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Dégénérescence morale: Une étude comparative de Gabriel Gradère et De Ferdinand Bringuet dans Les Anges Noirs de François Mauriac et La Retraite aux Flambeaux de Bernard C lavel

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par Virginie Blanche NGAH
Université Yaoundé I - Maà®trise en Lettres Modernes Françaises (Option Littérature) 2007
  

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CHAPITRE IV :

DE L'INTERACTION SOCIALE

Parler de l'interaction sociale dans ce contexte, c'est étudier l'influence réciproque qui s'opère entre le personnage dégénéré et son entourage. Cela revient en d'autres termes à analyser la qualité des rapports existant entre lui et autrui, entre lui et la nature, et même entre lui et Dieu. Par ce chapitre, nous entendons mettre en lumière tous les éléments de la vie sociale de Gabriel et Ferdinand, parce que c'est grâce à toutes ces données que nous pouvons mieux découvrir le personnage dans son essence profonde. 

IV-I- Gradère et Bringuet : Des rapports interhumains

Tout comme l'homme, le personnage est par essence un animal social appelé à vivre perpétuellement en rapport avec autrui. Todorov pour parler des rapports interhumains que supposent la vie en communauté, énonce la pensée anthropologique pour qui la communauté humaine et par analogie celle des personnages,

[est] une espèce à part dont les membres sont sociables et partiellement indéterminés- et qui pour cette raison sont amenés à exercer leur liberté), une morale ([...], chérissant les êtres humains pour eux-mêmes, et accordant la même dignité à tous) [...] 146(*)

Dans la vie en communauté, la famille est la première cellule sociale dans laquelle le personnage évolue. D'ailleurs Todorov insiste sur le fait que  [...] ce qui compte est que les êtres humains vivent et ne peuvent vivre hors société. Croire qu'ils sont par nature asociaux est une aberration ; imaginer que leur but est de le devenir, c'est se complaire dans des illusions. 147(*) Cela veut donc dire qu'un personnage est en principe un être social qui entretient des relations avec son semblable, quelque soit la nature de celles-ci. C'est d'ailleurs une vérité qui transparaît dans Les Anges noirs et La Retraite aux flambeaux. Gabriel, personnage de Mauriac, est un homme sans véritable attache. Ayant grandi sans mère, son enfance n'a pas été facile avec un père dont il ne dit aucun bien et à propos duquel il n'a gardé aucun bon souvenir.

D'un autre côté, Gabriel s'est mal marié ; il ne fait pas un mariage d'amour, mais d'intérêt. Il épouse Adila à qui il fait beaucoup de mal, et compte sur le fait que celle-ci, pour avoir succombé à sa beauté depuis leur jeunesse, se meurt d'amour pour lui. Puisque Jankélévitch souligne que La beauté [...] est la tentatrice par excellence148(*), on comprend qu'il est bien malheureux celui-là qui s'y laisse prendre. Cet amour finit par s'étioler et on ne s'unit que par nécessité. Gabriel est pleinement conscient de ce que sa femme n'éprouve plus rien pour lui et le reconnaît :   Adila ne m'aimait plus. Notre mariage n'était à ses yeux qu'une sorte de réparation. Elle ne pouvait rien contre moi.149(*)

Bien qu'ils aient eu un enfant cinq ans avant leur union, leurs rapports ont toujours été difficiles ; si bien qu'on se demande comment ils sont parvenus à se marier, puisque Gabriel avoue : l'idée d'une vie commune avec Adila me faisait horreur150(*). Entre eux, il n'existe même pas la tiédeur d'un amour jadis existant ; puisqu'Adila résignée, entrait dans le mariage comme elle se fût jetée à la mer.151(*)

En réalité, c'est Gabriel qui dès l'enfance, a créé ce climat d'animosité entre lui et les deux femmes qu'il a toujours su manipuler : Adila et Mathilde. Ayant pris des engagements avec la première, il se rend compte trop tard, que c'est Mathilde qu'il aurait dû épouser. Non seulement cette dernière, plus jolie qu'Adila, lui plaît, et elle est aussi riche que sa cousine. Il se révolte un moment : Je savais ce qu'elle m'offrait. Je comprenais...Trop tard ! À moins de sacrifier Adila... [...] jeter tout de suite Adila par dessus bord.[...] que ma route soit libre enfin, que je puisse enfin être heureux!152(*) Cependant il doit se résoudre à épouser cette martyre, après avoir entraîné la discorde entre les deux cousines. Il n'est aucune personne à qui Gabriel n'ait fait de tort ; tous ont un mauvais témoignage de lui, même l'abbé Forcas. Ce qui fait croire que la vie avec de pareils êtres n'est que luttes cachées, querelles intestines, souffrances morales horribles : un véritable enfer. 153(*)

Dans les premiers mots de sa confession, Gabriel avoue lui-même à ce jeune curé qui a pitié des âmes et qui a une basse opinion de lui : Je ne doute point, monsieur l'abbé, de l'horreur que je vous inspire.154(*) Lorsque Gabriel tente de l'approcher alors qu'il est en visite au château, ce prêtre réagit avec une indifférence qui ne cache pas ce qu'il pense de lui. L'abbé Forcas se comportera ainsi jusqu'à ce qu'il reçoive la confession de ce criminel, qui n'entretient de bons rapports avec personne, même pas avec son propre fils Andrès. Il se sert de cet enfant et le reconnaît : À mon fils aussi, j'ai su plaire ; il est ma dernière conquête et comme les autres, je l'exploite155(*). Andrès qui ne porte pas le nom de famille de son père, a grandi sans véritablement connaître ce dernier qui ne s'est jamais soucié de son éducation. Que son fils l'aime et soit béat d'admiration pour lui, n'empêche pas Gabriel de le tromper pour son propre intérêt. Andrès qui jusque là est, avec Mathilde et l'abbé Forcas, le seul être à l'aimer sincèrement, finit lui aussi par déchanter en le voyant réellement tel qu'il est. Amèrement déçu, il dit à Catherine : Oui tout à coup, j'ai vu, j'ai entendu cet homme que je ne connaissais pas, à l'existence duquel je ne croyais pas. Soudain, il m'apparaissait tel que tu le vois, que vous le voyez tous, ici...Quelle révélation ! 156(*)

Catherine et Symphorien Desbats sont bien avertis en ce qui concerne Gabriel pour qui il n'est plus un mystère. Le vieux Desbats est l'un des ennemis jurés de Gradère et leurs relations sont essentiellement conflictuelles. Les échanges qui existent entre eux sont des rapports de force faits de menaces constantes qui mettent chacun sur le qui-vive. Alors que Gabriel souhaite la mort du vieil homme, ce dernier veut aussi se débarrasser de celui qu'il considère comme un bandit, et se méfie de lui comme de la peste. C'est pour cela qu'il donne ce conseil à Catherine : Ce n'est pas de ta mère qu'il faut s'inquiéter...mais de l'autre, du bandit...[...] Fais attention à tout, petite : aie l'oeil d'abord, à la cuisine...Prends garde au feu. Ne sors pas à la nuit tombée.157(*)

Ce protagoniste est traité de tous les noms : Mathilde dit de lui qu'il est un misérable ; son fils Andrès se demande s'il n'est pas fou ; et Symphorien Débats voit en lui un assassin. Cette mauvaise réputation est due à son attitude et aux relations somme toute mauvaises qu'il a envers presque tout le monde.

Les amitiés de Gradère révèlent simplement qu'entre Aline et lui existe une affinité incontestable. Aussi perfides l'un que l'autre, ces deux personnages entretiennent pendant de longues années, une complicité machiavélique qui ne prend fin que pour laisser place à un climat malsain, fait de tensions, de chantages et de menaces. Tout ceci montre combien Gabriel représente un danger pour son entourage ; et cela explique pourquoi il n'a bonne presse, ni dans cette famille, ni dans le village. Même ceux qui peuvent se fier à lui de temps à autre ne le font pas moins sans réserve, car on sait qu'il est imprévisible et capable de tout.

Tout compte fait, Gabriel Gradère est l'antithèse de Ferdinand Bringuet que tout le monde appelle affectueusement le grand Bringuet. Malgré son physique ingrat qui présente toutes les caractéristiques d'une dégénérescence physique, et malgré la sénilité qu'il présente, c'est un homme bon et facile à vivre. Il est apprécié de tous ; d'où l'accent que semble mettre Clavel sur la bonté du coeur au détriment de la beauté physique.

Ferdinand est apprécié de son voisin qui en plus, se trouve être son ami. Mais il n'y a pas que Jérôme qui l'aime ; tout le village l'apprécie et l'appelle  le bon vivant158(*). Ce personnage, même dans sa façon de marcher, se comporte avec mesure,  comme s'il eût redouté de bousculer les objets et les êtres159(*). Il déteste les conflits, c'est un vrai pacifiste, toujours joyeux et serviable à souhait. Toutes ses relations sont harmonieuses que ce soit avec les petits enfants ou les adultes. Le texte ne déclare aucune personne qui lui en veuille pour quoi que ce soit ; et on découvre qu'en soixante et onze années de vie, il ne s'est battu qu'une seule fois dans sa modeste existence. C'est une nuit où il fut agressé par neuf jeunes qui s'en sont tirés avec plusieurs fractures chacun ; ne sachant pas se battre, le colosse avait simplement empoigné l'un d'eux pour cogner les autres. 

Porté devant le tribunal correctionnel, Ferdinand a présenté la situation avec tellement d'humour, qu'à la fin Il avait été acquitté et toute la salle l'avait acclamé. 160(*) Il fait toujours preuve d'allocentrisme et pendant cette nuit tragique, c'est encore lui qui prend la défense du soldat allemand pour lui épargner l'issue fatale. Il essaie par tous les moyens de convaincre Joseph Marnier de ne pas insister sur la mort du jeune Klaus Bürger, car pour lui : [...] on peut pas tuer un homme comme ça...pour...rien.161(*) Par humanisme et magnanimité, il use de tous les arguments possibles afin de sauver la vie de ce garçon qui représente l'ennemi, mais n' y parvient malheureusement pas. En effet, l'attitude des personnages qui, comme Ferdinand, présentent quelques troubles du comportement, peut avoir une certaine influence qui soit positive.

[En effet...] cette influence n'est pas toujours nuisible. Elle peut se faire sentir dans un sens favorable au bien général, si elle est mise au service d'une idée juste. Avec l'énergie des convictions, la persévérance, le fanatisme, l'absence de scrupules et l'étroitesse d'esprit qui caractérise ces individus, il n'y a pas d'obstacle dont ils n'arrivent à triompher.162(*)

En somme, Ferdinand Bringuet est un homme sociable et pacifiste qui entretient de bons rapports avec tout son entourage. Ses relations sont harmonieuses contrairement à celles de Gabriel Gradère qui n'entretient pour la grande majorité, que des rapports conflictuels avec ses semblables, même ceux qui lui font confiance. Cela entraîne un certain rejet de ses semblables qui craignent ses entourloupes.

* 146 T. Todorov, Le Jardin imparfait, Paris, Bernard Grasset & Fasquelle, 1998, p 49.

* 147 Ibid., p.121.

* 148 V. Jankélévitch, Philosophie morale, op.cit., p.323.

* 149 F. Mauriac, L.A.N., p. 37.

* 150 Ibid., p. 21.

* 151 Ibid., p.29.

* 152 Ibid., pp. 37-39.

* 153 A. Cullerre, La dégénérescence héréditaire, op.cit.

* 154 F. Mauriac, L.A.N., p.5.

* 155 Ibid., p. 48.

* 156 Ibid., pp. 208-209.

* 157 F. Mauriac, L.A.N., p.106.

* 158 B. Clavel, R.A.F., p.100.

* 159 B. Clavel, R.A.F., p.101.

* 160 Ibid., p.103.

* 161 Ibid., p.54.

* 162 A. Cullerre, La dégénérescence héréditaire, op.cit.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984