutionnelle , il adresse un nouveau réquisitoire
aux présidents des deux chambres aux fins de solliciter la mise en
accusation du président ou du premier ministre , conformément
à l'article 83 LO .
91 Au début du mémoire, la question de la
nécessité d'instituer un parquet près la cour
constitutionnelle s'est posée. Mais, au regard du rôle
assigné au parquet dans le cadre de la procédure pénale
des deux têtes de l'exécutif, cette présence est au moins
partiellement justifiée .Mais quelques interrogations demeurent :
D'abord, l'indépendance du parquet vis-à-vis du
pouvoir exécutif n'est pas clairement garantie. Comment expliquer qu'en
vertu de l'article 11 LO, l'ensemble des collaborateurs du parquet soient
nommés par ordonnance présidentielle et de manière
discrétionnaire ?
Ensuite, le procureur général et les deux
avocats généraux sont nommés conformément au statut
des magistrats, pour un mandat de six ans par ordonnance du président de
la république mais cette fois-ci sur proposition du CSM, c'est ce qui
ressort de l'article 13 LO.
Deux points nous paraissent discutables :
D'une part, le mandat des magistrats du parquet
n'était-il pas mieux de faire coïncider leurs mandats à ceux
des autres magistrats c.-à-d. neuf ans ? , un mandat long est toujours
un gage d'indépendance.
D'autre part, c'est en réalité le CSM qui
décide pour la carrière des magistrats ordinaires, vu la
composition du CSM clairement à l'avantage du pouvoir exécutif,
se poser la question de l'indépendance du parquet n'est pas anodine.
Seule la pratique nous prouvera si nos inquiétudes
furent fondées ou non. Mais d'ores et déjà, il nous
paraît difficile pour le procureur général près la
cour constitutionnelle de mettre en ouvre les nombreuses prérogatives
que lui confère la proposition de LO en matière de la
responsabilité pénale du président de la république
et du premier ministre.
B) Le rôle des officiers de police judiciaire
et les effets de la condamnation
92 d'agent public dont le rôle est primordial. Il est
aussi important de voir, quels sont les effets d'une éventuelle
condamnation de l'un ou l'autre tenant du pouvoir exécutif.
a) Les officiers de police judiciaire,
détenteur d'un rôle difficilement réalisable
En vertu de l'article 79 LO, ils peuvent, a l'instar du
procureur général, recevoir une plainte ou une
dénonciation à charge contre le président de la
république ou du premier ministre.
Ils peuvent aussi de leur propre chef, constater des faits
infractionnels à charge contre les autorités politiques
précédemment cités.
Dans les deux cas, ils ont une obligation positive et une
obligation négative :
L'obligation positive consiste à transmettre au
procureur général près la cour constitutionnelle, les
plaintes, accusations ou encore le constat de faits infractionnels à
charge contre le président de la république ou le premier
ministre.
L'obligation négative consiste à s'abstenir de
poser tout acte autre que la transmission des plaintes, accusations ou constat
de faits infractionnels à charge du président de la
république et du premier ministre au procureur général
près la cour constitutionnelle.
Quant à l'article 80 LO, il autorise les officiers de
police judiciaire en cas de flagrant délit, s'ils sont saisis,
d'accomplir tous les devoirs requis par le droit commun. L'article 80 pose
toutefois une limite à cette action : elle ne doit aller jusqu'à
des actes privatifs et restrictifs de liberté. Il doit aussi transmettre
les procès verbaux au procureur général.
Cependant, un officier de police judiciaire a t-il
l'autorité nécessaire pour interroger un président de la
république ou un premier ministre ? Peut-on appliquer des règles
de droit commun au président de la république ou au premier
ministre, même en présence d'un cas de flagrant délit ? Par
ailleurs, l'officier de police judiciaire est un fonctionnaire du
ministère de l'intérieur à ce titre soumis
hiérarchiquement aux deux autorités, il lui sera donc difficile
d'outrepasser ces règles.
Pour ces différentes raisons, il nous paraît
difficile pour un officier de police de judiciaire, même
93
en présence d'un cas exceptionnel, de faire usage de ses
prérogatives.
b) Les effets de la condamnation
L'engagement de la responsabilité pénale du
président de la république ou du premier ministre est d'abord un
acte politique, puisqu'elle est conditionnée par une approbation
parlementaire. La cour constitutionnelle est donc la seule compétente
pour autoriser la détention préventive. Qui peut être
remplacée par l'assignation à résidence surveillée,
en vertu de l'article 82 LO.
Le principal effet de la condamnation, est la
déchéance des charges, prononcée exclusivement par la cour
constitutionnelle.
En présence d'une telle situation, c'est la
procédure de la vacance de pouvoir prévue par la combinaison des
articles 75 et 76 de la constitution et l'article 92 LO qui est suivie.
Le président de la république ou le premier
ministre en cause peut être remis en liberté conditionnelle. Mais
une telle décision ne peut être prise que par le nouveau
président de la république élu, en suivant les
modalités de droit commun.
Toute la difficulté dans ce régime, réside
dans la conciliation à tous les niveaux des règles de
procédure pénale ordinaire aux règles spécifiques
prévues pour les deux têtes de l'exécutif.
Paragraphe 3: Le régime de la
responsabilité pénale de l'éxectuif en RDC
confronté aux autres régimes
Les constitutions modernes, accordent de façon presque
unanime, un statut protecteur aux autorités politiques qui ont la charge
de l'Etat. Il s'agit le plus souvent, de privilège juridictionnel, pour
le gouvernement et parfois des parlementaires. Le régime mise en place
en
RDC ne déroge pas à cette règle.
C'est pourquoi ce paragraphe consistera en une confrontation
entre les différents régimes existant, d'abord en Afrique : au
Congo Brazzaville et au Bénin (A), ensuite en Europe ou
nous
94 nous baserons sur un rapport du sénat
français (B). L'objectif étant de souligner les
divergences et les convergences entre les différents systèmes.
A) La responsabilité pénale de
l'exécutif en RDC comparée aux régimes existants au Congo
et au Bénin
Le titre X de la constitution congolaise140
institue un organe spécifique, chargé de juger les hautes
personnalités de l'Etat. Contrairement à la RDC ou c'est la cour
constitutionnelle qui est compétente pour juger le président de
la république et le premier ministre. Le voisin d'en face 141 a choisi
de s'inspirer du titre X de la constitution française de
1958142 en créant un organe spécifique: la haute cour
de justice , pour juger d'une part le président de la république
en cas de haute trahison et d'autre part , elle est juge des parlementaires ,
des membres de la cour suprême , des membres de la cour constitutionnelle
et les membres du gouvernement pour des actes qualifiés de crimes ou de
délits commis dans l'exercice de leurs fonctions en vertu des articles
152,153,154 et 155 de la constitution congolaise de 2002.
Il convient de souligner , qu'au Congo , l'ensemble des
autorités politiques et judiciaires sont justiciables devant la haute
cour de justice alors qu'en RDC , ce contentieux est reparti entre la cour
constitutionnelle(président de la république et premier ministre
) et la cour de cassation (pour les restes des membres du gouvernements et les
parlementaire ).
Toutefois, en RDC comme au Congo, pour engager la
responsabilité pénale des membres de l'exécutif, il faut
la réunion d'une majorité de deux tiers du parlement réuni
en congrès. Alors que dans le système mis en place en RDC , les
textes ne disent rien sur le juge compétent pour juger des membres de la
cour constitutionnelle ou autres hauts magistrats , au Congo , c'est à
la haute cour de justice que revient ce privilège .
140 Constitution de la république du CONGO,
adoptée en janvier 2002.
141 La RDC et le CONGO sont séparés par le fleuve
Congo de sortes que Brazzaville et Kinshasa sont les deux capitales les plus
proches du monde.
142 Ce titre porte sur la responsabilité pénale
des membres du gouvernement.
95 Au Bénin, le système est plus proche du
Congo que de la RDC. Il existe aussi un organe spécifique chargé
d'engager la responsabilité pénale du président de la
république et des membres du gouvernement. Comme dans les deux autres
pays, une majorité de deux tiers est requisse pour engager de telle
poursuite. Cependant, l'innovation au Bénin se situe au niveau de la
définition des infractions et de l'instruction. Pour ce qui est de la
définition des infractions, elle résulte des lois pénales
en vigueur à l'époque des faits. Ensuite, concernant
l'instruction, elle est menée par les magistrats de la chambre
d'accusation de la cour d'appel ayant juridiction sur le lieu du siège
de l'assemblée nationale.
Au regard de la confrontation de ces deux systèmes
avec celui mis en place en RDC, il faut souligner une réelle influence
du système français régis par les titres IX et X de la
constitution de 1958. Même si concernant, la responsabilité
pénale du président de la république, elle avait fait
l'objet d'une modification lors de la révision constitutionnelle de
février 2007. Les points communs restent nombreux :
la compétence d'un organe spécifique (sauf en
RDC); l'immunité juridictionnelle pendant l'exercice des mandats (sauf
au Bénin , ou la constitution distingue les actes détachables de
la fonction );
Enfin l'obligation d'une approbation parlementaire à une
majorité de deux tiers réunis en congrès avant d'engager
des poursuites .
On le voit , une fois de plus , les recettes imaginées
en France 1958 ont été bien reproduit dans l'ancien empire
colonial , mais il faut souligner le souci des constituants africains de
vouloir innover en gardant la structure: c'est le cas au Bénin avec la
compétence des magistrat de la cour d'appel d'accusation et en RDC ou
l'originalité est encore plus vrai, en confiant au juge constitutionnel
, le soin de juger les deux têtes de l'exécutif .
B) Le régime de la responsabilité
pénale de l'éxecutif en RDC confronté aux régimes
Occidentaux
Dans une étude effectuée par les services du
sénat français143portant sur dix pays
européens144 en 2001, il en ressort que dans les monarchies
constitutionnelles, les souverains jouissent d'une immunité absolue et
la responsabilité du premier ministre relève parfois d'une
procédure dérogatoire au droit commun pour les infractions
commises dans l'exercice de ses fonctions. Tandis que, pour les autres
infractions, elle est partout, sauf en Belgique engagé selon la
procédure de droit commun.
Il convient de souligner la différence avec la RDC, ou
comme en France, le président de la république, jouit d'une
immunité juridictionnelle pour les actes commis en dehors de l'exercice
de sa fonction.
Cette immunité a pour conséquence, la suspension
de toute poursuite jusqu'à l'expiration du mandat à souligner
qu'en RDC, le délai de prescription arrête de courir.
A la différence des monarques, les présidents
de la république ne jouissent pas d'une immunité absolue, mais
ils bénéficient d'un régime dérogatoire au droit
commun tant pour les infractions commises dans l'exercice des fonctions
présidentielles que pour les autres.
Deuxième différence avec le régime mis
en place en RDC, car dans ce pays , le constituant ne dit rien d'autre sur les
infractions commises en dehors de l'exercice de la fonction que les poursuites
ne sont pas impossible après l'exercice du mandat , ce qui nous
amène à penser qu'en présence d'une telle situation, c'est
le régime de droit commun qui devra s'appliquer comme en France ou
après le mandat le président redevient un citoyen ordinaire
145.
143 La responsabilité pénale des chefs d'Etats et
de gouvernement, paris, service des affaires européennes du sénat
2001. Disponible sur site : www.senat.FR .
144 Il s'agissait de l'Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark,
Espagne , Grèce , Italie , Pays-Bas, Portugal, et Royaume-Unis .
145 L'ex président CHIRAC a été entendu
comme témoin assisté le 19 juillet 2007, dans le cadre de
l'affaire des emplois fictifs du RPR.
Dans chacune des cinq républiques examinées par
l'étude, la responsabilité pénale du président de
la république pour les infractions commises dans l'exercice de ses
fonctions ne peut être mise en cause seulement après que le
parlement ait adopté une décision de mise en accusation.
L'approbation parlementaire avant toute action existe dans presque tous les
systèmes étudiés, c'est donc assez logiquement que le
constituant congolais l'a adoptée.
Il convient de distinguer l'étendue de la
responsabilité pénale du président de la république
selon les pays. De même, la juridiction compétente est soit une
juridiction ad hoc comme en Grèce 146 ou en Italie 147 , soit
la cour constitutionnelle comme en Allemagne ou en Autriche, à noter que
la RDC s'est inspirée de ces deux pays pionniers du constitutionnalisme
en Europe ; il s'agit parfois de la juridiction suprême de l'ordre
judiciaire comme au Portugal.
Quant aux infractions commises hors de l'exercice des fonctions
présidentielles, le président de la république est dans
ces cinq Etats soumis à un régime dérogatoire.
En définitive , le système mise en place en RDC,
n'innove pas véritablement puisque que l'on retrouve les bribes de ce
système dans les démocraties occidentales.
CHAPITRE III- LA PROTECTION DES DROITS DES CITOYENS
AU COEUR DE L'ACTION DE LA FUTURE COUR
Les conditions d'accès au juge et l'observation des
règles d'organisation des recours sont au coeur da la science du droit
et de l'effectivité de la règle de droit 148 . H.
Kelsen , théoricien du modèle de justice constitutionnelle
concentrée, l'avait compris , qui écrivait en 1928 « la
question du mode d'introduction de la procédure devant le tribunal
constitutionnel a une importance primordiale : c'est de sa solution que
dépend principalement la mesure dans laquelle le tribunal
146 Cette commission ad hoc est composée de hauts
magistrats de l'ordre judiciaire.
147 La commission ad hoc est composée des membres de la
cour constitutionnelle et des citoyens .
constitutionnel pourra remplir sa mission de garant de la
constitution »149 garantir le respect de la constitution,
c'est assurer le respect et la défense des droits fondamentaux des
citoyens .
La protection des droits et des libertés des citoyens
est, à l'évidence une idée neuve en RDC Comme la cour
constitutionnelle elle même d'ailleurs. En effet, dans l'histoire
constitutionnelle de ce pays, le constituant de 2006 est le seul qui donne une
place centrale aux citoyens pour mieux défendre leurs droits devant un
juge suprême constitutionnel.
Dans cette constitution, le contentieux des droits
fondamentaux est tout entier compris dans le recours constitutionnel. Qui vise
à empêcher l'Etat d'empiéter sur la sphère
d'autonomie des particuliers ou sur celle des provinces. Quiconque s'estime
lésé dans ses droits fondamentaux, peut ainsi
déférer à la cour constitutionnelle : l'acte
administratif, le règlement, la loi ou même une décision
juridictionnelle fautive150.
De ce fait, le juge constitutionnel est élevé
au rang de « défenseur des droits fondamentaux veille à
leurs respect à son initiative ou sur saisine de toute personne
»151 cet extrait d'un article proposé par le
comité Balladur n'a pas été adopté, puisque le
conseil constitutionnel Français ne peut toujours pas s'auto saisir. La
cour constitutionnelle congolaise est dans la même situation.
En l'absence d'un mécanisme d'auto saisine, l'on peut
penser que la cour ne pourra assurer sa mission aisément ; toutefois, le
constituant congolais a pris soin de rendre le droit de contestation accessible
à tous (I) par ailleurs , la protection des droits des
citoyens passe aussi
par la mise en place d'un véritable procès
constitutionnel (II) .
Section 1 : UN DROIT DE SAISINE LARGEMENT OUVERT
Dans une démocratie moderne, comme celle qu'entend
construire les congolais .Les individus attendent des pouvoirs publics, non
pas seulement qu'ils s'abstiennent de porter atteinte à leurs
149 La garantie juridictionnelle de la constitution, RDP 1928, P
245 N°9 cité par P. JAN procès constitutionnel 1 51 Art; 78
de la constitution préconisé par la commission Balladur
99 droits fondamentaux, mais aussi qu'ils fournissent les
moyens de les mettre effectivement en oeuvre152.
Des lors, ces droits doivent être consacrés par un
texte de droit positif d'une part, et d'autre part, leur violation doit
être sanctionnée par une autorité ou une juridiction.
Mais garantir l'effectivité de ces droits, implique de
permettre aux citoyens de saisir eux-mêmes le juge (1)
pour lui faire constater une telle violation .Par ailleurs , le
ministère public, doit
contribuer à faire respecter lesdits droit en ayant la
possibilité de saisir l'organe juridictionnel (2)
élevé en défenseur des droits fondamentaux en l'occurrence
, le juge constitutionnel.
Paragraphe 1:La saisine du juge constitutionnel par
les citoyens
Conformément aux dispositions de la constitution de 2006
et de la proposition LO, la cour peut être saisie par tout citoyen:
· Pour faire constater l'inconstitutionnalité de
tout acte législatif ou réglementaire, en vertu des articles 162,
al.2 de la constitution et 57, al.1 LO.
Par la procédure de l'exception
d'inconstitutionnalité , dans une affaire qui le concerne et qui est
devant une juridiction, conformément à l'article 162 , al 1er 3
et 4 de la constitution et l'article 57, al.2 LO.
· Pour un recours en matière d'attribution de litige
entre les deux ordres juridictionnels, en vertu de l'article 69, al.2 LO.
Ce qui est remarquable, est que tant dans le contentieux des
recours en annulation(A),que dans
le contentieux des questions
préjudicielles(B), toutes personnes peut saisir la
cour
constitutionnelle pour l'inconstitutionnalité de tout
acte. A) Les recours directs d'inconstitutionnalité
152 D .TURPIN « libertés publiques et droits
fondamentaux « .p 42
100
IL s'agit d'un recours direct d'inconstitutionnalité
parce que, tant le libellé de l'alinéa 2 de l'article 162, que le
mot « en outre » dans l'alinéa 3 ayant trait à
l'exception d'inconstitutionnalité , font apparaître qu'il
s'agit d'un recours direct d'inconstitutionnalité 153.
Ce type de recours pose un bon nombre de problème, que
la loi organique était censée régler en vertu de l'article
169 de la constitution qui dispose : «l'organisation et le
fonctionnement de la cour constitutionnelle sont fixés par une loi
organique ».
Tout d'abord, la loi organique devrait définir les
conditions de recevabilité d'un recours direct. Ceci est indispensable,
parce qu'il est inconcevable que n'importe qui, a n'importe quel moment, puisse
introduire un recours direct. En général, il y'a deux sortes de
conditions de recevabilité. L'une concerne l'intérêt et
l'autre le délai.
A la lecture de la proposition de loi organique, un seul des
deux éléments est pris en compte il s'agit du délai.
En effet, l'article 59, al, 1er LO dispose : « le
recours visé sous la présente section (des recours en
inconstitutionnalité) n'est recevable que s'il est introduit dans
les six mois suivant la publication de l'acte ou suivant la date de sa mise en
application ». La saisine de la cour constitutionnelle par les
citoyens est donc limitée dans le temps, puisque dépassé
six mois âpres la publication de l'acte contesté, un recours
direct ne peut plus être intenté.
Cependant, pour ce qui est de l'obligation d'avoir un
intérêt à agir, le texte de la proposition de LO est
silencieux.
Or, le problème en général est de savoir
comment endiguer le flot sans cesse grossi des recours et faire en sortes que
les affaires importantes soient jugées dans les délais
raisonnables et avec les garanties nécessaires 153.
En effet, l'accès au juge constitutionnel par les
citoyens est tellement large, que cela conduit à une inefficacité
de la cour.
101 L'expérience des cours constitutionnelles dans le
monde nous apprend que le problème de ces cours est leur surcharge et
leur retard accumulé, avec la conséquence que certains recours ne
sont jugés que plusieurs années après leur
introduction.
Ainsi, bien que la proposition de LO parle de « toute
personne », il est peu probable qu'il s'agisse d'une « actio
popularis »154 c'est-à-dire un recours que chacun,
même sans intérêt personnel, peut introduire. En
général, les cours constitutionnelles exigent un
intérêt personnel et direct.
Un requérant n'a pas intérêt à
attaquer une disposition qui ne lui est pas applicable. D'autre coté, il
ne faut pas non plus que le préjudice allégué soit certain
: un risque de préjudice suffit.
A titre d'exemple, devant la cour constitutionnelle Belge :
l'intérêt à agir existe « dans le chef de la personne
dont la situation pourrait être directement et défavorablement
affectée par la norme attaquée »155. Deux
conditions sont ainsi prescrites : il faut d'abord qu'un lien direct existe
entre la norme attaquée et la personne requérante ; il faut
ensuite, que la norme ait une incidence défavorable sur la situation de
cette même personne 156.
Ces obligations procédurales constituent des filtrages
que presque toutes les cours constitutionnelles connaissent pour éviter
de tomber dans les dangers que nous évoquions au début de ce
paragraphe.
Il est donc étonnant que la proposition de LO ne
prévoit aucun filtre. Cependant, d'autres cours constitutionnelles en
Afrique comme la cour constitutionnelle Béninoise, ne connaissent pas ce
système de filtrage .
En effet, dans ce pays, en vertu des articles 3-122 de la
constitution et 24 de la loi organique sur la cour, il n'est pas
nécessaire que le requérant démontre son
intérêt à agir puisque tout citoyen peut saisir directement
la cour .Toutefois, il doit préciser l'objet de sa saisine.
1 54 Il s'agit d'un intérêt qui ne se distingue pas
de l'intérêt qu'a toute personne au respect de la
légalité en toute circonstance.
155 Exemple cité par A.ALLEN .OC .P 69
1 56 R.ROLAND, « les recours des particuliers auprès
de la cour d'arbitrage » cité par A.ALLEN
102 Pour autant, il n'a pas eu l'engorgement de la cour, il
y'a certes une montée en puissance de la saisine des personnes physique,
mais cela dépend des années. Par exemple, en 1992, une seule
personne avait saisie la cour, elles seront 63 en 1996 et 28 en
1999157. L'on peut constater un accroissement progressif des
recours, c'est une bonne nouvelle pour la vitalité de la cour que les
citoyens lui fasse confiance, de plus cet accroissement assez raisonnable ne
nous permet pas de dire que la cour constitutionnelle Béninoise sera
engorgée à l'avenir.
B) L'exception d'inconstitutionnalité
L'article 57, al, 2 LO reprend les termes des articles 162, al,
1er ,3 et 4 de la constitution de 2006 qui instituent la procédure de
l'exception d'inconstitutionnalité.
En effet, selon ces articles, toute personne peut saisir la
cour constitutionnelle par cette procédure de l'exception
d'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne
devant une juridiction. Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes
affaires cessantes, la cour constitutionnelle.
L'exception d'inconstitutionnalité ne pourra être
soulevée que contre tout acte législatif ou réglementaire.
Mais qu'est ce que donc l'exception d'inconstitutionnalité ?
Il s'agit d'une procédure qui permet à un
requérant lors d'un procès, de contester la
constitutionnalité d'un acte législatif ou réglementaire
que le juge entend l'appliquer. L'exception d'inconstitutionnalité
suppose donc l'existence d'un procès mais le juge, même en
l'absence d'une contestation par une des parties au procès, peut
d'office poser une question préjudicielle et surseoir à statuer
avant la réponse.
Cependant, la proposition de LO ne répond pas à
toutes les questions relatives à la procédure : quel juge est
habilité à poser la question préjudicielle à la
cour? Que fait-on, lorsque la question soulevée n'est pas pertinente
?
1 57 L'accès au juge constitutionnel, modalités et
procédures. 2E congrès de l'association des cours
constitutionnelles ayant en partage l'usage du français .Libreville,
septembre 2000.Rapport de la cour constitutionnelle Béninoise, P.59 .
Cette absence de réponses est d'autant plus regrettable
qu'elle concerne l'ensemble des aspects qui peuvent constituer des filtres pour
éviter des questions préjudicielles fantaisistes.
Dans plusieurs pays comme la Belgique ou l'Italie, le
contentieux préjudiciel est l'activité principale de la cour
constitutionnelle. C'est ce qui explique pourquoi le législateur ou la
jurisprudence ont élaboré des systèmes de filtrage pour
faire face au flot grandissant des questions préjudicielles.
Ainsi, contrairement à la procédure de
l'article 57, al ,2 LO qui ignore le filtrage. Le système principal de
filtrage est la distinction entre les juridictions inférieures et
supérieures. Il est logique que seule les juridictions
supérieures soient ténues de poser la question
préjudicielle, parce qu'elles jugent en dernier ressort.
C'est ce type de système que prévoit l'article
61, al, 1er de la constitution de 1958158. En effet, d'après
cet article, seul le conseil d'Etat et la cour de cassation peuvent sur renvoi
poser la question préjudicielle au conseil constitutionnel. Ce
système semble être écarté à la fois par
l'article 162 de la constitution et l'article 57 de la proposition de LO.
En effet, ni l'un ni l'autre font une distinction entre les
juridictions inférieures et supérieures, nonobstant le fait que
le texte des experts159 prévoyait une limitation du renvoi
préjudiciel aux litiges pendant devant la cour de cassation et le
conseil d'Etat 160 . Ils avaient attiré l'attention sur le
fait que la possibilité conférée à toute partie ou
juridiction de saisir la cour constitutionnelle risque de l'encombrer
considérablement et, partant, de retarder le jugement des litiges.
D'ailleurs dans le système communautaire européen, ou la question
préjudicielle est prévue par l'article 234 TCE, la CJCE avait
jugé « qu'une question préjudicielle par une juridiction
nationale dont les décisions ne sont susceptibles d'un recours
juridictionnel de droit interne » n'est pas nécessaire lorsque
:
· La question soulevée n'est pas pertinente.
1 58 Art 61-1 issu de la réforme constitutionnelle du 23
juillet 2008.
1 59 Un comité d'experts nationaux et internationaux
avait été mis en place pour contribuer à la
rédaction de la constitution congolaise de 2006.
160 N. BANNEUX « république Démocratique du
Congo : une constitution pour une Troisième République
équilibrée « in fédéralisme
-régionalisme, 2004-2005 P .94 .
· Ou que la disposition communautaire en cause a
déjà fait l'objet d'une interprétation de la cour.
· Ou que l'application correcte du droit communautaire
s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun
doute raisonnable161.
Il aurait été plus prudent, que la proposition
de LO propose une telle série d'exception à l'obligation pour un
juge de poser, à la demande d'une partie, une question
préjudicielle à la cour constitutionnelle. A. Allen,
évoque une autre piste plus efficace, qui consisterait à
attribuer à la juridiction saisie, le pouvoir de rejeter, sans plus,
l'exception soulevée devant elle. C'est selon lui le seul moyen
d'éviter les pertes de temps dues à d'éventuelles
manoeuvres dilatoires dans le chef des parties.
Il sera donc très intéressant de voir, comment
le législateur organique comblera ces différentes carences du
texte de la C.P.A.J. Pour éviter que la bonne intention des constituant
d'accorder aux citoyens des divers moyens de saisir le juge constitutionnelle
pour garantir le respect effectif de leur droits se transforme en un moyen
efficace de bloquer l'action dudit juge .
Le citoyen à aussi la possibilité de saisir la
cour constitutionnelle indirectement dans le cadre d'un litige d'attribution de
compétence entre les juridictions de l'ordre administratif ou de l'ordre
judiciaire en vertu de l'article 68, al, 1, 2 et 3. En effet, un citoyen
intéressé peut saisir la ministre de la justice qui à son
tour saisira la cour constitutionnelle. Il s'agit donc d'un droit de saisine
indirect.
Toutes les lois fondamentales actuellement en vigueur en Afrique
Francophone souscrivent à un tel principe, parfois de manière
plus rigoureuse que ne l'exige le système français.
L'influence française est ici moins générale
dans la mesure où la saisine du juge constitutionnel par les individus
est récente.
Alors que le système anglo-saxon dérivé
des pratiques de la cour suprême américaine et fonctionnant par
la voie d'exception se retrouve à l'instar de la RDC, au Bénin,
en RCA , au
Congo , à Djibouti, au Gabon , à Madagascar , au
Sénégal , au Tchad et au Togo 162.
Dans les trois premiers pays et au Gabon, le citoyen a le
choix, pour saisir la cour constitutionnelle par la voie directe et la voie
d'exception invoquée dans une affaire qui le concerne163.
Ces Etats n'ont cependant pas tout à fait adopté
le modèle américain puisqu'il n'est pas nécessaire pour le
justiciable de remonter par la voie de l'appel, et degré âpres
degré , jusqu'à la plus haute juridiction ; il s'agit là
d'un schémas de renvoi direct devant cette dernière avec pour
l'obligation de statuer dans un délai souvent d'un mois .
La constitution de 2006, fait du ministère public, un
acteur essentiel dans la défense des droits fondamentaux des
citoyens.
Paragraphe 2: Le ministère public, garant de la
défense des droits et libertés fondamentaux des citoyens
L'article 58 LO dispose « le ministère
près la cour constitutionnelle peut saisir d'office la cour de
l'inconstitutionnalité d'une loi, d'un édit ou tout
règlement censé porter atteinte aux droits fondamentaux de la
personne humaine et aux libertés publiques ».
A coté du rôle prééminent du
ministère public en matière de la responsabilité
pénale du président de la république et du premier
ministre, il sera aussi le garant de la défense des droits des citoyens.
Il sera en effet, un espèce de gardien des libertés censé
compensé l'absence d'une possibilité d'auto saisine
accordée à la cour.
Il s'agit donc d'une prérogative indispensable pour le
bonne marche de la démocratie(A)
.Toutefois , son régime reste à déterminer
(B)
162 A. CABANIS et M; LOUIS MARTIN. OC. P.9
163 IL s'agit des articles 122 de la constitution
Béninoise, 70,al,3 de la RCA , 148, al, 1er congolais et 85 et 86
Gabonais .
A) Une compétence indispensable pour
l'édification de l'Etat de droit
Pour Dominique Rousseau, une constitution, est un texte qui
énonce les droits dont les citoyens peuvent se prévaloir pour
réclamer contre les agissements des pouvoirs publics 164 . Ce
que dit aussi la DDHC de 1789 rédigée « afin que les
réclamations des citoyens, fondées désormais sur des
principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la
constitution et au bonheur de tous. »
Pendant longtemps, la garantie des droits et des
libertés des citoyens, était le « parent pauvre » des
constitutions, ne bénéficiant d'aucun mécanisme propre de
protection car considérée comme la conséquence
nécessaire de la limitation des pouvoirs165. Pour Rousseau,
la constitution qui porte la démocratie n'est donc plus la constitution
qui garantit les droits fondamentaux par la séparation des pouvoirs mais
qui les garantit par le contrôle de constitutionnalité ; ce n'est
plus la constitution-séparation des pouvoirs mais la
constitution -droits fondamentaux.
La constitution congolaise de 2006 et surtout la proposition
de LO prennent la mesure de cette transformation de l'objet principal de la
constitution en essayant de garantir le respect des droits fondamentaux dont le
ministère public devra veiller au respect.
Mais qu'entend-on par droits fondamentaux de la personne
humaine et libertés publiques ? Parfois considérée comme
synonymes, les deux notions ne se recouvrent pas totalement : la notion de
libertés publiques est apparue en France avec la constitution du
14-01-1852 165 , on la retrouve ensuite dans certaines grandes lois
de la IIIe république 166française, à l'article
72 de la constitution du 27/10/1946, puis dans un avis de la CE du 13/08/1947
puis plus récemment à l'article 34 de la constitution de 1958.
A chaque fois sans la définir, même si l'avis du CE
de 1947 énumérait un certain nombre d'entre elle. Il s'agit donc
d'une notion presque jamais définie concretement167.
164
D.ROUSSEAU.la constitution et la
démocratie, paru en 2003 sur le site la vie des idées .fr.
165 Idem
165 L'article 25 la garde des libertés publiques au
sénat
167 D.TURPIN. OC. P 99
107 Quant à la notion de droits fondamentaux, elle
introduit une hiérarchie entre les libertés, dont certaines
seulement paraissent essentielles. D. Turpin définit les libertés
publiques comme un ensemble de droits reconnus et bénéficiant
d'une protection juridique.
Il s'agit donc de deux notions plus philosophiques que juridique
dont le juge s'évertue à donner un contenu juridique.
Dans le cadre de la RDC, le ministère public
près la cour constitutionnelle devra passer « aux peignes fins
» toutes les lois, édits, règlements pour bien
vérifier qu'ils ne portent pas atteintes aux droits et libertés
que la constitution consacre.
Une catégorie d'acte est ainsi oubliée par la
proposition de LO, il s'agit des décisions juridictionnelles. En effet
une décision de justice peut aller dans le sens d'une violation des
droits fondamentaux de la personne et faire jurisprudence, pourquoi n'est pas
soumettre cette catégorie au contrôle comme les autres ?
Pourquoi confier ce rôle au ministère public ? Ne
serait-il pas mieux de permettre à la cour constitutionnelle, de lui
même constater ces violations et les sanctionner ?
Le ministère public étant rattaché à
la cour, s'agit-il d'une reconnaissance voilée d'un mécanisme
d'auto saisine de la cour ?
Il est vrai que dans des pays comme le Bénin la
possibilité est offerte à la cour constitutionnelle de se saisir
d'office sur la constitutionnalité des lois et de tout texte
réglementaire censé porter atteinte aux droits fondamentaux de la
personne humaine et aux libertés publiques 167.
Il faut être gré à la loi organique de
prévoir ce mécanisme assez innovant, mais en faisant ce choix, le
constituant congolais ne simplifie pas les choses, car quoi qu'il en soit le
meilleur protecteur et le garant des droits et libertés fondamentaux
reste et demeure le juge, ce que le ministère public n'est pas, tant il
est vrai qu'il est et demeure un magistrat au service du ministère de la
justice donc du pouvoir exécutif.
B) Une compétence dont le régime reste
à déterminer
Nous savons dans quelle mesure, le ministère public
peut saisir la cour, mais la procédure relative à cette saisine
et les effets qui en découlent restent des mystères auxquels la
proposition de LO ne répond pas.
En effet, ni la constitution de 2006 ni la proposition de LO
ne font mention, de la procédure par laquelle, le ministère
public saisira la cour. Seul l'article 59 LO qui fixe le délai de
saisine de droit commun en cas de recours pour inconstitutionnalité :
nous permet de dire que le parquet doit saisir la cour dans un délai de
six mois suivant la publication de l'acte au journal officiel ou suivant la
date de son application.
Qu'en sera t-il des effets que produira cette saisine ? Son
application sera t-elle suspendue à la décision de la cour
constitutionnelle comme pour les autres normes? Quelles seront les
conséquences lorsque une telle disposition violant la constitution aura
créée des situations juridiques ?
Autant des questions auxquelles seul le législateur
organique pourra apporter des réponses. Elevée au rang de
protectrice des droits fondamentaux des citoyens, la cour constitutionnelle
sera « l'éminence grise »du nouveau régime mis en place
par le constituant de 2006.
Encore faut-il que la fonction juridictionnelle de la cour
constitutionnelle, s'exerce dans le cadre d'un véritable
procès.
109
Section 2 : LA MISE EN PLACE D'UN VERITABLE PROCES
CONSTITUTIONNEL
A l'instar d'autres juridictions constitutionnelles, la cour
constitutionnelle est dotée de nombreuses compétences
d'attributions. Tout ne relève pas de sa fonction juridictionnelle.
Celle- ci représente cependant l'essentiel de son activité.
Si parler de procès constitutionnel à propos du
conseil constitutionnel français avait étonné, tellement
le conseil constitutionnel avait été l'objet de critiques,
notamment eu égard à la procédure suivie devant
lui168. La question ne pourrait se poser pour la cour
constitutionnelle congolaise qui dispose de véritable compétence
d'une cour. C'est notamment le cas, lorsqu'elle exerce cette compétence
relative à la responsabilité pénale du président de
la république et du premier ministre.
Mais pour autant, il convient de se poser la question de
savoir ce qu'est un procès avant de voir quel élément peut
nous permet de dire que la proposition de LO, organise un véritable
procès constitutionnel.
Le procès est traditionnellement présenté
comme une instance ouverte devant une juridiction. Se pencher sur la notion de
procès conduit inéluctablement à s'interroger sur les
critères de l'acte juridictionnel, émanant d'un organe statuant
en la forme juridictionnelle169.
Ainsi, en RDC, le procès sera organisé devant un
organe: la cour constitutionnelle avec un acteur essentiel, qui est le juge
constitutionnel (1). Toutefois, le procès
constitutionnel est-il un
procès comme tous les autres (2),
organisé selon les règles du droit privé ?
Telles sont les deux points que nous aborderons dans cette
section finale.
Paragraphe 1 : Le juge constitutionnel, acteur d'un
procès assez
original
Ayant déjà évoqué l'ouverture du
droit à la saisine, ce paragraphe sera consacré d'une part
à la recevabilité de la saisine (A) et d'autre
part à la procédure et au traitement de cette saisine
(B).
A) La recevabilité de la saisine par la cour
constitutionnelle
L'introduction d'un recours devant la cour constitutionnelle est
facilitée à bien des égards : D'abord, le
requérants n'est astreint à aucun droit de timbre, même si
aucun article ne spécifie la gratuité du timbre, mais c'est
déjà le cas pour les autres juridictions.
Ensuite, la représentation d'un avocat n'est pas
obligatoire, mais en vertu de l'article 35 , al, 1er LO , les parties peuvent
être représentées ou assistées de leurs avocats. Il
s'agit d'une possibilité que la LO laisse au choix des parties.
Par ailleurs, tous les courriers sont enregistrés par
ordre une fois déposé au greffe, suivant la date de
réception et les donnent un numéro d'ordre. Ils sont ensuite
transmis par le greffier à toutes les parties concernées pour les
conclusions.
Un délai de quinze jours est prévu entre la
transmission des conclusions et la communication au ministère public
pour avis, qu'il doit aussi rendre dans un délai de quinze jours. Avant
qu'il soit présenté au président de la cour (Art. 36, al 2
LO).
Aucune disposition légale n'interdit que des moyens
nouveaux puissent être soulevés au cours d'une procédure.
L'essentiel est que la cour soit, en tout état de cause, saisie avant
que le recours ne soit examiné en audience plénière.
En outre, la proposition de LO prévoit des
modalités de rejet pour irrecevabilité qui sont de
trois espèces: en premier lieu , lorsque le recours est manifestement
irrecevable ; en second lieu , si le recours est infondé ; enfin , si
la cause ne relève pas , de façon évidente , de la
compétence de
la cour .(Art.36,al,3 LO) .
De ce trois cas, seul le troisième paraît
concret, puisqu'il est aisé de rejeter une requête soumise
à la cour pour engager la responsabilité d'un parlementaire alors
que cela relève de la compétence de la cour de cassation.
Pour les deux autres cas, la question est plus difficile, comment
définir concrètement un recours infondé ? Les trois cas ne
sont ils pas associables au fond ?
Pour statuer sur la recevabilité d'un recours, le
président communique et réunis la chambre restreinte pour examen,
mais seulement lorsque qu'il estime que le recours est susceptible d'être
classé dans l'un ou l'autre cas de rejet de recevabilité.
La décision de la chambre restreinte statuant sur la
recevabilité est susceptible d'aucun recours. En effet, les
décisions de la cour ne sont susceptibles d'aucun recours en vertu de
l'article 42, al, 2 LO.
Enfin, la cour statue toujours en assemblée
plénière, et pour délibérer valablement, la
présence de tous ses membres est exigée. Toutefois, l'article 41,
al 1 LO, pose une limite à cette exigence. En effet, elle admet que la
cour puisse siéger et délibérer en cas d'empêchement
temporaire dument constaté de deux de ses membres. Ce qui ramène
le nombre à sept. Au bénin, il faut au moins la présence
de cinq membres pour que la cour délibère valablement 170.
Lorsque la cour est saisie d'une requête, âpres
avis du ministère public, le dossier est confié à un
rapporteur désigné par le président (Art. 38, al ,1er LO)
.Le rapporteur procède à l'instruction de l'affaire en vue d'un
rapport écris à soumettre à la cour (Art 38, al 2 LO).
Sans être l'objet d'une procédure définie
au préalable, l'attribution des dossiers aux rapporteurs par le
président est faite de façon à ne pas surcharger les uns
par rapport aux autres 171 . Et chaque juge constitutionnel, quelque
soit sa spécialité, est en mesure de participer pleinement aux
travaux de la cour.
170 Art. 19 du règlement intérieur de la cour
constitutionnelle Béninoise.
171 G. ILOKI. » le rôle du rapporteur dans la saisine
du juge constitutionnel » article paru dans le journal le progrès
N°02 du 15 janvier 2009
112 Ensuite, le rapporteur peut entendre, les parties ou toute
personne dont l'audition lui paraît opportune, il peut aussi solliciter
des avis par écris. Le rapport terminé, il est transmis aux
membres de la cour pour délibération. A ce niveau, l'article 38,
al, 5 est ambigu, puisqu'il nous apprend que le rapport est examiner par les
juges constitutionnels et communiqué au président afin qu'il fixe
la date de l'audience.
Mais que se passera si les juges délibèrent contre
le rapport du rapporteur?
Le président est il tenu de fixer la date de
l'audience, même si une délibération négative a
été émise par les membres de la cour ? Par ailleurs,
puisque le rapport est lu par le rapporteur lors de l'audience, une
délibération positive n'est-elle pas obligatoire ? , auquel cas,
il conviendra de le préciser.
Cependant, en vertu de l'article 41, al, 2 LO, les
délibérés sont secrets c'est donc dans le silence d'un
vote à huit clos que se décide la délibération. Il
convient de souligner que l'alinéa 6 permet la divulgation des opinions
divergentes à la fin de l'arrêt.
Toutefois, cet alinéa ne va pas aussi loin comme aux
USA, en effet le nom de l'auteur de l'opinion divergente n'est pas
divulgué. Il s'agit d'un juste milieu entre le système
français ou l'unité des conseillers constitutionnels
prévaut avec pour conséquences, l'interdiction de divulgation de
toute opinion divergente et le système américain, ou les opinions
divergentes sont divulguées et les noms des auteurs aussi.
Ainsi, l'exercice efficace de l'action juridictionnelle oblige
son auteur à observer, outre les règles de compétences
précédemment analysées, les conditions de
recevabilité du recours. A défaut de respecter les
réglés relatives aux conditions d'introduction, le juge
constitutionnel refusera d'examiner au fond la démande172.
B) La procédure et le traitement de la saisine
recevable devant le juge constitutionnel
113 président de la république, le premier
ministre, les présidents des assemblées parlementaires nationaux
en vertu de l'article 37, al, 1er LO. En outre, lorsque le recours vise le
contentieux constitutionnel des provinces, le gouverneur et l'assemblée
provinciale sont informés (alinéa 2 du même article).
Conformément à l'article 37, al, 1er LO, les
parties ont accès au procès par écrit, en fournissant
à la cour des renseignements complémentaires à la
requête, soit des documents devant lui permettre de rendre sa
décision.
La procédure contradictoire est essentielle pour le bon
déroulement de l'instance, il s'agit aussi d'un principe garantissant
équité du procès.
C'est pourquoi en France, la procédure contradictoire
avait renforcée la juridictionnalisation de la procédure devant
le conseil constitutionnel 173 . Même si, dans le cas du
conseil constitutionnel français, la procédure contradictoire
n'était garantie que dans le contentieux électoral, mais
dotée d'une puissance de contagion évidente, la contradiction
applicable dans le contentieux électoral, devient rapidement essentielle
au contrôle des lois, avec le développement des recours
institutionnels motivés 174 . En effet ces derniers ont
contraint le juge à organiser de manière empirique et
systématique des échanges d'observations.
La contradiction est donc un élément
déterminant, quant la juridictionnalisation d'un organe, mais surtout
qu'elle est le principal moyen d'assurer le respect des droits de la
défense.
Pour autant, la procédure mise en place en RDC dans le
procès en inconstitutionnalité peut-elle être
définie comme pleinement ou seulement partiellement contradictoire ?
Au regard de l'article 35, al, 1er LO, la procédure est
contradictoire. Mais, on peut être amené à conclure que le
procès en inconstitutionnalité tel que mis en place en RDC n'est
que partiellement contradictoire. Et ceci eu égard à la
procédure de type inquisitoriale de la cour, aux pouvoirs
d'investigation très étendus du rapporteur désigné
et au caractère secret de l'instruction.
114 Toutefois, ces propos doivent être
tempérés par le fait qu'en vertu du même article, les
parties ont la possibilité de se faire assister par toute personne
compétente.
Par ailleurs, pour rendre plus transparente la
procédure, les audiences de la cour sont publiques sauf lorsque cette
publicité peut être dangereuse pour l'ordre public et les bonnes
moeurs, c'est ce résulte de l'alinéa 3 du même article.
Une dernière question mérite d'être
évoquée : il s'agit de l'égalité des armes. Quelles
sont les pièces constitutives de la procédure? Certaines
pièces sont-elles exclues delà procédure ? Toutes les
pièces sont-elles transmises ou accessibles aux parties ? En l'absence
d'une pratique de la cour ou d'un règlement intérieur fixant
expressément ces différents points nous ne pouvons y
répondre.
Cependant , l'on peut croire que le règlement
intérieur de la future cour s'orientera dans le sens de la
simplicité comme l'a fait la proposition de LO : par exemple , comme au
Bénin , une simple lettre remplissant les condition de validité
d'un recours ,peut conduire à une procédure 175 ou encore ,le
système de communication de pièces n'est pas admise en
matière de contrôle de constitutionnalité .
Enfin, la haute juridiction est tenue de rendre ses
décisions dans des délais constitutionnels
prédéfinis. Ceux-ci varient selon que la cour constitutionnelle
intervient comme juge électoral, ou comme juge des normes.
Toutefois, l'article 40 al, 1er LO fixe un délai dans
lequel la cour constitutionnelle doit statuer. Ce délai est de trente
jours à compter du dépôt du recours. En cas d'urgence et
à la demande du gouvernement, il peut être ramené à
huit jours francs.
Paragraphe 2 : Procès constitutionnel :
spécificité ou confusion ?
175 Art. 29 .du règlement intérieur de la cour
constitutionnelle Béninoise .
115 Le caractère juridictionnel du contrôle
qu'exercera la cour constitutionnelle ne peut faire de doute, car la future
cour ne se prononcera ni en équité, ni en opportunité,
mais exclusivement en droit. Sa tâche consistera d'une part à
examiner le contenu de l'acte qui lui sera déféré, d'autre
part, à le confronter aux normes constitutionnelles pour en
décider soit la qualification (législative ou
réglementaire; nationale ou provinciale; administrative ou judiciaire)
soit la validité juridique (il est conforme à la constitution ou
non) 176.
Dans un cas comme dans l'autre, il ne peut se déterminer
qu'en fonction des considérations de pure et stricte validité
constitutionnelle.
Il remplit donc bien l'office traditionnellement dévolu au
juge. Pour autant, le contentieux en droit public peut-il être
assimilé à un procès judiciaire ?
Il convient de bien faire une différence entre les deux.
Nous ne sommes pas en matière judiciaire ou le litige est privé
et donc régis par les règles de droit privé.
Or, il semble que les rédacteurs aient commis une
erreur en confondant la procédure en droit public (contrôle de
constitutionnalité des lois, recours en inconstitutionnalité par
voie de l'exception d'inconstitutionnalité, contentieux
électoral) et la procédure en droit privé pour trancher
entre intérêts et droits subjectifs privés
opposés177.
Dans le premier cas , en effet , il ne s'agit pas d'un
procès entre deux parties opposées par un litige sur le fondement
d'obligations et de droits synallagmatiques, et se présentant devant la
cour avec la qualité de « demandeur » pour l'un et de «
défendeur » pour l'autre .
Demeure donc une confusion dans certaines matières
relevant de la compétence du juge constitutionnel (A),
c'est pourquoi nous donnons quelques pistes pour l'émergence d'un «
vrai
procès de droit public (B)
A) Des éléments de confusion en
matière de contrôle de constitutionnalité et en
matière électorale
176 P.PACTET et F.M-SOUCRAMANIEN « droit constitutionnel f
».26e édition, chez seuil, P 258
1 77 M .A.MAMPUYA KANUNKA TSHIABO. Article paru dans le quotidien
le phare du 9avril 2008
116 A l'exception de la procédure pénale lorsque
la cour exerce sa compétence pénale à l'égard du
président de la république et du premier ministre. Où nous
sommes en présence d'un véritable procès avec toutes les
exigences et règles de procédure et de fonctionnement d'une
juridiction pénale.
Notre analyse va porter sur deux matières :
D'une part, en matière de contrôle de
constitutionnalité et d'autre part en matière
électorale.
a) La confusion en matière de contrôle
de constitutionnalité des lois
En vertu des articles 47 LO et 57 LO, la cour
constitutionnelle peut -être saisie pour contrôler la
constitutionnalité des lois à la fois par des autorités
politiques et des parlementaires mais aussi par toutes personnes.
Cette saisine ouvre donc une confrontation entre le
requérant et les auteurs de la loi . Mais nous sommes en droit public ,
et cette action entreprise devant la cour a pour objet de faire constater
l'inconstitutionnalité de la loi en cause de sortes que son respect ne
soit pas exigé aux citoyens ou encore qu'elle ne soit appliquée
à un litige par les tribunaux .
Cela n'est pas un intérêt privé et, devant
la cour, n'existent pas des parties au sens du procès judiciaire
privé.
Dans ce cas, la cour examine la loi ou le texte contesté
en le confrontant avec la constitution pour en vérifier la
conformité ou la conformité à cette dernière.
La cour n'a donc pas besoin des parties opposées devant
elle, tout simplement parce que ces parties en réalité n'existent
pas au sens du droit privé.
b) La confusion en matière électorale
L'expérience des dernières élections, dont
le professeur Mampuya Kanunka avait qualifié de mascarade le contentieux
électorale est une belle illustration.
En effet, dans ce cas aussi, il n'y a pas deux parties qui ont
d'obligations et de devoirs réciproquement. Un parti ou un candidat
conteste le déroulement des opérations électorale , il
117 s'agit pour la cour d'examiner le dépouillement, le
décompte des bulletins , le comportement des bureaux de vote ...la cour
aura donc besoin pour bien faire ce travail , des différents
matériels utilisés dans le bureau ou la circonscription objet de
contestation : listes électorales, nombre de bulletin mis à
disposition, présentation physique des listes d'émargements...
elle aura peut-être besoin de se faire expliquer certaines choses par la
CENI ou les responsables de bureaux de vote sans pour autant que ces personnes
ou institution ainsi consultées se transforment en parties .
Malheureusement, la cour suprême avait été
assaillie par les protagonistes, candidats pour défendre leurs versions
sur les manipulations constatées lors de ses élections, venant
pour plaider devant la cour confondant avec la complicité silencieuse
des textes , le procès judiciaire de droit privé ou les parties s
'affrontent et la spécificité d'un procès en droit public
178 . Ce festival de contestation , parfois
précédé de menaces à l'égard des juges de la
cour suprême ne favorise pas la sérénité du travail
des juges .
B) Des pistes pour un vrai procès de droit
public
Pour se prononcer sur la conformité d'une loi à
la constitution ou sur la régularité d'une élection et ,
sur le plan de la procédure , elle ne fonctionne pas comme les
juridictions de l'ordre judiciaire .
Certes , elle à les obligations d'impartialité
et d'objectivité , elle doit motiver ses décisions , examiner
tous les arguments pour et contre la requête et ce en cela que constitue
le « contradictoire » que respecte la déroulement de
l'instruction du dossier et non pas en la présence des parties et
avocats plaidant devant elle comme le prévoit l'article 35 , al, 1er LO
.D'ailleurs en France , la procédure est contradictoire mais comme nous
l'avons déjà dit , mais elle consiste en l'échanges
d'observations écrites . Ainsi, la procédure contradictoire ne
veut forcement pas dire présence des protagonistes et audiences
publiques .
118 Par ailleurs , les délibération de la cour
étant couverte par le traditionnel secret , la publicité admise
de vote conformément à l'article 35 ,al,3 LO , doit être
totale . Il s'agit d'une conception moderne, pourquoi publier les opinions
divergentes sans nom ? Les membres de la cour doivent pouvoir exprimer
publiquement leurs votes en les justifiants par des analyses juridiques. Cette
pratique dans les cours ou elle est utilisée comme aux USA ou à
la cour internationale de justice de la Hayes, elle assure la transparence du
fonctionnement et des décisions de la juridiction dans des
matières ou en dépit, de la nature politique des questions et
même cause de cela , les juges doivent démontrer qu'ils n'ont
été guidés que par le droit .
Cette exigence est d'autant plus vrai en RDC où les
décisions prises dans les domaines constitutionnel et électoral
par la cour suprême en a démontré la
nécessité .
119
CONCLUSION GENERALE
Aujourd'hui, il est beaucoup trop tôt pour apporter, une
conclusion qui sera forcement hâtive. Ou encore pour répondre
définitivement aux nombreuses questions relatives à cette
proposition de loi organique.
En revanche, il n'est pas précipité de constater
un renouveau du constitutionnalisme qu'apporte ce texte tant en matière
des conditions de nominations des juges qui prend en compte à la fois
des éléments locaux (interdiction des nominations des parents et
alliés) et des éléments Plus généralement
admis dans les cours constitutionnelles (obligation d'une majorité de
juristes dans la composition de la cour) .
Par ailleurs, il paraît que la diversité des
voies de procédure offerte par la constitution et reprise par le texte ,
en matière de contrôle de constitutionnalité des lois
concourt à une garantie de la constitution 179 . En effet ,
les contrôles déclenchés à l'initiative
d'autorités politiques , mais aussi de magistrats , voire d'individus ,
sont autant d'occurrence permettant l'épurement de l'ordre juridique par
l'élimination de normes inconstitutionnelles .
Enfin , le contrôle de conformité des lois
à la constitution, mais aussi la délimitation des
compétences entre la loi et le règlement; entre l'Etat et les
provinces enfin entre les ordres juridictionnels(conseil d'Etat et cour de
cassation ) . Outre qu'ils permettent la garantie de la constitution , assure
une fonction régulatrice d'une considérable importance au sein de
l'Etat .
En premier lieu, elle devra résoudre
juridictionnellement les conflits politico-normatifs inhérent à
toute structure régionaliste, elle devra concourir, en second lieu
à désamorcer les tensions politiques issues du parlement ou les
oppositions après les différentes guerres civiles qui ont
179 . S.PEYROU-PISTOULEY.OC.P 67
120 profondément divisées le pays , puis en
dernier lieu, elle constitue un bouclier efficace pour tout individu dont les
droits fondamentaux se trouvent protégés de toute atteinte de la
part du législateur .
En un mot , la cour constitutionnelle devra concourir à
l'enracinement de l'Etat de droit .
Et pourtant d'aucun n'hésite pas à se demander, si
la cour constitutionnelle n'est pas une utopie de plus180.
Le mot utopie s'interprète souvent négativement
sinon péjorativement. Alors que sans la force de l'utopie, le monde
n'aurait pas enregistré dans tous les domaines, autant de
progrès. Il'y a donc des utopies fondatrices qui poussent les
êtres à rompre avec la routine en donnant une nouvelle dimension
à la vie et aux biens.
Cependant , entendu dans le sens d'un projet
irréalisable, un rêve impossible utopie peut également
être accolé à l'instauration d'une cour constitutionnelle
en RDC , tant depuis 47 ans ce projet quoique inscrit dans les dispositions
transitoires des différentes constitutions qu'a connues ce pays ,
demeure le cocon de la chrysalide.181
En outre, il existe des blocages possibles à
l'instauration de la future cour constitutionnelle :
La consécration du droit pénal constitutionnel,
dont le constituant n'a pas daigné laisser au législateur le soin
de définir les infractions, peut paradoxalement être le principal
blocage .
En effet le personnel politique de haut niveau, habitué
à l'impunité totale acceptera t-il de vivre avec une
épée de « Damoclès » sur la tête brandit
par des juges dénués de toute légitimité populaire
?
Aussi , peut-on affirmer que les décideurs feront
preuve de la même volonté et rapidité que les
députés et les experts pour mettre en place la cour ? Il faut
espérer que l'enthousiasme manifesté à l'occasion de
l'édiction de nouvelles normes constitutionnelles ne se transforme en
cauchemar et que les décideurs choisissent en vertu de l'article 223 de
la constitution de conserver la cour
121 suprême de justice qui est certes un organe boiteux
mais à l'avantage d'assurer aux décideurs l'impunité et
les évitent les affres d'une cour constitutionnelle aux « supers
» pouvoirs
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www.senat.fr
III- DOCUMENTS OFFICIELS
ORDONNANCE-LOI 82-017 DU 31 MARS 1982 relative à la
procédure devant la cour suprême de justice au Zaïre.
CONSTITUTION FRANCAISE DE 1958, A jour de la réforme de
juillet 2008 .
CONSTITUTION CONGOLAISE DE FEVRIER 2006
IV-SITES INTERNETS
www.la-constitution-en-afriaue.fr
www.la-vie-des-idees.fr
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TABLE DES MATIERES pages
INTRODUCTION GENERALE 1
CHAPITRE-I: L'organisation atypique de la Cour
Constitutionnelle 9
Proposée par Le rapport du 9 Juin 2008
SECTION-1 Une composition innovante mais
discutable 9
Paragraphe-1: Le choix des membres 10
A) Une désignation partagée 10
B) Une désignation encadrée 14
a) Une expérience juridique ou politique de quinze
ans 14
b) Une interdiction pour éviter le
clientélisme constitutionnel 16
c) Des juristes au coeur de la future cour constitutionnelle
17
Paragraphe-2 : Les compétences
élargies du président 20
A) Un président élu 20
B) Les prérogatives du président de la cour
constitutionnelle 23
a) Un président administrateur 25
b) Le président : principal acteur du procès
constitutionnel 26
Paragraphe-3: Un statut garantissant
l'impartialité 28
et l'indépendance des juges
A) Un mandat long et non renouvelable: gage
d'indépendance 29
B) Réserves et incompatibilités gage
d'impartialité 32
a) Une obligation de réserve 33
b) Le régime des incompatibilités 34
SECTION -2: Les trois catégories de magistrats
constitutionnels 39
Paragraphe-1: Les magistrats du parquet,
l'oeil du pouvoir exécutif 40
A) Composition et Statut des magistrats du parquet 41
B) Quel rôle pour le parquet ? 42
Paragraphe-2: Des conseillers
Référendaires : innovation ou mimétisme ? 43
A) Conseillers référendaires : Assistants ou juges
? 44
B) Un corps de conseiller, avec quel rôle ? 45
Paragraphe-3 : Une diversité des
magistrats pourquoi faire ? 46
A) Trois catégories de magistrats pour quelle
efficacité ? 47
B) Tableau récapitulatif des collaborateurs de la cour
constitutionnelle 49
CHAPITRE- II: UNE COUR SUPREME BIS ?
50
SECTION-1: UNE COUR CONSTITUTIONNELLE AUX COMPETENCES
HETEROGENE 51
Paragraphe-1 : Le juge du contentieux des
normes 52
A) Le contrôle préventif de
constitutionnalité 52
a) Le contrôle de constitutionnalité des lois
52
b) Le contrôle des règlements des
assemblées parlementaires 55
c) Le contrôle des règlements des institutions
d'appui à la démocratie 58
d) Le contrôle des traités et accords
internationaux 59
B) Le juge de la délimitation des compétences entre
l'exécutif et le législatif 61
Paragraphe-2 : Le juge des
conflits de compétences 69
A) Juge des conflits de compétence entre l'Etat et les
provinces 69
B) Juge des conflits de compétences entre ordres
suprêmes juridictionnels 72
Paragraphe-3: La
compétence du juge constitutionnel 75
Vis-à-vis du président de la
république-
A) Juge de l'élection présidentielle aux
compétences réduites 76
B) Le rôle du juge constitutionnel en cas de vacances de
pouvoir 78
SECTION-2: LE JUGE CONSTITUTIONNEL : JUGE PENAL DE
L'EXECUTIF 80
Paragraphe-1 : Une conception
assez large des infractions 81
Pénales du pouvoir exécutif
A) La définition des actes relevant de la
compétence pénale de la cour 82
B) Les limites de la compétence pénale du juge
constitutionnel 85
Paragraphe-2: Une
procédure pénale assez complexe 88
A) Une procédure concentrée entre les mains du
procureur général 89
B) Le rôle des officiers de police et les effets de la
condamnation. 90
a) Les officiers de police judiciaire,
91 Détenteur d'un rôle difficilement réalisable
b) Les effets de la condamnation 92
Paragraphe-3: Le
régime de la responsabilité pénale de l'exécutif en
RDC, 92
Confronté aux autres régimes-
A) La responsabilité pénale de l'exécutif
en RDC,
Confronté aux régimes existants au Congo et au
Bénin 93
B) Le régime de la responsabilité pénale de
l'exécutif en RDC,
Confronté aux régimes occidentaux 94
CHAPITRE-III: LA PROTECTION DES DROITS CITOYENS
96
AU COEUR DE L'ACTION DE LA FUTURE COUR
SECTION-1: UN DROIT DE SAISINE LARGEMENT OUVERT
97
Paragraphe-1: La saisine du juge constitutionnel
par les citoyens. 98
A) Les recours directs d'inconstitutionnalité. 98
B) L'exception d'inconstitutionnalité. 101
Paragraphe-2 : Le
ministère public, garant de la défense des droits,
104
et libertés fondamentaux des citoyens
A) Une compétence indispensable 104 pour
l'édification de l'Etat de droit.
B) Une compétence dont le régime reste à
déterminer. 106
SECTION-2: LA MISE EN PLACE D'UN VERITABLE PROCES
CONSTITUTIONNEL 108
Paragraphe-1: Le juge
constitutionnel, acteur d'un procès assez original 108
A) La recevabilité de la saisine par la cour
constitutionnelle. 109
B) La procédure et le traitement de la saisine
111 recevable devant le juge constitutionnel1
Paragraphe-2: Procès constitutionnel :
spécificité ou confusion ? 113
A) Des éléments de confusion en matière de
contrôle 114
de constitutionnalité et en matière
électorale
a) La confusion en matière de contrôle de
constitutionnalité des lois 115
b) La confusion en matière électorale 115
B) Des pistes pour un vrai procès de droit public. 116
CONCLUSION GENERALE 118
Bibliographie 120
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