CONCLUSION GENERALE
Comme le souligne Machiavel : «Si on veut qu'une
religion, une république survive, il faut sans cesse et constamment la
ramener à ses principes». C'est pourquoi, à travers
chaque type d'évaluation, quel que soit le niveau de
préoccupation - efficience, efficacité, impact - il convient
à chaque fois de se poser la question des principes
générateurs fédérateurs de la politique publique
concernée et de revenir aux finalités, au sens donné
à l'action publique qui justifie par là même la
légitimité de l'intervention.
C'est plus vrai encore s'agissant du secteur social où
on a pu constater l'importance de spécifier le champ de
l'évaluation à la fois, s'agissant, certes, de son champ de
temporalité et d'action mais aussi et surtout, l'importance, de la
dimension spatiale pour situer, au delà de l'espace de
référence permettant d'apprécier les effets réels
de l'intervention et les possibilités d'extension y afférant, les
différents degrés de responsabilités s'entremêlant
voire s'entrechoquant.
Ces derniers sont autant d'indices précieux ayant
permis de mettre en exergue s'il en était encore nécessaire le
rôle croissant du département. Entité historique de
référence des désormais, politiques sociales inclusives,
niveau opératoire de ces dernières, entité combinant
l'agglomération des services de l'Etat et une réalité
préexistante, le département comme acteur évaluatif se
heurte à un enjeu qui pourrait le dépasser. Comment en effet, ne
pas craindre que la politisation du social via une pratique évaluative
portée au nu, ne finisse par aboutir à un résultat
inversement proportionnel au but originel ? C'est-à-dire, à
une recentralisation progressive de cette dernière, au dépend
d'une logique de traitement de proximité. L'inclusion sociale et la
pratique évaluative qui l'accompagne ne risquent-ils pas de mettre
à jours la faiblesse du département face à ce défi
de lutte contre les exclusions ? Et finalement, couplé à la
réforme de la loi de décentralisation n'assiste-t-on pas
impuissant, du moins sur la branche sociale, à un étouffement
lent de l'entité départementale, collectivité providence
historique, mais sans doute trop rapidement confrontée à une
politique ambitieusement susceptible de la mener à sa perte au profit
d'un niveau plus efficace ?
Ces questions ne trouveront sans doute pas une réponse
formelle et univoque mais, les différentes pistes
précédemment évoquées peuvent permettre de
commencer à en ébaucher une, qui demeure à ce jour
prospective, s'agissant surtout de la potentielle disparition de
l'échelon départemental. Ainsi si la réforme
constitutionnelle de décembre 2003 aboutit belle et bien à graver
dans le marbre que « Les collectivités territoriales de la
République sont les communes, les départements, les
régions, les collectivités à statut particulier et les
collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute
autre collectivité territoriale est créée par la loi, le
cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs
collectivités mentionnées au présent
alinéa», laissant clairement entrevoir l'arme
permettant d'abattre le niveau départemental au profit de la mise en
place d'une structure géographique plus pertinente. Rien ne saurait
cependant affirmer que tel en sera le cas et bien heureux celui qui pourrait le
prédire.
Il est donc pertinent de se demander si, en tant que lieux de
définition de la politique d'action sociale, les départements
n'ont cependant pas encore de beaux jours devant eux à mesure que
s'exacerbent les problèmes sociaux : vieillissement de la population et
progression des personnes âgées dépendantes,
précarisation des jeunes, exclusion du marché du travail des
personnes en difficulté, etc. Au regard des incertitudes qui
émaillent le contexte post-décentralisateur, la réflexion
prospective n'en prend que plus de légitimité afin non pas de
dessiner arbitrairement un chemin, mais bien pour esquisser des scénaris
d'évolution possibles, probables et (peut-être) souhaitables
susceptibles de fonder des recommandations politiques. La tentation
apparaît donc grande de solliciter massivement les départements
tant ceux-ci paraissent, moins que les autres collectivités,
exposés au contrôle démocratique des citoyens, si ce n'est
lors d'élections marquées par de faibles taux de
participation.
Une lecture possible serait celle d'une progression de
l'imposition locale traduisant une forme de redistribution des ressources peu
favorable aux classes populaires (au regard des modalités de
l'impôt local) sous l'effet de la sollicitation croissante des
collectivités territoriales, et notamment du département, dans la
gestion des effets des problèmes socio-économiques. Mais cette
augmentation ne peut être pérenne sur le long terme, au mieux un
quick fix compte tenu de l'effet de plafonnement inhérent aux
impôts locaux.
L'un des effets induits de cette décentralisation de
nouvelles compétences pourrait aussi bien être, et c'est plu
probable, la clarification des pôles de compétence de chaque
collectivité contrainte de resserrer des dépenses croissantes
autour de ses priorités avec la perspective possible d'un retrait
progressif des départements de l'aide aux équipements communaux.
L'actualité récente ne nous fournit que trop d'indices pour ne
pas penser à cette tendance.
REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE
La double contrainte des collectivités
territoriales entre évaluation et prévention
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