CHAPITRE III.-
ANALYSE EMPIRIQUE DE LA MICROFINANCE
Chapitre 3.- ANALYSE EMPIRIQUE DE LA MICRO
FINANCE
Ce présent chapitre, en fait le dernier mais pas le
moindre, est consacré à une analyse de la micro finance à
plusieurs niveaux. Premièrement, il présentera
l'expérience de la micro finance à travers le monde en
considérant le résultat des institutions comme La Banque Grameen
du professeur Muhummad Yunus, La Bancosol de la Bolivie, Les banques
villageoise d'Indonésie etc.. Ensuite, le cas d'Haïti sera
présenté globalement pour enfin vérifier notre
hypothèse de travail avec le cas léogânais.
A) L'expérience de la microfinance dans le
monde
La banque Grameen au Bengladesh, certainement la plus
célèbre parmi les institutions de micro finance est citée
comme la pionnière de la micro finance. Fondée en 1974 par
Muhummad Yunus un professeur d'université qui tentait de trouver des
réponses à la détresse de la population bengalie
accablée par les inondations. Celui-ci a commencé par donner des
très petits crédits à des femmes, qui investissaient
l'argent dans des petites activités lucratives et leur permettaient de
sortir de la détresse, tout en honorant leurs dettes. Entre temps, la
banque Grameen est devenue l'une des plus grandes institutions de micro finance
dans le monde. Elle a servi de modèle partout dans le monde tant aux
États Unis d'Amérique qu'en Europe. La Grameen compte
essentiellement des femmes dans sa clientèle, lesquelles doivent passer
un processus de formation et d'information au sujet des préceptes de la
banque, avant d'obtenir un prêt. En 1998, elle compte 2,4 millions de
clients et un portefeuille d'environ 322 millions de dollars. La Grameen n'est
actuellement pas encore autosuffisant compte tenu du fait que son but est avant
tout social.
En plus de la Grameen Bank, il y a aussi la « Banco
Solidario » ou BANCOSOL » en Bolivie l'une des plus grandes
institutions de micro finance en Amérique Latine. Elle fut fondée
en 1987 comme une Organisation Non Gouvernementale d'aide au
développement. En 1992, ses fondateurs ont décidé de
transformer l'ONG en banque depuis, BANCOSOL n'a cessé de croître.
Elle a donc un but principalement lucratif et atteint des profits qui lui
permettent de couvrir ses coûts opérationnels et financiers. Ses
clients bien que parmi les plus pauvres au départ comptent actuellement
dans leurs rangs des personnes vivant juste au dessus du seuil de
pauvreté. BANCOSOL avait 81503 membres en 1998 et une porte feuille
supérieur à 74 millions de dollars.
La micro finance a connu aussi un certain succès en
Indonésie. La banque Rakyat d'Indonésie (BRI),
propriété de l'état, a créé des
unités de banques locales décentralisées appelées
Unit Desa. Ces unités destinées à octroyer des prêts
à la population locale, sont basées sur l'idée que la
micro finance est une affaire rentable. Durant la crise financière
asiatique, le taux de remboursement n'était pas plus bas que 97,8 %. En
1998, les Unit Desa prêtaient à 2 millions de personnes et avait
au total 16 millions d'épargnants, leur portefeuille total
s'élevait à 2014 millions de dollars.
Il y aussi le programme de micro finance de la Badon Kredit
Dessa ressemblant fortement à celui de la BRI mais avec une plus grande
affinité pour les plus pauvres de la population rurale
Indonésienne. Il est moins connu que les Unit Desa de la BRI car sa
clientèle est moins nombreuse. Mais les unités de la BKD ont la
particularité de canaliser leurs prêts à travers les
autorités locales et non des guichets bancaires dans les villages. Elle
a environ 766,000.00 membres et 54 millions de dollars en porte feuille de
prêts.
Le système des banques villageoises mis sur pied dans
les années 80 en Amérique latine par une organisation non
gouvernementale (ONG) nord américaine, FINCA (foundation for
international community assistance) compte environ 90 000 clients dans le monde
et un porte feuille de 17 millions de dollars. Ce modèle a
été répliqué environ 300 fois dans 25 pays
différents. (Voir tableau 4, cf. Morduch Joanna, 1999 à
l'annexe)
A coté d'une douzaine de grandes institutions de micro
finance dont celles citées ci-dessus, le secteur est composé
d'une myriade de moyennes et petites institutions réparties dans le
monde. Selon une publication de la banque mondiale, le secteur comptait en 1996
environ 1000 institutions de plus de mil clients qui offraient des services
financiers aux pauvres et qui avaient été fondées en
1992.
Apres avoir constaté à travers les chiffres
précédents les efforts qui ont été
réalisés dans certains pays à travers la micro
crédit. Il nous devient un impératif de nous tourner vers le
marché haïtien.
B) Analyse Empirique de la Microfinance en
Haïti
Les activités de micro finance en Haïti sont
conduites par des structures juridiques diverses : coopératives,
Sociétés privées, Organisation non gouvernementale,
Associations, Institutions Religieuses, Fondation. Pour desservir leur
clientèle, ces institutions sont emmenées à pratiquer une
ou plusieurs méthodologies à la fois. Les plus recensés
sont : crédit direct, groupe solidaire, banque communautaire et
mutuelle de solidarité. Plusieurs d'entre elles pratiquent plus d'une
méthodologie. La méthodologie du crédit direct est
cependant la plus utilisée par les institutions de microfinance
haïtiennes.
Il faut aussi souligner que ce secteur, la microfinance est en
train de faire son petit bonhomme de chemin en Haïti.
En 2002, on a recensé 147 institutions de micro finance
contre 132 en 1999 réparties comme suit sur les neuf départements
du territoire national.
En 1992 on a recensé :
17 IMF dans le Nord soit 12.9 %
5 dans le nord-ouest soit 3.8 %
11 dans le nord-est soit 8.3 %
15 dans l'Artibonite soit 11.4 %
7 dans le centre soit 5.3 %
44 dans l'ouest soit 33.3 %
13 dans le Sud soit 9.9 %
7 dans le sud-est soit 5.3 %
13 dans le Grand-Anse soit 9.8 %
On a pu constater aussi une certaine concentration des
institutions de microfinance dans le département de l'Ouest en 1999 soit
33%. Ce qui reflète en quelque sorte la réalité
économique du pays.
Parallèlement ces institutions sont peu
présentes dans le Nord-ouest. 5 sur 132 soit un taux de 3.8% de la
population des IMF recensées sur le territoire national. Le plus bas
taux de représentation des institutions de microfinance par
département.
Toutefois, de 1999 à 2002 les choses ont
évoluées.
17 ont été encore une fois recensée dans
le nord sur 147. Soit un taux de représentation de 11.8 cette
fois-çi.
10 pour le Nord-ouest soit 6.8%
12 pour le nord-est soit 8.2 %
13 pour l'artibonite soit 8.8%
7 pour le centre soit 4.8%
42 pour l'ouest soit 28.6 %
18 pour le sud soit 12.2 %
17 pour le sud-est soit 11.5 %
11 pour la Grande Anse soit 7.5%
Jusqu'à 2002, on a pu constater encore une fois une
concentration des IMF dans le département de l'ouest mais à un
niveau moindre soit un taux de 28.8 % contre 33% en 1999. Il faut dire aussi
leur présence est intensifiée dans le nord-ouest dix en 2002
contre cinq en 1999 ; le nombre a doublé. On a passé de 3.8
à 6.8 en pourcentage. Une forte augmentation du nombre a
été aussi observée dans le sud-est. Le nombre a fait plus
que doublé. On a passé de 7 à 17 et en pourcentage de 5.3
à 11.5 %.
Le tableau qui suit présente la répartition des
Institutions de Micro finance par département et méthodologie
employée.
Tableau 5.- Répartition des IMF par
département et méthodologie de crédit utilisée en
2002.
Département
|
Nombre
D'IMF
|
Méthodologie de Crédit
|
Caisse Populaire
|
Crédit Direct Individuel
|
Banque Communautaire
|
Groupe Solidaire
|
Mutuelle de Solidarité
|
Nord
|
17
|
6
|
4
|
5
|
2
|
-
|
Nord-Ouest
|
10
|
5
|
2
|
2
|
1
|
-
|
Nord-Est
|
12
|
6
|
2
|
1
|
2
|
1
|
Artibonite
|
13
|
8
|
3
|
-
|
2
|
-
|
Centre
|
7
|
3
|
|
2
|
2
|
-
|
Ouest
|
42
|
15
|
11
|
9
|
5
|
2
|
Sud
|
18
|
7
|
4
|
5
|
2
|
-
|
Sud-est
|
17
|
5
|
4
|
3
|
4
|
1
|
Grand-Anse
|
11
|
5
|
2
|
3
|
1
|
-
|
TOTAL
|
147
|
60
|
32
|
30
|
21
|
4
|
Source : Base de données. DAI/FINNET
En effet, une enquête menée par la DAI/FINNET en
2003 sur l'offre de la micro finance en Haïti révèle sur un
échantillon de 15 institutions de micro finance, 33% interviennent
uniquement dans le milieu urbain. Toutefois, le même pourcentage 33%
d'entre elles intervient à la fois dans les milieux urbains,
péri-urbains et ruraux.
Selon les résultats de cette même étude on
a pu déceler que les crédits octroyés concernent
trois secteurs spécifiques :
a) les entreprises informelles ayant un employé
b) les entreprises informelles ayant 2 à 5
employés
c) les entreprises enregistrées
27% des sondés ciblent exclusivement les entreprises
informelles ayant un employé et 67 % desservent plus qu'un secteur
à la fois. Il faut aussi souligner que parmi les IMF desservant plus
qu'un secteur, 40% d'entre elles octroient aussi du crédit aux
entreprises enregistrées. Le secteur bénéficiant le plus
les activités de micro finance est celui de l'informel avec 94 % des
résultats.
Divers critères sont utilisés par les IMF pour
sélectionner, cibler leur clientèle. Une seule institution se
réfère à un type spécifique qui est le genre. Le
niveau de pauvreté est le plus commun, utilisé par 60% des
enquêtés. L'ensemble des institutions s'intéresse à
plus d'un aspect dans le ciblage de la clientèle. Par exemple 5
institutions soit 30 % se réfèrent à 4 critères qui
sont le niveau de pauvreté, le genre, le secteur d'activité
économique et la zone géographique.
Les produits de crédit offerts par les IMF
haïtiennes sont au nombre de quatre :
a) Prêt fonds de roulement
b) Prêt à l'investissement
c) Prêt à la production
d) Prêt logement
Nous pouvons remarquer que de façon
générale les IMF n'octroient pas des prêts à la
consommation. Dans la majorité des cas les prêts sont
octroyés pour une période allant de 4 à 10 mois avec des
taux d'intérêt variant dans un intervalle de 24 à 36% l'an.
Certains arrivent jusqu'à 36-42% et même plus. Pour les
prêts à l'investissement et à la production certaines parmi
les IMF accordent des prêts allant jusqu'à 24 mois et plus. En
effet, elles ne sont pas nombreuses celles qui octroient des prêts au
logement. La période de remboursement pour cette catégorie
s'étend sur 10 à 12 mois et les taux d'intérêt ne
dépassent pas 36%. Ce que le tableau çi-après
traduit :
Tableau 6.- Répartition des IMF en HAITI suivant
les produits offerts, la durée des prêts octroyés et les
taux d'intérêt.
Produits Offerts
|
Nbre IMF
|
Durée (mois)
|
Tx d'Intérêt Annuel
|
4-6
|
6-10
|
10-12
|
12-24
|
>24
|
12-24
|
24-36
|
36-42
|
>42
|
FDR
|
15
|
11
|
4
|
0
|
0
|
0
|
2
|
9
|
2
|
1
|
INVEST
|
7
|
2
|
2
|
1
|
1
|
1
|
1
|
4
|
1
|
1
|
PROD
|
11
|
1
|
5
|
4
|
1
|
0
|
1
|
6
|
2
|
1
|
LGMEN
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
0
|
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : Base de Données / DAI/FINNET-2003
Légende :
FDR: Fond de Roulement PROD :
Production LOGMEN : Logement INVEST :
Investissement
En gros, les IMF haïtiennes ont financé une
multitude d'activité. Sans avoir la prétention de donner une
liste exhaustive on peut citer :
1. Dans le milieu urbain
· Le petit commerce (boutiques, quincailleries, marchands
ambulants....)
· L'artisanat (sculpture, peinture, poterie...)
· Les petites industries de production (fabrique de
blocs, de sachets, ateliers de couture, d'ébénisterie, de
ferronneries, de garages etc...)
· Les services (bar-restaurant en chambre et trottoir,
salon de coiffure, photocopie, transport en commun, les cireurs de chaussure
etc.)
· Les petits métiers (ferblantiers, cordonniers,
maçons, charpentiers, tailleurs...)
2. En milieu Rural
· L'agriculture
· Des unités de stockage de produits agricoles
· Le petit commerce (boutique, madame Sara)
· Des unités de transformation des produits
agricoles (les moulins, les cassaveries, les unités de fabrication de
beurre d'arachide/ mamba, de confiture)
· L'artisanat (vannerie, broderie, tissage, peinture,
sculpture)
· Les petits métiers (ébénisterie,
charpentiers, maçons, forgeron, tailleur, coiffeur.)
De 1999 à 2002 les IMF haïtiennes ont passé
de 49551 à 61778 clients soient une augmentation de 4075 clients par an.
Un taux de croissance moyen de 8% l'an. Un portefeuille de crédit de
834, 706,160.00 gourdes contre 381, 455,785.00 gourdes en 1999. Soit une
augmentation de plus 150 millions de gourdes en moyenne par année. Un
taux de croissance moyen de 39% par année.
Voilà, en quelque sorte ce qu'a été le
système financier haïtien à partir de ses composantes
formelles et informelles. Il fallait présenter la situation globale
avant de faire état de la situation spécifique qui est l'objet de
notre travail de recherche la distribution de crédit à
Léogâne.
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