B Enjeux et problématiques régionales
Les principaux enjeux régionaux sont bien
évidemment le pétrole et le gaz. L'exploitation des très
importantes réserves on-shore et off-shore est d'un intérêt
vital pour les pays riverains qui produisent et pour les pays occidentaux qui
importent. Au delà des problématiques énergétiques,
la caspienne est aussi un lieu de tensions pour la pêche, la production
de caviar, la navigation et de nombreux problèmes sont liés
à l'environnement, à la pollution ainsi qu'à la gestion de
l'eau. Par conséquent ce sont tous ces enjeux qu'il s'agit de prendre en
compte.
2
1) Le pétrole
En 2003, la production des pays de la Caspienne
(exceptés l'Iran et la Russie qui ne produisent pas encore en offshore)
s'élevait à 1,5-1,7 million de barils par jour. En 2010, elle
devrait se situer entre 2,4 et 5,9 millions de barils par jour. Sont
principalement concernés les pays du nord de la Caspienne : le
Kazakhstan et l'Azerbaïdjan. Avec une consommation faible, ils exportent
une grande partie de leur pétrole.
2 «Données sur le pétrole »,Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE)
Géostratégie de la
Caspienne
Selon certaines prévisions occidentales, la demande
mondiale sur le pétrole doublera durant les 25 prochaines années,
pour passer de 70 millions de barils par jour, à 140 millions vers 2020.
Trois régions du monde sont capables de répondre à cette
demande : le Moyen-Orient, l'ex-URSS et la Chine qui disposerait d'importantes
réserves.
2) Le gaz
La région de la mer Caspienne contiendrait entre 6 %
et 10 % des réserves mondiales de gaz naturel. Au sein de cette
région, les Républiques du Turkménistan, du Kazakhstan,
détiennent de grandes quantités de réserves
prouvées et figureraient ainsi parmi les vingt pays disposant des plus
importantes réserves de gaz naturel au monde. L'accès à
ses puits constitue un enjeu principal pour l'Europe dont la consommation de
gaz est croissante depuis les 20 dernières années.
3) La pêche et le commerce du caviar.
Le secteur de la pêche est aussi une cause de litige entre
les Etats riverains de la Caspienne, principalement à propos de la
pêche à l'esturgeon et la production de caviar.
Après la chute de l'Union soviétique,
l'activité de la pêche a beaucoup diminué sur les bords de
la Caspienne, notamment en Azerbaïdjan suite à la fermeture de
nombreuses conserveries. La pêche illégale et le commerce
d'esturgeon et du caviar permettent à des milliers de gens dans des
villes littorales de survivre mais en vingt ans, la pollution et le braconnage
ont eu pour conséquence une baisse de 90 % des esturgeons dans la
Caspienne, passés de 142 millions à 12 millions3. Les
désaccords sur la pêche entre les pays riverains sont dus en
grande partie au vide juridique actuel autour du statut de la Caspienne.
4) Le statut de la mer caspienne
L'enjeu juridique autour du statut de la mer Caspienne et de
son partage est au coeur des problématiques au sein de cette
région. L'absence de statut juridique suscite des rivalités et
accroît les tensions compte tenu des importantes ressources de cette mer,
particulièrement les ressources off-shore.
La principale question est de savoir si la loi internationale
sur la mer adoptée en 1982 par la Convention des Nations Unies peut
s'appliquer à la Caspienne déterminant ainsi pour chaque pays
riverain des limites d'eaux territoriales, de zones économiques
exclusives, et de plateforme continentale. Cela aboutirait à une
division de la mer entre les cinq pays qui imposeraient ainsi leur
souveraineté sur leur zone.
Il y'a donc des divergences. Certains pays comme le Kazakhstan
et l'Azerbaidjan défendent l'idée que la Caspienne est une mer
fermée, tandis que la Russie et l'Iran souhaite lui voir appliquer le
statut de lac. En droit international, l'utilisation des ressources d'un lac ne
peut se décider qu'à l'unanimité des pays riverains, alors
que chaque Etat riverain se voit attribuer des zones dont il est libre
d'exploiter les ressources dans le cas d'une mer. De plus, s'il s'agit d'un
lac, les richesses offshore sont réparties en cinq parts égales,
alors que s'il s'agit d'une mer les eaux territoriales ne dépassent pas
12 miles4 soit un peu plus de 22
kilomètres. Depuis 1991, les pays concernés
militent pour le statut correspondant le mieux à leurs
intérêts du moment qui évoluent avec la localisation de
nouveaux gisements. Le fait est que le Kazakhstan et l'Azerbaïdjan
disposant d'importantes réserves offshore ne veulent pas se les voir
partager avec la Russie et l'Iran dans le cas ou la Caspienne serait
considérée comme un lac. Une Organisation de coopération
des pays de la Caspienne encore à créer permettrait surement de
résoudre le problème du statut de la mer Caspienne sans que
l'affaire soit portée devant la Cour internationale de justice.
Des progrès ont été fait très
récemment
lors du sommet des pays riverains de la Caspienne qui s'est
tenu à Téhéran en Octobre 2007. D'après les chefs
d'états présent (Russie, Kazakhstan, Azerbaidjan,
Turkménistan et Iran). le statut juridique de la mer Caspienne sera
défini dans le cadre d'une convention
3 Données de la Convention des Nations unies sur le
commerce international des espèces menacées.
4 Un mile nautique équivaut à environ deux
kilomètres. (1,85km)
servant de cadre juridique de base, dont l'adoption n'est
possible que par accord unanime de tous les pays riverains5". Selon
la déclaration faite lors de la conférence à
Téhéran, «jusqu'à la définition du nouveau
statut juridique de la mer Caspienne, ses eaux seront soumises aux
régimes de navigation et de pêche en vigueur, adoptés
conformément aux droits souverains des Etats riverains, et
régissant l'activité des navires qui peuvent arborer uniquement
les pavillons des pays riverains ». La convention devra définir des
règles en matière de protection de l'environnement et
d'exploitation des ressources biologiques et minérales.
5) L'eau et Lesfluctuations du niveau de la
mer
Après avoir baissé depuis les années 30
jusqu'en 1978, le niveau de la mer Caspienne est remonté de plus de deux
mètres, inondant des millions d'hectares et menaçant les
installations portuaires et industrielles. Depuis 1995, le niveau se serait
stabilisé et baisserait même de 25 cm par an, selon des
relevés par satellite.
La gestion de l'eau, canalisation et irrigation ( pour la
culture du coton ) est aussi un problème. Celle-ci est la plupart du
temps mal gérée car l'eau des canaux s'infiltre ou
s'évapore, et les erreurs des planifications soviétiques n'ont
pas été reprises et transformées de manière
à gérer l'eau d'une façon équitable et
renouvelable. Alors que la mer Caspienne semble remonter, la mer d'Aral ne
cesse de s'assécher depuis les années 1970. Cette mer
intérieure située entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan a
perdu plus de la moitié de sa surface car le Turkménistan, le
Kazakhstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan ne cesse de pomper de l'eau (
principalement pour la culture du coton ) dans le fleuve Amour daria et Syr
daria qui se jette dans la mer d'Aral. Cet assèchement a des
conséquences catastrophiques sur l'écosystème et
l'économie de la région du karakalpakstan ( région de
l'Aral ). La ville de myunak un des plus gros ports de pêches de l'URSS
sur les rives de la mer d'Aral, qui comptait autrefois plus de 40 000 habitants
est aujourd'hui une ville déserte de 2000 habitants où les
bateaux rouillent sur ce qui est maintenant un désert en extension, la
mer s'étant reculé en moyenne de plus de 100
kilomètres.
6) La pollution
Si le phénomène de la pollution
pétrolière de la mer Caspienne ne date pas de ces vingt
dernières années, l'augmentation du trafic contribue à
renforcer les risques de pollution massive. Un seul puit rejette dans la mer au
cours de son exploitation entre 30 à 120 tonnes de pétrole soit
10 % de sa production. A cela viennent s'ajouter les déchets de toutes
sortes et principalement chimiques que drainent les fleuves qui s'y jettent et
tout particulièrement la Volga. Selon certaines sources, la pollution
engendrée par les eaux usées rejetées par l'industrie
lourde représenterait 65 % de la contamination de la Caspienne et est
responsable de nombreuses maladies et cancers.
A cela s'ajoute toutes les pollutions dues aux anciennes
usines soviétiques non reconvertis lors de la chute de l'URSS et
aujourd'hui en ruine à ciel ouvert. Des régions entières
sont considérées comme dangereuses par de nombreux habitants qui
ne savent pas vraiment quelles étaient les véritables
activités de ces industries soviétiques. Certaines, chimiques
servaient à fabriquer des armes (anthrax etcÉ), d'autres
étaient des industries de transformation très polluante et dont
les rejets toxiques sont encore un problème aujourd'hui. C'est le cas en
Azerbaïdjan dans le nord de Bakou, ou encore sur les îles de la mer
d'Aral ou des industries secrètes d'armement et de recherche en
bactériologie se trouvaient. Les militaires soviétiques ont
abandonné les lieux après la chute de l'URSS. Personne ne sait
aujourd'hui dans quels états sont ces installations. Cependant en 2001
les Etats-Unis se sont engagés à nettoyer les îles pour un
montant de 6 millions d'euros.
5 Déclaration adoptée au terme du sommet des
dirigeants des pays riverains de la Caspienne en Octobre 2007 à
Téhéran.
Géostratégie de la
Caspienne
7) Les enjeux pour l'Europe
Les vastes ressources en gaz et en pétrole de la
Caspienne sont importantes pour la prospérité et la
sécurité énergétique de l'Europe. Dès 1995,
le programme INOGATE financé par l'Union européenne a eu pour but
de permettre à l'UE d'accéder à de nouvelles sources
d'énergie notamment en Russie et dans le bassin de la mer Caspienne. Le
Conseil de l'Europe a déclaré dans une résolution d'avril
2003 que «la région de la mer Caspienne occupe une place de plus en
plus centrale pour la sécurité énergétique et la
prospérité européennes». Ainsi la région de la
Caspienne est aujourd'hui un des principaux centres de l'énergie
européenne.
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