Refexion sur l'inclusion sociale - la double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention( Télécharger le fichier original )par Yann WELS Université Aix-Marseille 3 - Master 2 2006 |
Chapitre 2nd : La circonscription de l'action entre légitimation et dépolitisationLa multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices en sorte qu'un État est bien mieux réglé lorsque n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées. René Descartes, 1637 C'est finalement l'ultime interrogation qui se pose à ce stade de la réflexion sur l'inclusion sociale à savoir : sa place dans le discours politique. On comprend l'impérieuse nécessité de se poser au final cette interrogation si l'on songe bien entendu à la place prépondérante prise par la question de la pauvreté et donc de son traitement dans le discours politique, bien qu'à bien y réfléchir on pourrait s'interroger sur la relation inverse à savoir la pauvreté peut-elle être saisie par le politique. Bien qu'à la marge du discours politico-juridique naissant sur l'inclusion, cette relation trouve à se justifier plus encore si l'on songe qu'on se la pose à une échelle bien circonscrite et déterminée celle du territoire, non pas nationale comme on a coutume de le faire ou de le trouver, mais au niveau opératoire des politiques inclusives françaises, celui de la collectivités territoriales, qu'il soit département ou région. L'enjeu à cette échelle est tout autre. Comme le souligne M. Autès : «Trois éléments expliquent le retour au territoire : le tournant néo-libéral qui se traduit notamment par le développement des aides à la personnes en lieu et place des interventions collectives, des formulations de la justice en terme d'équité et non d'égalité qui conduisent à des politiques de discrimination positive et qui mettent en question notre conception de l'égalité républicaine, enfin la critique du rôle social de l'Etat»193(*). Le territoire local tend ainsi à suppléer l'Etat, et devient au-delà du cadre opératoire des politiques inclusives, l'échelon auquel se joue son avenir politique. En effet, bien que par nature, il s'agisse d'une action dépolitisée puisqu'elle est aussi bien menée par la gauche que par la droite, l'activité «sociale» ne remplit pas moins une fonction politique dont il va convenir de saisir la dimension puisqu'elle permet à la fois de légitimer son existence mais risque aussi d'autoriser une évanescence. Ainsi il convient de traiter la congruence de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive (I), passage obligatoire pour saisir l'enchevêtrement des niveaux de lecture (II), imposant ipso facto une distinction nécessaire entre le politique et la démarche inclusive (III) gage d'une action pérenne. I. La congruence de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive Les théories de la gouvernance envisagent l'action publique comme une action à plusieurs au sein de laquelle sont amenés à interagir une multitude d'acteurs qui tous ont un intérêt pour agir. S'intéressant tout particulièrement aux phénomènes de privatisations et d'intrication du public et du privé, ces théories envisagent la sélection des acteurs pertinents à partir de l'ingénierie et du design institutionnel. La littérature sur les réseaux de politiques publiques analyse les processus de sélection et de hiérarchisation entre les différents acteurs des politiques publiques. Dans l'univers incertain et surpeuplé de l'action publique contemporaine, les «problèmes», les «solutions» et les acteurs qui en sont porteurs font l'objet d'un nécessaire processus de sélection, permettant par là même de réduire l'incertitude et de produire de la cohérence. S'intéresser aux acteurs, lieux et moments où un problème défini comme public se transforme en dispositifs concrets de politique publique aboutissant à la réduction ou l'élargissement et, dans tous les cas, à la répartition des pouvoirs entre acteurs jugés aptes à participer permet de mettre en lumière la congruence (l'association) de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive. Dans cette thématique d'ensemble, deux pistes ont attiré l'attention s'agissant de la production d'une action publique inclusive mêlée de démarche évaluative : une forme de mise en équivalence de l'action et du politique (A), ainsi que la correspondance de la légitimation de l'action et de sa juridicisation (B). Ces deux pistes participant l'une et l'autre à la démonstration de l'émergence de la Collectivité Providence.
Il convient de revenir à la vision et aux critiques actuelles du département. Ces dernières, pas nouvelles, font preuve d'une singulière répétition et permettent de saisir la nécessité d'une équivalence de l'action publique et de sa parallèle et nécessaire retranscription politique. Si, dans les années 1960, les élites locales voient le département comme un cadre d'action naturel, il n'en est pas de même chez de nombreux experts (économistes, urbanistes, hauts fonctionnaires) qui incriminent son inadaptation au regard des impératifs de développement économique. Cette critique transparaît aujourd'hui à travers les appels en faveur de nouveaux territoires de projet. Considéré comme une assemblée de notables, dont l'autorité reposerait sur une assise conservatrice, le Conseil général ne suscite guère l'enthousiasme. Dans cette logique, le conseiller général se voit quelque peu disqualifié en contrevenant à la figure moderne de l'entrepreneur politique, accolée le plus souvent aux leaders urbains. Il est appréhendé comme le représentant d'intérêts localisés (cantonaux au mieux) et l'animateur d'un micro territoire, bien plus que comme le gestionnaire de la collectivité départementale. Autrement dit, du fait de son mode d'élection (suffrage uninominal à deux tours dans le cadre d'un canton), sa logique d'action serait plus verticale qu'horizontale. L'autre image structurante est celle qui associe les conseils généraux à la ruralité. Ceux-ci relaieraient avant tout les intérêts ruraux et ceux des petites communes, critique fondée sur le constat que les villes occupent une place restreinte dans le système de représentation cantonale. Tout concours donc à faire des départements les lieux de pratiques «archaïques» véhiculant un apolitisme attaché à la ruralité et à la notabilité. Il apparaît donc tout à fait essentiel de discerner dans cette perspective l'action publique à caractère inclusif qui passe notamment par la pratique évaluative et la politisation de cette même action en politique publique. En effet, le social comme champ d'action révèle un intérêt pratique tenant plus à l'affect susceptible de toucher les citoyens, qu'à un domaine d'implication dépolitisé. De sorte, on constate que le social, premier secteur de compétence délégué, nécessite l'adaptation d'un discours singulier imposant le dépassement classique des conceptions politico politiciennes de la thématique. En effet, le social instrumentalisé, permet de cristalliser des oppositions, de marquer la différence ; ainsi c'est dans le discours des élus communistes et du Front National que les dimensions idéologiques sont les plus fortes. Les questions sociales en débat au sein de l'assemblée nationale leur servent de tribunes pour s'adresser à leur électorat et jouer leur position au sein du champ politique dans la compétition qui les oppose aux autres élus. Cette réalité trouve un écho au sein des assemblées locales, territoriales en ce sens qu'elles constituent les niveaux opératoires des dites politique. Qu'ils s'agissent des organisations marginales ou des organisations dominantes, le social s'avère donc être un enjeu toujours essentiellement politique dont l'inscription sur l'agenda répond à des soucis proprement politique de concurrence, d'où la nécessité de coupler toute action publique sociale avec un discours politique de cette action, discours devant être apolitique.
La décentralisation des responsabilités publiques a renforcé, on l'a vu, le pouvoir des autorités départementales. L'acte II ne marque pas une véritable rupture de ce point de vue avec le transfert de nouvelles compétences, et charges gestionnaires, aux conseils généraux. Cette responsabilisation croissante des responsables départementaux sous-tend une redéfinition fonctionnelle de la collectivité qu'il faut évoquer pour envisager son avenir. Elle peut également générer des effets latéraux. Échelle d'organisation des services de l'État, le niveau local et ses dirigeants, bien que divisés par leurs appartenances partisanes vont se trouver confronté à la nécessitée de prendre des décisions, dans un contexte différent, avec une proximité qui peut les amener plus facilement à être jugés sur leurs réalisations. Les politiques sociales segmentées, cloisonnées et la décentralisation qui accompagne apparaissent comme pouvant redonner du sens et une nouvelle cohérence à ce vaste secteur devenu incontrôlable depuis le centre. Le projet politique de décentralisation et donc sa relance, entraînent une modification comme on l'a vu de la gestion, de la rationalisation du social, de sa légitimation et enfin de sa cohérence. Devant la crise du social, les élus locaux apparaissent comme les acteurs légitimes, étant sur le terrain, ils connaissent les besoins des populations. Le niveau de compétence sur le social, n'est par ailleurs pas le même à l'assemblée nationale et dans une collectivité locale : les députés ont à dire le droit, à poser des principes universels, alors que les élus locaux ont à mettre en oeuvre, à définir une application à partir de la règle de droit. Se dessine ainsi bel et bien, la recherche d'une légitimation de l'action via à la fois sa juridicisation et, bien entendu, sa pratique. D'autre part le social que les élus locaux ont à gérer est un social inscrit dans la généalogie de l'assistance, de la prévention et désormais de l'inclusion, ce n'est pas celui de la protection sociale. On peut alors faire l'hypothése que ceux-ci vont plus fréquemment s'appuyer sur des références éthiques, à l'image des élus nationaux à faible capital politique, et ce d'autant plus que la dimension de proximité est une caractéristique de la gestion du social inclusif par les collectivités locales. Le social est avec l'économique l'une des questions autour desquels s'opère le plus aisément les classements politiques constituant un repère fondamental dans la démarcation globale de la droite et de la gauche. Il sert de principe de localisation relative de toutes les formations politiques à l'intérieur de l'espace qu'elle forme, fournissant partout un terrain propice à la disqualification de l'adversaire, soupçonné de vouloir mener une politique trop sociale, donc économiquement peu convenable, ou purement économique, donc socialement injuste et politiquement dangereuse, et accusée en s'écartant de son camp de faire le jeu des partis adverses. Cela justifie donc à bien des égards une recherche permanente de légitimité passant, bien entendu, par l'inscription de la politique publique locale dans le cadre d'un dispositif national juridiquement viable, mais aussi, pouvant passer par le prisme d'une évaluation du dispositif mis en place et assurée localement. L'évaluation à ce stade-ci de la légitimation entraîne donc une recherche d'efficacité, de qualité, caractère indissociable de l'enracinement de la culture de la performance jusque dans la pratique politique elle-même. II. L'enchevêtrement des niveaux de lecture L'action publique sociale est exposée au risque permanent d'instrumentalisation au service d'un message politique particulier comme on a pu le traité précédemment. Cette dérive peut être voulue ou subie, selon qu'elle résulte d'instructions ou simplement de biais en lien avec des modalités d'organisation qui prédétermineraient les résultats de l'évaluation. Pour éviter ces écueils, une série de principes, composant une sorte de déontologie, doivent être posés afin que l'évaluation soit indépendante. En plus des règles qu'appelle cet objectif, le pluralisme et la transparence ressortent comme des garanties indispensables dans cette perspective. Ainsi la politique d'inclusion territorialisée montre le maintien d'un principe d'apolitisme des besoins (A) qui permet la recherche de valorisation politique de l'action (B) traits d'un enchevêtrement des niveaux de lecture envisageable de la nécessaire circonscription de l'action entre légitimation et dépolitisation.
Parler d'une recherche de valorisation politique de l'action interroge finalement sur la responsabilité qui s'engage lors de mise en oeuvre de la politique publique, de l'action publique. En matière sociale, en matière d'inclusion sociale, cette responsabilité s'accompagne du fameux processus évaluatif. Se faisant, si il y a mise en oeuvre d'une forme de Collectivité Providence en lieu et place de l'Etat Providence, alors l'un des traits sera logiquement, l'existence de cette responsabilité transmise, transféré aux élus locaux. Dans les démocraties occidentales, le XXème siècle a vu se transformer profondément la responsabilité politique. Le phénomène bien connu en droit constitutionnel du passage d'une séparation des pouvoirs entre législatif et exécutif à une séparation politique entre majorité et opposition, a fait tomber en désuétude les procédures de mise en cause de la responsabilité des gouvernements (motion de censure). A cela, il faut ajouter une autre transformation de la pratique constitutionnelle : la responsabilité individuelle, qu'elle soit politique ou pénale, des ministres n'est plus de mise, au-delà de leur décision de démissionner, sauf les cas ou la «justice politique» (haute cours de justice) est saisie pour les actes qui ont «un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat» selon l'expression de la Cour de cassation. Parallèlement à ces processus rapidement rappelés, il en est un qui touche directement notre problème : il s'agit de la tendance grandissante au transfert de la responsabilité du ministre vers ses proches subordonnés. C'est ainsi que les experts (qui ici seront les évaluateurs) directement inclus dans la hiérarchie gouvernementale (les cabinets ministériels) en tant que conseillers techniques, peuvent se voir responsabilisés, en démissionnant pour servir de paratonnerre au politique qui ne se voit plus appliquer la règle de sa «responsabilité pour fait de son administration». Il s'agit donc en fait d'une responsabilité défaussée, que l'on pourrait dire négative, d'une catégorie spécifique d'experts, à savoir ceux qui ont politisé leurs évaluations en l'engageant dans l'action. L'évaluateur serait dans ce cas plus un «fusible» que véritablement responsabilisé. Deuxièmement, le partage des responsabilités est un impensé des relations actuelles entre les deux types de «gouvernement» (aussi bien juridiquement qu'en termes de répartition des compétences). Il est possible de s'apercevoir de ce manquement à travers les lois qui défèrent aux experts évaluateurs le «devoir d'évaluation» (pour reprendre les termes de la circulaire Rocard de 1989) et à travers les cas où les experts s'incrustent dans l'action publique en train de se faire. Il existe cependant des tentatives pour sortir de cette irresponsabilité. Il émerge en effet des tentatives de conciliation entre d'une part la démocratie représentative, le groupe des experts évaluateurs et la démocratie d'opinion (autre intervenant très peu responsable dans les controverses de l'action publique) qui passent par la valorisation de l'action publique et la médiatisation des enseignements tirée du processus évaluatif l'accompagnant. Ainsi en cherchant à légitimer son action, à la rendre plus visible et compréhensible, le local responsabilise son action. L'évaluation et les responsabilités en la matière sont nécessairement encastrées dans les modes d'exercice de la responsabilité politique. Pour tout gouvernant, «la responsabilité est le passif qui vient équilibrer l'actif de tout pouvoir» qui lui-même «a toujours une double dimension, proportionnelle l'une à l'autre : le droit d'agir, le devoir d'en rendre compte»194(*). Cette obligation constitutionnelle de rendre des comptes publiquement est donc un fondement de l'exercice démocratique des responsabilités du pouvoir exécutif. Dans un monde où la complexité de l'action publique rend beaucoup plus complexe l'analyse et a fortiori l'imputabilité des effets d'une action publique, l'évaluation est la forme cognitive et institutionnelle de cette «accountability», sans laquelle il n'est pas de pouvoir qui puisse être contrôlé par le souverain. Bien plus que la légalité de l'action, ce qui est en jeu dans «l'accountability» et donc dans l'évaluation, c'est la légitimité du pouvoir de gouverner, qui doit être en permanence réassurée, au risque de s'exposer à une perte de crédibilité, quand «l'immunité devient la règle»195(*) (Coicaud, 1999, 102). Se soumettre à ce principe s'inscrit dans des règles qui «sont d'une autre nature que celles que le droit peut prescrire [puisqu'elles] relèvent de la déontologie politique»196(*) L'avantage de ce type de démocratie plus directe, que l'on pourrait appeler processuelle, est de réintroduire la responsabilité politique grâce à une procédure de gouvernance (lieu, procédure et termes d'une négociation) où, comme l'entend la définition de la gouvernance, le politique retrouve une place prépondérante et une responsabilité identifiable, tout en permettant un échange horizontal entre les connaissances disponibles sur un problème publique, dont les connaissances expertes. III. La distinction nécessaire entre le politique et la démarche inclusive Comme on a pu le décrire précédemment, l'émergence de la figure de la Collectivité Providence sur le terrain de la politique inclusive a eu comme conséquence un effort important des élus locaux pour parvenir à dépolitiser le Social en tant que sujet d'intervention, du fait de la connotation politique très importante de la thématique et a impliqué aussi, une nécessaire valorisation des actions publiques envisagées passant par la mise en jeu de la responsabilité des acteurs territoriaux. Se faisant, l'inclusion sociale révèle de part la prépondérance qu'y joue entre autres les départements, la fin de l'étatisme en matière d'inclusion sociale (A), laissant apparaître un oligopole social en matière d'intervenant (B) dont, bien entendu, la Collectivité Providence.
Selon Michel Laroque197(*), la décentralisation remet en cause la mixité Etat collectivité locale sans aborder le problème de fond des relations entre la sécurité sociale et l'aide sociale. Si la seconde affirmation demeure exacte, la première doit être nuancée, la décentralisation ayant connu depuis 1986, des prolongements contractuels notamment dans le domaine social, qui transforme la décentralisation en révélateur de l'existence d'un oligopole des intervenants en matière d'inclusion sociale. La décentralisation a toutefois contribué à rénover le droit de l'aide et de l'action sociale en faisant du département le pivot et le chef de fil des interventions sociales obligatoires. Si elles ont un rôle subsidiaire constituant à instruire les demandes d'aides sociales légales, les communes contribuent à enrichir les interventions sociales en développant seules ou à plusieurs dans le cadre de l'interco, des aides sociales facultatives dont la variété a pu amené la doctrine à s'interroger sur le point de savoir si la décentralisation était compatible avec la garantie de certains droits sociaux qui impliquent le respect du principe d'égalité. Si les services publics territoriaux doivent garantir le principe d'égalité dans le cas de la décentralisation, la question se pose toutefois, de savoir si l'égalité formelle n'est pas un mythe lorsqu'elle est confrontée à la logique de la territorialisation. Le département a été le principal bénéficiaire des compétences sociales de telle sorte qu'il s'érige en collectivité providence. La loi n°86-16 du 6 janvier 1896 oblige les départements à organiser et faire fonctionner un service social départemental qui a pou mission d'aider les personnes en difficulté à retrouver ou à développer leur autonomie de vie. Chargé des dépenses de solidarités dites de proximité, le département gère l'aide sociale aux personnes âgées, la politique de soutien aux personnes handicapées ainsi que l'aide sociale à l'enfance. Son rôle a été élargi à la prise en charge des personnes en situation précaires avec la gestion depuis 2004 du dispositif RMI/RMA Conclusion de la 2ème partieL'exigence de qualité et finalement, l'émergence d'une certaine forme de culture performative semblent désormais clairement se dessiner comme une obligation voire un véritable principe gouvernant la mise en place et le suivi de la politique publique inclusive. Cette culture, cette exigence imprègne ainsi progressivement l'action publique locale via la mise en oeuvre de la pratique évaluative qui permet une véritable rationalisation de l'action publique. Elle trouve désormais à être encadrée, réglementée par ce principe directeur. Elle s'exprime en outre, par une réelle responsabilisation des acteurs locaux. Se faisant, le local redécouvre cet adage économique du début du siècle dernier «La responsabilité est le grand révélateur des possibilités de l'homme»198(*). Le fait que cela se traduise législativement amène à penser qu'une juridicisation se fait lentement, ce qui se traduit par le développement de normes de comportement imposant à l'action publique locale la recherche d'une pleine et entière efficacité. Au confluant finalement du droit et de la pratique, la culture performative et la recherche perpétuelle de la qualité à laquelle elle fait référence, irradie tout le régime de la politique publique, lequel se voit pleinement être imprégné par une redéfinition induite par le management organisationnel. Mieux encore, on se trouve désormais dans la configuration où le local irradié par cette obligation se conforme à une volonté communautaire d'efficacité, d'excellence, ce qui bouleverse, les usages, les pratiques, le Service Public. Pour reprendre S. Braconnier, se fait jours désormais «une promotion d'une théorie économique du service public»199(*). Cela se comprend d'autant mieux dans le cas de la politique inclusive, que nous avons pu constater à quel point elle était intimement liée à la sphère économique, ne serait-ce qu'au travers du tissu économico social local qu'elle tente de rapiécer. A rebours finalement de ses voisins européens, la France et plus précisément les collectivités territoriales se voient directement appliquer, par la promotion de la politique d'inclusion sociale, un nouveau droit, non pas prétorien, pas plus que législatif mais plutôt pragmatique et éminemment pratique : un droit de la performance, de la qualité. Alors faut-il y voir un coup supplémentaire porté à la souveraineté, une preuve de plus de la disparition de l'Etat, du Service public à la française, de cet interventionnisme social qui a longtemps présidé à la politique d'insertion telle que nous l'avons connu ? Sans doute que l'affirmative trouvera sa place ; mais une réponse plus mesurée, nuancée, tenant notamment compte du caractère inéluctable du «recalibrage» de la politique publique sociale locale, paraîtrait plus pertinente. «Le droit vit ; il évolue sans cesse comme tout ce qui vit, sous l'influence du milieu. Observons sans cesse ce milieu : nous comprendrons mieux notre droit» écrivait en 1925, Gaston Jéze200(*). Il apparaît claire que cette leçon trouve ici une belle illustration.
* 193 M. Autès, Le sens du territoire, in Politique sociales, politiques locales ? , Actes de colloque du 21 et 23 Janvier 1998, Ministre de l'éducation nationale, p.15 * 194 O. Beaud , J. -M. Blanquer, « Introduction » à La responsabilité des gouvernants , (sous la direction de Beaud et Blanquer), Descartes et Cie, Paris, 1999 * 195 J.-M. Coicaud, « Légitimité et responsabilité de gouvernants » in O. Beaud,J.-M. Blanquer, La responsabilité des gouvernants, Descartes et Cie, Paris, 1999 * 196 ibid * 197 M. Laroque, Politiques sociales dans la France contemporaines, 1986 * 198 M. Parker Follet, M. Parker Follet- Prophet of managemnt : a celebration of writing from 1920s, Harvard Busines Scholl Press, 1995 * 199 S. Braconnier, Droit des Services Publics, PUF, Thémis, 2003 * 200 G. Jèze, Les principes généraux du droit administratif, 1925, Tome I. |
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