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Les rapports entre l'homme et la nature. Un analyse critique de l'Ethique de l'environnement

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par Martino AMISI
Institut facultaire Théophile Reyn - Graduat en philosophie 2009
  

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CHAPITRE III : LES CONSIDERATIONS CRITIQUES

3.0. Introduction

Dans les pages précédentes nous avons parcouru les différentes attitudes de l'homme face à la crise environnementale, lesquelles attitudes nous ont révélé différents rapports que l'homme entretient avec la nature.

Au fait, l'anthologie de H.-S. AFEISSA permet de sortir des traditionnelles accusations d'écoterrorisme ou d'écofascisme et rassemble des outils conceptuels importants pour formuler les questions écologiques dans leurs implications éthiques. Cependant, au sortir du parcours proposé par cette anthologie, on peut se demander si les débats d'éthique environnementale présentés ici ne souffrent pas de leur trop grande abstraction, et sont donc séparé de la réalité pratique. On peut aussi reprocher à cette anthologie de souffrir d'une certaine contradiction.

Nous allons ainsi dans ce chapitre indiquer d'une part les mérites de la pensée de l'auteur et, d'autre part ses limites.

3.1. Les mérites

La lecture de l'ouvrage de notre auteur, du début à la fin, semble nous mettre en face d'un procès contre l'anthropocentrisme. Ainsi, l'un des mérites de cet ouvrage est d'avoir établi le principe même de l'anthropocentrisme - l'homme est la fin de la nature - comme cause, si pas la seule, mais la principale cause de la crise de l'environnement qui se vit dans le monde actuel. Il a aussi le mérite d'avoir tenté de donner une solution ou de remédier à cette situation en mettant sur pied de nouveaux principes éthiques tels que :

- l'égalitarisme biotique selon lequel tout organisme a une valeur inhérente,

il est un centre de vie téléologique et un objet moral comme le signifie Paul TAYLOR dans son article « le respect de la nature ». Les organismes vivants, de monocellulaires à l'homme, possèdent de manière égale des fins propres.

- L'égalitarisme biosphérique pour lequel les espèces, les communautés, les

écosystèmes, ont une valeur intrinsèque parce qu'ils sont les matrices des organismes. Ainsi, ayant hissé la nature non humaine au niveau de l'homme, l'homme pourra changer sa vision sur la nature et sa manière d'intervenir dans la nature.

- Le pragmatisme environnemental, finalement, étant une position

intermédiaire entre les partisans de l'éthique anthropocentriste et ceux de l'éthique non anthropocentriste, vient donner solution un peu plus pratique que les précédentes théories en faisant intervenir les intérêts de générations futures dans la gestion actuelle de la nature.

Il faut noter, en outre, le fait que cet ouvrage marque un nouveau tournant dans l'histoire de la philosophie. Depuis des siècles, les philosophes s'évertuaient à chercher ce qui différencie l'homme du reste de la création et les caractéristiques de l'homme qui font de lui un être supérieur au reste de la nature : l'homme agit par la raison, tandis que l'animal agit par instinct ; l'homme a une valeur intrinsèque, le reste de la nature ne sont que des choses, etc. Aujourd'hui c'est le mouvement inverse. Les philosophes cherchent ce qui peut mettre l'homme et l'animal sur un même pied d'égalité sur le plan morale en vue d'harmoniser le rapport homme- animal. Les études acharnées de la recherche d'une valeur intrinsèque dans la nature effectuées par les éthiciens anglo-américains tels que Paul TAYLOR et Rolston III en sont une preuve.

3.2. Les limites

Cet ouvrage d'Afeissa propose une défense de l'environnement à travers la critique d'une morale anthropocentriste. Il s'agit de défendre la nature non pas parce qu'elle est belle ou utile, mais parce que l'homme doit changer son rapport à la nature. On lui propose ainsi le biocentrisme éthique.

Cependant, le biocentrisme présente plusieurs difficultés parce que, au fait, en remettant en cause la délimitation de la morale à la seule humanité, le biocentrisme peut être considéré comme une critique des morales humanistes, plus particulièrement de la morale kantienne. Mais il constitue en même temps une

extension de la morale kantienne, en ce que, comme pour celle-ci, les « fins en soi » ne sont pas des propriétés objectives, mais l'universalisation d'un principe qui est, chez Kant, celui du sujet conscient, et devient, dans le biocentrisme, celui d'une quasi- intentionnalité, d'un quasi-sujet. Avec la valeur intrinsèque, « c'est bien un principe déontologique qui est découvert »43. Comme éthique déontologique, le biocentrisme s'expose aux difficultés classiques de ces éthiques. Certains éthiciens ont pu faire remarquer que si les éthiques déontologiques sont normatives, ou prescriptives et imposent contraintes et obligations. Elles le sont assez pauvrement, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent définir qu'un petit nombre de contraintes. Rolston III remarque que les écosystèmes sont « amoraux », les règles darwiniennes de la survie ne sont pas des règles de justice. Ainsi « de notre observation de la nature, nous ne pouvons donc tirer aucune règle morale, mais seulement appeler à son respect. Les règles du respect ne peuvent être que limitées : il s'agit essentiellement de s'abstenir d'actions intentionnellement nocives »44. C'est d'autant plus insuffisant que l'extension du nombre de porteurs des valeurs a pour conséquence de multiplier les conflits ou les dilemmes.

Comment arbitrer entre une multitude de valeurs intrinsèques qui méritent toutes, d'une manière égale, la considération morale ? D'où la tentative de hiérarchiser les valeurs intrinsèques. Renonçant à l'égalitarisme strict de Paul TAYLOR, Louis LOMBARDI propose de classer les individus biologiques suivant leurs « capacités » plus ou moins grandes. Cela consiste à ordonner les êtres vivants selon leur plus grande proximité à l'homme qui réunit le plus grand nombre de « capacités »45. C'est l'idée développée par William FRANKENA lorsqu'il prend la sensibilité pour critère de la considérabilité morale. Ce qui nous permet d'échapper à l'anthropocentrisme, mais pas à l'anthropomorphisme. Nous sommes portés à protéger les êtres vivants qui nous paraissent les plus remarquables, parce qu'ils sont plus proches de nous, ou parce que nous projetons en eux nos fantasmes ou nos désirs.

Mais, nous ne voyons pas très bien pourquoi le fait d'être plus proche de l'homme donnerait priorité dans les opérations de conservation. La recherche de la

43 C. LARRERE, L'éthique environnementale : axiologie ou pragmatisme ? , Université de Paris1- PanthéonSorbonne-France, inédit., sans date, p. 6.

44 Ibid., p. 7.

45 N. AGAR, Biocentrism and the concept of life (le biocentrisme et le concept de la vie), in « Ethics », n°108 (october 1997), p. 147.

valeur intrinsèque part du refus de ne voir dans la nature que l'ombre portée de l'homme. Le biocentrisme affirme la volonté de protéger la nature pour elle-même. Y introduire une hiérarchie dont le principe est la proximité de l'homme est une façon de nier le biocentrisme de l'intérieur.

Le biocentrisme semble donc déboucher sur une impasse pratique. Outre sa difficulté à formuler des règles pour trancher les conflits de valeur, Norton a pu faire remarquer que cette éthique individualiste46 convenait mal à la protection de la nature dont l'éthique environnementale est censée fournir les règles. La protection de la nature, en effet, ne prend pas seulement en charge des organismes vivants, mais aussi des éléments abiotiques ou des systèmes non organiques. Sur tout cela, la valeur intrinsèque n'a rien à dire.

A ces critiques pratiques, on peut en ajouter une qui porte plus sur le fond. La recherche de la valeur intrinsèque s'enracine dans une critique de la raison instrumentale. L'anthropocentrisme est accusé de ne voir dans la nature qu'un ensemble de ressources, de ne valoriser la nature qu'en l'instrumentalisant. Or, à l'issue de la quête de la valeur intrinsèque, nous découvrons que la vie, de part en part, n'est qu'instrumentalisation : ne dit-on pas que vivre c'est détruire d'autre vies et que la vie ne se perpétue que si tout être vivant est, tour à tour, consommateur et consommé, et que c'est leur capacité à instrumentaliser leur monde, ou leur environnement, qui qualifie les entités vivantes comme des valeurs intrinsèques comme nous l'avons vue dans les lignes qui précèdent. Alors comment pouvons- nous voir dans l'instrumentalisation précédemment décriée, la source de la valeur de tout être vivante ? Comment pouvons-nous appeler à respecter chez n'importe quel être vivant ce que nous avons d'abord condamné chez l'homme ? Il y a là un paradoxe qui affecte profondément le biocentrisme.

De plus, le biocentrisme, en affirmant l'égalité de tous les êtres vivants, dénie aux hommes toute dignité particulière. Cependant, il fait de l'homme le destinataire d'une injonction morale : le respect de la nature.

46 H.-S. AFEISSA, Op. Cit., pp.263-268.

Pour Gilbert HOTTOIS, « l'anti-anthropocentrisme, fréquent dans les éthiques du vivant, est une position formellement contradictoire: ce sont toujours des hommes qui affirment une valeur, une norme, un point de vue, prétendument non humains. Le problème procède en partie du préjugé propre à de nombreuses éthiques environnementales suivant lequel l'anthropocentrisme est toujours et inévitablement anti-écologique, instrumentaliste, exploiteur. Or, il n'y a là nulle nécessité: les hommes, individus et collectivités, ne cessent de valoriser spontanément ou délibérément des choses, des êtres, des situations comme des fins à favoriser, à protéger, à préserver. En ce qui concerne la nature et les êtres vivants, l'anthropocentrisme pris au sérieux souligne toute la responsabilité humaine: ce sont des hommes qui décident, sur base de raisons et de sentiments, de respecter, protéger, utiliser les vivants non humains »47.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore